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Date : 20191213


Dossier : T-1453-18

Référence : 2019 CF 1601

Ottawa (Ontario), le 13 décembre 2019

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

IMMACULÉE FRANÇOIS-JUMELLE

demanderesse

et

SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission], datée du 27 juin 2018, rejetant la plainte de discrimination formulée par la demanderesse aux termes de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), c H-6 [Loi] à l’encontre de la défenderesse, la Société canadienne des postes [la Société], où elle a travaillé du 1er octobre 2000 au 20 novembre 2008, date où elle a été congédiée.

[2]  La demanderesse prétend, dans sa plainte, qu’à partir du mois de mai 2007 et jusqu’à son congédiement, la Société s’est rendue coupable de discrimination à son égard en ne lui offrant pas d’accommodements, dans des délais raisonnables, pour les limitations fonctionnelles dont elle se disait accablée et en la congédiant en raison de ces limitations.

[3]  La Commission a jugé, sur la foi d’un rapport préparé par une de ses enquêtrices sous l’égide de l’article 43 de la Loi, que la plainte de la demanderesse ne justifiait pas un renvoi au Tribunal canadien des droits de la personne [Tribunal] pour examen. Comme le lui permet le sous-alinéa 44(3)(b)(i) de la Loi, elle a, conséquemment, rejeté ladite plainte.

II.  CONTEXTE

A.  La plainte

[4]  Les problèmes à l’origine du dépôt de sa plainte à la Commission débutent en mai 2007, alors qu’à sa demande, la demanderesse est transférée de Montréal à Ottawa. Selon la plainte, une fois à Ottawa, un poste de nuit l’attend. Toutefois, un poste de jour ou de soir aurait été préférable compte tenu de son diabète. Le 29 mai 2007, elle fait une demande d’accommodement, avec billet médical à l’appui, pour un travail de jour ou de soir. En raison de retards administratifs, le billet médical ne parvient cependant à la Société qu’à la fin août 2007. Entre temps, faute d’accommodements, elle ne se présente pas au travail. La situation perdure jusqu’au 7 octobre 2007, date où elle est mutée, à sa demande, à un poste de factrice.

[5]  Le 5 novembre 2007, elle obtient un nouveau billet médical, cette fois pour une condition de pieds plats que révèlent ses nouvelles fonctions de factrice, lesquelles l’obligent à marcher pendant de longues heures les jours où elle travaille. Un retour progressif est négocié avec la Société, sujet à ce que la demanderesse se procure des orthèses. N’ayant pas les moyens de se les procurer, son retour au travail est retardé. Quelques semaines plus tard, soit le 15 décembre 2007, la demanderesse, alors qu’elle est toujours en congé de maladie en raison de son problème de pieds plats, se fracture le coude gauche. Elle obtient un nouveau billet médical qui recommande un arrêt de travail de deux à trois semaines.

[6]  Le 27 décembre 2007, toujours selon la plainte, la demanderesse transmet à la Société un billet médical qui la dit apte à reprendre le travail si des tâches modifiées lui sont offertes. Dans la foulée de ce billet médical, le syndicat représentant la demanderesse propose à la Société de la muter à des tâches cléricales.

[7]  Le 23 janvier 2008, la Société affecte la demanderesse dans un poste de commis, mais comme il s’agit d’un quart de nuit impliquant la gestion de colis surdimensionnés, la demanderesse ne se présente pas au travail, estimant que cette mutation ne respecte pas ses limitations fonctionnelles. La situation se règle le 12 février 2008 alors que la demanderesse est « accommodé[e] en travaux modifiés pour [s]on bras et [s]es pieds jusqu’à l’obtention de [s]es orthèse [sic] » (Formulaire de plainte, Dossier certifié du Tribunal [DCT], à la p 3).

[8]  Toujours selon la plainte, le 8 mai 2008, la Société cesse d’accommoder la demanderesse dans un poste de commis en raison du retard qu’elle met à fournir l’avis de son endocrinologue concernant les limitations reliées à son diabète, et donc, au travail de nuit. Dans les jours qui suivent, on la retourne, faute d’avoir fourni l’information médicale requise, dans son poste de factrice, mais on ne lui offre que deux heures de travail par jour compte tenu de ses limitations fonctionnelles liées à ce type de tâches. Pourtant, poursuit la demanderesse, Financière Manuvie, qui gère les cas d’invalidité chez la Société, recommande un retour progressif dans un poste de factrice, échelonné sur une période de trois semaines, à raison de quatre heures par jour pour les deux premières semaines et de six heures par jour pour la troisième.

