Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                               Date : 20030320

                                                                                                                      Dossier : IMM-500-02

Ottawa (Ontario), ce 20e jour de mars 2003

En présence de l'honorable juge Pinard

Entre :

                                                            ELIEZER PHILIPPE

                                                            ISMANIE PHILIPPE

                                                              ENIDE PHILIPPE

                                                                                                                                    Demandeurs

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                               ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 21 décembre 2001 par Michael H. Lubetsky, agent des visas à l'Ambassade du Canada à Port-au-Prince (Haïti), à l'effet que les demandeurs ne peuvent pas être inclus comme « enfants à charge » dans la demande de résidence permanente de leur père, est rejetée.

                                                                    

                              JUGE


                                                                                                                               Date : 20030320

                                                                                                                      Dossier : IMM-500-02

                                                                                                  Référence neutre : 2003 CFPI 317

Entre :

                                                            ELIEZER PHILIPPE

                                                            ISMANIE PHILIPPE

                                                              ENIDE PHILIPPE

                                                                                                                                    Demandeurs

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         Les demandeurs demandent le contrôle judiciaire de la décision par laquelle Michael H. Lubetsky, agent des visas ( « l'agent » ) à l'Ambassade du Canada à Port-au-Prince (Haïti), a conclu, le 21 décembre 2001, qu'ils ne peuvent pas être inclus comme « enfants à charge » dans la demande de résidence permanente de leur père, tels que définis au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le « Règlement » ), en raison du fait qu'ils ne suivent pas véritablement des cours de formation générale à temps plein depuis leur 19e anniversaire.


[2]         Les demandeurs sont Eliezer Philippe, âgé de 24 ans, Ismalie Philippe, âgée de 23 ans, et Enide Philippe, âgée de 21 ans. Tous sont citoyens de Haïti et ont été inclus, à titre de personnes à charge, dans la demande de résidence permanente de leur père, Edner Philippe, déposée le 15 octobre 1998. Cette demande était parrainée par madame Sara Philippe Michel, soeur des demandeurs et résidant au Canada.

[3]         Dans sa lettre du 21 décembre 2001 à la soeur des demandeurs, madame Michel, qui parrainait la demande de résidence de leur père, l'agent explique sa décision ainsi :

J'ai bien considéré les documents fournis par votre [sic] parents pour établir qu'Eliezer, Ismanie et Enide suivent des cours de formation générale à temps plein depuis leurs 19ème anniversaires [sic]. Je les ai rencontrés pour discuter de leurs études et pour évaluer leur niveau de scolarité. J'ai expliqué à vos parents pourquoi je ntais pas satisfait que votre frère et vos soeurs suivent véritablement les cours qu'ils prétendent suivre. J'ai entendu leurs réponses, ils n'ont pas réussi à me convaincre de changer ma décision.

[4]         Les dispositions pertinentes du Règlement sont les suivantes :



2. (1) Dans le présent règlement,

« fille à charge » Fille :

[. . .]

b) soit qui est inscrite à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :

(i) d'une part, y a été inscrite et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, si elle était déjà mariée à cette date, depuis la date de son mariage,

(ii) d'autre part, selon l'agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, si elle était déjà mariée à cette date, depuis la date de son mariage;

[. . .]

« fils à charge » Fils :

[. . .]

b) soit qui est inscrit à une université, un collège ou un autre établissement d'enseignement et y suit à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle, et qui :

(i) d'une part, y a été inscrit et y a suivi sans interruption ce genre de cours depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage,

(ii) d'autre part, selon un agent d'immigration qui fonde son opinion sur les renseignements qu'il a reçus, a été entièrement ou en grande partie à la charge financière de ses parents depuis la date de ses 19 ans ou, s'il était déjà marié à cette date, depuis la date de son mariage;

[. . .]

2. (1) In these Regulations,

"dependent daughter" means a daughter who

[. . .]

(b) is enrolled and in attendance as a full-time student in an academic, professional or vocational program at a university, college or other educational institution and

(i) has been continuously enrolled and in attendance in such a program since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of her marriage, and

(ii) is determined by an immigration officer, on the basis of information received by the immigration officer, to be wholly or substantially financially supported by her parents since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of her marriage, or

[. . .]

"dependent son" means a son who

[. . .]

(b) is enrolled and in attendance as a full-time student in an academic, professional or vocational program at a university, college or other educational institution and

(i) has been continuously enrolled and in attendance in such a program since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of his marriage, and

(ii) is determined by an immigration officer, on the basis of information received by the immigration officer, to be wholly or substantially financially supported by his parents since attaining 19 years of age or, if married before 19 years of age, the time of his marriage, or

[. . .]

[5]         À l'audition devant moi, le procureur des demandeurs a déclaré abandonner l'argument basé sur l'absence de droit, pour l'agent, dvaluer au moyen d'un critère qualitatif les connaissances des demandeurs, afin de déterminer s'ils étaient ou non des « fils et filles à charge » au sens du paragraphe 2(1) du Règlement. En effet, la Cour d'appel fédérale, dans Sandhu c. Canada (M.C.I.), [2002] 3 C.F. 280, a récemment jugé qu'un agent des visas doit tenir compte de critères tant qualitatifs que quantitatifs dans une telle détermination, tel qu'il appert de l'extrait suivant de la décision :

[19]      Je souscris donc aux propos formulés par le juge Sharlow, telle qu'elle était alors, dans la décision Chen [c. Canada (M.C.I.) (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 84 (C.F. 1ère inst.)], selon lesquels « le fait de "suivre des cours" suppose nécessairement une présence physique et mentale » . Je suis d'accord aussi avec le juge Dawson quand elle dit, dans la décision Dhami [c. Canada (M.C.I.), 2001 CFPI 805; [2001] A.C.F. no 1160 (1re inst.) (QL)], que le fait qu'un demandeur ne puisse même pas démontrer une connaissance rudimentaire des sujets qu'il dit avoir étudiés peut mener à la conclusion qu'il n'a pas suivi des cours à temps plein, mais que le fait d'avoir de mauvaises notes n'est pas en soi un motif suffisant de tirer une telle conclusion.

