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Date : 20020911

Dossier : IMM-378-02

Référence neutre : 2002 CFPI 953

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 11 SEPTEMBRE 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                            HANH HUU HUYNH

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                M. Huynh affirme que la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section d'appel) a commis une erreur en concluant qu'il ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer que sa femme, Thi Thu Thuy Le, appartenait à la catégorie des parents.

[2]                À l'époque en cause, le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 disposait :


4.              (3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.

4.              (3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other    spouse.

La Section d'appel a conclu que Mme Le avait effectivement épousé M. Huynh principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada en tant que parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec M. Huynh au Canada.

[3]                Pour en arriver à cette conclusion, la Section d'appel a estimé que M. Huynh était évasif et réservé au sujet des raisons pour lesquelles il avait parrainé sa fiancée, Thi Thu Thuy Le, pour ensuite retirer sa demande. La Section d'appel a également conclu que Mme Le avait considérablement modifié son témoignage entre le moment de son entrevue avec l'agent des visas et l'instruction de l'appel.

[4]                Ces conclusions, combinées aux éléments de preuve portant sur la façon dont le mariage avait été arrangé, la longue période de temps qui s'était écoulée entre leur première rencontre et le mariage et le peu de communication entre M. Huynh et Mme Le entre les courtes visites de M. Huynh au Vietnam, ont amené la Section d'appel à conclure qu'il ne s'agissait pas d'un mariage authentique.

[5]                L'avocate qui occupe pour M. Huynh dans le cadre de la présente instance affirme que la Section d'appel a commis une erreur parce qu'elle a accordé une importance excessive au manque de crédibilité du témoignage de son client alors que l'intention sur laquelle il lui fallait porter son attention était celle de Mme Le. L'avocat du demandeur soutient par ailleurs que la Section d'appel a commis une erreur en concluant que Mme Le avait modifié son témoignage au sujet du moment où elle a su qu'elle était amoureuse de M. Huynh.

[6]                Dans la mesure où M. Huynh attaque les conclusions de fait tirées par la Section d'appel, les conclusions en question ne peuvent être modifiées que si l'on conclut qu'elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section d'appel disposait. Il s'agit essentiellement de la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable.

[7]                À l'appui de son argument que la Section d'appel n'a pas accordé suffisamment de poids au témoignage donné par Mme Le au sujet de ses intentions, M. Huynh fait observer que le procès-verbal de l'audience qui s'est déroulée devant la Section d'appel contient 57 pages dans le cas du témoignage de M. Huynh, mais seulement 24 pages dans le cas du témoignage de Mme Le. M. Huynh soutient également que la décision écrite de la Section d'appel compte trois pages d'observations au sujet de sa crédibilité, mais moins d'une page pour ce qui est de la crédibilité de Mme Le.

[8]                Je ne trouve pas cet argument convaincant pour les raisons suivantes. En premier lieu, dans ses motifs, la Section d'appel ne s'est pas trompée sur le critère applicable, en l'occurrence que c'est l'intention de Mme Lee qu'il faut examiner. Deuxièmement, un argument purement mécanique reposant sur la comparaison du nombre de pages d'un procès-verbal ou d'une décision consacrées à un témoin par rapport à un autre n'est pas d'une grande utilité. C'est la qualité du contenu du dossier ou des motifs écrits qui compte. Or, il ressort de ses motifs que la Section d'appel a effectivement tenu compte de l'ensemble du témoignage que Mme Le a donné à l'audience et dans son entrevue avec l'agent des visas. La Section d'appel n'a pas omis de tenir dûment compte des intentions et du témoignage de Mme Le. Finalement, lors de l'audience de la Section d'appel, M. Huynh et Mme Le étaient représentés par un avocat qui aurait pu interroger et réinterroger plus à fond Mme Le. La façon dont leur avocat a choisi de mener l'affaire ne justifie pas le reproche que la preuve soumise à l'audience était trop axée sur M. Huynh.

[9]                Pour ce qui est du témoignage de Mme Le sur la question du moment où elle a commencé à éprouver des sentiments pour M. Huynh, l'agent des visas a noté les questions et réponses suivantes dans ses notes SITCI :

[TRADUCTION] Quand vous a-t-on présenté votre parrain pour la première fois? En février 1992. Quant avez-vous commencé à avoir des sentiments l'un pour l'autre? Elle a répondu qu'en 1992, ils venaient de se rencontrer. Je répète donc ma question. Réponse : en 1997.

[10]            Voici ce que Mme Le a déclaré dans son interrogatoire principal :

[TRADUCTION]

Q              Quels étaient vos sentiments pour lui à ce moment-là lorsqu'il est revenu en 1998?

A              Mes sentiments à son égard? Il me plaisait beaucoup, je lui avais déjà dit depuis 1993 que je l'aimais.

[11]            Lors de son contre-interrogatoire, elle a déclaré ce qui suit :

Q              Très bien. Vous dites que c'était un mariage d'amour. Quand avez-vous commencé à éprouver des sentiments l'un pour l'autre?

A              Lorsque nous avons appris à nous connaître, en 1992, depuis 1992, depuis 1993 c'est alors que je, que nous avons découvert qu'on s'aimait.

Q              Pardon, 1992 ou 1993?

A              Entre 1992 et 1993.

Q              Eh bien, Madame, vous rappelez-vous la question que l'agent des visas vous a posée lors de votre entrevue?

A              Oui, je m'en souviens.

[...]

Q              Madame, l'agent des visas vous a posé la question suivante :

Quant avez-vous commencé à avoir des sentiments l'un pour l'autre?

Q              Elle a répondu qu'en 1992, ils venaient tout juste de se rencontrer. J'ai répété la question :

A              En 1997.

1992 est devenu 1997. Si j'ai bien compris, vous avez dit à l'agent des visas que vous avez commencé à avoir des sentiments en 1997, Madame. N'est-ce pas plus...

A              Non, j'ai commencé à éprouver des sentiments en 1993.

Q              Pourquoi n'avez-vous pas dit ça à l'agent des visas à ce moment-là?


[...]

LA DEMANDERESSE, LE : Peut-être... J'étais tellement nerveuse.

[12]            On ne saurait qualifier d'abusive ou d'arbitraire la conclusion de la Section d'appel suivant laquelle Mme Le a changé son témoignage sur ce point ou encore affirmer qu'elle a tiré cette conclusion sans tenir compte de la preuve.

[13]            Bien que les éléments de preuve soumis à la Section d'appel auraient pu justifier une décision favorable, la décision que la Section d'appel a rendue n'est pas pour autant entachée d'une erreur qui en justifierait le contrôle judiciaire. Il était raisonnablement loisible à la Section d'appel de rendre cette décision sur le fondement de ses conclusions au sujet de la crédibilité et des éléments de preuve dont la Section d'appel a tenu compte en ce qui concerne la façon dont le mariage avait été arrangé, la durée de la relation et le peu de communication entre M. Huynh et Mme Le à l'époque. Malgré l'habile plaidoyer de l'avocate de M. Huynh, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[14]            Les avocats n'ont soumis aucune question à certifier, de sorte qu'aucune question ne l'est.

                                        ORDONNANCE

[15]            LA COUR :

1.          REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

2.          NE CERTIFIE aucune question.

                                                                         « Eleanor R. Dawson »          

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-378-02

INTITULÉ :               Hanh Huu Huynh c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 28 août 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                                   le 9 septembre 2002

COMPARUTIONS :

Me Renee Miller                                 POUR LE DEMANDEUR

Me Emi Pech                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Renee Miller Law Corporation               POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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