Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20060112

Dossier : T‑779‑05

Référence : 2006 CF 23

Toronto (Ontario), le 12 janvier 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

LA JOHN MCKELLAR CHARITABLE FOUNDATION

 

demanderesse

 

et

 

 

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Il s’agit d’une requête présentée dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire qui a été déposée devant la Cour le 3 mai 2005. La demande vise divers documents dans lesquels est précisé le nom de tierces parties non désignées nommément qui ont versé des dons à la John McKellar Charitable Foundation (la demanderesse) en 2002 et en 2003 (listes des donateurs de 2002 et 2003). La demanderesse allègue que les listes des donateurs de 2002 et 2003 ont été remises à l’Agence du revenu du Canada (ARC), contrairement aux paragraphes 231.2(2) et 231.2(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1 (la LIR). Dans sa demande de contrôle judiciaire, la demanderesse sollicite diverses réparations pour empêcher l’ARC d’utiliser les listes des donateurs de 2002 et 2003.

 

[2]               Pendant les événements qui ont précédé l’audition de la demande de contrôle judiciaire, les parties ont conclu une entente (l’entente) comme en fait foi l’échange de courriels entre les avocats, les 12 et 13 mai 2005. L’entente prévoit :

[traduction]

L’ARC remet immédiatement à [l’avocat de la défenderesse], à titre de gardien, les listes des donateurs de 2002 et 2003 au sens de l’avis de demande (y compris toute copie existante des listes des donateurs de 2002 et 2003 et les notes, listes, notes de service, télécopies, courriels vocaux, courriels et registres de toutes sortes ayant trait, en tout ou en partie, aux listes des donateurs de 2002 et 2003).

 

[L’avocat de la défenderesse] ne permet à aucun représentant de l’ARC d’avoir accès à ces documents jusqu’à ce que la Cour fédérale du Canada rende une décision définitive en faveur de votre cliente ou jusqu’à ce que votre cliente se désiste de la présente demande.

 

L’entente n’a pas été déposée à la Cour et ne mentionne pas la Cour.

 

[3]               Au début du mois de décembre, la demanderesse a dit qu’elle n’était pas certaine que tous les renseignements aient été communiqués à l’avocat de la défenderesse. En outre, dans une lettre datée du 1er décembre 2005, l’avocat de la demanderesse a dit :

[traduction]

Apparemment, au cours des derniers jours, Mme Watt a envoyé des lettres à un grand nombre des donateurs de 2002, sinon à chacun d’eux. Ma cliente est très inquiète puisque, du moins en apparence, il semble probable que Mme Watt utilise la base de données de McKellar (ou d’autres documents de McKellar) en violation de l’engagement pris par l’ARC dans la présente affaire.

 

[4]               N’ayant pas obtenu une explication satisfaisante au sujet de la violation alléguée de l’entente, la demanderesse a déposé la présente requête dans laquelle elle demande :

1.             une ordonnance déclarant que les actes accomplis par l’ARC, Janice Watt, Srey Soun, Saverio Cristiano, Annie Li, L. Innocentin, Ying Chen, K. Lamothe et Raza Jadgal en envoyant des lettres imposant certaines conditions prévues à l’article 231.1 à des personnes qui avaient versé un don à la demanderesse violent l’entente;

2.             une ordonnance provisoire interdisant à l’ARC d’utiliser les listes des donateurs de 2002 et 2003 et d’autres renseignements connexes;

3.             une ordonnance provisoire exigeant que l’ARC remette à la Cour, pour qu’ils soient scellés, les listes des donateurs de 2002 et 2003 et d’autres renseignements connexes;

4.             une ordonnance en vue d’obliger Mme Watt et les autres personnes nommées au paragraphe 1 à comparaître pour un interrogatoire afin de déterminer jusqu’à quel point l’entente a été violée;

5.             une ordonnance permanente interdisant à l’ARC d’utiliser les listes des donateurs de 2002 et 2003 et d’autres renseignements connexes obtenus par suite de la violation de l’entente;

6.             une ordonnance permanente interdisant à l’ARC d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des donateurs de 2002 ou 2003 de la demanderesse en raison de l’abus de procédure qu’elle a commis en violant l’entente conclue devant la Cour;

7.             une ordonnance en vue d’écourter le délai de signification du dossier de requête en l’espèce;

8.             les dépens afférents à la présente requête;

9.             toute autre réparation demandée par l’avocat et que la Cour estime équitable.

