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Date : 20030626

Dossier : IMM-3112-02

Référence : 2003 CFPI 787

Ottawa (Ontario), le jeudi 26 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                      ALLEN NASH SIMBARASHE MASUNDA

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON


[1]                 M. Masunda est un citoyen du Zimbabwe qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en se fondant sur ses opinions politiques. Le tribunal de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SSR) a rejeté la revendication présentée par le demandeur parce que, selon ce qu'il a déclaré, « les divergences importantes dans la preuve déposée devant lui l'amènent à conclure que la revendication du revendicateur, selon laquelle il a communiqué des renseignements secrets au parti de l'opposition, de telle sorte que sa vie serait maintenant en danger au Zimbabwe » n'était pas crédible. M. Masunda soumet la présente demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision de la SSR.

[2]                 En résumé, M. Masunda prétend ce qui est ci-après énoncé. Pendant 20 ans, il a travaillé à titre d'agent à la 5e division de l'organisation centrale du renseignement du Zimbabwe, la Central Intelligence Organization (CIO). Les fonctions de M. Masunda dans cette division incluaient la protection du président du Zimbabwe, Robert Mugabe, le travail préparatoire aux visites présidentielles et la collecte de renseignements utiles à la CIO à l'identification des dangers pour le président.


[3]                 M. Masunda affirme qu'en 2000 il a transmis des renseignements secrets à un membre du Mouvement pour la démocratie et le changement (MDC), un parti politique d'opposition. M. Masunda déclare qu'il a fait cela après 20 ans de service auprès du gouvernement parce qu'il était vexé de la façon dont lui et les autres agents gouvernementaux étaient traités et fâché de la façon selon laquelle le président dirigeait le pays. En juin 2000, des membres du gouvernement ont appris que M. Masunda avait transmis des renseignements secrets et il a alors commencé à recevoir des appels téléphoniques anonymes d'individus qui lui disaient qu'ils savaient qu'il avait transmis des renseignements au MDC. M. Masunda déclare que ses propres sources, des sources fiables, au bureau du président lui ont dit d'être prudent et il a reçu un appel téléphonique de la part d'une secrétaire du CIO le prévenant qu'une enquête était tenue à son endroit.

[4]                 À l'égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la SSR, j'accepte, pour les motifs ci-après énoncés, les observations de l'avocat de M. Masunda selon lesquelles deux des conclusions du tribunal n'ont pas été tirées de façon appropriée.

[5]                 Premièrement, le tribunal n'a énoncé aucun motif pour sa conclusion selon laquelle il n'était pas crédible que deux hommes se soient rendus chez la mère de M. Masunda à la recherche de ce dernier parce qu'il avait communiqué des renseignements secrets. La SSR a l'obligation d'énoncer des motifs lorsqu'elle rejette le témoignage sous serment d'un revendicateur et elle a commis une erreur en omettant de le faire.


[6]                 Deuxièmement, la SSR n'a pas cru que M. Masunda détenait à l'égard de la corruption du gouvernement Mugabe des renseignements secrets qui n'étaient pas déjà publiquement connus. La SSR a renvoyé à certains éléments de preuve documentaire qui traitaient de la corruption du gouvernement dont elle disposait à ce moment. À mon avis, la SSR a commis une erreur lorsqu'elle a rejeté, pour le motif qu'elle a énoncé, le témoignage de M. Masunda. La SSR a omis de prendre en compte la nature particulière des renseignements que M. Masunda a déclaré avoir transmis au parti d'opposition. Bien que la corruption puisse avoir été bien connue, les documents sur lesquels la SSR s'est fondée ne mentionnaient pas ou ne comprenaient pas les renseignements particuliers que M. Masunda a déclaré avoir transmis au parti d'opposition. Les documents sur lesquels la SSR s'est fondée ne contredisaient pas, par conséquent, le témoignage du demandeur.

[7]                 Malgré ces erreurs, je suis convaincue que les motifs énoncés par la SSR sont quand même suffisants pour appuyer sa conclusion selon laquelle la prétention de M. Masunda quant au fait que sa vie était maintenant en danger au Zimbabwe n'était pas crédible.

[8]                 Il y avait, comme la SSR a conclu, une divergence importante entre le fondement de la crainte de M. Masunda, selon ce qu'il a déclaré à l'agent au point d'entrée, et le fondement de cette crainte selon ce qu'il a déclaré à la SSR. Compte tenu de la description précise de cette crainte dans les notes consignées au point d'entrée, la SSR pouvait pleinement rejeter l'explication de M. Masunda selon laquelle il n'avait pas fait de telles déclarations à l'agent. M. Masunda a prétendu dans le contexte de la présente demande de contrôle judiciaire que l'agent pouvait simplement l'avoir mal compris. Cependant, M. Masunda ne s'est pas plaint à la SSR qu'il ne pouvait pas comprendre l'agent ou que l'agent semblait avoir de la difficulté à le comprendre.


[9]                 Même si dans son témoignage M. Masunda a effectivement utilisé le bon acronyme lorsqu'il a mentionné le MDC, il a été incapable de donner le nom complet exact du parti les deux fois qu'on lui a demandé de le faire. Il n'était manifestement pas déraisonnable pour la SSR de conclure que M. Masunda aurait dû connaître le nom exact du parti qu'il prétendait avoir aidé.

[10]            De la même façon, la SSR pouvait tirer une conclusion défavorable du fait qu'après juin 2000 (lorsque des membres du gouvernement ont soi-disant appris que M. Masunda aidait le parti d'opposition), il n'y a eu aucune mesure prise à l'endroit du demandeur par le gouvernement. Au cours de la période ayant suivi la découverte de ce qu'il avait fait, il aurait été facilement possible de trouver M. Masunda, soit à l'hôpital soit chez lui.

[11]            La SSR a en outre fait remarquer à bon droit que même si M. Masunda avait à un moment témoigné qu'il n'avait découvert qu'en février 2000 la corruption gouvernementale, et la saisie des fermes appartenant à des blancs, il avait dû connaître ces renseignements plus tôt en raison du poste qu'il occupait dans la CIO. Effectivement, M. Masunda a par la suite déclaré que la seule fois qu'il avait transmis des renseignements au parti d'opposition était en décembre 1999. Un élément d'information qu'il avait fourni à ce moment touchait la corruption à l'égard d'une ferme appartenant à un blanc qui avait été saisie et par la suite donnée à un parent du président. Cette déclaration contredisait son témoignage selon lequel il n'avait découvert qu'en février 2000 la corruption gouvernementale à l'égard des fermes appartenant à des blancs.


[12]            Je conclus donc que les deux erreurs précédemment énoncées n'étaient pas déterminantes dans la décision définitive. Par conséquent, malgré l'argumentation approfondie de l'avocat de M. Masunda, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[13]            Aucun des avocats n'a proposé une question aux fins de la certification et la présente affaire n'en soulève aucune.

ORDONNANCE

[14]            PAR LA PRÉSENTE, LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                          SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-3112-02

INTITULÉ :                                           Allen Nash Simbarashe Masunda c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 3 juin 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        Le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                        Le 26 juin 2003

COMPARUTIONS :

Roger Rowe                                            POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Roger Rowe

Avocat

North York (Ontario)                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général              POUR LE DÉFENDEUR


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