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Date : 20031125

Dossier : IMM-2902-02

Référence : 2003 CF 1383

Ottawa (Ontario), le 25 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                                                                     JING SHUN XU

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 et de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, visant la décision en date du 4 juin 2002 rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié) (la Commission) et dans laquelle il a été conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[2]                 La demanderesse demande que la décision de la Commission soit déclarée invalide ou nulle et que la demande soit renvoyée pour décision par un tribunal différemment constitué.

Contexte

Introduction

[3]                 La demanderesse est citoyenne de la République populaire de Chine. Elle invoque une crainte fondée de persécution en raison de sa religion, à savoir le christianisme.

[4]                 Suivant la demanderesse, une amie l'a initiée au christianisme en 1997 et elle a assisté à un rassemblement clandestin dans une église pour la première fois de sa vie. Elle a été baptisée en avril 1998, parlait de Jésus autour d'elle et cette expérience l'a changée.

[5]                 La demanderesse dit qu'en décembre 1998, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a eu vent de sa participation à l'église et qu'elle a été arrêtée en compagnie d'autres fidèles. On l'a détenue, battue et interrogée, puis forcée à rédiger et à signer une garantie; elle a aussi dû payer une amende. Elle a été mise en liberté mais le pasteur a été condamné à une peine d'emprisonnement.        

[6]                 La demanderesse déclare ne pas avoir renoncé à sa religion. Plusieurs mois plus tard, elle a commencé à fréquenter une autre église clandestine que lui avait fait connaître un fidèle de la première église qu'elle avait fréquentée.

[7]                 Le 6 mai 2000, le BSP a découvert cette église clandestine. Ce jour-là, pendant l'office, le guetteur a informé les fidèles de l'arrivée imminente de membres du BSP. La demanderesse a réussi à s'échapper et, par précaution, elle n'est pas allée chez elle, mais s'est plutôt rendue chez des parents. Le lendemain, des représentants du BSP se sont présentés à son domicile pour la chercher et ont exigé qu'elle se livre. Ils sont revenus une semaine plus tard, munis cette fois d'un mandat d'arrestation, et ils ont porté des accusations contre elle. La demanderesse a décidé de quitter son pays et elle soutient que le BSP est toujours à sa recherche.

Motifs de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Section du statut de réfugié)

[8]                 Une audience s'est tenue en présence de deux commissaires le 7 mars 2002. Dans sa décision en date du 4 juin 2002, la Commission a jugé que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

[9]                 La Commission a conclu que, suivant la prépondérance de la preuve, les éléments de preuve de la demanderesse n'étaient pas crédibles ou dignes de foi. La Commission a déclaré avoir pris en considération l'ensemble du témoignage de la demanderesse.


[10]            La Commission a estimé que l'attitude de la demanderesse n'avait pas le raffinement qu'on s'attendrait à trouver chez une personne qui, comme elle le prétendait, a complété des études en médecine. De plus, la demanderesse hésitait à répondre aux questions. Le conseil de la demanderesse a attribué son attitude et ses hésitations au fait qu'elle était enceinte de huit mois, mais la Commission n'a pas accepté cette explication. La Commission a cependant fait observer que si [traduction] « l'attitude d'un revendicateur peut constituer un facteur pertinent pour ce qui est d'évaluer la crédibilité, [...] on ne peut s'y fier aveuglément pour déterminer si la personne dit la vérité » .

[11]            La Commission a noté de nombreuses contradictions dans les documents personnels de la demanderesse. Le numéro d'identification apparaissant sur sa carte d'identité nationale correspondait à celui indiqué dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), mais le numéro dans son hukou (certificat de résidence) était différent. Même si elle se disait médecin, son hukou ne présentait aucune information sur sa profession ou son emploi. Dans le FRP de la demanderesse, la date de naissance de sa mère différait de celle inscrite dans son hukou. Par ailleurs, le hukou de la famille faisait mention d'une belle-fille et d'un petit-fils des parents de la demanderesse, mais indiquait également que son seul frère ne s'était jamais marié. Enfin, la Commission a fait observer que la demanderesse n'avait présenté aucun document relativement à son employeur. Même si la demanderesse a tenté de fournir des explications quant à certaines divergences, la Commission les a toutes rejetées comme peu plausibles.   