[9]  Le 26 mai 2008, on l’affecte à un poste de commis au dépôt de Gatineau. Il s’agit d’un quart de nuit. Le 5 juin 2008, elle obtient un autre billet médical qui recommande qu’elle soit en arrêt de travail jusqu’au 20 juin 2008 pour cause de troubles d’adaptation avec humeur anxieuse. Le 7 juillet 2008, Financière Manuvie recommande à la Société de réintégrer la demanderesse dans son poste de factrice selon l’horaire progressif proposé au mois de mai, mais la demanderesse ne se sent pas apte à reprendre ce travail compte tenu des limitations fonctionnelles qui, selon elle, l’affligent toujours. Pendant ce temps, la demanderesse est toujours absente du travail. Elle le sera, en fait, jusqu’au 12 novembre 2008.

[10]  Entre-temps, soit à la fin juillet 2008, une mise à jour de l’information médicale concernant les limitations fonctionnelles de la demanderesse est requise après qu’une entente soit intervenue entre son syndicat et la Société quant à son retour au travail, lequel, aux termes de cette entente, est prévu pour le début août 2008. Cette demande de mise à jour de l’information médicale, qui est suivie d’une autre demande, celle-là transmise le 8 août 2008, retarde son retour au travail, retard que la demanderesse attribue à la Société et à Financière Manuvie.

[11]  Le 6 octobre 2008, la demanderesse se rend chez un collègue de sa spécialiste pour une évaluation médicale indépendante de sa condition, mais elle se fait dire, en arrivant à la clinique, que son nom n’apparaît pas sur la liste des rendez-vous et que de toute façon, le médecin en question ne travaille pas ce jour-là. Elle se dit alors convaincue qu’il s’agit d’une manœuvre de harcèlement de la part de la Société envers sa spécialiste. Cette évaluation a finalement lieu le 20 octobre 2008 et le médecin consulté en conclut que la demanderesse ne souffre d’aucune limitation. Il confirme toutefois, selon la plainte, la volonté de la demanderesse de retourner au travail.

[12]  Tel qu’indiqué précédemment, la demanderesse retourne au travail le 12 novembre 2008. On l’affecte alors à un poste de commis de nuit, à raison de quatre heures par nuit. Ce travail l’accommode « pour des tâches modifiées pour [s]on bras et pour le retour progressif pour [s]es pieds (travail debout) » (Formulaire de plainte, DCT, à la p 5). On la convoque aussi à une entrevue pour discuter du fait qu’elle se soit absentée du travail depuis le mois de juin. Se sentant agressée par cette demande, elle ne se présente pas à l’entrevue.

[13]  Le 18 novembre 2008, elle quitte son lieu de travail, estimant que la Société refuse de l’accommoder selon les normes de santé et sécurité au travail sur la base d’une évaluation médicale – celle du 20 octobre 2008 - qu’elle juge « non conforme juridiquement » (Formulaire de plainte, DCT, à la p 5). Le 20 novembre 2008, la demanderesse est congédiée.

B.  Le Rapport d’enquête

[14]  La demanderesse n’a pas convaincu l’enquêtrice de la Commission qu’il y avait matière à recommander que sa plainte soit examinée par le Tribunal. Dans un rapport daté du 26 février 2018, l’enquêtrice s’est dite en effet d’avis, à la lumière de la preuve qu’elle a colligée, que la nécessité d’accommodement pour le travail de nuit n’avait pas été établi puisqu’à la suite de deux évaluations médicales, le diagnostic de diabète n’avait pu être confirmé. Elle a noté, à cet égard, qu’à l’exception du billet médical que la demanderesse obtient peu après qu’elle ait commencé son quart de nuit en mai 2007, billet qui, selon elle, ne recommandait que des mesures d’accommodement temporaires, il n’existait aucune autre preuve à l’effet que la demanderesse souffrait de diabète.

[15]  L’enquêtrice s’est également dite d’avis que la demanderesse n’avait pas pleinement collaboré avec la Société dans la recherche de mesures d’accommodement en tardant à fournir l’information médicale requise au soutien de ses limitations fonctionnelles, et ce, malgré de nombreux rappels. Elle a jugé, aussi, qu’on ne pouvait conclure de la preuve que la Société avait refusé de mettre en place les mesures d’accommodement requises par la condition de la demanderesse.

