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     Date: 20001023

     Dossier: IMM-4959-99


Entre :

     HAKIM CHELLELI

     Demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 22 septembre 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      Le demandeur, un citoyen de l'Algérie, a quitté ce pays le 27 septembre 1994. Après avoir séjourné en Espagne, en France et en Angleterre, il est arrivé au Canada le 3 février 1999. Le demandeur a allégué devant la Section du statut avoir quitté son pays à cause de son refus de rendre le service militaire.

[3]      Il appert que la décision du tribunal se fonde essentiellement sur le manque de crédibilité du demandeur, ce qui appert notamment des considérations suivantes exprimées dans la décision :

-      Il n'est pas plausible que les policiers aient ouvert le feu sur un chantier d'État; le tribunal trouve invraisemblable que les employés du gouvernement se tirent entre eux.
-      Après avoir quitté son pays, le demandeur n'a pas agi comme quelqu'un qui craint la persécution dans son pays; il a séjourné en Espagne et en France pendant quelque temps sans jamais avoir revendiqué le statut de réfugié dans ces pays.
-      Le demandeur a aussi attendu plus d'un mois avant de revendiquer le statut de réfugié en Angleterre; ce délai va à l'encontre de sa crainte subjective; de plus, une fois son appel refusé, il a attendu presque deux ans avant de quitter l'Angleterre pour chercher de la protection dans un autre pays. Autre délai qui mine sa crainte subjective.
-      En Angleterre, il admet avoir menti sur la date de départ de son pays; il a omis de mentionner sa crainte face au service militaire sous prétexte qu'il ne savait pas que ceci servirait à sa demande, mais dès son arrivée au Canada il en a parlé.

[4]      Après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, je ne suis pas convaincu que la Section du statut, un tribunal spécialisé, ne pouvait pas, à cet égard, raisonnablement conclure comme elle l'a fait (voir l'arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315).

[5]      Comme la perception de la Section du statut que le demandeur n'est pas crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible pouvant justifier sa revendication du statut de réfugié (voir l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238), le tribunal aurait été justifié de ne pas croire que le demandeur désirait obtenir le statut de réfugié parce qu'il ne voulait pas faire son service militaire en Algérie. Toutefois, le tribunal s'est penché sur la question du service militaire pour conclure que la simple crainte du demandeur d'être tué n'en fait pas nécessairement un objecteur de conscience et que celui-ci devait se soumettre à une loi d'application générale.

[6]      À cet égard, j'ai révisé la preuve à la lumière des principes applicables bien énoncés par la Cour d'appel fédérale, sous la plume du juge MacGuigan, dans l'arrêt-type Zolfagharkhani c. Canada (M.E.I.), [1993] 3 C.F. 540, où, à la page 552, sont exposées comme suit quelques propositions générales relatives au statut d'une loi ordinaire d'application générale lorsqu'il s'agit de trancher la question de la persécution :

             1) La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l'objet (ou tout effet principal) d'une loi ordinaire d'application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l'existence d'une persécution.
             2) Mais la neutralité d'une loi ordinaire d'application générale, à l'égard des cinq motifs d'obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.
             3) Dans cet examen, une loi ordinaire d'application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait, je crois, être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu, comme c'est généralement cas dans les affaires de réfugiés, de montrer que les lois revêtent, ou bien en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution.
             4) Il ne suffira pas au demandeur de montrer qu'un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la Convention.


[7]      Dans les circonstances, je ne suis pas davantage convaincu que le tribunal a erré en concluant que le demandeur n'était pas justifié d'éviter le service militaire parce qu'il devait se soumettre à la loi d'application générale en Algérie.

[8]      Enfin, le fait que les pièces P-11 et P-12 n'aient pas été mentionnées dans la décision ne m'apparaît pas déterminant, dans les circonstances, la première pièce constituant plutôt de la jurisprudence et la seconde, la description de faits qui, compte tenu de l'ensemble de la preuve documentaire, n'ont pas suffisamment de poids pour influencer le cours de la décision.

[9]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.



                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 23 octobre 2000

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