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Date : 20030318

Dossier : IMM-1745-02

Ottawa (Ontario), le mardi 18 mars 2003

En présence de MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

                                      RAFIQ AHMAD SAHI ET NASIM NAHID SAHI

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                     ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 8 mars 2002 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est rejetée.

Aucune question n'est certifiée.

             « Frederick E. Gibson »                

                             Juge

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


Date : 20030318

Dossier : IMM-1745-02

Référence neutre : 2003 CFPI 319

ENTRE :

                                      RAFIQ AHMAD SAHI ET NASIM NAHID SAHI

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

INTRODUCTION


[1]         Les présents motifs portent sur une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dans le cadre de laquelle la SSR a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, selon le sens attribué à cette expression au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration[1]. La décision faisant l'objet d'un contrôle est datée du 8 mars 2002.

LES DEMANDEURS

[2]         Rafiq Ahmad Sahi (le demandeur principal) et Nasim Nahid Sahi, des ressortissants pakistanais, sont mari et femme. Le demandeur principal, né en mai 1931, base sa revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur l'allégation qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa religion, notamment ahmadi. La revendication de Mme Sahi est basée sur celle de son mari.

[3]         Le demandeur principal a fait état d'une situation qui durait depuis longtemps. Il a affirmé avoir connu, dans sa vie professionnelle et jusqu'à sa retraite en 1991, la peur et la tension et avoir été victime de discrimination et de harcèlement. Une fois à la retraite, il a renoué davantage avec ses croyances religieuses. Au milieu des années 1990, il aurait commencé à être victime de harcèlement et de menaces plus intenses, lesquelles auraient atteint leur paroxysme quand sa maison a fait l'objet d'une attaque en décembre 2000. Dans la partie narrative de son Formulaire de renseignements personnels, le demandeur principal parle de sa retraite en ces termes :


[traduction]

...

21. En 1991, j'ai pris la retraite de mon travail de fonctionnaire et tout de suite après, j'ai commencé à faire du travail bénévole pour la communauté ahmadiyyat. J'ai été élu au poste de secrétaire d'Islah-o-Irshad. Mon travail consistait à m'occuper des membres de la communauté sur le plan moral et religieux et à les exhorter à prêcher à leurs proches afin qu'ils deviennent bons et qu'ils pratiquent la vraie religion de l'Islam.

22.    Mes activités bénévoles m'ont rendu plus visible et je suis devenu la cible de mollahs bornés et de gens malotrus. Ils m'ont vilipendé, infligé des mauvais traitements et la situation n'a cessé de se détériorer.

23. Non satisfaits des injures, ils ont comploté de s'en prendre à moi. Ils ont placé des marques d'identification sur ma maison. Pour les confondre, j'effaçais ces marques ou je m'arrangeais pour que plusieurs maisons voisines soient marquées de la même façon. Enfin, ils ont criblé ma maison de pierre et jeté des pétards de façon à ce que je me sois blessé en sortant.

24. L'agent de police responsable du poste du quartier invoquait diverses excuses pour ne rien faire. De plus, comment la police pouvait-elle m'offrir une protection alors qu'elle était de connivence avec les mollahs locaux?

25. La crainte constante de mourir aux mains de ces zélotes ignorants et la diffamation constante en chaire à la mosque nous ont finalement forcés, ma femme et moi, à quitter le Pakistan[2].

[4]         En dépit des actes violents de décembre 2000, les demandeurs n'ont quitté le Pakistan que le 24 mars 2001. Entre décembre 2000 et leur départ du Pakistan, les demandeurs n'ont apparemment fait aucun effort particulier pour se cacher de leurs présumés persécuteurs. Ils sont restés chez eux.

[5]         Les demandeurs se sont d'abord rendus aux États-Unis où ils ont passé six (6) jours en visite chez leur fille.


LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[6]        La SSR a jugé que le demandeur principal n'était pas digne de foi. Elle a conclu que des éléments importants de son témoignage n'étaient pas crédibles. Elle a exprimé de sérieux doutes quant à la validité d'un document produit pour la première fois à l'audience et qui n'était pas traduit. Le demandeur principal se fondait sur ce document pour prouver à quel point il avait oeuvré pour la religion ahmadi une fois à la retraite.

[7]         Même si la SSR a basé sa décision en grande partie sur des conclusions relatives au manque de crédibilité et de plausibilité, elle a fait remarquer qu'avant d'arriver Canada, les demandeurs n'ont pas revendiqué le statut de réfugié aux États-Unis, ce qui l'a d'ailleurs intriguée, ainsi que le fait qu'ils ont séjourné au Pakistan après les actes qui les ont incités à quitter le Pakistan et à chercher refuge ailleurs.