[16]  Enfin, l’enquêtrice a conclu que la Société avait fourni une explication raisonnable en marge du congédiement de la demanderesse puisqu’étant apte à retourner au travail sans restriction en octobre 2008, celle-ci refusait néanmoins d’effectuer les tâches demandées. Elle a souligné, à cet égard, que la Société avait adéquatement appliqué le processus de gradation des sanctions avant de procéder au congédiement de la demanderesse.

[17]  Pour en arriver à ces conclusions, l’enquêtrice, en plus d’interroger la demanderesse, a analysé un certain nombre de documents, dont des rapports médicaux provenant de l’endocrinologue de la demanderesse et du médecin ayant procédé à l’évaluation indépendante du 20 octobre 2008. Elle a également examiné une lettre du syndicat de la demanderesse, datée du 19 février 2013, faisant état du fait que les griefs logés à l’encontre de la Société en marge du congédiement de la demanderesse, ne seraient pas soumis à l’arbitrage au motif qu’une révision du dossier démontrait qu’au moment dudit congédiement, il n’avait pas été médicalement établi que la demanderesse souffrait de limitations qui l’auraient empêchée de faire son travail.

[18]  Aucun des documents examinés par l’enquêtrice, et j’y reviendrai, n’a été produit au dossier du présent contrôle judiciaire.

C.  La réponse de la demanderesse au rapport d’enquête

[19]  La demanderesse s’est prévalue de l’occasion qui lui a été offerte de commenter le rapport d’enquête. Dans une lettre datée du 9 avril 2018, elle nie avoir tardé à fournir les documents demandés et impute tout retard à des imbroglios administratifs hors de son contrôle. Quant à son affectation à un travail de nuit à son arrivée à Ottawa en mai 2007, elle dit que ce n’était pas son choix, puisqu’elle visait d’abord et avant tout à occuper un des postes vacants dans la région d’Ottawa, postes pour lesquels elle s’était renseignée avant son transfert. Elle ajoute qu’elle était suivie à l’époque « en prévision du diabète de type 2 » (Observations de la demanderesse, DCT, à la p 20).

[20]  En ce qui a trait au poste de factrice, elle dit qu’elle ignorait son problème de pieds plats avant de faire ce travail pour lequel, de toute façon, elle doutait avoir les compétences. Ayant épuisé ses congés de maladie, elle n’avait pas les moyens de se procurer les orthèses requises pour reprendre ce travail. Le fait que la Société n’ait alors rien fait pour favoriser son retour progressif au travail ou son affectation à des tâches adaptées à sa condition, tel que l’a constatée, selon elle, le Conseil arbitral de l’assurance-emploi [Conseil arbitral], dans une décision datée du 12 mars 2008, l’a laissé sans revenu pour une période plus longue que prévue.

[21]  La demanderesse relate aussi, dans ses observations écrites, les difficultés qu’elle a eues à renouveler son bail résidentiel à l’été 2008, difficultés qu’elle attribue au fait que sa paie ne lui aurait pas été versée à temps par la Société et ce, malgré une entente conclue entre son syndicat et la Société.

[22]  Elle conclut en disant qu’elle n’a pas refusé d’exécuter les tâches demandées, réitérant qu’elle n’a jamais pu revenir progressivement au travail « dans un environnement de santé et sécurité favorable à [s]a condition et [s]on épanouissement professionnel » (Observations de la demanderesse, DCT, à la p 22). Elle exhorte la Commission à « explorer davantage la preuve syndicale de la région de l’Outaouais concernant le harcèlement psychologique exercé par l’employeur à toutes les fois [qu’elle a] dû réintégrer une nouvelle affectation » (Observations de la demanderesse, DCT, à la p. 22).

D.  La décision de la Commission

[23]  Le 27 juin 2018, la Commission, après, dit-elle, avoir étudié le rapport de l’enquêtrice et pris en considération les observations de la demanderesse et celles de la Société, laquelle s’est essentiellement dite en accord avec le contenu du rapport, a déterminé, sur la base du sous-alinéa 44(3)(b)(i) de la Loi, que la preuve n’appuyait pas « l’allégation selon laquelle la [demanderesse] a été défavorisée en cours d’emploi et que la [Société] à [sic] mis fin à son emploi en raison de sa déficience ».

III.  QUESTION EN LITIGE

[24]  Il s’agit ici de déterminer si le rejet de la plainte de la demanderesse justifie, dans les circonstances de la présente affaire et suivant les paramètres fixés par l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, l’intervention de la Cour.

