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Date : 20030606

Dossier : T-391-01

Référence: 2003 CFPI 713

EDMONTON (ALBERTA), LE VENDREDI 6 JUIN 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HANSEN

ENTRE :

                             BEN J. JOHNSTON

                                                                demandeur

                                  - et -

                SA MAJESTÉLA REINE DU CHEF DU CANADA et

             AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

                                                             défenderesse

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE HANSEN :


[1]                 Le demandeur a été cotisé pour un montant de 130,84 $ au titre d'intérêts sur acomptes provisionnels pour l'année d'imposition 1999. Le demandeur a demandé l'annulation de ces intérêts en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) (les dispositions relatives à l'équité). La demande au « premier palier » a été refusée. Une deuxième demande de révision de la cotisation des intérêts a également été refusée. C'est cette dernière décision qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[2]                 Le demandeur affirme que la confusion entourant ses acomptes provisionnels pour l'année d'imposition 1999 a commencé avec le traitement qu'a fait l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) du paiement de ses impôts pour l'année 1998. Le demandeur a produit sa déclaration de revenu pour 1998 à la mi-avril 1999. Il déclare dans son affidavit que le solde dû de 1 257,52 $ a été payé par chèque le 30 avril 1999. L'avis de cotisation pour l'année d'imposition 1998 daté du 13 mai 1999 indique un solde dû de 1 257,70 $ et des arriérés d'intérêts de 4,04 $. Selon un relevé de compte daté du 23 juin 1999, l'ADRC a crédité au demandeur un montant de 4 553,82 $ pour les acomptes provisionnels qu'il avait versés au cours de 1998 et a également crédité deux autres versements, l'un de 1 067,70 $ et l'autre de 1 067,00 $. Ces montants ont été crédités au solde impayé pour l'année d'imposition 1998. Une fois ces montants soustraits du solde impayé pour 1998, le demandeur bénéficiait d'un crédit de 872,96 $ qui a été appliqué à son impôt de 1999 payable par acomptes provisionnels. Les dossiers de l'ADRC indiquent que le chèque du demandeur daté du 30 avril 1999 au montant de 1 257,52 $ a été reçu le 8 juillet 1999 et a été crédité à son compte le même jour.


[3]                 Pour l'année d'imposition 1999, le demandeur déclare qu'il a choisi de calculer le montant des acomptes provisionnels qu'il aurait à verser selon le mode de paiement appelé « méthode de l'année courante » qui consiste à verser un quart de l'impôt prévu à chaque date d'échéance. En calculant le montant des acomptes provisionnels, le demandeur a tenu compte d'un gain en capital envisagé sur la vente d'actions, lequel gain serait annulé par des pertes en capital reportées. Il a donné instruction à sa banque de verser les acomptes provisionnels en son nom. La banque a effectué quatre paiements à l'ADRC pour l'année d'imposition 1999 : un paiement de 1 067,70 $ et trois paiements de 1 067,00 $ pour un montant total de 4 268,70 $.

[4]                 En bout de ligne, l'ADRC a traité la vente des actions comme un dividende, ce qui a eu comme conséquence d'augmenter le montant d'impôt à payer pour 1999.

[5]                 Une autre question est venue ajouter à la confusion concernant le paiement de l'impôt par le demandeur. Malgré qu'il eût donné instruction à sa banque d'effectuer le versement de quatre acomptes provisionnels pour 1999, l'un des quatre versements effectués par la banque a été remis à titre de retenue à la source plutôt qu'à titre d'acompte provisionnel.

[6]                 L'avis de cotisation pour l'année d'imposition 1999 fait état des montants suivants : impôt à payer pour l'année; 8 712,32 $, impôt sur le revenu déduit; 3 895,58 $, acomptes provisionnels; 3 201,70 $, paiement sur production; 1 615,04 $, et intérêts sur acomptes provisionnels; 130,84 $. Il fait également état que des acomptes provisionnels pour un montant total de 4 816,72 $ étaient exigibles et que des intérêts sur acomptes provisionnels avaient été imputés parce qu'au moins un des versements ne couvrait pas la somme due ou avait été effectué en retard.