[12]         La Commission a de plus estimé que la demanderesse n'avait pas démontré, suivant la prépondérance de la preuve, qu'elle était chrétienne. La Commission en est venue à cette conclusion parce que, à la question de savoir quelle était la [traduction] « période » de l'année civile, la demanderesse a donné Pâques comme réponse. Elle ne savait rien non plus au sujet du carême ou du Dimanche des Rameaux. Elle a par la suite présenté un document de son église au Canada expliquant que l'église ne tient pas compte du Dimanche des Rameaux ni ne désigne comme telles les [traduction] « périodes religieuses qui ponctuent l'année » . La Commission a cependant déclaré que [traduction] « la revendicatrice devrait certainement être au courant du carême et du Dimanche des Rameaux, car elle prétend avoir pratiqué la religion chrétienne en Chine depuis 1998 et avoir répandu lvangile » . La Commission a estimé que les liens de la revendicatrice avec une église au Canada ne servaient qu soutenir sa revendication et a conclu qu'elle ntait pas croyante en Chine.

[13]            La Commission a noté une incohérence entre le FRP de la demanderesse et son témoignage car, dans son FRP, elle a déclaré avoir été battue pendant sa détention, mais a omis de mentionner cet incident dans son témoignage même après qu'on lui eut demandé à quatre reprises ce qui stait passé. Lorsque la Commission a lu l'extrait de son récit portant sur le fait qu'elle avait été battue, elle a expliqué qu'elle n'en avait pas parlé parce qu'elle était nerveuse. La Commission n'a pas accepté cette explication et a conclu que [traduction] « son histoire est une pure invention » .


[14]            La Commission a par ailleurs demandé à la demanderesse si on lui avait remis un reçu pour l'amende qu'elle dit avoir payée après son arrestation de décembre 1998. La Commission n'a pas cru sa réponse selon laquelle un reçu lui avait été remis, mais qu'il avait été détruit dans la lessive.

[15]            S'appuyant sur la décision Faryna c. Chorny, [1952] 2 D.L.R. 354 à la page 357 (C.A.C.-B.), la Commission a statué qu'elle pouvait rejeter un témoignage irréfuté si [traduction] « la preuve ne concorde pas avec les probabilités touchant l'affaire dans son ensemble » .

[16]             La Commission a de plus noté que la demanderesse n'avait pas revendiqué le statut de réfugiée à l'aéroport dès son arrivée au Canada. La Commission a estimé peu vraisemblable le fait qu'une personne comme elle, qui alléguait être médecin et était donc instruite, ne sache pas présenter une revendication à l'aéroport. La Commission a évalué cette preuve, disant que [traduction] « [l]e fait de tarder à présenter une revendication n'est pas un facteur décisif, mais il constitue un facteur important pour lvaluation de la crédibilité » .

[17]            La Commission a conclu que la demanderesse n'avait aucun motif valable de craindre d'être persécutée au motif de sa religion ou pour tout autre motif énoncé dans la définition de réfugié au sens de la Convention.


Observations de la demanderesse

[18]            La demanderesse fait valoir que les différences qu'a trouvées la Commission dans ses documents personnels ne sont pas pertinentes car celles-ci ne touchent pas au coeur de la revendication, à savoir l'identité chrétienne de la demanderesse.

[19]            La demanderesse fait également valoir qu'il existe des explications raisonnables pour certaines des différences relevées dans les documents d'identité. La traduction anglaise de la date de naissance de sa mère dans le hukou est une erreur de traduction. Le renseignement figurant dans le hukou selon lequel le frère de la demanderesse est célibataire constitue également une simple erreur dans le hukou. La demanderesse soutient que la Commission a agi de manière abusive, arbitraire et déraisonnable en rejetant catégoriquement la possibilité que les données apparaissant dans le hukou contiennent des erreurs.

[20]            La demanderesse fait valoir que la Commission a commis une erreur en concluant qu'elle n'était pas chrétienne comme elle l'avait dit. Selon la demanderesse, la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a accordé aucun poids à la lettre de l'église de Toronto que la demanderesse a présentée à la Commission. Cette lettre expliquait que l'église ne tenait pas compte du Dimanche des Rameaux ou qu'elle ne nommait pas les [traduction] « périodes religieuses qui ponctuent l'année » .

[21]            La demanderesse déclare que la Commission a aussi commis une erreur en concluant qu'elle aurait dû savoir ce que sont le Dimanche des Rameaux et le carême à cause de ses expériences chrétiennes en Chine. Elle soutient qu'il n'y avait pas de preuve selon laquelle son église en Chine tenait compte de ces pratiques et, étant donné la nature clandestine de la pratique de la religion chrétienne en Chine, il est possible que la demanderesse n'ait pas eu l'occasion de se familiariser avec celles-ci. Enfin, en tant que protestante, la demanderesse peut n'avoir su que peu de choses à propos du carême.

[22]            La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en mettant en doute sa crédibilité au motif qu'elle a omis d'aborder le fait qu'elle a été battue lorsqu'elle a été interrogée au sujet de sa détention de décembre 1998. Elle fait observer qu'étant enceinte de huit mois, l'explication selon laquelle elle était nerveuse, mal à l'aise et sujette à des moments d'inattention était tout à fait raisonnable quant à l'absence de mention dans son témoignage du fait qu'elle avait été battue pendant sa détention.