[25]  Il est bien établi que la Commission jouit d’un large pouvoir discrétionnaire et d’« un degré remarquable de latitude » lorsqu’elle décide de rejeter, en application du sous-alinéa 44(3)(b)(i) de la Loi, une plainte formulée aux termes de cette même Loi (Bell Canada c Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 CF 113 au para 38 [Bell Canada]). Cela commande l’application de la norme de la décision raisonnable, norme suivant laquelle la Cour n’interviendra que dans les cas où la décision de la Commission est dépourvue des attributs de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité et se situe hors du champ des issues possibles, acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47; Ritchie c Canada (Procureur général), 2017 CAF 114 au para 16; Keith c Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117 au para 47).

[26]  Lorsque, comme en l’espèce, la Commission adopte, sans plus, les recommandations du rapport d’enquête établi en vertu de l’article 43 de la Loi, l’analyse de la raisonnabilité de la décision de la Commission se fait à partir du contenu du rapport lui-même, alors considéré comme constituant les motifs de la décision de la Commission (Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404 aux paras 37-38; Egueh-Robleh c Instituts de recherche en santé Canada, 2019 CF 1079 au para 22; Nepp c KF Aerospace, 2019 CF 1169 au para 14; Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160 au para 60).

[27]  Par ailleurs, la décision de la Commission peut aussi être renversée si, dans le cadre de l’enquête ayant mené à ladite décision, le plaignant n’a pas eu droit à un processus juste et neutre. Ce sera le cas, par exemple, lorsqu’il est allégué que la Commission a fait défaut de considérer un élément de preuve manifestement important (Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574, au para 57). Lorsqu’un tel manquement est allégué, la norme de la décision correcte s’applique (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43; Tutty c Canada (Procureur général), 2011 CF 57 au para 14).

[28]  Il est important de rappeler, à ce stade-ci, que le rôle de la Commission, aux termes des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 44 de la Loi, n’est pas de déterminer si la plainte dont elle est saisie est fondée; il est plutôt de déterminer si un examen de la plainte, par le Tribunal, est justifié compte tenu des circonstances de l’affaire (Cooper c Canada (Commission de la personne), [1996] 3 RCS 854 [Cooper] au para 53). En ce sens, la Commission n’est pas un organisme décisionnel, ce rôle étant dévolu par la Loi au Tribunal. Sa fonction première, à ce niveau, s’apparente davantage à celle du juge qui effectue à une enquête préliminaire. En d’autres termes, il lui revient de procéder à un « examen préalable » de l’affaire (Cooper aux paras 52-53; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 RCS 879 aux p 898-899; Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969 au para 16).

[29]  En exerçant ce rôle, la Commission, comme je viens de le dire, se voit confier un large pouvoir discrétionnaire (Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10 aux paras 21 et 25) qui lui confère un « un degré remarquable de latitude » (Walsh c Canada (Procureur général), 2015 CF 230 au para 19, citant Bell Canada au para 38).

IV.  ANALYSE

[30]  Selon l’Avis de demande qu’elle a produit le 31 juillet 2018, tout comme l’Avis de demande amendé produit en décembre 2018, la demanderesse reproche trois choses à la Commission. La première concerne le fait que la Commission aurait fait défaut de considérer la décision du Conseil arbitral, qui appuie, selon elle, l’allégation selon laquelle elle a été défavorisée en cours d’emploi. La seconde a trait au fait que la Commission aurait omis de prendre en considération les renseignements « pertinents et factuels » concernant la disponibilité des documents médicaux et la gradation des mesures disciplinaires.

[31]  La troisième fait reproche à la Commission d’avoir ignoré « la preuve de resconnaissance [sic] du jugement du Tribunal administratif du Québec qui met en cause l’accident automobile » (Avis de demande, 31 juillet 2018, à la p 3).

[32]  Ce dossier pose deux difficultés importantes. D’une part, les arguments à l’encontre de la décision de la Commission ne sont étayés nulle part dans des représentations écrites. En effet, la demanderesse n’a jamais produit de « dossier du demandeur », comme l’exige la règle 309 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles]. Pourtant, une ordonnance de la protonotaire Sylvie M. Molgat datée du 27 mai 2019 le lui rappelait et lui accordait jusqu’au 10 juin 2019 pour le faire, délai prorogé par la suite jusqu’au 4 juillet 2019.

