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Date : 20191115


Dossier : IMM-1611-19

Référence : 2019 CF 1429

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2019

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

YESOM JEON

HYOSEO JEON

HYOJOO JEON

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 30 octobre 2019)

I.  L’instance

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 21 janvier 2019 par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle le tribunal a rejeté la demande d’asile des demanderesses. La demande en l’espèce a été présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2]  Les demanderesses sont une mère âgée de 40 ans [la demanderesse principale] et ses deux filles âgées de 17 ans [la fille aînée] et de 15 ans. Les demanderesses sont des citoyennes de la Corée du Sud.

[3]  La demande d’asile des demanderesses était fondée sur des allégations de persécution et de préjudice qui reposaient sur 1) l’intimidation dont la fille aînée avait été victime à l’école en Corée du Sud et 2) la discrimination dont les trois demanderesses avaient fait l’objet en Corée du Sud en raison de leur origine nord‑coréenne.

[4]  Après que le ministre est intervenu pour démontrer que le premier Formulaire de renseignements personnels (FRP) qui avait été présenté était frauduleux, la demanderesse a reconnu le caractère frauduleux de ce document. Par la suite, en 2014, elle a présenté un deuxième FRP [le deuxième FRP], dans lequel elle décrivait l’intimidation qu’avait subie sa fille aînée à l’école.

[5]  La fille aînée a été suivie par un psychiatre en Corée du Sud de 2010 à 2012, année où les demanderesses ont quitté la Corée du Sud pour se rendre aux États‑Unis, puis au Canada.

II.  La décision

[6]  Le tribunal a souligné que, bien que la crédibilité de la demanderesse principale ait été, de façon générale, « douteuse » en raison du FRP frauduleux qu’elle avait présenté en 2012, il acceptait l’allégation selon laquelle la fille aînée avait été victime de discrimination et d’intimidation à l’école en Corée du Sud, et était atteinte d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité ainsi que d’autisme. Le tribunal a toutefois conclu qu’elle pourrait recevoir des soins psychiatriques en Corée du Sud comme cela avait été le cas de 2010 à 2012. Il a également conclu que l’intimidation dont elle avait été victime n’atteignait pas le niveau de persécution décrit à l’article 96 de la LIPR et n’entraînait pas non plus les préjudices décrits à l’article 97 de la LIPR. De plus, puisqu’il avait conclu que le récit de la demanderesse principale était douteux, le tribunal n’a pas abordé la preuve qu’elle avait présentée au sujet de sa crainte de persécution.

III.  Les questions en litige

[7]  Dans ce contexte, les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le fait qu’il manque une partie de l’enregistrement audio de l’audience constitue‑t‑il un manquement à l’équité procédurale?

  2. Le tribunal a‑t‑il omis de façon déraisonnable de tenir compte du risque auquel la fille aînée serait exposée en Corée du Sud en raison de son trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité et de son autisme?

  3. Le tribunal a‑t‑il omis de façon déraisonnable de faire mention de la documentation fournie par la demanderesse concernant le traitement des personnes atteintes de maladie mentale en Corée du Sud?

  4. Le tribunal a‑t‑il omis de façon déraisonnable de traiter de la crainte des demanderesses que la discrimination qu’elles subiraient si elles retournaient en Corée du Sud équivaille à de la persécution?

1.  Le caractère incomplet de l’enregistrement audio et de la transcription

[8]  Dans l’exposé de ses arguments, la demanderesse principale affirme que la preuve manquante est importante, parce qu’elle comprend une explication des raisons pour lesquelles elle a présenté un faux FRP en 2012. Elle soutient que si la Cour ne comprend pas son explication, elle ne sera pas en mesure d’apprécier le caractère raisonnable du refus du tribunal d’accepter son explication et de sa conclusion selon laquelle sa crédibilité était « douteuse ».

[9]  Je dois examiner cet argument dans son contexte. Dans son deuxième FRP, la demanderesse a expliqué qu’elle avait présenté un faux FRP en 2012 sur les conseils d’un agent et de membres de la communauté nord‑coréenne de Toronto.

[10]  Dans l’affidavit daté du 7 avril 2019 qu’elle a déposé pour les besoins de la présente instance [l’affidavit], la demanderesse est en quelque sorte cohérente, puisqu’elle affirme qu’elle s’est appuyée sur les conseils qui lui avaient été fournis lorsqu’elle avait présenté son FRP frauduleux en 2012. Cependant, elle soutient que ces conseils lui ont été fournis par un représentant, et non par un agent, et elle ne mentionne pas la communauté nord‑coréenne de Toronto.

[11]  Ce qui importe, c’est que la demanderesse a expliqué dans son deuxième FRP présenté avant l’audience et dans son affidavit déposé après l’audience qu’elle avait rempli le FRP frauduleux en suivant les conseils d’autres personnes. Il ne fait aucun doute que le tribunal a compris son explication, car il l’a rejetée dans sa décision, compte tenu du fait que la demanderesse était responsable du contenu de son FRP. Pour ce motif, je ne suis pas convaincue que la perte de l’enregistrement audio a entraîné un manquement à l’équité procédurale.

2.  Le risque auquel la fille aînée serait exposée en Corée du Sud

[12]  Comme je l’ai mentionné, le tribunal a reconnu que la fille aînée était autiste et qu’elle était atteinte d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, mais il a conclu qu’elle avait été traitée en Corée du Sud et qu’elle pourrait reprendre son traitement à son retour au pays. À mon avis, cette conclusion est prospective et raisonnable. Rien dans la preuve au dossier ne démontre à quel degré du spectre de l’autisme se situe la fille aînée. Il importe également de souligner que son diagnostic d’autisme ne prévoit ni la prescription d’une médication ni un traitement individuel.

3.  Les documents présentés par les demanderesses

[13]  Bien que le tribunal ait déclaré qu’il a lu les documents présentés par la demanderesse principale, j’estime qu’il était raisonnable que le tribunal ne s’y soit pas référé en détail, parce que ces documents n’étaient pas importants. En effet, ils décrivaient les hôpitaux et les traitements, comme les traitements d’électrochoc, qui sont réservés aux personnes atteintes de maladie mentale en Corée du Sud, mais ils ne donnaient pas à penser que la fille aînée aurait besoin d’être hospitalisée ou de recevoir un traitement agressif.

4.  Les craintes de la demanderesse principale

[14]  Le tribunal a déclaré que la crédibilité de la demanderesse principale était douteuse en raison de son FRP frauduleux. À mon avis, cette conclusion était raisonnable. Toutefois, le tribunal n’a pas rejeté expressément les craintes de la demanderesse principale. La question est de savoir si, compte tenu de sa conclusion générale défavorable quant à la crédibilité de la demanderesse, le tribunal devait rejeter expressément ses craintes. J’estime qu’il n’était pas tenu de le faire. La décision est claire. La preuve présentée par la demanderesse principale a clairement été rejetée, à l’exception de sa description de l’intimidation dont sa fille avait été victime.

IV.  La certification

[15]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.

V.  La conclusion

[16]  Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1611-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de décembre 2019

Christian Laroche, LL.B., juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1611-19

 

INTITULÉ :

YESOM JEON, HYOSEO JEON, HYOJOO JEON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 30 octobre 2019

 

Jugement et motifs :

la juge SIMPSON

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

le 15 novembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Joanna Berry

 

pour les demanderesses

 

Leanne Briscoe

 

pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour les demanderesses

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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