(C'est moi qui souligne.)

[6]         Les demandeurs ne se plaignent plus maintenant que du caractère « manifestement déraisonnable, arbitraire et capricieux » de la décision en cause, résultant notamment de l'appréciation de la preuve et de l'iniquité de la procédure.


[7]         Or, l'agent, qui a une formation en enseignement et qui a suffisamment d'expérience concernant Haïti pour savoir à quoi s'attendre dcoliers aux niveaux scolaires des demandeurs, m'apparaît avoir bien considéré le contexte haïtien et n'avoir posé que des questions rudimentaires aux demandeurs. C'est à bon droit, tel qu'il appert au paragraphe 32 de son affidavit, que l'agent a tenu compte du manque de crédibilité des demandeurs, lors de leur entrevue, en ce qui concerne leurs carnets scolaires. L'absence de crédibilité peut aussi mener à une détermination qu'une personne n'a pas véritablement suivi les cours auxquels elle prétend être inscrite (voir Dhami c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (18 juillet 2001), IMM-1528-00, 2001 CFPI 805).

[8]         Quant à l'argument des demandeurs voulant que l'agent ait brimé lquité de la procédure en leur faisant subir des tests de connaissances sans les prévenir et sans vérifier l'authenticité de leurs carnets scolaires, je le trouve sans fondement. Compte tenu du caractère rudimentaire des questions posées aux demandeurs, je ne crois pas que l'agent avait l'obligation de les prévenir que de telles questions pourraient être posées durant l'entrevue. Les demandeurs savaient qu'il s'agissait d'une entrevue pour déterminer s'ils étaient des enfants à charge de leurs parents. Ayant dû déposer leurs carnets scolaires au soutien de leur demande de résidence permanente, ils devaient donc raisonnablement s'attendre à ce que quelques questions substantives leur soient posées.

[9]         L'agent n'avait pas non plus l'obligation de vérifier l'authenticité des carnets scolaires des demandeurs. Au sujet du fardeau de preuve dans de tels cas, j'ai déjà exprimé ce qui suit dans l'arrêt Cai c. Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration (17 janvier 1997), IMM-883-96 :

Il est de jurisprudence constante que c'est à la partie requérante qu'il incombe de convaincre pleinement l'agent des visas de l'existence de tous les éléments positifs de sa demande. En conséquence, dès lors que l'agent des visas n'agit pas de façon injuste et qu'il ne commet pas d'erreur de droit manifeste au vu du dossier pour en arriver à sa décision (en tenant compte par exemple de facteurs étrangers non contenus dans la définition de la CCDP), sa décision a droit à un degré élevé de déférence de la part du tribunal (voir le jugement Hajariwala c. Canada, [1989] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.)).


[10]       En l'espèce, l'agent n'a de toute façon pas fondé sa décision sur l'authenticité des carnets scolaires, mais bien sur les aspects qualitatifs de lducation des demandeurs. En raison de la faiblesse de leurs connaissances rudimentaires, l'agent a douté qu'ils avaient véritablement suivi des cours tel que requis par la jurisprudence canadienne, laquelle exige des efforts véritables dans la poursuite des études.

[11]       N'ayant pas été convaincu de la commission d'erreur manifestement déraisonnable par l'agent, l'intervention de cette Cour n'est pas indiquée. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[12]       Les deux questions soumises par les demandeurs pour fin de certification visent essentiellement à se demander si, en ce qui concerne la première question, l'agent des visas doit informer à l'avance une partie requérante telle les demandeurs qu'il lui posera des questions sur les matières étudiées ou si, en ce qui concerne la seconde question, cet agent a des doutes sur l'authenticité des relevés scolaires de semblable partie requérante. À mon sens, ces questions ne rencontrent pas les critères énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Liyanagamage c. Canada (M.C.I.), (1994) 176 N.R. 4, où le juge Décary a écrit ce qui suit :

Lorsqu'il certifie une question sous le régime du paragraphe 83(1), le juge des requêtes doit être d'avis que cette question transcende les intérêts de parties au litige, qu'elle aborde des éléments ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale [voir l'excellente analyse de la notion d'importance qui est faite par le juge Catzman dans la décision Rankin v. McLeod, Young, Weir Ltd. et al., (1986) 57 O.R. (2d) 569 (H.C. de l'Ont.)] et qu'elle est aussi déterminante quant à l'issue de l'appel. Le processus de certification qui est visé à l'article 83 de la Loi sur l'immigration ne doit pas être assimilé au processus de renvoi prévu à l'article 18.3 de la Loi sur la Cour fédérale ni être utilisé comme un moyen d'obtenir, de la cour d'appel, des jugements déclaratoires à lgard de questions subtiles qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour régler une affaire donnée.


[13]       Je suis donc d'accord avec les représentations écrites du procureur de la partie défenderesse voulant qu'il n'y ait pas ici matière à certification. En conséquence, aucune question n'est certifiée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 20 mars 2003


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                  NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-500-02

INTITULÉ :                                                       ELIEZER PHILIPPE, ISMANIE PHILIPPE, ENIDE PHILIPPE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 5 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :          L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                                               20 mars 2003                                    

ONT COMPARU :

Me Alain Joffe                                                             POUR LES DEMANDEURS

Me François Joyal                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Alain Joffe                                                      POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.