[33]  À cette date, la demanderesse a produit un document intitulé « Prétentions écrites de Immaculée François-Jumelle en réponse à la requête en contestation d’irrégularités » alors que ladite requête avait été pourtant rejetée par la protonotaire Molgat à l’occasion de la même ordonnance. Sauf pour un seul paragraphe – le paragraphe 17 - ces prétentions n’adressent, ni de près ni de loin, le mérite de la demande de contrôle judiciaire. Ce paragraphe se lit comme suit :

[17]  La défenderesse [sic] conteste la décision datée du 27 juin 2018, de la Commission canadienne des droits de la personne en raison de l’omission du contenu de la décision du Conseil arbitral de l’assurance-emploi du 12 mars 2008 (Pièce 2, annexe 8). Ainsi que l’ambiguïté soulevé [sic] pour le délai des négociations entre l’employeur et le syndicat pour le règlement de mes griefs en attente d’une séance d’arbitrage (Pièce 3, annexe 9). Un délai que la Société canadienne des postes évaluait d’environ 10 mois. En date du 4 juillet 2019, il n’y a aucune justification pour les irrégularités du traitement de mon dossier d’employé. Une demande d’accommodement temporaire se résulte par un congédiement pour assiduité au travail.

[34]  Il n’y a donc, au présent dossier, aucune autre forme de représentations écrites portant sur le mérite du recours entrepris par la demanderesse. Déjà là, à la lecture de ce paragraphe 17, l’on constate qu’à part l’argument fondé sur la décision du Conseil arbitral, il n’y a aucune référence aux deux autres motifs invoqués au soutien de l’Avis de demande. Il n’y a en effet aucune référence, directe ou indirecte, à l’omission de prendre en compte la décision du Tribunal administratif du Québec portant sur « l’accident automobile ». Il n’y est pas question non plus des renseignements « pertinents et factuels » concernant la disponibilité des documents médicaux et la gradation des mesures disciplinaires que la Commission aurait ignorés.

[35]  Cela m’amène à la deuxième difficulté, encore plus sérieuse, à mon sens, que la première, qui afflige le présent dossier. Cette difficulté résulte du fait qu’à part la décision du Conseil arbitral, rien de ce qui était devant l’enquêtrice n’a été produit au dossier de la Cour. Comment, dans un tel contexte, la Cour peut‑elle, malgré ce que la demanderesse a pu plaider oralement à l’audience du présent contrôle judiciaire, évaluer le bien-fondé de l’argument selon lequel, par exemple, la Commission aurait omis de considérer des renseignements « pertinents et factuels » concernant la disponibilité des documents médicaux et la gradation des mesures disciplinaires?

[36]  L’appréciation de la raisonnabilité d’une décision d’un décideur administratif ne peut se faire à l’aveuglette. Encore faut-il que la Cour puisse disposer d’un minimum de contenu factuel pour être en mesure de se prononcer sur une telle question. En l’espèce, sauf pour la décision du Conseil arbitral, ce minimum n’existe pas. Or, il appartient à celui ou celle qui prétend au caractère déraisonnable d’une décision d’en faire la preuve. Le fardeau repose sur cette personne (Opportunities for the Disabled Foundation c Canada (Revenu national), 2016 CAF 94 au para 63).

[37]  En l’espèce, le DCT, produit par la Commission en août 2018 aux termes de la règle 318 des Règles, se résume à peu de choses. On y retrouve essentiellement la décision de la Commission, le résumé de la plainte de la demanderesse, le formulaire de plainte, le rapport de l’enquêtrice et les observations de la demanderesse et de la Société sur ce rapport.

[38]  Dans la lettre accompagnant la production du DCT, qui est adressée à l’Administratrice de la Cour mais aussi aux parties, il est fait mention que la demanderesse souhaitait que « tous les documents » concernant sa plainte soient divulgués par la Commission, ce à quoi cette dernière s’est objectée sur la base que cette demande n’était pas assez précise pour évaluer la pertinence de tout document supplémentaire à la lumière des motifs sous-tendant l’Avis de demande. La Commission se disait toutefois ouverte à reconsidérer sa position si on lui présentait une demande de divulgation plus précise. De toute évidence, cette invitation est restée lettre morte.

[39]  La Commission précisait aussi, dans cette lettre, qu’elle considérait comme pertinents les documents que la demanderesse avait pu soumettre à l’enquêtrice. Toutefois, comme ces documents devaient normalement se trouver en possession de la demanderesse, elle estimait, à tort ou à raison, qu’elle n’avait pas à les inclure dans le DCT. Rien n’empêchait toutefois la demanderesse de contester la position de la Commission ou encore de produire ces documents elle-même, via un affidavit. La demanderesse n’a fait ni l’un ni l’autre.

[40]  Force est de conclure que le présent dossier, tel que constitué, ne me permet pas de déterminer si la Commission a omis, comme le prétend la demanderesse, de prendre en considération les renseignements « pertinents et factuels » concernant la disponibilité des documents médicaux et la gradation des mesures disciplinaires ou encore le jugement du Tribunal administratif du Québec « qui met en cause l’accident automobile ».

