Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision




Date : 20000525


Dossier : IMM-4298-98

Ottawa (Ontario), le jeudi 25 mai 2000.

EN PRÉSENCE de Madame le juge Dawson


ENTRE :


OLENA NEGRIY

demanderesse


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




JUGEMENT


     LA COUR ORDONNE :

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de l'agente des visas rendue le 21 juillet 1998 est annulée. L'affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour un nouvel examen.

« Eleanor R. Dawson »


Juge

Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.





Date : 20000525


Dossier : IMM-4298-98


ENTRE :


OLENA NEGRIY

demanderesse


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DAWSON

[1]      La demanderesse est citoyenne de l'Ukraine et a déposé une demande de résidence permanente au Canada à l'ambassade du Canada située à Kiev (Ukraine).

[2]      L'agente des visas qui a examiné la demande a conclu que la demanderesse n'était pas admissible au Canada et a rejeté sa demande. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

LE CONTEXTE FACTUEL

[3]      Dans son affidavit déposé en opposition à la présente demande de contrôle judiciaire, l'agente des visas a affirmé qu'en vertu de la procédure suivie normalement à Kiev, un agent du programme d'immigration avait évalué la demande sur dossier et avait examiné les renseignements déposés au dossier. L'agente des visas a aussi affirmé qu'en raison de la découverte de plus en plus fréquente de délits à Kiev, c'est-à-dire le dépôt de diplômes, de lettres de références et d'emploi frauduleux, ces documents faisaient souvent l'objet d'une vérification. C'est ce qui a été fait dans le cas de la demanderesse.

[4]      Plus particulièrement, l'agente des visas a affirmé que les employés de l'Ambassade avaient reçu la consigne de vérifier les études, les emplois antérieurs et l'emploi actuel de la demanderesse. Des lettres de demande de confirmation ont été envoyées à l'institut médical d'État de Donetsk (où la demanderesse a fait ses études) et au Sanatorium Arcadia (qui est, selon la demanderesse, son employeur actuel). Étant donné que l'Ambassade n'a pu trouver l'ancien employeur de la demanderesse, le centre médical Ital, une lettre a été envoyée à l'administration municipale de Donetsk pour savoir si le centre médical était ou avait déjà été inscrit.

[5]      L'agente des visas a affirmé dans son affidavit :
         [traduction]
         2.      Quand nous avons reçu les réponses à nos demandes, le dossier m'a été confié pour que je l'examine et que je rende une décision. J'ai remarqué que l'institut médical d'État de Donetsk avait confirmé que Mme Negriy avait obtenu un doctorat de cette université. L'université a cependant indiqué que ses dossiers ne révélaient pas que la demanderesse avait suivi, de 1989 à 1992, les trois cours de thérapie allégués dans sa demande de résidence permanente. Nous avons reçu une lettre de l'administration municipale de Donetsk selon laquelle le centre médical Ital n'était pas inscrit auprès de la ville, mais qu'une société portant le nom d'Ital, dont les activités ne comprennent pas de services médicaux, l'était . Enfin, nous avons reçu une lettre du Sanatorium Arcadia selon laquelle leurs dossiers ne révélaient pas que Mme Negriy y était employée comme spécialiste de la gymnastique médicale.

[6]      Après avoir examiné ces renseignements, l'agente des visas a envoyé une lettre à la demanderesse, datée du 6 juin 1998, l'informant que :

         [traduction]
             Dans votre demande, vous avez indiqué que vous avez obtenu un diplôme en médecine de l'institut médical d'État de Donetsk en 1989. Nous avons obtenu confirmation de la délivrance de ce diplôme. Vous avez ensuite indiqué que vous aviez suivi d'autres cours portant sur la thérapie en 1989, 1990 et 1992 à ce même institut. L'institut médical d'État de Donetsk nous a rapporté qu'il n'apparaissait pas à leurs dossiers que vous aviez suivi ces cours. Ces renseignements m'amènent à croire que les documents que vous avez déposés sont frauduleux.
             Quant à vos emplois, vous avez indiqué dans votre demande que vous aviez été à l'emploi du centre médical Ital, à Donetsk, de 1990 à 1994. Nous avons tenté d'obtenir confirmation de ces renseignements. Nous avons appris qu'il y avait une inscription au nom d'une société appelée Ital, mais pas au nom du centre médical Ital. Vous avez indiqué dans votre demande que vous étiez à l'emploi du Sanatorium Arcadia depuis 1995. À l'occasion de notre vérification, le sanatorium nous a rapporté que rien dans ses dossiers ne révélaient que vous y étiez employée et, ce, depuis 1995. Ces renseignements m'amèment à croire que vous n'avez pas d'expérience comme spécialiste de la gymnastique médicale et que vous n'occupez pas un emploi de physiothérapeute. À mon avis, vous avez soumis des renseignements et des documents frauduleux. Par conséquent, je ne peux vous accorder de points d'appréciation pour le facteur de l'expérience. Le fait de n'accorder aucun point pour le facteur de l'expérience empêche automatiquement la poursuite du traitement de votre dossier.