[23]            De plus, la Commission a omis de donner des motifs convaincants, clairs et compréhensibles pour avoir rejeté la preuve de la demanderesse selon laquelle elle avait perdu son reçu pour l'amende dans la lessive.

[24]            La demanderesse fait également valoir que le retard ne peut pas en soi constituer le fondement du refus de sa revendication du statut de réfugiée.

[25]            La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en n'évaluant que la question de savoir si elle avait la foi chrétienne pendant qu'elle vivait en Chine et qu'elle a en conséquence omis d'aborder la question de la crainte qu'elle éprouvait pour l'avenir. En ce sens, la Commission a omis de suivre les directives établies par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Salibian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 250 (C.A.). Compte tenu de la preuve documentaire qui démontre clairement que les personnes de foi chrétienne sont persécutées en Chine, il incombait en outre à la Commission de tirer une conclusion claire quant à l'identité de la demanderesse comme croyante chrétienne au moment de l'audience. La demanderesse allègue donc que la Commission a commis deux erreurs à cet égard : en premier lieu, en n'énonçant pas une conclusion claire quant à l'affirmation de la demanderesse voulant qu'elle ait été chrétienne au moment de l'audience, et, en second lieu, en n'abordant pas la question de la crainte qu'elle éprouvait pour l'avenir.

Observations du défendeur

[26]            Le défendeur fait valoir que la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que la demanderesse n'est pas une réfugiée au sens de la Convention.


[27]            Le défendeur soutient que la Commission, à titre de principal juge des faits, a droit de rejeter même une preuve non réfutée si celle-ci n'est pas [traduction] « compatible avec les probabilités propres à l'affaire prise dans son ensemble » . De plus, la Commission peut tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en se fondant uniquement sur le caractère peu vraisemblable du récit de la demanderesse et elle peut évaluer le caractère vraisemblable en examinant le récit de la demanderesse à la lumière de sa propre compréhension du comportement humain.

[28]            Le défendeur fait valoir que la Cour doit être d'avis que les conclusions de la Commission étaient si déraisonnables qu'une intervention judiciaire est justifiée pour infirmer une décision rendue par la Commission.

[29]            Le défendeur soutient que le poids de la preuve et la crédibilité, les seules questions que soulèvent la demanderesse, sont des sujets qui relèvent bien de la compétence de la Commission. La Cour devrait en conséquence hésiter à intervenir dans les conclusions de la Commission concernant la crédibilité, étant donné que le témoin était devant elle et qu'elle a pu évaluer son témoignage.

[30]            Le défendeur fait valoir que dans des décisions comme l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a conclu que les décisions défavorables à la crédibilité d'une personne sont correctement rendues si la Commission énonce en termes clairs et explicites ses motifs pour ce faire.

[31]            Le défendeur allègue qu'en l'espèce, la Commission a jugé que le témoignage de la demanderesse n'était pas crédible et a motivé en détail sa décision.

[32]            Le défendeur soutient qu'il était loisible à la Commission de tirer la conclusion que la demanderesse n'était pas crédible et qu'elle avait adhéré à une église au Canada pour soutenir sa revendication. En se basant sur les connaissances rudimentaires de la demanderesse sur le christianisme, la Commission a estimé que celle-ci n'avait pas la foi chrétienne. La demanderesse a expliqué pendant l'audience qu'elle n'était pas au courant de ces pratiques parce qu'elle fréquente au Canada une église de langue coréenne. La Commission n'a toutefois pas accepté cette explication car la demanderesse a reconnu qu'elle parlait couramment le coréen. De plus, la Commission a pris en considération la lettre qu'a présentée la demanderesse en provenance de son église au Canada. La Commission n'a pas accepté que cette lettre constituait une explication raisonnable de son ignorance complète du carême et du Dimanche des Rameaux, compte tenu que la demanderesse aurait été chrétienne pratiquante depuis 1997 et qu'elle avait répandu l'Évangile.

[33]            Le défendeur fait implicitement valoir que la Commission pouvait décider que la demanderesse n'était pas crédible parce qu'elle n'avait pas dit dans son témoignage qu'elle avait été battue pendant sa détention.


[34]            Le défendeur soutient qu'une conduite incompatible avec une crainte fondée de persécution, le retard par exemple, peut avoir une incidence négative sur la crédibilité. En conséquence, il était loisible à la Commission de tirer une conclusion négative du fait que la demanderesse avait omis de revendiquer le statut de réfugiée dès son arrivée au Canada. De plus, le défendeur semble dire que la Commission n'a pas trop insisté sur ce facteur puisque cette dernière a noté que la question du retard ne constituait pas un facteur déterminant dans sa décision.