LES QUESTIONS EN LITIGE


[8]         Même si dans son exposé du droit et des points d'argument l'avocat des demandeurs a soulevé des questions d'équité, je constate que ces questions n'ont pas été mises de l'avant avec beaucoup de vigueur pendant l'audience qui s'est déroulée devant moi. Par contre, l'avocat des demandeurs a fourni de nombreuses explications et fait maintes références à la transcription, à la partie descriptive du Formulaire de renseignements personnels du demandeur principal et à la preuve documentaire afin de convaincre le tribunal qu'il n'était pas loisible à la SSR de tirer des conclusions relatives au manque de crédibilité et de plausibilité, que des éléments de preuve avaient été écartées ou mal interprétées et que la SSR n'avait pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle était saisie.

[9]         Par contre, l'avocat du défendeur a soutenu que les conclusions relatives à un manque de crédibilité et de plausibilité devaient faire l'objet de beaucoup de retenue judiciaire et que, dans chaque cas, les conclusions étaient raisonnablement basées sur le témoignage du demandeur principal, sur la partie descriptive de son Formulaire de renseignements personnels ainsi que sur la preuve documentaire dont la SSR était saisie.

ANALYSE

[10]      Dans la décision Giron c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[3], le juge MacGuigan a écrit au paragraphe [1] :

La Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié [...] a choisi de fonder en grande partie sa conclusion en l'espèce à l'égard du manque de crédibilité, non pas sur des contradictions internes, des incohérences et des subterfuges, qui constituent l'essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits, mais plutôt sur l'invraisemblance des critères extrinsèques, tels que le raisonnement, le sens commun et la connaissance d'office, qui nécessitent tous de tirer des conclusions que les juges des faits ne sont pas mieux placés que les autres pour tirer.

[11]          Dans l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration[4], le juge Décary a fait les observations suivantes sur le passage précédent, notamment au paragraphe [4] :

Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron, la Cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut être davantage palpable, donc plus facilement identifiable puisque le récit apparaît à la face du même dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées par le tribunal ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.

[12]          J'ai eu l'avantage d'entendre des plaidoyers bien étayés, autant de la part de l'avocat des demandeurs que de celui du défendeur, comportant de nombreux renvois au dossier dont la SSR était saisie, ainsi qu'à la transcription de l'audience qui s'est déroulée devant la SSR, qui, soit dit en passant, était truffée d'erreurs, et j'arrive à la même conclusion que le juge Décary. Il revient aux demandeurs de prouver que les inférences tirées par la SSR, et de façon plus large, que les deux conclusions relatives au manque de crédibilité et de plausibilité que la SSR a tirées ne pouvaient l'être raisonnablement. En dépit des efforts déployés par leur avocat, les demandeurs ne se sont tout simplement pas déchargés de ce fardeau. Autrement dit, je suis convaincu que les conclusions de la SSR relatives au manque de crédibilité et de plausibilité étaient raisonnablement fondées sur l'ensemble des éléments de preuve dont elle était saisie.


[13]       Je suis convaincu que ma conclusion à ce stade-ci me permet de trancher la présente demande de contrôle judiciare. Les réserves que la SSR a exprimées au sujet du temps qu'il a fallu aux demandeurs pour quitter le Pakistan, ainsi qu'au sujet de leur séjour aux États-Unis avant de venir au Canada revendiquer le statut de réfugié n'ont pas joué un rôle déterminant dans la prise de décision.

[14]       Finalement, je ne suis pas convaincu que les demandeurs ont réussi à prouver que la SSR avait contrevenu à l'obligation d'équité qu'elle avait envers eux, ni dans la façon dont elle a mené l'audience, ni dans sa façon de traiter les éléments de preuve déposés après l'audience.

CONCLUSION

[15]       La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Aucun des deux avocats n'a recommandé qu'une question soit certifiée. Je suis convaincu que la présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.

       « Frederick E. Gibson »                                                                                                                      Juge

Ottawa (Ontario)

Le 18 mars 2003

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1745-02

INTITULÉ :                                                       RAFIQ AHMAD SAHI, NASIM NAHID SAHI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 4 MARS 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MONSIEUR LE JUGE GIBSON

DATE :                                                               LE 18 MARS 2003

COMPARUTIONS :

M. Harvey Savage                                                POUR LES DEMANDEURS

Mme Patricia MacPhee                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Harvey Savage                                               POUR LES DEMANDEURS

Avocat                          

Toronto (Ontario)

Tél. : (416) 585-2088

M. Morris Rosenberg                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                    

Par Mme Patricia MacPhee

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Tél. : (416) 954-6331



[1]         L.R.C. 1985, ch. I-2.

[2]       Dossier du tribunal, pages 68 et 69.

[3]         (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.).

[4]         (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).


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