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Date : 20030424

Dossier : T-1125-02

Référence : 2003 CFPI 505

Ottawa, Ontario, ce 24ième jour d'avril 2003

En présence de :         L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                                       FOLIOT INC.

                                                                                                                                             Demanderesse

                                                                                   et

                                          HEARTWOOD MANUFACTURING LTD. et

MEDECINE HAT COLLEGE

Défenderesses

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande d'injonction interlocutoire par la demanderesse, Foliot Inc. ("Foliot") contre Heartwood Manufacturing Ltd. ("Heartwood") et Medecine Hat College ("Collège") demandant d'interdire de produire et reproduire, autant sous forme de plan que sous la forme tridimensionnelle, un lit capitaine construit comme celui du demandeur.                    

[2]                 En 1996, Foliot a dessiné et manufacturé un lit capitaine qui, au lieu d'avoir une structure de bois dans son ensemble, avait une structure de soutien en métal combinée avec un revêtement de bois pour fin décorative et des tiroirs sur roulettes.

[3]                 Foliot n'a pas enregistré son concept de lit capitaine au bureau des brevets en vertu de la Loi sur les brevets,L.C., ch. P-4, et ne l'a ni protégé en vertu de la Loi sur les dessins industriels, L.C., ch. I-9.

[4]                 Dans des documents d'appels d'offres pour des lits capitaines pour meubler les résidences d'étudiants préparés par le Collège en collaboration avec Heartwood, on retrouve une description d'un lit capitaine qui se réfère à une structure métallique.    Ayant vu le prototype d'Heartwood, Foliot est d'opinion que celui-ci est un lit capitaine qui s'apparente à son propre lit capitaine. Cependant, Heartwood prétend que sa structure de soutien métallique est différente car, contrairement à celle de Foliot qui est fixée à tous ses joints, la sienne se démonte pour fin d'entreposage.

[5]                 Foliot prétend que Heartwood a copié son oeuvre de lit capitaine et que le Collège l'a publiée par l'entremise de ses documents d'appel d'offres, agissant ainsi tous deux à l'encontre de l'article 34 de la Loi sur le droit d'auteur, L.C. ch. C-42 ("Loi").

[6]                 Foliot plaide que l'innovation de son lit capitaine se retrouve dans l'assemblage de la structure de soutien en métal, du revêtement de bois pour fin décorative aux extrémités et sur les côtés et des tiroirs sur roulettes pour entreposage de vêtements.

[7]                 Selon Foliot, cet assemblage est innovateur et est protégé par la définition "[d']oeuvre artistique" prévu à l'article 2 de la Loi.

[8]                 Heartwood est d'opinion qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre protégée par la Loi puisqu'il s'agit simplement d'une structure métallique et que même si c'était une oeuvre protégée, que l'exception prévue à l'article 64.1(1) de la Loi s'applique car le support métallique a une fonction utilitaire.

[9]                 Pour bien évaluer une demande d'injonction interlocutoire, la Cour doit se demander si les critères ci-après ont été rencontrés, à savoir:

-           l'existence d'une question sérieuse;

-           l'existence d'un préjudice irréparable; et si nécessaire;

-           l'évaluation de la balance des inconvénients (R.J.R.- MacDonald c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311)


[10]            D'abord, je n'ai pas à trancher au fond mais simplement de constater si oui ou non il y a une ou des questions sérieuses à débattre pour trancher définitivement le litige. Je réponds par l'affirmative car l'argument de Foliot à l'effet que son lit capitaine est une oeuvre artistique étant un assemblage de trois parties faisant un tout, mérite d'être déterminé au fond. Par ailleurs, les arguments de Heartwood et du Collège à l'effet qu'il ne s'agit que d'un simple support métallique non protégé par la Loi et que de toute façon l'article 64.1(1) crée une exception, démontrent en soi le sérieux de la demande.

[11]            Ensuite, ayant déterminé l'existence d'une question sérieuse, je dois me demander si le dossier mis de l'avant par Foliot présente de façon satisfaisante un dommage irréparable, soit le deuxième élément essentiel pour obtenir une injonction interlocutoire.

[12]            Pour ce faire, j'ai pris connaissance des paragraphes 58, 59 et 62 de l'affidavit du président de Foliot à l'appui du dommage irréparable. Pour les fins de la présente, je reproduis ces paragraphes:

"(58)       L'oeuvre de FOLIOT a permis à cette dernière de se tailler une place enviable sur les marchés canadien et américain ainsi qu'à se démarquer de la concurrence dans le domaine du mobilier pour résidences étudiantes;

(59)         Foliot souffrirait un lourd et important préjudice si la concurrence déloyale de HEARTWOOD, en violation des droits d'auteur de FOLIOT, était autorisée puisque la concurrence recevrait ainsi le message qu'il est toléré et permis de copier impunément son oeuvre;

(62)         N'eût été de la contrefaçon de l'oeuvre de FOLIOT, HEARTWOOD n'aurait jamais été en mesure d'offrir un produit répondant aux caractéristiques décrites à l'appel d'offres du MHC, de sorte qu'il est raisonnable pour FOLIOT de réclamer les redressements mentionnés en la présente instance;

[13]            La Cour suprême du Canada, dans R.J.R.- MacDonald, supra, définit le dommage irréparable de la façon suivante:

[Traduction] Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry, (1988) 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu'une activité contestée n'est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.-B.)). Le fait qu'une partie soit impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

[14]            La preuve de dommage irréparable de la partie demanderesse m'apparaît très limitative et ne donne pas les faits à l'appui desdits dommages. Pour mettre en preuve un dommage irréparable, il faut des faits concrets avec des exemples décrivant la situation et démontrant l'impossibilité de la réparation.

[15]            En contrepartie, Heartwood soumet en preuve par affidavit que le lit K-D, pouvant s'apparenter au lit capitaine de Foliot, n'a pas été offert ni vendu depuis la signification de la présente procédure. En réalité, mis à part la construction du prototype, il n'aurait même pas été manufacturé.

[16]            De plus, en ce qui concerne l'appel d'offres du Collège pour lequel Heartwood aurait obtenu le contrat, ceux-ci se sont entendus pour que des lits différents soient installés dans les résidences.

[17]            Par ailleurs, comme l'indique la Cour Suprême du Canada dans la définition de "irréparable" ci-haut reproduite, le dommage en l'espèce, serait identifiable et calculable. Heartwood et le Collège sont des compagnies solvables et le dommage, s'il en est, est calculable. Ainsi, Foliot ne m'a pas convaincu qu'il subissait un dommage irréparable.

[18]            Donc, la requête de ce dernier tombe au deuxième élément requis pour l'octroi d'une injonction. En effet, étant donné ma conclusion concernant le dommage irréparable, il n'est pas nécessaire de passer à la troisième étape et d'évaluer la balance des inconvénients.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE:

La demande d'injonction interlocutoire est rejetée avec dépens.

                                                        

Juge     


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-1125-02

INTITULÉ :              Foliot Inc.

c. Heartwood Manufacturing Ltd. Et Medicine Hat College

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                              7 avril 2003

MOTIFS :                   L'Honorable Juge Simon Noël

DATE DES MOTIFS :                                     24 avril 2003


COMPARUTIONS :

Me Richard Dufour                                               POUR LA DEMANDERESSE

Me Annie Breault

Ms. Diane E. Cornish

Ms. Geneviève Domey                                                     POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dufour Mottet Avocats

Laval (Québec)                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Osler, Hoskin & Harcourt

Ottawa (Ontario)                                                  POUR LES DÉFENDERESSES

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