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Date : 20000620


Dossier : IMM-3806-99


Toronto (Ontario), le mardi 20 juin 2000


EN PRÉSENCE DE Madame le juge Reed


ENTRE :


AZAMAT TUGAMBAYEV ET TATYANA TUGAMBAYEVA,


demandeurs,


- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.

    


     ORDONNANCE


     La demande est rejetée

                                 « B. Reed »

     J.C.F.C.


Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.






Date : 20000620


Dossier : IMM-3806-99



ENTRE :


AZAMAT TUGAMBAYEV ET TATYANA TUGAMBAYEVA,


demandeurs,


- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.

    


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED


[1]      Je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur. La Commission a le droit de demander que la preuve produite devant elle se limite à la question de l'existence d'un lien avec l'un des motifs énoncés dans la Convention avant d'entreprendre un examen plus général de la revendication d'un demandeur. Il ne s'agit pas d'une preuve de partialité ni d'un motif permettant de conclure à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. Il s'agit d'un emploi judicieux du temps.

[2]      J'admets que certaines phrases du président du tribunal lorsqu'il a expliqué la démarche de la Commission à l'audience étaient peut-être trop générales :

         [TRADUCTION]

Je pense, M. le conseil, que je ne vois pas comment vous pouvez établir que les revendicateurs étaient considérés comme des Juifs et appuyer ce fait sur une allégation provenant des revendicateurs eux-mêmes.
[Non souligné dans l'original.]
Ce genre de déclaration orale faite au cours d'une audience doit toutefois être appréciée eu égard à l'ensemble de l'audience et des motifs de la décision de la Commission. Le président de l'audience a aussi dit à l'audience :
         [TRADUCTION]
... Je n'ai pas dit que pour chaque allégation, les revendicateurs devaient prouver - - devaient fournir une preuve corroborante, quoique s'il existe une telle preuve corroborante externe et que le revendicateur omet de la fournir, le tribunal a le droit de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité du revendicateur.
     De même, nous ne diminuons pas la valeur probante qui devrait être accordée au témoignage du revendicateur, à la condition que ce témoignage concerne directement les aux questions dont nous avons été saisis.
     Les revendicateurs ont eu l'occasion de présenter une preuve directe et celle-ci se verra accorder le poids qui lui est dû. Mais cette preuve devrait concerner directement la question dont nous avons été saisis, savoir l'identité ethnique du revendicateur.
....
     ... Je crois que - qu'il est loisible au tribunal de le faire et nous nous laissons la possibilité si, à un moment ou à un autre, nous sommes convaincus de l'identité, d'entendre alors le reste du récit.
     Mais je crois que, pour l'instant, nous allons examiner la question de l'identité et de la perception.
Conseil : Dois-je comprendre que vous ne voulez pas que je passe en revue les détails à partir du paragraphe 4?
[Le président de l'audience] : À moins que cela ne concerne la question de l'identité ou de la perception.
Conseil : Comme elle concerne certainement la perception, j'exposerai la preuve.
[Le président de l'audience] : ... mais je ne comprends pas comment les détails de la raclée qui a été infligée concernerait la question de la perception et de l'identité.
Mais évidemment, je pense que la manière dont vous étiez ou seriez identifiés comme Juifs ou comme membres d'un groupe minoritaire serait pertinente pour la question en cause.
[3]      Je souligne que la raison pour laquelle la Commission a conclu que les demandeurs n'avaient pas démontré que leur origine ethnique ou leur religion était le motif pour lequel des sévices leur avaient été infligés au Kazakhstan était qu'elle avait accepté une partie de leurs témoignages oraux. Ainsi, la Commission n'a pas rejeté la preuve simplement parce qu'elle provenait des témoignages oraux des demandeurs eux-mêmes.
[4]      Les demandeurs sont une mère et son fils, Tatyana et Azamat Tugambayeva, des citoyens du Kazakhstan. La mère de Tatyana était Juive ou à moitié Juive; son père était à moitié Kazakh et à moitié Ouïgour. Tatyana a épousé un Kazakh; ils ont divorcé quelques années plus tard, après la naissance d'Azamat. En 1994, Azamat a fréquenté la Almaty Humanitarian University. Il étudiait en droit. Les deux demandeurs affirment que lorsqu'il a rempli, en 1997, une formule relative à un stage exécuté dans le cadre de ses études universitaires, Azamat a indiqué que sa mère était de nationalité juive. Le fils prétend que son stage à l'université a été annulé pour cette raison et que la persécution dont sa mère et lui-même ont fait l'objet en tant que Juifs a alors commencé.
[5]      La Commission n'a pas retenu la preuve selon laquelle le fils avait rempli la formule comme il l'a indiqué. Elle n'a pas retenu les affirmations des demandeurs qui ont prétendu avoir subi des agressions physiques à cause de l'origine ethnique juive qui leur a été attribuée.
[6]      La Commission a fait remarquer que la mère, Tatyana, ne parlait pas hébreux, savait peu de choses au sujet des traditions juives, n'avait pas un nom juif, avait indiqué qu'elle était « athée » dans son FRP, n'avait aucun document personnel (tel un passeport ou une attestation d'études) antérieur à l'effondrement de l'Union soviétique indiquant qu'elle était Juive (même s'il est connu que sous l'ancien régime soviétique, les documents officiels portaient une telle mention). La Commission a fait remarquer que Tatyana a produit un document, le double d'un certificat de naissance délivré au Kazakhstan en 1997 et indiquant qu'elle était Juive, et qu'il était bien connu que des milliers de faux documents de ce genre étaient délivrés. Même si la Commission l'avait invitée à le faire, Tatyana ne lui a pas fourni une copie du certificat de naissance de sa soeur qui aurait pu permettre de corroborer son allégation que le document de 1997 était une reproduction exacte de son certificat original. La Commission a fait remarquer que Tatyana n'avait produit aucune lettre de référence d'une organisation juive au Canada ou au Kazakhstan pour confirmer qu'elle était Juive. Elle a épousé au Canada son deuxième mari qui a affirmé qu'il était important pour lui de se marier avec une Juive, mais le mariage a eu lieu à l'hôtel de ville devant une personne pour laquelle on a indiqué « orthodoxe » comme confession religieuse.
[7]      La Commission a souligné que même si le fils a été en mesure de parler des fêtes juives, son témoignage a semblé avoir été répété et mémorisé. Il a été incapable d'expliquer l'un des rituels juifs importants relativement aux funérailles de sa grand-mère. Il a été incapable de se souvenir du nom du cimetière juif dans lequel elle aurait été inhumée. Comme on l'a indiqué plus haut, la Commission n'a pas retenu son témoignage selon lequel il avait révélé son origine ethnique juive dans une formule de la faculté de droit en 1997 :
         [TRADUCTION]
Lorsqu'on lui a demandé comment il avait pu cacher son origine ethnique lors de ses admissions antérieures à l'école et ce qu'il y avait de différent dans les formules qu'il avait remplies en 1997, le revendicateur a été incapable de fournir une explication. De plus, il semble peu plausible que le revendicateur aurait pu s'identifier volontairement comme Juif dans une formule de demande remplie en 1997 alors qu'il est identifié comme Kazakh dans tous ses documents personnels. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il aurait volontairement révélé les supposées origines juives de sa mère alors qu'il est indiqué dans ses documents personnels que ses parents et lui sont Kazakh, le revendicateur a indiqué qu'il ignorait les conséquences d'une telle admission. Le tribunal n'est pas d'accord; à son avis, il est invraisemblable qu'une personne qui a passé toute sa vie dans l'ancienne Union soviétique puisse avoir ignoré les conséquences découlant du fait de divulguer ses origines juives. C'est d'autant plus vrai en l'espèce étant donné que le revendicateur prétend que sa grand-mère était Juive et qu'ils ne pouvaient pas pratiquer librement leur religion et célébraient les fêtes juives en cachette à la maison.