[7]                 Le sommaire des versements d'acomptes provisionnels pour 1999 fait état des versements suivants : 872,96 $ le 31 mai 1999; 1 257,52 $ le 8 juillet 1999; 4,22 $ le 8 juillet 1999; 1 067,00 $ le 10 décembre 1999. Le montant total des acomptes provisionnels versés pour l'année d'imposition 1999, selon ce sommaire, s'élève à 3 201,70 $.

[8]                 Le demandeur a demandé l'annulation des intérêts. Dans sa lettre demandant un examen fondé sur l'équité, il déclare croire que le versement des acomptes provisionnels était conforme aux exigences de la loi. Il souligne qu'en raison d'une erreur commise par la banque, on a imputé des intérêts sur les acomptes provisionnels insuffisants. Il fait également remarquer que, malgré qu'il croyait que le produit de la vente de ses actions serait traité comme gain en capital, celui-ci a été traité comme dividende. Il affirme qu'il ne comprend pas comment un gain en capital puisse être traité comme un dividende. Ses acomptes provisionnels auraient été suffisants si le produit de la vente des actions avait été considéré comme un gain en capital.


[9]                 La demande a été rejetée. En réponse, le représentant du ministre fait remarquer qu'un rappel d'acomptes provisionnels et des explications sur le mode de paiement par acomptes provisionnels ont été envoyés au demandeur en février 1999 demandant que deux versements de 1 265,00 $ soient effectués, l'un le 15 mars et l'autre le 15 juin 1999. En août 1999, un autre rappel demandait que deux versements de 1 641,00 $ soient effectués, l'un le 15 septembre et l'autre le 15 décembre 1999. La lettre mentionne également que si le demandeur avait choisi la méthode de « l'année précédente » pour calculer le montant des acomptes provisionnels, quatre versements égaux de 1 452,88 $ auraient été exigés et qu'en vertu de la méthode de « l'année courante » , quatre versements égaux de 1 204,18 $ auraient dû être effectués. Quant à l'erreur commise par la banque, le représentant du ministre explique que si ce montant n'avait pas été déclaré comme retenue à la source, le calcul selon la méthode de « l'année courante » aurait exigé que des acomptes provisionnels égaux de 1 470,93 $ soient effectués.

[10]            Après avoir examiné, comme on vient de le voir dans les présents motifs, les versements effectués par le demandeur, le représentant du ministre a de plus expliqué que si les versements d'acomptes provisionnels avaient été effectués en conformité avec ce qui était prévu dans les rappels, aucun intérêt n'aurait été imputé même si le montant des versements avait été inférieur au montant total dû à la fin de 1999. De plus, lorsque des acomptes provisionnels sont versés selon la méthode de « l'année courante » et que les versements sont effectués en retard ou sont inférieurs aux montants exigés, des intérêts peuvent alors être imputés.

[11]            Enfin, le représentant du ministre affirme qu'avant de calculer le montant des acomptes provisionnels en présumant que le produit de la vente des actions serait traité comme gain en capital, le demandeur aurait dû demander des précisions à l'ADRC.


[12]            Le demandeur a demandé un deuxième examen de la décision fondée sur l'équité. Cette demande a également été rejetée. Dans cette décision, le représentant du ministre affirme que le problème occasionné par l'erreur de la banque n'était pas grave en soi étant donné que l'ensemble des impôts retenus à la source au cours de 1999 avait été utilisé dans le calcul des acomptes provisionnels du demandeur selon la méthode de « l'année courante » .

[13]            Le représentant du ministre souligne que le demandeur reconnaît que, en vertu de la méthode de « l'année courante » , il aurait dû verser quatre acomptes provisionnels totalisant un montant de 4 816,72 $. Compte tenu de ce montant, additionné aux retenues à la source de 3 895,58 $, le demandeur aurait versé 8 712,32 $ au 31 décembre 1999. Toutefois, comme il a mal calculé le montant des acomptes provisionnels, il n'a versé que 6 897,28 $, ce qui a entraîné l'imputation de frais d'intérêts. Il ajoute que dans les cas où l'on choisit la méthode de l'année précédente ou la méthode de l'année courante pour calculer le montant des acomptes provisionnels, des frais d'intérêts sont automatiquement imposés si le montant des acomptes provisionnels est inférieur au montant exigé ou est versé en retard.

