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Date : 20050830

Dossier : IMM-1353-05

Référence : 2005 CF 1162

Ottawa (Ontario), le 30 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

GANKA ATANASOVA VALKOVA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Juger la crédibilité découle des faits. L'analyse des faits se compose de l'acte d'examen spécialisé. L'acte par soi-même nécessite un amalgame, composé d'une étude approfondie des faits particuliers, liés à un individu par ses documents personnelles, son récit écrit et son témoignage orale, tout ceci sous la loupe d'une connaissance approfondie des conditions d'une région du monde et/ou d'un pays en particulier.    

            Sans être considéré par cette Cour comme manifestement déraisonnable, ce jugement de crédibilité demeure.

[2]                « Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, par. 56). Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79). » Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers' Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609.

NATURE DE LA PROCÉDUREJUDICIAIRE

[3]                La présente demande de contrôle judiciaire, introduite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loisur l'immigration et la protection des réfugiés[1] (Loi), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 27 janvier 2005. Dans cette décision, la Commission a conclu que la demanderesse ne satisfait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de    « personne à protéger » au paragraphe 97(1) de la Loi.


FAITS

[4]                Voici les faits allégués, tels que décrits par la Commission. Au bord de la trentaine, célibataire, Madame Ganka Atanasova Valkova, une citoyenne bulgare, se dit persécutée à cause de son origine ethnique.

[5]                Roma, aucun des membres de sa famille ne s'en échappe : détenu, la détention de son père est liée à ce motif; agressé, l'agression de son frère a été menée par des racistes; abusée sexuellement, le viol de sa mère est lié à son ethnie.

[6]                En 1994, Mme Valkova est embauchée dans une manufacture. Elle est humiliée par le harcèlement sexuel de ses supérieurs. Elle continue à travailler, refuse de faire des heures supplémentaires, est menacée d'être limogée.

[7]                En avril 2002, face à son supérieur qui se montre familier, mâle, vulgaire et l'insulte parce qu'il sait qu'elle a des problèmes avec la police, Mme Valkova perd patience et le frappe. Le congédiement s'ensuit immédiatement.

[8]                Mme Valkova a des problèmes avec les autorités policières depuis qu'elle est devenue membre de Euroroma, une organisation légale qui défend les romas et qui instruit ces derniers dans leur culture. En février 2001, à l'instar de ses co-équipiers d'Euroroma, Mme Valkova est à deux reprises interrogée et malmenée par la police, qui l'incite à devenir délatrice. Le même mois, surprise par le directeur dans le hall d'une école où elle attend la sortie des enfants pour les initier à une participation à une fête du terroir, Mme Valkova est accusée par celui-ci de propagande anti-bulgare.

[9]                En raison de la situation subie à son travail et de son appartenance à Euroroma, Mme Valkova a fui son pays à la suite d'un événement qui s'est déroulé à la fin d'avril 2002. Sa mère et elle sont violées par des inconnus, en présence de son père, dans le domicile familial. Mme Valkova décide de fuir la Bulgarie.

[10]            Trois mois après cet événement, munie d'un faux passeport, Mme Valkova quitte son pays, se plie à un itinéraire compliqué, atterrit en Angleterre, met le cap sur Sainte-Lucie, passe par la Barbade et arrive finalement à Toronto.

DÉCISION CONTESTÉE

[11]            La Commission a rejeté la demande d'asile en raison du manque de crédibilité de Mme Valkova, démontré par de maints exemples dans la décision.

QUESTION EN LITIGE

[12]            Était-il manifestement déraisonnable que la Commission conclue au manque de crédibilité de la demanderesse?

ANALYSE

[13]            Il est bien établi qu'en ce qui a trait à des questions de crédibilité, comme en l'espèce, l'erreur de la Commission doit être manifestement déraisonnable pour que la Cour intervienne (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.)[2], Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[3], Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4]).

