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                                                                                                                                 Date : 20040908

                                                                                                                    Dossier : IMM-5237-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1228

ENTRE :

                                                            KANMANY RASIAH

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]                La présente affaire est un exemple des difficultés créées par de longues procédures qui aboutissent à un renvoi. Il s'est écoulé plus de six ans depuis que la demande d'asile de la demanderesse a été rejetée. Elle a maintenant 67 ans et elle en est à la dernière étape du processus de renvoi. Bien que le renvoi soit plus difficile pour elle, il n'y a pas, et il n'y a jamais eu, de fondement juridique justifiant son maintien au Canada.


[2]                La demanderesse demande le contrôle judiciaire de la décision de l'agent d'examen des risques avant renvoi (l'agent) selon laquelle elle ne sera pas exposée au risque d'être persécutée ou d'être soumise à la torture ou exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

[3]                La demanderesse soulève deux questions dans sa demande :

[traduction]

1.             Que l'agent a tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable en affirmant que la demanderesse a une PRI dans les régions du Sri Lanka qui sont contrôlées par le gouvernement;

2.             Que l'agent a manqué à l'obligation d'équité en faisant un usage sélectif et non motivé des éléments de preuve documentaires, en omettant de communiquer les éléments de preuve documentaires extrinsèques qu'il avait consultés et en omettant de donner à la demanderesse la possibilité de prendre connaissance de son Examen des risques avant renvoi avant d'en faire le dépôt au dossier.

LES FAITS

[4]                La demanderesse, qui a maintenant 67 ans, est une citoyenne du Sri Lanka d'origine tamoule. Elle est arrivée au Canada en septembre 1996 et s'est vu refuser le statut de réfugiée le 22 janvier 1998. L'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire lui a été refusée en avril 1999.

[5]                Son avocat a informé la Cour que son Examen des risques avant renvoi n'avait eu lieu qu'en décembre 2002 (décision en mars 2003) parce qu'elle avait exercé tous les autres recours possibles pour rester au Canada, mais sans succès.

[6]                Dans son examen des faits qui avaient amené la demanderesse a présenter une demande d'asile au Canada, l'agent est arrivé à la conclusion que la situation au Sri Lanka s'était améliorée depuis 1999 et que la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur dans les régions du Sri Lanka contrôlées par le gouvernement.


[7]                L'agent a appuyé sa conclusion sur le IND Country Assessment Report du Royaume-Uni en date d'octobre 2002 concernant le Sri Lanka.

[8]                L'agent a conclu que les craintes de la demanderesse d'être arrêtée ne trouvaient aucun écho dans la preuve documentaire et que toute la preuve documentaire disponible donnait à penser qu'elle serait en sécurité au Sri Lanka. Selon lui la preuve ne permettait pas de prétendre que les Tamouls âgés couraient le risque d'être persécutés au Sri Lanka.

ANALYSE

Conclusion de fait - PRI

[9]                Bien que la demanderesse ait présenté d'autres arguments sur ce point, elle a insisté considérablement sur la conclusion que l'agent a tirée selon laquelle elle était de Jaffna, alors qu'elle était en réalité d'une ville située à 50 milles de là, Kilinochchi. La demanderesse a conclu que, à partir de cette « erreur fatale » , toute une série d'autres erreurs ont été commises et ont abouti à la conclusion qu'elle avait une PRI au Sri Lanka.

[10]            Il s'agit bien d'une erreur, mais il se peut que ce ne soit qu'une erreur typographique. Il ressort de l'examen des motifs que l'agent a écrit que la demanderesse venait de la région de Vanni, une région contrôlée par les Tigres. Vu le contexte, l'erreur est sans pertinence quant à la conclusion qui a été tirée. La PRI est fondée sur d'autres régions du Sri Lanka, et non sur celles qui sont contrôlées par les Tigres ou situées dans le Nord.

[11]            Sur ce point, la demanderesse n'a pas établi que l'agent avait tiré une conclusion de fait manifestement déraisonnable.


L'OBLIGATION D'ÉQUITÉ                             

[12]            La demanderesse se plaint que l'agent a préféré s'appuyer sur le rapport du Royaume-Uni concernant le Sri Lanka, qu'il n'a pas expliqué son choix et qu'il n'a pas tenu compte de certains autres éléments de preuve.

[13]            Bien que l'agent ait cité un passage du rapport du Royaume-Uni, il n'y a aucune preuve qu'il s'y soit limité. Il a dressé la liste des autres publications consultées, les documents mêmes dont il n'aurait pas tenu compte, aux dires de la demanderesse. L'agent n'avait aucunement l'obligation de citer des extraits de chaque publication ou d'en faire un résumé.

[14]            La demanderesse n'a pas pu prouver que ces autres éléments de la preuve documentaire dressaient un tableau vraiment différent des conditions au Sri Lanka. Chacun des documents, y compris le rapport du Royaume-Uni, faisait ressortir les aspects positifs et négatifs des conditions dans le pays.

[15]            Il n'y a aucune preuve établissant que l'agent n'ait pas tenu compte de certaines sources documentaires importantes.

[16]            La demanderesse se plaint que l'agent ait consulté de la preuve documentaire extrinsèque à son insu et sans qu'elle ait eu accès à cette preuve.

[17]            Les documents auxquels la demanderesse renvoie étaient des documents publics, qu'il était possible de consulter au moment où l'audience a été tenue et que la demanderesse aurait pu consulter si elle avait fait preuve d'un peu d'initiative.


[18]            Les affaires auxquelles la demanderesse renvoie relativement à l'interdiction d'utiliser une preuve extrinsèque se rapportent à des preuves documentaires d'une nature personnelle telles que des mandats, des documents attestant des menaces proférées ou d'autres preuves particulières à la personne. Tant dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 193, 2002 CFPI 266, que dans Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 3 C.F. 461, les cours ont statué que l'omission de l'agent d'examen des risques de communiquer à l'intéressé les documents publics sur lesquels il s'était appuyé ne constituait pas un manquement à l'obligation d'équité.

[19]            Finalement, la demanderesse affirme qu'il y a eu manquement à l'obligation d'équité parce qu'on ne lui a pas donné la possibilité de prendre connaissance de l'examen des risques avant qu'il soit terminé.

[20]            La demanderesse a eu la possibilité de prendre connaissance du rapport et de faire des commentaires sur ce qu'elle jugeait être des erreurs ou des omissions. Mais ce n'est pas ce genre d'accès à la décision que la demanderesse affirme qui devrait être permis.

[21]            Je ne vois pas en vertu de quoi un décideur devrait obtenir l'aval d'une partie avant de rendre sa décision. Vu la nature du processus de l'examen d'avant renvoi, la consultation se justifie encore moins. Dans Mia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1150, [2001] A.C.F. no 1584 (Mia), la Cour a rejeté cette façon de voir.

[22]            Selon moi, la Cour a pris la bonne décision dans Mia. Le demandeur a le droit de présenter des observations et des éléments de preuve. Si la décision ultérieurement rendue est fautive, c'est à la Cour qu'il doit s'adresser.


[23]            Je suis incapable de conclure qu'il y a eu manquement à l'obligation d'équité.

[24]            Les parties ont affirmé, et je suis d'accord, qu'il n'y a pas de question à certifier.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5237-03

INTITULÉ :                                        KANMANY RASIAH

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 17 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                       LE 8 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Jegan Mohan                                        POUR LA DEMANDERESSE

Marina Stefanovic                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mohan & Mohan

Toronto (Ontario)                                  POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                   POUR LE DÉFENDEUR

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