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Date : 20060307

Dossier : IMM-2952-05

Référence : 2006 CF 295

Toronto (Ontario), le 7 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

RAJA WIJENDRA TILAK KASTURIARACHCHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur appartient à une famille sri-lankaise qui a revendiqué le statut de réfugié au Canada. Il a été déterminé que M. Kasturiarachchi, le demandeur principal, était exclu au titre de l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention sur les réfugiés). Son épouse et ses enfants ont obtenu le statut de réfugié au sens de la Convention. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu que si elle n'avait pas exclu M. Kasturiarachchi, elle aurait accueilli sa revendication du statut de réfugié. M. Kasturiarachchi a déposé la présente demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la conclusion relative à son exclusion. Aucune des deux parties n'a soulevé de question à l'égard de la conclusion relative à l'inclusion.

1.          Les faits

[2]                Voici un exposé succinct des faits en ce qui concerne l'exclusion. M. Kasturiarachchi a fait partie des forces de la police nationale du Sri Lanka (la police nationale) de 1977 à 2002. Au cours de cette période de 25 ans, il a occupé différents postes dans plusieurs régions. Il a régulièrement gravi les échelons et était inspecteur en chef au moment où il a quitté le pays pour se rendre au Canada.

[3]                Le ministre a participé à l'instruction de sa revendication du statut de réfugié pour faire valoir ses arguments concernant l'exclusion du demandeur en raison de son appartenance de longue date aux forces de la police nationale. Le ministre reconnaît que rien dans la preuve n'indique que M. Kasturiarachchi a personnellement participé à la commission d'un crime contre l'humanité; néanmoins, le ministre allègue que le critère d'exclusion s'applique au demandeur parce que la preuve documentaire établit de manière concluante que les forces de la police nationale ont régulièrement commis des crimes contre l'humanité au cours de la période où M. Kasturiarachchi était membre de cette organisation. En raison de son appartenance à la police nationale et de ses activités au sein de cette organisation, on peut affirmer que M. Kasturiarachchi partageait l'intention commune ou les objectifs communs de la police nationale et qu'à ce titre, il s'est rendu complice de ces crimes contre l'humanité.

[4]                L'argument du ministre est que M. Kasturiarachchi n'a rien fait pour prendre ses distances des forces de la police nationale même s'il savait parfaitement qu'à tout le moins, certains de ses membres commettaient des crimes contre l'humanité. S'appuyant sur le critère examiné dans Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.), le ministre rappelle que M. Kasturiarachchi s'est joint aux forces de police de son plein gré, qu'il y a mené une longue carrière qui l'a hissé jusqu'à un poste élevé dans la hiérarchie et qu'il a été l'agent responsable de plusieurs postes de police dans différentes régions.

[5]                Le ministre n'a pas été en mesure d'établir de lien entre M. Kasturiarachchi et un quelconque incident et a reconnu que dans son parcours professionnel, il n'a jamais été présent dans l'un des postes où la preuve documentaire démontre que des actes de torture ont été commis, à l'époque où ces crimes ont été perpétrés. Toutefois, les crimes des forces de la police nationale étaient systématiques, largement répandus, disproportionnés et régulièrement commis sur l'ensemble du territoire, en toute impunité. Si aucun de ces incidents ne s'est déroulé directement sous les yeux de M. Kasturiarachchi, plusieurs ont eu lieu très près de l'endroit où il travaillait. La principale fonction des forces de police ne se limitait pas à la brutalité mais vu la fréquence et l'ampleur des abus, il est impossible que M. Kasturiarachchi n'ait jamais eu personnellement connaissance des actes commis.

[6]                Le ministre soutient que M. Kasturiarachchi a délibérément tenté de prendre ses distances ou de se dissocier des abus afin d'échapper à sa responsabilité pour les crimes commis par les forces de police. Il s'est séparé de l'organisation seulement lorsqu'il a cru que lui-même et sa famille étaient directement menacés et non à la première occasion où il aurait pu la quitter en toute sécurité et ce, malgré le fait qu'il connaissait parfaitement la nature des crimes commis. Selon le ministre, même si M. Kasturiarachchi ne s'est jamais livré lui-même à des actes de torture, il ne pouvait pas ne pas être au courant et il s'est donc rendu complice de crimes contre l'humanité.