[41]  Dans le premier cas, ces renseignements, s’ils existent, ne sont pas devant moi. Au surplus, nulle part au dossier la demanderesse n’en précise-t-elle la teneur. Quant au jugement du Tribunal administratif du Québec, il n’a pas été versé au dossier et il n’y a aucune indication qu’il a été même soumis à l’enquêtrice ou à la Commission. Comme le note la Société, il n’en est même pas fait mention dans les observations écrites que la demanderesse a fait parvenir à la Commission suite au dépôt du rapport de l’enquêtrice.

[42]  Quant aux autres motifs invoqués au paragraphe 17 des représentations écrites produites par la demanderesse « en réponse à la requête de contestation d’irrégularités », soit l’ambiguïté soulevée pour le délai des négociations entre l’employeur et le syndicat pour le règlement des griefs en attente d’une séance d’arbitrage, un délai estimé à 10 mois, et l’absence de justification « pour les irrégularités du traitement de [s]on dossier d’employé », ils semblent sortir de nulle part et ne reposer sur aucune assise factuelle vérifiable au présent dossier.

[43]  Je comprends que la demanderesse n’a pas de formation juridique et qu’elle se représente elle-même, bien qu’elle semble avoir pu compter sur les services d’une avocate aux fins, à tout le moins, de l’introduction du présent recours si l’on se fie aux représentations écrites du 4 juillet 2019. S’il est vrai que la Cour fera généralement preuve de flexibilité et d’ouverture lorsqu’une partie se représente elle-même – et elle en a fait preuve d’ailleurs en l’espèce en accommodant la demanderesse au niveau des délais qui lui incombaient pour faire avancer son dossier – cette ouverture a toutefois des limites. En effet, comme la Cour l’a si bien fait ressortir dans l’affaire Barkley c Canada, 2014 CF 39 [Barkley], cette attitude conciliante « ne saurait cependant dispenser une partie de son obligation de se décharger du fardeau qui lui incombe de faire la preuve des faits sur lesquels elle s’appuie pour étayer sa réclamation ». Il ne suffit pas, rappelle la Cour, « d’avancer de simples affirmations ou conclusions pour avoir gain de cause : voir entre autres Lewis c Canada, 2012 CF 1514; Brazeau et al c Sa Majesté la Reine, 2012 CF 1300; Gagné c Sa Majesté du chef du Canada, 2013 CF 331. » (Barkley au para 18). Or, ici, force est de constater que les représentations soumises par la demanderesse se résument à cela : avancer de simples affirmations ou conclusions sans aucune assise factuelle au dossier de la Cour pour les appuyer.

[44]  Reste l’argument fondé sur la décision du Conseil arbitral. Cette décision a été produite par la demanderesse et l’enquêtrice y fait référence dans son rapport. La demanderesse soutient que cette décision contredit la conclusion de l’enquêtrice voulant qu’elle n’ait pas réussi à établir avoir été défavorisée en cours d’emploi. Dans la mesure où cette décision est centrale aux prétentions de la demanderesse, on ne peut dire que l’enquêtrice l’a ignorée puisqu’elle en traite au paragraphe 39 de son rapport, lequel se lit comme suit :

39.  La plaignante soutient qu’aucun travail adapté à sa condition ne lui a été proposé. La plaignante a fourni une copie de la décision arbitrale en date du 12 mars 2008 qui mentionne qu’il n’y a pas de preuve suffisante de l’employeur que des offres raisonnables lui ont été faites concernant ses limitations fonctionnelles. La décision mentionne que l’affaire s’est réglée lorsque l’employeur a été en mesure de proposer une tâche acceptable le 12 février 2008.

[45]  Je ne saurais donc conclure que l’enquêtrice a omis de tenir compte d’une preuve manifestement importante pour la demanderesse et que celle-ci n’a ainsi pas eu droit à un processus juste et neutre.  Son traitement de la décision du Conseil arbitral était-il par contre raisonnable? J’estime que oui.

