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Date : 20031016

Dossier : T-1909-03

Référence : 2003 CF 1213

Vancouver (Colombie-Britannique), le 16 octobre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                        CAROL BEAUSEJOUR, DARRYL JOSEPH

                                                          et MATTHEW JOSEPH

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                                      ALFRED JOSEPH SR., HOWARD VINCENT,

                                     DARCY JOSEPH (agissant ensemble en tant que

                    « COMITÉ D'APPEL DE LA PREMIÈRE NATION YEKOOCHE » ),

                                               ALLAN JOSEPH, CURTIS JOSEPH,

                                               ANDREW JOSEPH, LINDA BASIL

et la BANDE INDIENNE DE LA PREMIÈRE NATION YEKOOCHE

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Carol Beausejour, Darryl Joseph et Matthew Joseph (les demandeurs) ont présenté une demande de contrôle judiciaire dans le but d'obtenir une ordonnance annulant une décision du comité d'appel de la Première nation Yekooche (le défendeur). Cette décision, qui ne porte pas de date et qui a apparemment été rendue le 2 octobre 2003, ou vers cette date, avait pour but d'annuler les résultats d'une élection tenue le 25 août 2003 afin de combler les postes de chef et de membres du conseil de la Première nation Yekooche. La demanderesse Carol Beausejour a été élue chef et les demandeurs Darryl Joseph et Matthew Joseph ont été élus membres du conseil (le conseil compte trois membres) à cette élection.

[2]                Les demandeurs présentent maintenant une requête urgente dans le but d'obtenir une injonction interlocutoire empêchant la tenue d'une élection le 17 octobre 2003.

[3]                En accueillant l'appel, le comité d'appel a indiqué :

[traduction] Le comité d'appel accueille l'appel et ordonne la tenue d'une nouvelle élection visant à combler les postes de chef et de membres du conseil dès que possible.

[4]                Les demandeurs prétendent que la décision du comité d'appel est déficiente car ce dernier n'a pas suivi la procédure d'appel décrite dans le code électoral de la Première nation Yekooche du 15 juillet 1999 et les modifications subséquentes, notamment celles touchant l'article 7.5. Bien que le code exige la confirmation des renseignements contenus dans un avis d'appel par affidavit, aucun affidavit semblable n'a été présenté au comité d'appel.

[5]                Les demandeurs prétendent également que le comité d'appel a enfreint les principes de justice naturelle en ne recevant pas les observations formulées par les Aînés relativement à l'appel. Ils font valoir en outre qu'un employé de la Première nation Yekochee, M. Howard Vincent, n'aurait pas dû faire partie du comité d'appel puisque, en qualité d'employé, il avait un intérêt dans l'issue de l'appel.


[6]                Les demandeurs ont d'abord demandé à la Cour d'examiner leur requête en injonction interlocutoire ex parte. Après que leur demande a été rejetée, ils ont signifié leur requête par télécopieur au chef Allan Joseph et aux défendeurs Curtis Joseph, Andrew Joseph, Linda Basil et la bande indienne de la Première nation Yekooche, ainsi qu'au conseiller juridique de celle-ci. Des contraintes de temps les ont empêchés de signifier le document au comité d'appel.

[7]                Les demandeurs ont préparé un dossier de requête, l'ont signifié et l'ont déposé. Aucun dossier de requête n'a été signifié et déposé pour le compte du défendeur, lequel avait reçu signification de la part de l'avocat représentant la Première nation Yekooche. Ce dernier s'en est remis à sa lettre du 15 octobre 2003 ainsi qu'aux observations présentées de vive voix pendant l'audience.

[8]                Les demandeurs reconnaissent que, pour obtenir une injonction interlocutoire, ils doivent satisfaire au critère à trois volets dont il est question dans l'arrêt RJR-Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Ainsi, ils doivent démontrer que la demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à juger, qu'ils subiront un préjudice irréparable s'ils n'obtiennent pas le redressement demandé et que la prépondérance des inconvénients leur est favorable.

[9]                Je suis convaincue que les demandeurs ont satisfait au premier volet du critère. À mon avis, la demande de contrôle judiciaire sous-jacente soulève une question sérieuse à juger car elle met en cause le respect, par le comité d'appel, de la procédure d'appel décrite dans le code électoral de la Première nation Yekooche.

[10]            Je ne suis pas convaincue cependant que les demandeurs ont démontré qu'ils subiront un préjudice irréparable si l'injonction n'est pas accordée. Un préjudice irréparable est un préjudice personnel et non un préjudice généralisé touchant l'ensemble de la communauté. À cet égard, je me réfère au passage suivant de l'arrêt Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 69 C.P.R. (3d) 455 (C.A.F.), cité dans la décision Dodge c. La Première nation Caldwell de la Pointe-Pelée, [2003] A.C.F. no 45, au paragraphe 23 :

En l'espèce, le demandeur n'a pas démontré qu'il subira personnellement un préjudice irréparable si l'élection a lieu tel qu'il est prévu, le 1er février 2003. Selon la transcription du contre-interrogatoire du chef défendeur, le demandeur s'est porté candidat comme conseiller à l'élection qui doit être tenue. Le chef défendeur est l'une des deux personnes qui se sont portées candidates au poste de chef de la bande. Selon ces contre-interrogatoires, le demandeur et le chef défendeur reconnaissent tous deux qu'il se peut que l'un ou l'autre ne soit pas élu. Or, la possibilité de perdre ne constitue pas un préjudice irréparable.


[11]            En l'espèce, les demandeurs prétendent que l'élection du 17 octobre 2003 ne devrait pas avoir lieu. Selon eux, la tenue de cette élection enlèvera toute légitimité à celle du 25 août 2003 et fera de celle-ci un simple événement ayant une valeur historique. Cet argument présente un certain intérêt, étant donné en particulier que les demandeurs ont soulevé des questions sérieuses au sujet de la procédure au moyen de laquelle les résultats de l'élection du 25 août 2003 ont été annulés. Les demandeurs n'ont toutefois pas produit d'éléments de preuve indiquant qu'ils subiront personnellement un préjudice irréparable si l'élection du 17 octobre a lieu.

[12]            Pour ce motif, la requête en injonction interlocutoire doit être rejetée.

[13]            Il n'est pas nécessaire d'aborder la question de la prépondérance des inconvénients. Aucune ordonnance concernant les dépens ne sera rendue.

                                        ORDONNANCE

La requête en injonction interlocutoire présentée par les demandeurs est rejetée. Aucune ordonnance concernant les dépens n'est rendue.

     « Elizabeth Heneghan »    

        Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 T-1909-03

INTITULÉ :                                                                CAROL BEAUSEJOUR et al.

c.

ALFRED JOSEPH SR. et al.

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 16 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                               LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                               LE 16 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Scott Nicoll                                                                   POUR LES DEMANDEURS

Terrance Matte                                                  POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hamilton Duncan Armstrong & Stewart                         POUR LES DEMANDEURS

Hope Heinrich                                                   POUR LES DÉFENDEURS


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