[14]            En ce qui concerne la prétention du demandeur selon laquelle les estimations de revenu et d'impôt à payer qu'il avait faites ont changé en raison de circonstances indépendantes de sa volonté, le représentant du ministre souligne que de nombreux contribuables, pour différentes raisons, se retrouvent dans la même situation. Toutefois, l'imputation de frais d'intérêts sur les acomptes provisionnels qui en résulte n'est pas une mesure inhabituelle ni une mesure punitive.

[15]            En ce qui concerne le problème découlant de l'allocation des versements entre 1998 et 1999, le représentant du ministre affirme que le demandeur n'a pas demandé que l'allocation soit modifiée. Quant au chèque de 1 257,62 $, daté du 30 avril 1999, qui a été remis en paiement de l'impôt pour 1998, il souligne que, selon les dossiers de l'ADRC, il n'a pas été reçu avant le 8 juillet 1999.

[16]            La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le ministre a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant de ne pas renoncer aux frais d'intérêts sur les acomptes provisionnels cotisés au demandeur pour l'année d'imposition 1999 ou en décidant de ne pas les annuler.

[17]            La défenderesse invoque les propositions générales suivantes. La défenderesse prétend que bien que la loi ne comprenne aucune règle précise d'équité procédurale, le ministre, en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi, est tenu d'observer les règles d'équité procédurale élaborées dans le cadre du droit administratif et est tenu d'agir équitablement. Comme la loi et les règlements ne font aucune mention des critères qui devraient être pris en compte, la seule exigence est que les critères sur lesquels le ministre fonde sa décision doivent être pertinents et utilisés de bonne foi.


[18]            En l'espèce, la défenderesse prétend que le représentant du ministre a tenu compte de facteurs pertinents comme la nature de la demande présentée par le demandeur, les renseignements fournis par le demandeur, les directives de l'ADRC, les prétentions du demandeur, le dossier de l'ADRC et l'absence de motifs pour l'annulation des frais d'intérêts. De plus, le représentant du ministre a agi d'une manière équitable et raisonnable dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[19]            Se fondant sur la décision rendue par le juge Pelletier dans Sharma c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2001] A.C.F. no 867, la défenderesse prétend que l'on doit faire preuve d'une grande retenue à l'égard d'une « décision fondée sur l'équité » et qu'elle devrait être maintenue à moins qu'elle ne soit manifestement déraisonnable.

[20]            Le demandeur prétend que l'examen de son dossier à l'ADRC démontre clairement qu'il a toujours payé ses impôts en temps opportun; qu'il a calculé le montant des acomptes provisionnels de bonne foi, tel qu'il avait interprété les dispositions applicables de la Loi; qu'en raison d'une erreur de la banque, l'ADRC a erronément alloué une partie de ses acomptes provisionnels pour 1999 à son impôt de 1998; qu'il n'a jamais expliqué comment il se faisait que son chèque au montant de 1 257,52 $ n'avait été porté au crédit de son compte d'impôt que le 8 juillet 1999 alors que le versement avait été effectué le 30 avril 1999; qu'il n'avait jamais fourni aucune explication concernant un crédit de 4,22 $ au titre d'un versement qu'il n'aurait jamais effectué.

[21]            Le demandeur reconnaît que le montant des frais d'intérêts en litige n'est pas élevé. Il ne conteste pas le montant d'impôt exigible suite à la vente de ses actions. Toutefois, il soutient que son impôt pour 1998 a été payé en temps opportun comme il en est fait mention dans l'affidavit qu'il a déposé avec sa demande de contrôle judiciaire. Il soutient de plus qu'il a effectué quatre versements d'acomptes provisionnels au titre de l'impôt pour 1999. Il soutient également que l'erreur commise par la banque ainsi que l'omission de la part de l'ADRC de créditer le versement de son impôt pour 1998 en temps opportun, lesquelles ont eu pour conséquence qu'il a commis une erreur dans l'allocation qu'il a faite des deux premiers acomptes provisionnels pour 1999, étaient des événements indépendants de sa volonté.