[7]                M. Kasturiarachchi déclare dans son témoignage qu'aucune activité ni aucun incident répréhensible ne s'est jamais produit sous sa supervision. Il raconte que les normes professionnelles se sont grandement détériorées au cours des années qui ont suivi son entrée dans les forces de police. Il maintient que cette dégradation est imputable à des problèmes institutionnels, notamment : un recrutement trop rapide, une mise en application insuffisante, l'absence de formation appropriée, le calibre des recrues et la militarisation des forces de police avec l'escalade de la guerre civile.

[8]                L'avocat de M. Kasturiarachchi soutient que son client était « l'homme droit » ou « le policier honnête » dans une police corrompue, qu'on ne doit pas juger l'ensemble de l'organisation en se fiant à quelques éléments déviants, qu'il n'y a pas lieu d'exclure M. Kasturiarachchi pour la seule raison qu'il a appartenu aux forces de la police nationale du Sri Lanka parce qu'on pourrait très bien recueillir des éléments de preuve de même nature que ceux mentionnés en l'espèce dans de nombreuses forces de police dans le monde. En l'absence de tout élément de preuve indiquant qu'un membre a sciemment participé à des crimes contre l'humanité, sa seule appartenance à l'organisation ne constitue pas une preuve automatique de sa complicité dans des actes criminels graves lorsque l'organisation ne vise pas essentiellement des fins limitées et brutales.

2.          La décision en cause

[9]                La SPR a conclu qu'il était impossible de croire que M. Kasturiarachchi ignorait les pratiques d'un si grand nombre de policiers. De fait, il admet avoir eu connaissance de ces pratiques parce qu'on en parlait dans les médias et dans des rapports internes qu'il a lus mais il maintient qu'il n'a jamais toléré un tel comportement dans ses troupes.

[10]            Au bout du compte, la SPR conclut que le ministre a satisfait au fardeau de la preuve tel que défini dans la jurisprudence. La preuve démontre la participation personnelle et consciente de M. Kasturiarachchi dans les crimes contre l'humanité perpétrés par les forces de la police nationale du Sri Lanka.

3.          La question en litige

[11]            La seule question en litige est la suivante : M. Kasturiarachchi a-t-il été exclu à juste titre de la définition de réfugié au sens de la Convention aux termes de l'alinéa Fa) de l'article premier de la Convention sur les réfugiés?

4.          Les textes de loi pertinents

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

[...]

98. La personne visée aux sections E ou F de l'article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

ARTICLE 1 DE LA CONVENTION DES NATIONS UNIES RELATIVE AU STATUT DES RÉFUGIÉS

F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme réfugiés;

c) qu'elles se sont rendues coupables d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

Immigration and Refugee Protection Act,

S.C. 2001, c. 27

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

...

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

ARTICLE 1 OF THE UNITED NATIONS CONVENTION RELATING TO THE STATUS OF REFUGEES

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

(c) he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

5.          La norme de contrôle applicable

[12]            La norme de contrôle applicable aux questions d'exclusion en vertu de l'alinéa F)a) de l'article premier de la Convention sur les réfugiés a été définie par la Cour d'appel fédérale dans Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 302 N.R. 178 (C.A.) (Harb). Les conclusions de fait ne sont susceptibles de contrôle que dans la mesure où elles sont erronées et qu'elles ont été tirées d'une manière abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments de preuve dont la SPR était saisie, autrement dit, dans la mesure où elles sont manifestement déraisonnables. La question de savoir si les faits, tels que prouvés, établissent que cette personne était complice de crimes contre l'humanité doit être examinée selon la norme de la décision raisonnable.

6.          Analyse

[13]            La jurisprudence de la Cour en ce qui concerne la complicité pour crimes de guerre et pour crimes contre l'humanité comprend les décisions suivantes, notamment : Ramirez; Gonzalez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 3 C.F. 646 (C.A.) (Gonzalez); Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.) (Moreno); Sivakumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 433 (C.A.) (Sivakumar); Bazargan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 205 N.R. 282 (C.A.F.) (Bazargan); Sumaida c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 66 (C.A.) (Sumaida); Harb. La trilogie Ramirez, Moreno et Sivakumar établit les fondements sur lesquels s'appuient les autres décisions de jurisprudence.

[14]            Il appartient au ministre de prouver que des crimes contre l'humanité ont été commis et en ce qui concerne l'exclusion du statut de réfugié, le ministre doit démontrer qu'il existe des raisons sérieuses de penser que le revendicateur a commis les crimes en question : Ramirez.

