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Date : 20060223

Dossier : T-419-05

Référence : 2006 CF 241

Ottawa (Ontario), le 23 février 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

OLIVER ADRIAN FLECK

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
représentant LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
et LE MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Le 11 juillet 2000, M. Oliver Adrian Fleck, le demandeur, est entré au service du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le ministère), suivant son appellation à l'époque, comme agent du service extérieur. Son emploi, dans le cadre du Programme de perfectionnement du service extérieur (PPSE), était assujetti à un stage probatoire d'une durée de cinq ans. Le 22 juillet 2004, il a été mis fin à l'emploi de M. Fleck. Suivant les termes du ministère, il [traduction] « était renvoyé en cours de stage » . En plus de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) et un grief à l'encontre de son renvoi, il a présenté la présente demande à l'égard de certains aspects de son emploi.

[2]         M. Fleck a initialement présenté une demande de contrôle judiciaire pour forcer le ministre des Affaires étrangères (le ministre) à exécuter trois tâches administratives liées et subséquentes à la cessation de son emploi au ministère. Ces tâches étaient les suivantes :

  • la tenue d'une audience au dernier palier de la procédure du grief;
  • la transmission des formulaires liés au transfert d'un certain fonds de pension à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada;
  • la réalisation d'évaluations de rendement pour la période allant d'août 2002 à juillet 2004.

[3]         M. Fleck reconnaît que les deux premières tâches ont été exécutées; tout ce qu'il reste, c'est la question des évaluations du rendement manquantes. De plus, M. Fleck abandonne ses demandes de jugement déclaratoire ou ses arguments liés à la Charte canadienne des droits et libertés.

[4]         M. Fleck prie la Cour de lui accorder une ordonnance de mandamus pour forcer le ministre à effectuer les évaluations de rendement manquantes.

[5]         La seule question dont la Cour est saisie est de savoir si une ordonnance de mandamus devrait être délivrée pour forcer le ministre à préparer et livrer les évaluations manquantes. Avant de délivrer une ordonnance de mandamus, la Cour doit s'assurer notamment que les conditions suivantes sont réunies (Apotex Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.F.), décision confirmée à [1994] 3 R.C.S. 1100) :

  • Il doit exister une obligation légale d'agir à caractère public.
  • Il existe un droit clair d'obtenir l'exécution de cette obligation.
  • L'ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique.
  • Il doit y avoir une demande et un refus d'exécution de l'obligation.

[6]         À l'égard des évaluations du rendement, que manque-t-il? Dans un document daté du 26 mars 2004, M. Fleck a obtenu une évaluation pour la période allant du 11 juillet 2000 au 20 août 2002. À l'audition de la présente demande, on a révélé l'existence d'une évaluation pour la période allant du 7 novembre 2003 au 2 mai 2004. J'ai reçu confirmation qu'une copie de cette évaluation a été remise à M. Fleck. Par conséquent, les seules évaluations manquantes - celles à l'égard desquelles une ordonnance de mandamus pourrait être délivrée - sont celles rapportant à la période allant du 21 août 2002 au 6 novembre 2003.

[7]         Je suis disposée à accepter que le ministre a refusé de préparer les évaluations manquantes. Dans une lettre datée du 6 janvier 2006, le défendeur a avisé M. Fleck et la Cour que le superviseur de M. Fleck, pour une partie de la période en question, avait quitté la fonction publique et n'était pas disponible pour effectuer l'évaluation. Il m'apparaît que cela est un refus. Toutefois, c'est le seul élément du critère auquel M. Fleck peut satisfaire; il échoue aux trois autres.

[8]         Premièrement, je ne vois pour le ministre aucune « obligation légale à caractère public » de fournir les évaluations de rendement. M. Fleck n'a pas présenté de preuve qui établirait une obligation de fournir des évaluations de rendement aux agents du service extérieur en stage probatoire. Il ne suffit pas de dire simplement qu'il est [traduction] « de coutume » pour les fonctionnaires d'avoir droit à des évaluations régulièrement et que les agents du service extérieur sont soumis à des évaluations à certains intervalles. Il n'y a aucun fondement sur lequel je peux m'appuyer pour décider de l'existence d'une pratique coutumière du ministère, d'une obligation contractuelle ou de tout type d'obligation susceptible d'exécution forcée.

[9]         En outre, je ne suis pas en mesure de déterminer si les évaluations de rendement doivent être fournies aux agents en stage probatoire qui ont été renvoyés. Par conséquent, il m'est impossible de conclure que M. Fleck, en tant qu'ancien employé, a un droit clair d'obtenir une évaluation de rendement pour les périodes où il était employé.

[10]       La troisième condition - l'incidence de l'exécution - est également problématique. M. Fleck a été direct lorsqu'il a répondu à mes questions sur l'incidence possible d'une ordonnance de mandamus. Il a admis que les évaluations manquantes n'auraient aucune incidence sur le salaire antérieur. Il en va ainsi parce que, durant les périodes visées, il occupait un poste intérimaire, ce qui signifie qu'il était payé suivant une échelle salariale différente et plus élevée que celle à laquelle il aurait normalement été assujetti. Il reconnaît que le seul avantage possible serait de lui procurer une preuve pour l'aider dans la procédure de règlement du grief qu'il a soulevé et dans la plainte qu'il a déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP). Jusqu'à maintenant, le grief a été rejeté et il a fait appel de la décision du dernier palier de grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique (CRTFP). Sa plainte à la CCDP est en suspens dans l'attente du règlement du grief.

[11]       La faille dans l'argument de M. Fleck sur ce point est que je ne dispose d'absolument aucune preuve démontrant que les évaluations manquantes l'aideraient dans l'appel de son renvoi. Il n'y a aucune preuve que M. Fleck a été renvoyé en raison d'un piètre rendement. Bref, rien ne démontre que ces évaluations de rendement sont même pertinentes quant aux décisions de la CRTFP ou de la CCDP. Eu égard à ces circonstances, il m'est impossible de conclure que les évaluations de rendement manquantes et, par conséquent, l'ordonnance de mandamus de la Cour, auront une incidence sur le plan pratique.

[12]       En conclusion, je refuse d'exercer mon pouvoir discrétionnaire et de délivrer une ordonnance de mandamus pour forcer le ministre à effectuer les évaluations de rendement manquantes. M. Fleck ne m'a pas convaincue que le ministre avait une obligation légale à caractère public de fournir ces évaluations, qu'il bénéficiait d'un droit clair d'obtenir d'autres évaluations ou que l'ordonnance aurait une incidence sur le plan pratique. La demande sera rejetée.

[13]       Le défendeur réclame les dépens. Toutefois, je note que le ministère a répondu très tardivement aux demandes de renseignements de M. Fleck. Si les renseignements avaient été fournis en temps opportun, il est permis de croire que la présente demande n'aurait pas été nécessaire. Aussi, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, je refuse d'adjuger les dépens.

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE :

            1. La demande est rejetée.

            2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              T-419-05

INTITULÉ :                                                            OLIVER ADRIAN FLECK

                                                                                c.

                                                                                LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU          CANADA et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                    LE 20 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                           LE 23 FÉVRIER 2006

COMPARUTIONS :

Oliver Adrian Fleck

              POUR LE DEMANDEUR

Joanna Hill

              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vic Toews                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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