[22]            Enfin, le demandeur prétend que la prétention du représentant du ministre qu'il aurait dû demander des éclaircissements avant de calculer le montant des acomptes provisionnels est déraisonnable compte tenu du caractère raisonnable de son hypothèse selon laquelle le produit de la vente des actions serait traité comme gain en capital et compte tenu des frais rattachés à l'obtention d'une telle décision.

[23]            J'accepte la prétention de la défenderesse selon laquelle la question en litige est de savoir si la décision est manifestement déraisonnable. À cet égard, il n'appartient pas à la Cour de modifier la manière selon laquelle le décideur a pondéré les différents facteurs. Toutefois, la Cour peut intervenir lorsqu'une décision est fondée sur une appréciation erronée des faits.

[24]            Le représentant du ministre a fondé son calcul sur le montant que le demandeur aurait dû verser au plus tard le 31 décembre 1999. Le demandeur a reconnu qu'en vertu de la méthode de l' « année courante » il aurait dû verser un acompte provisionnel de 4 816,72 $. Il s'agit là d'une erreur. Cette interprétation semble être fondée sur un examen du dossier effectué par l'un des fonctionnaires de la défenderesse afin qu'il puisse faire une recommandation au représentant du ministre. En fait, il s'agit du montant avancé par le représentant du ministre lors de l'examen au premier palier. Dans sa lettre réclamant un examen au second palier, le demandeur conteste les méthodes de calcul de l'acompte provisionnel énumérées dans la première décision. Bien que cette erreur à elle seule ne justifie pas une intervention, elle reflète une méprise quant à la raison pour laquelle le demandeur a demandé l'examen fondé sur l'équité.

[25]            Plus important encore, la déclaration voulant que bien que le demandeur aurait dû verser 8 712,32 $ au plus tard le 31 décembre 1999 au titre de l'impôt pour 1999, il n'a versé que 6 897,28 $ à cette date et, par conséquent, des frais d'intérêts lui ont été imputés. Selon le dossier, ce dernier montant est manifestement erroné. Le total des versements effectués par le demandeur avant le 31 décembre 1999 s'élevait à 7 097,28 $. Je suis arrivé à ce montant en incluant les retenues à la source et les acomptes étant donné que la défenderesse déclare que ces deux éléments ont été pris en compte dans le calcul des frais d'intérêts.


[26]            Bien qu'en bout de ligne le demandeur s'est vu créditer l'ensemble des montants qu'il a versés, les dossiers de la défenderesse montrent que le demandeur n'a versé que 3 201,70 $ au moyen d'acomptes alors que selon ses calculs le demandeur aurait dû verser des acomptes pour un total de 4 816,72 $. Du point de vue de la défenderesse, il manquait un montant de 1 615,02 $ au titre des acomptes provisionnels. Plus important encore, selon la défenderesse, le demandeur n'a pas effectué les quatre versements d'acompte provisionnel exigés, même selon les propres calculs du demandeur.

[27]            Je suis d'accord avec le demandeur pour affirmer que la confusion entourant le versement des acomptes pour 1999 découle de l'application d'une partie des acomptes pour 1999 au montant dû au titre de l'impôt pour 1998, lequel montant a été occasionné par le paiement tardif de l'impôt pour 1998.

[28]            Compte tenu que le demandeur a traité précisément de cette question dans sa demande d'examen fondé sur l'équité, à mon avis, la défenderesse aurait dû tenter d'évaluer si la date de la réception du versement était erronée au lieu de présumer que le versement avait été effectué en retard.

[29]            Cela ne serait que conjecture de ma part si je concluais que la mauvaise appréciation des faits a changé la décision. Toutefois, comme les faits sont importants dans les facteurs qui ont été pris en compte par le représentant du ministre pour rendre sa décision, l'intervention de la Cour est justifiée.

[30]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour réexamen.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée pour qu'elle fasse l'objet d'un nouvel examen.

            « Dolores M. Hansen »                  

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, trad. a., LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        T-391-01

INTITULÉ :                       BEN J. JOHNSTON

c.

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

et AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU

CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :           Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :           le 26 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Hansen

DATE DES MOTIFS :            le 6 juin 2003

COMPARUTIONS :

Ben J. Johnston                   POUR SON PROPRE COMPTE

Karen A. Truscott                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Le demandeur en personne         POUR SON PROPRE COMPTE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada     POUR LA DÉFENDERESSE


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