[46]  Selon la preuve qu’elle avait devant elle, l’enquêtrice a noté qu’à la mi-janvier 2008, Financière Manuvie a proposé un retour progressif dans le poste de factrice dès l’obtention des orthèses, lesquelles devaient être obtenues dans les deux semaines du début de l’absence de la demanderesse en novembre 2007. Elle a noté aussi que comme la demanderesse disait ne pas avoir les ressources nécessaires pour se procurer les orthèses nécessaires à son retour au travail, la Société a accepté de l’accommoder temporairement en lui proposant un poste de commis dans un quart de nuit, poste qu’elle devait occuper à partir du 23 janvier 2008. Suite au refus de cette proposition, la Société, poursuit l’enquêtrice, a offert à la demanderesse un poste de commis sur un quart de soir, effectif au 12 février 2008. Cette proposition a été acceptée par la demanderesse.

[47]  L’enquêtrice souligne aussi que le 14 mai 2008, un rapport provenant du médecin consulté et choisi par la demanderesse concluait que la demanderesse ne souffrait pas de diabète et que son état métabolique ne constituait pas un obstacle au travail de nuit. Elle en a conclu que la Société, contrairement à ce que prétendait la demanderesse, n’avait pas refusé de mettre en place des mesures d’adaptation pour accommoder la demanderesse, tout en soulignant, comme j’en déjà fait état, que la situation sur laquelle s’était penché le Conseil arbitral s’était réglée le 12 février 2008.

[48]  J’en comprends qu’aux yeux de l’enquêtrice, la situation de flottement, en quelque sorte, qui a suivi le billet médical du 27 décembre 2007 qui confirmait la disponibilité au travail de la demanderesse dans des tâches modifiées, s’était réglée promptement, compte tenu de toutes les circonstances entourant la présente affaire et de l’évolution de la condition de la demanderesse.

[49]  Mon rôle, en tant que juge du contrôle judicaire, n’est pas de substituer ma propre appréciation de la situation à celle de la Commission. Il est de déterminer, comme je l’ai dit précédemment, si la décision de la Commission présente les attributs de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité et si elle appartient aux issues possibles, acceptables, au regard des faits et du droit. Ce rôle requiert une certaine déférence à l’endroit de la décision de la Commission, laquelle, je le rappelle aussi, jouit, dans l’exercice des fonctions qui lui sont dévolues aux termes de l’article 44 de la Loi, d’un large pouvoir discrétionnaire.

[50]  Or, ici, j’estime qu’il n’y pas lieu d’intervenir dans le traitement qu’a fait l’enquêtrice, et après elle la Commission, de la décision du Conseil arbitral.  Autrement dit, ce traitement m’apparait satisfaire aux normes de la raisonnabilité.

[51]  J’estime qu’il importe aussi de rappeler que la Commission et le Conseil arbitral n’ont pas le même mandat. En d’autre termes, ils ne regardent pas les choses du même œil et les décisions de l’un ne lient pas l’autre; en effet, leur rôle respectif et ce qui leur incombe d’analyser et de décider diffèrent. Le Conseil arbitral siégeait, avant son abolition, en appel des décisions que prenait la Commission de l’assurance-emploi [CAE] sur, entre autres, l’éligibilité de travailleurs à recevoir des prestations d’assurance-emploi. En l’espèce, la CAE avait refusé de verser des prestations d’assurance-emploi à la demanderesse pour la période débutant le 24 décembre 2007 parce qu’elle estimait que celle-ci n’avait pas prouvé sa disponibilité au travail. Plus précisément, la CAE jugeait que la demanderesse était apte au travail à compter du 27 décembre 2007, mais qu’elle avait refusé de retourner au travail alors que la Société était prête à la reprendre.

[52]  Le Conseil arbitral en a jugé autrement, estimant ne pas avoir de preuve que des offres raisonnables de retour au travail avaient été faites à la demanderesse. Il a ajouté que l’employeur semblait avoir reconnu ses torts dans la gestion des tâches entre décembre 2007 et janvier 2008 (je souligne), tout en soulignant la faiblesse de la preuve présentée par la CAE pour justifier sa décision, une preuve basée « sur des déclarations transcrites, donc indirectes, de personnes qui n’étaient pas directement impliquées dans le processus de proposition de tâches à [la demanderesse] » (Décision du Conseil arbitral, à la p 7).

[53]  Je n’ai pas devant moi la preuve qui a été soumise au Conseil arbitral si bien qu’il devient difficile de connaître ce qui a pu l’amener à conclure à l’absence de preuve que des offres raisonnables de retour au travail avaient été faites à la demanderesse en janvier 2008. Toutefois, ses remarques quant à la qualité de la preuve offerte par la CAE constituent certes un indice de ce qui a pu motiver cette conclusion. Je n’ai pas non plus au dossier la preuve qui a été produite devant l’enquêtrice. Il est possible que cette preuve ait été de meilleure qualité. Quant à l’énoncé du Conseil arbitral voulant que l’employeur aurait reconnu ses torts dans la gestion des tâches entre décembre 2007 et janvier 2008, il est rédigé dans un langage tel (« il semble que l’employeur ait reconnu ses torts… ») qu’il laisse transparaître une simple impression. Normalement, ce genre d’affirmations n’a que peu, ou pas, de poids.