[8]      La Commission a souligné que le fils porte un nom kazakh, que toutes ses pièces d'identité précisent qu'il est Kazakh, que son certificat de naissance indique que ses parents sont Kazakh, qu'il ressemble plus à un Kazakh qu'à un Juif et qu'il a indiqué qu'il était athée dans son FRP.
[9]      Un examen du dossier n'indique pas qu'il y a eu partialité ou crainte raisonnable de partialité. Il n'indique pas non plus que la Commission a commis une erreur de droit ou a mal interprété la preuve. La Commission a évalué la preuve dont elle a été saisie, comme elle devait le faire, et a appuyé sa conclusion sur celle-ci.
[10]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.     


                                 « B. Reed »
                                     J.C.F.C.
Toronto (Ontario)
Le 20 juin 2000

Traduction certifiée conforme


Suzanne Bolduc, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    

     Avocats et avocats inscrits au dossier


No DU GREFFE :                      IMM-3806-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :                  AZAMAT TUGAMBAYEV ET TATYANA TUGAMBAYEVA

    

                             - et -
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION         
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 20 JUIN 2000

                            

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge REED en date du mardi 20 juin 2000


ONT COMPARU :

Michael Crane     

                             pour les demandeurs


Marcel Larouche

                             pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane

Avocat

166, Pearl Street

Pièce 200

Toronto (Ontario)

M5H 1L3

                             pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                        

                             pour le défendeur






                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 20000620

                        

         Dossier : IMM-3806-99


                             Entre :

                             AZAMAT TUGAMBAYEV ET TATYANA TUGAMBAYEVA,

     demandeurs,


                             - et -



                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                        

     défendeur.



                    

                            

        

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

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