[35]            Le défendeur allègue que la Commission n'avait pas à évaluer la crainte qu'éprouvait la demanderesse pour l'avenir. Sa foi chrétienne était au coeur de sa revendication. En conséquence, une fois que la Commission eut conclu que la conviction chrétienne de la demanderesse n'avait pas été établie, il ne lui était pas nécessaire de pousser plus loin l'analyse de la preuve.

Questions en litige

[36]            Les questions en litige sont les suivantes :

1.          Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont-elles erronées au motif qu'elles sont fondées sur des éléments non pertinents, qu'elles n'ont pas tenu compte de la preuve et qu'elles n'étaient pas raisonnables eu égard aux sujets de préoccupation des commissaires saisis de l'affaire, à savoir :

a)          les documents personnels de la demanderesse;

b)          l'identité chrétienne de la demanderesse;

c)          la preuve de la demanderesse quant à sa détention de décembre 1998.

2.          Les commissaires saisis de l'affaire ont-ils commis une erreur de droit en négligeant d'évaluer la crainte qu'éprouvait la demanderesse pour l'avenir?


Disposition législative pertinente

[37]            Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration précitée est rédigé comme suit :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;


Analyse et décision

[38]            Je propose en premier lieu de traiter de la question de l'identité chrétienne de la demanderesse.

b)          L'identité chrétienne de la demanderesse

La demanderesse a prétendu être devenue chrétienne en 1997 alors qu'elle se trouvait en Chine et avoir fréquenté, pendant qu'elle se trouvait au Canada, lglise méthodiste Antioch de Toronto. Devant la Commission, la demanderesse a été longuement interrogée par l'agent chargé de la revendication (et, dans une certaine mesure, par son propre conseil) à propos de sa connaissance de la Bible, du baptême, du carême, du Dimanche des Rameaux et d'autres éléments de la foi chrétienne. Bien qu'elle ait été capable de répondre à certaines questions, elle ne connaissait pas le carême ni le Dimanche des Rameaux.

[39]            La Commission a conclu que la demanderesse avait des connaissances rudimentaires sur le christianisme, qu'elle n'était pas croyante en Chine et que ses liens avec une église au Canada servaient à soutenir sa revendication.

[40]            Dans ses motifs, la Commission a noté à la page 6 de sa décision qu' [traduction] « [e]lle ne savait rien du carême, un rite observé universellement par les gens de toutes les confessions » . La Commission a fondé sa conclusion relativement au manque de crédibilité sur l'ignorance de la demanderesse de pratiques chrétiennes spécifiques.

[41]            Le conseil de la demanderesse a déclaré à l'audience que le carême et le Dimanche des Rameaux étaient surtout des pratiques catholiques qui ne faisaient pas nécessairement partie de la foi protestante. La demanderesse a présenté une lettre de son église affirmant que les périodes religieuses qui ponctuent l'année et le Dimanche des Rameaux n'étaient pas célébrés et elle a déclaré ne pas avoir appris ces pratiques pendant sa fréquentation d'églises clandestines en Chine.

[42]            À mon avis, il n'était pas loisible à la Commission, sur le fondement des faits en l'espèce, de conclure que le carême est un rite observé universellement par les gens de toutes les confessions. La demanderesse a témoigné que son église n'observait pas le carême. L'ignorance du carême et du Dimanche des Rameaux constituait l'élément fondamental permettant de conclure que la demanderesse n'était pas digne de foi quand elle se disait chrétienne.

[43]            Les conclusions de la Commission quant à l'identité chrétienne de la demanderesse ont pesé lourd dans l'évaluation finale de la crédibilité. De plus, la conclusion de la Commission sur le manque de crédibilité était fondamentale pour l'issue de la présente affaire. J'estime que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle.

[44]            La demande de contrôle judiciaire est en conséquence accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

[45]            Compte tenu de mon opinion sur cet aspect, je n'ai pas à traiter des autres questions soulevées par la demanderesse.

[46]          Ni l'une ni l'autre partie ne souhaitait proposer à mon attention une question grave de portée générale à certifier.

                                                                     ORDONNANCE

[47]            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de la Commission est annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire.

                       « John A. O'Keefe »                                                                                                                                        Juge

Ottawa (Ontario)

Le 25 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Nicole Michaud, LL.L., M. Trad.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           IMM-2902-02

INTITULÉ :                                        JING SHUN XU

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE JEUDI 29 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                      LE MARDI 25 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS:

Hart A. Kaminker

POUR LA DEMANDERESSE

Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kranc & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada                      

POUR LE DÉFENDEUR


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