 

[5]               Au début de l’audition de la présente requête, la demanderesse a précisé qu’elle ne demandait que les réparations décrites aux paragraphes 1, 5 et 6 de l’avis de requête. En termes simples, la demanderesse sollicite :

a)      une injonction interdisant à l’ARC d’utiliser les listes des donateurs de 2002 et 2003 et d’autres renseignements connexes;

b)      une ordonnance enjoignant à certains employés de l’ARC de comparaître pour un interrogatoire afin de déterminer [traduction] « jusqu’à quel point l’engagement a été violé ».

 

[6]               Si je comprends bien ses observations, la demanderesse ne qualifierait pas sa requête de demande d’injonction. Elle affirme plutôt que la Cour a le pouvoir inhérent d’obliger la défenderesse à respecter l’entente lorsqu’il existe une preuve prima facie qu’elle ne l’a pas fait (Williams Information Services Corp. c. Williams Telecommunications Corp. [1998] A.C.F. no 594 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 18; confirmé pour d’autres motifs par (1999), 250 N.R. 67 (C.A.F.); Halsbury’s Laws of England, 4e éd., volume 44(I), (Londres : Butterworths, 1995), au paragraphe 354).

 

[7]               Je constate qu’alors que la demanderesse qualifie l’entente d’engagement, il serait plus approprié de dire qu’il s’agit d’un accord entre les parties au contrôle judiciaire. En outre, il ne s’agit pas d’un engagement déposé à la Cour ou pris envers la Cour. Compte tenu de ces faits, et parce que la réparation demandée à la Cour est en tout point semblable à une injonction, je dois examiner la demande comme s’il s’agissait d’une demande d’injonction. Plus précisément, pour obtenir la réparation demandée, la demanderesse doit convaincre la Cour qu’elle satisfait au critère à trois volets applicable pour l’octroi d’une injonction interlocutoire établi dans R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Cette approche respecte les Règles des Cours fédérales et la jurisprudence à l’octroi d’une injonction. Une entente privée entre les parties, lorsque la Cour n’est pas une des parties en cause, ne modifie pas, selon moi, le droit applicable à l’octroi d’une injonction interlocutoire.

 

[8]               Il s’ensuit que, si je traite la présente requête comme s’il s’agissait d’une demande d’injonction provisoire, elle doit être rejetée. La demanderesse n’a pas traité des éléments du critère à trois volets. En particulier, je ne suis saisie d’absolument aucune preuve d’un préjudice irréparable ni concernant la prépondérance des inconvénients.

 

[9]               Si ma conclusion est erronée, je dois tout de même rejeter la requête. Il en est ainsi parce que la requête est entièrement fondée sur la violation alléguée de l’entente. La demanderesse prétend que la réception, par des [traduction] « douzaines » de donateurs de 2002, d’une lettre de nouvelle cotisation est une preuve prima facie que l’ARC a utilisé les renseignements contrairement aux termes de l’entente. Je ne suis pas d’accord. Le dossier de la requête révèle que la défenderesse a toujours soutenu que les renseignements concernant les donateurs de 2002 pouvaient être obtenus d’autres sources. Cela a été parfaitement décrit par Mme J. Watt, en septembre 2005, pendant le contre‑interrogatoire sur son affidavit, quand elle a expliqué comment elle arrivait à relier les dossiers sélectionnés par le bureau principal ou par divers bureaux des services fiscaux aux donateurs de 2002. Il ressort clairement de ce témoignage donné sous serment qu’il y a d’autres moyens d’obtenir les renseignements, et qu’il n’était pas nécessaire d’avoir recours aux renseignements visés par l’entente.

 

[10]           Dans ses présentations orales, la demanderesse a dit qu’elle [traduction] « soupçonnait » que l’entente avait été violée. De simples soupçons ne sont pas suffisants pour me convaincre que l’entente n’a pas été respectée. D’ailleurs Mme Watt a dit, dans son témoignage : [traduction] « Je n’utilise aucun renseignement contenu dans l’entente pour quelque fin que ce soit. » Compte tenu de ce témoignage à l’effet contraire donné sous serment, les soupçons de la demanderesse ne peuvent tenir.

 

[11]           Pour ces motifs, la requête sera rejetée.

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée. Les dépens sont adjugés en faveur de la défenderesse quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑779‑05

 

 

INTITULÉ :                                                   LA JOHN MCKELLAR CHARITABLE FOUNDATION

                                                                        c.

                                                                        L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 9 JANVIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 12 JANVIER 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Innes                                                    POUR LA DEMANDERESSE

R. Brendan Bisell

 

Peter A. Vita, c.r.                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Aleksandrs Zemdegs

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fraser Milner Casgrain s.r.l.                              POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LA DÉFENDERESSE

Sous‑procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.