[14]            La Commission a relevé de nombreux éléments qui minaient la crédibilité de Mme Valkova. Premièrement, son témoignage était laborieux, hésitant, incohérent et confus. Deuxièmement, Mme Valkova n'a pas indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) être venue au Canada parce qu'elle ne pouvait se marier dans son pays parce qu'elle est lesbienne. Troisièmement, Mme Valkova se serait fait agresser en même temps que sa mère le 29 avril 2002 alors que son passeport lui a été délivré en mars 2002. Mme Valkova n'a pu fournir d'explication satisfaisante. En effet, elle a, dans un premier temps, témoigné que tous les Bulgares ont un passeport, sans égard à leur désir de voyager; elle a ensuite reconnu qu'aucun membre de sa famille n'a de passeport, sauf son frère. La Commission a également noté les incohérences suivantes : aucun membre de la famille de Mme Valkova n'a cherché à quitter la Bulgarie ni leur domicile malgré tous les incidents dont ils auraient été victimes; Mme Valkova indique dans son FRP avoir été agressée par des inconnus qu'elle identifie à un « groupe de racistes » alors qu'elle a témoigné que l'agression sexuelle était lié à son ancien patron; Mme Valkova est encore en possession du certificat médical original attestant les blessures subies lors de son agression sexuelle alors que son père aurait porté plainte à la police après avoir obtenu le certificat et que le dernier était logiquement destiné à la police; la carte d'Euroroma de Mme Valkova a été émise à Rozino alors qu'elle résidait à Karlovo; seule Mme Valkova a quitté le pays alors que, selon elle, tous les membres d'Euroroma sont ciblés par la police.

[15]            Mme Valkova argumente qu'il n'est pas logique de conclure qu'une lesbienne ne peut être agressée sexuellement par des hommes. La Cour note que la Commission n'a pas conclu en ce sens. La Commission a simplement indiqué qu'il était improbable que Mme Valkova n'indique pas son homosexualité dans son FRP si elle a quitté son pays pour ce motif. Pour ce qui est du certificat médical, dont la possession de l'original semble logique aux yeux de Mme Valkova, il était loisible à la Commission de prendre en considération le fait que Mme Valkova avait l'original en sa possession étant donné qu'il était destiné à la police, ainsi que la preuve documentaire démontrant la disponibilité de faux documents en Bulgarie, et ainsi n'accorder aucune force probante au certificat médical. Finalement, contrairement aux prétentions de Mme Valkova, c'est à bon droit que la Commission s'est penchée sur l'apparence gitane de Mme Valkova puisque cette dernière alléguait être ciblée par la police parce qu'elle pouvait être identifiée comme roma et que la Commission a noté le fait que Mme Valkova s'est présentée à l'audience en jeans et en col roulé. Il est tout aussi raisonnable que la Commission n'ait accordé aucune valeur probante à la seule autre preuve d'origine ethnique de Mme Valkova, des photos où cette dernière était vêtue en tenues occidentales.

[16]            Pour ce qui est de l'allégation selon laquelle la Commission se serait comportée de façon agressive tout au long de l'audience, cette allégation n'est pas appuyée par l'affidavit de Mme Valkova et n'est donc pas introduite en preuve, ce qui met fin à cette question. Ayant toutefois lu tout le procès-verbal de l'audience devant la Commission, la Cour n'y a trouvé que l'expression d'une Commission s'acquittant équitablement de ses fonctions, posant des questions légitimes, demandant des clarifications au besoin et s'exprimant avec respect et professionnalisme.

[17]            La Cour ne voit aucune raison d'intervenir en l'espèce.   

CONCLUSION

[18]            Pour ces motifs, la Cour répond par la négative à la question en litige. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle soit rejetée;

2.         Aucune question soit certifiée.

« Michel M.J. Shore »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1353-05

INTITULÉ :                                                    GANKA ATANASOVA VALVOKA

                                                                        c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

                                                     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 23 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE          

ET ORDONNANCE :                                    MONSIEUR LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS DE

L'ORDONNANCE                     

ET ORDONNANCE :                                    LE 30 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

Me Dan Bohbot                                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Sherry Rafai Far                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me DAN BOHBOT                                         POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

JOHN H. SIMS C.R.                                        POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada



[1] L.C. 2001, c. 27

[2] (1993) 160 N.R. 315, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL).

[3] (2001) 11 Imm. L.R. (3e) 233, [2000] A.C.F. no 2001 (1ère inst.) (QL).

[4] (2000) 173 F.T.R. 280, [1999] A.C.F. no 1283 (1ère inst.) (QL).

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