[54]  Il est donc hasardeux, à mon sens, de faire dire trop de choses à la décision du Conseil arbitral. Ce qui m’apparait certain toutefois, c’est que cette décision, qui vise une portion très restreinte – fin décembre 2007 au début février 2008 – de la période en cause – mai 2007 à novembre 2008, n’appuie pas l’affirmation de la demanderesse selon laquelle ladite décision contredirait la conclusion de l’enquêtrice voulant qu’elle n’ait pas été défavorisée en cours d’emploi. Même en supposant que la Société aurait pu faire mieux pour accommoder la demanderesse pendant cette très courte période, on ne peut raisonnablement dire de la décision du Conseil arbitral que celui-ci y tire un constat général voulant que la demanderesse ait été défavorisée en cours d’emploi au cours de toute la période en cause dans la présente affaire.

[55]  La demanderesse a aussi produit au dossier une décision du Conseil canadien des relations industrielles, datée du 20 avril 2011. Cette décision porte sur une plainte formulée par la demanderesse à l’encontre de son syndicat à qui la demanderesse reprochait d’avoir manqué à son devoir de représentation en lien avec les événements qui ont conduit à son congédiement.

[56]  La Société me demande de ne pas considérer ce document puisqu’il n’a pas été porté à l’attention de la Commission ou de son enquêtrice. Lors de l’audition du présent contrôle judiciaire, la demanderesse a indiqué qu’elle a fait mention de cette décision dans sa plainte initiale auprès de la Commission. 

[57]  Quoi qu’il en soit, je ne vois pas en quoi cette décision assiste la demanderesse. Il s’agit d’un litige entre la demanderesse et son syndicat dans le cadre duquel le Conseil canadien des relations industrielles a statué en faveur du syndicat. Entre autres, le décideur y conclut que le syndicat n’avait pas agi de manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi dans le traitement des griefs logés au nom de la demanderesse à l’encontre de la Société. Je n’y décèle rien qui puisse appuyer, de près ou de loin, les prétentions de la demanderesse en l’espèce.

[58]  Quant au congédiement de la demanderesse, le rapport de l’enquêtrice révèle, sur la base de rapports médicaux, que rien ne s’opposait plus, à partir de la mi-mai 2008, à ce que la demanderesse soit affectée à des quarts de travail de nuit et qu’à partir du 20 octobre 2008, aucune limitation fonctionnelle ne faisait obstacle à son retour au travail. Devant la persistance de la demanderesse à continuer de ne pas se présenter au travail ou à refuser les affectations qu’on lui proposait, la Société, conclut l’enquêtrice, était en droit, après s’être assurée que sa décision soit précédée de mesures disciplinaires graduées, de mettre fin à son emploi sans contrevenir à la Loi.

[59]  Encore une fois, face à l’absence de preuve au dossier permettant d’évaluer la raisonnabilité de ces constats, lesquels m’apparaissent du reste, tout à fait intelligibles, il y a lieu de rejeter ce volet du présent contrôle judiciaire, la demanderesse n’ayant pas rencontré son fardeau de preuve.

[60]  La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. La Société demande les dépens. L’octroi des dépens relève de l’entière discrétion de la Cour, en autant évidemment que cette discrétion soit exercée judiciairement (Consorzio del Prosciutto di Parma c Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417 au para 9; Whalen c Première Nation no 468 de Fort McMurray, 2019 CF 1119 au para 6). En l’espèce, la demanderesse a fait ce qu’elle a pu en se représentant seule. Cela ne l’a certes pas avantagé. Dans ces circonstances, elle devra supporter ses propres frais, mais je vais m’abstenir de lui faire aussi supporter ceux de la Société qui, en d’autres circonstances, aurait pu devoir consentir un effort plus important pour se défendre au présent contrôle judiciaire.


JUGEMENT dans le dossier T-1453-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. Le tout sans frais.

« René LeBlanc »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1453-18

 

INTITULÉ :

IMMACULÉE FRANÇOIS-JUMELLE c SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 décembre 2019

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 décembre 2019

 

COMPARUTIONS :

Immaculée François-Jumelle

 

Pour la demanderesse

 

Patrick Galizia

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour la défenderesse

 

 

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