[7]      La lettre de l'agente des visas se termine par un avis à la demanderesse selon lequel elle pourra répondre à ces réserves, et que si l'agente des visas ne recevait pas de lettre de la demanderesse dans les 90 jours, elle rendrait une décision en se fondant sur les renseignements dont elle dispose.

[8]      Dans son affidavit déposé à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire, la demanderesse affirme qu'ayant reçu la lettre de l'agente des visas datée du 6 juin 1998, elle a formulé une demande auprès de l'institut médical de Donetsk et a obtenu une lettre signée par le recteur de l'institut qui confirmait qu'elle avait suivi les cours de formation indiqués dans sa demande, et que le commis de l'Ambassade s'était vu donner une réponse négative par erreur. La lettre du recteur a été remise à l'Ambassade.

[9]      Il apparaît que l'agente des visas a accepté de tenir compte des renseignements contenus dans la lettre du recteur étant donné que dans la lettre de refus datée du 21 juillet 1998, l'agente des visas a accordé dix points d'appréciation à la demanderesse pour le « facteur professionnel » . Avant d'avoir reçu la lettre du recteur, l'agente des visas, dans sa lettre du 6 juin 1998 envoyée à la demanderesse, avait indiqué que [traduction] « si je considérais que vous êtes un médecin actif, vous ne recevriez aucun point pour le facteur professionnel étant donné que cette profession n'est pas en demande. Le fait de n'accorder aucun point pour le facteur professionnel empêcherait immédiatement de poursuivre le traitement de votre dossier » .

[10]      La demanderesse a affirmé qu'elle avait aussi fourni des renseignements obtenus du médecin en chef du Sanatorium Arcadia quant à son statut d'emploi et une preuve que le centre médical Ital avait été liquidé en 1995. La demanderesse a affirmé qu'elle avait fourni ces renseignements, accompagnés d'une lettre datée du 25 juin 1998.

[11]      L'agente des visas ne conteste pas que vers la fin du mois de juin 1998, une lettre qui semblait provenir du Sanatorium Arcadia a été reçue.

[12]      Cette lettre confirmait que la demanderesse était employée au Sanatorium Arcadia depuis le 15 janvier 1995.

[13]      Les notes au STIDI inscrites par l'agente des visas lors de la réception de cette lettre se lisent comme suit :

         [traduction]

         La lettre à laquelle il est fait référence ci-dessus a été reçue par télécopieur. Je l'ai comparée à celle que nous avions reçu avant, qui était datée du 30-03-98. La première lettre est en fait un formulaire sur lequel apparaît l'en-tête du sanatorium, qui comprend le nom, l'adresse, le tél. Elle fait référence à notre demande et le sceau officiel y apparaît. Comme c'est la coutume en Ukraine, un timbre apparaît dans le coin supérieur gauche indiquant le numéro de correspondance et la date. La lettre la plus récente n'a pas d'en-tête et n'a pas de numéro de correspondance. Cette lettre est censément signée par la même personne que la première, ce qui n'est pas vraisemblable étant donné que la première signataire avait fait référence à notre demande et avait numéroté sa lettre.
         À mon avis, la plus récente « confirmation » d'emploi, reçue par suite de l'envoi de ma lettre, est intéressée. Je ne suis pas convaincue que cela confirme l'emploi ou contredise les autres renseignements reçus jusqu'à maintenant.
         Refusée.

[14]      Il en résulte que l'agente des visas a rejeté la demande le 21 juillet 1998 et a communiqué sa décision à la demanderesse par lettre datée du même jour.

[15]      L'agente des visas a affirmé qu'elle n'avait pas reçu la lettre de la demanderesse datée du 25 juin 1998 et les pièces jointes avant de prendre sa décision. Elle a affirmé :

         [traduction]
         6.      Quant à la lettre de la demanderesse [du 25 juin 1998] [...] cette lettre n'a pas été portée à mon attention avant que je rende ma décision. Une seconde lettre du Sanatorium Arcadia qui avait déjà été reçue par télécopieur y était jointe. Quand j'ai reçu la deuxième lettre du Sanatorium Arcadia, j'ai considéré qu'elle faisait partie de la réponse de la demanderesse à ma lettre du 6 juin 1998 et, par conséquent, j'ai conclu que je pouvais rendre une décision sur la demande de résidence permanente de la demanderesse. Pour ces motifs, j'ai conclu que la demande présentée par la demanderesse n'était pas étayée par une preuve vraisemblable de son expérience et de ses études, et j'ai donc rejeté la demande.

LA QUESTION EN LITIGE

[16]      La question en litige est celle de savoir si l'agente des visas a ou non commis une erreur en concluant que la demanderesse n'avait pas établi qu'elle avait de l'expérience dans sa profesion envisagée de spécialiste de la gymnastique médicale. Pour sa part, cette question dépend du caractère raisonnable de la décision de l'agente des visas de rejeter la deuxième lettre du Sanatorium Arcadia.

LA NORME DE CONTRÔLE

[17]      Dans l'affaire Hao c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296, madame le juge Reed a examiné la jurisprudence de la Cour quant à la norme de contrôle applicable lors de l'examen d'une décision d'un agent des visas. Elle a adopté la norme de la décision déraisonnable simpliciter. Je suis d'accord avec l'analyse du juge Reed et j'adopte la norme de la décision déraisonnable simpliciter.

[18]      La Cour doit donc évaluer si la décision de l'agente des visas est raisonnable et si les motifs de l'agente des visas résistent à un examen assez poussé.

ANALYSE

[19]      Appliquant de la norme de contrôle de la décision déraisonnable simpliciter, j'ai conclu que la présente demande de contrôle judiciaire devait être accueillie pour les motifs qui suivent.

[20]      Après avoir accordé quatre-vingt-dix jours à la demanderesse pour qu'elle réponde aux réserves qu'elle avait émises dans sa lettre du 6 juin 1998, l'agente des visas a rendu une décision dans la présente affaire le 21 juillet 1998, sans bénéficier de la réponse de la demanderesse.

[21]      De plus, même si l'agente des visas a affirmé qu'elle avait rendu sa décision avant de recevoir la lettre de la demanderesse datée du 25 juin 1998 et les renseignements additionnels, rien n'explique comment il se fait que la demanderesse ait obtenu dix points d'appréciation pour le facteur professionnel si la lettre datée du 25 juin 1998, reçue le 17 juillet 1998, n'avait pas été portée à la connaissance de l'agente des visas quand elle a rendu sa décision. La lettre de refus n'apporte pas d'éclaircissement sur cette question et porte à confusion en ce qu'elle fait à nouveau état de la réserve selon laquelle l'institut médical d'État de Donetsk avait rapporté que ses dossiers ne révélaient pas que la demanderesse y avait suivi des cours de thérapie, pour ensuite indiquer que dix points d'appréciation étaient accordés à la demanderesse pour le facteur professionnel.

[22]      Quant à l'examen de la lettre du Sanatorium Arcadia arguée de faux, l'agente des visas n'a apparemment ni remarqué ni pris en considération le fait que le sceau officiel de l'institution semblait apparaître sur celle-ci.

[23]      Une fois que l'agente des visas eût reçu les renseignements selon lesquels les études de la demanderesse étaient conformes à celles qu'elle avait initialement indiquées, une fois que ces renseignements eurent été acceptés et pris en considération dans l'appréciation du dossier, et après réception d'une lettre portant apparemment le sceau du Sanatorium Arcadia censée confirmer l'emploi de la demanderesse, j'estime qu'il n'était pas raisonnable que l'agente des visas rejette la demande présentée par la demanderesse.

[24]      Ayant conclu que les réserves de l'agente des visas n'étaient pas fondées quant à la possibilité que les renseignements fournis relatifs aux études de la demanderesse soient frauduleux, je suis d'avis qu'on aurait au moins dû procéder à d'autres enquêtes afin d'établir l'authenticité de la lettre portant le sceau du Sanatorium Arcadia avant de la rejeter.

[25]      Par conséquent, la décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire est annulée.

[26]      La demanderesse n'était pas représentée par avocat et n'a pas comparu à l'audition de la présente demande. L'avocate du défendeur n'a pas proposé de question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 25 mai 2000

Traduction certifiée conforme


Martin Desmeules, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :                  IMM-4298-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          OLENA NEGRIY c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 20 avril 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE MADAME LE JUGE DAWSON         
EN DATE DU :                  25 mai 2000


OBSERVATIONS ÉCRITES :

Negriy Olena                              POUR LA DEMANDERESSE

A COMPARU :

Mme Marissa Bielski                          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Se représentant elle-même                      POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

COUR FÉDÉRALE DU CANADA



Date : 200004XX


Dossier : IMM-4298-98




Entre :


NEGRIY OLENA


demanderesse



- et -



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION



défendeur





MOTIFS DU JUGEMENT

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.