[15]            Les complices, comme les auteurs principaux, peuvent être reconnus coupables d'avoir commis des crimes contre l'humanité. La Cour a reconnu la notion de complicité, définie comme une participation personnelle et consciente, dans Ramirez, et de complicité par association, aux termes de laquelle des individus peuvent être tenus responsables d'actes commis par d'autres en raison de leur association étroite avec les auteurs principaux (Sivakumar). La complicité repose sur une intention commune et sur la connaissance que toutes les parties en cause peuvent en avoir : Ramirez et Moreno.

[16]            Dans Penate c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 79 (C.F. 1re inst.), la juge Reed a résumé les principes de cette trilogie comme suit, aux pages 84 et 85 :

Dans les décisions Ramirez, Moreno et Sivakumar, il est question du degré ou du type de participation qui constitue la complicité. Il ressort de ces décisions que la simple adhésion à une organisation qui commet sporadiquement des infractions internationales n'implique pas normalement la complicité. Par contre, lorsque l'organisation vise principalement des fins limitées et brutales, comme celles d'une police secrète, ses membres peuvent être considérés comme y participant personnellement et sciemment. Il découle également de cette jurisprudence que la simple présence d'une personne sur les lieux d'une infraction en tant que spectatrice par exemple, sans lien avec le groupe persécuteur, ne fait pas d'elle une complice. Mais sa présence, alliée à d'autres facteurs, peut impliquer sa participation personnelle et consciente.

Selon mon interprétation de la jurisprudence, sera considéré comme complice quiconque fait partie du groupe persécuteur, qui a connaissance des actes accomplis par ce groupe, et qui ne prend pas de mesures pour les empêcher (s'il peut le faire) ni ne se dissocie du groupe à la première occasion (compte tenu de sa propre sécurité), mais qui l'appuie activement. On voit là une intention commune. Je fais remarquer que la jurisprudence susmentionnée ne vise pas des infractions internationales isolées, mais la situation où la perpétration de ces infractions fait continûment et régulièrement partie de l'opération.

[17]            Dans Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, la Cour suprême du Canada s'est intéressée à l'élément moral du crime contre l'humanité. Bien que dans cet arrêt, le tribunal examine la question des crimes contre l'humanité dans un contexte d'interdiction de territoire, le raisonnement peut parfaitement s'appliquer, selon moi, à la question de l'exclusion. Aux paragraphes 174 et 175, la Cour suprême souligne que le mobile importe peu et que même si le mobile de la personne est purement personnel, le crime peut constituer un crime contre l'humanité si les éléments de connaissance exigés sont prouvés. La connaissance peut s'inférer des circonstances. « Pour déterminer si [un individu] possédait la connaissance requise, le tribunal peut prendre en considération le rang de l'accusé dans la hiérarchie militaire ou gouvernementale, la notoriété publique de l'attaque, l'ampleur de la violence et le contexte historique et politique général dans lequel sont survenus les actes [...]. Nul besoin que l'accusé connaisse le détail de l'attaque [...]. »

[18]            La complicité n'est pas un crime, c'est une méthode pour commettre un crime : Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2005) 339 N.R. 201 (C.A.F.).

[19]            C'est dans le cadre de ces principes que la décision de la SPR doit être examinée. Il n'a jamais été allégué ni déterminé que la police nationale du Sri Lanka est une organisation qui existe pour des fins limitées et brutales. En conséquence, le simple fait d'appartenir à cette organisation n'est pas un facteur déterminant en soi.

[20]            La SPR a examiné [traduction] « un grand volume de documents » sur les activités de la police au Sri Lanka. Ces documents indiquent la gravité des actes et le niveau de participation des forces de la police nationale du Sri Lanka en ce qui concerne les atteintes aux droits de la personne, en particulier la torture. Ils révèlent le nombre et l'ampleur des atteintes commises par les forces de la police nationale au fil des ans. Depuis le début des années 70, le Sri Lanka a connu une période de violence qui a entraîné une transformation des forces de police et cet organisme d'enquête criminelle et de mise en application de la loi est ainsi devenu au fil des ans une machine de répression contre l'insurrection. La preuve documentaire démontre, et la SPR a reconnu, que les forces de la police nationale enfreignent le droit international dans le cadre de ses activités courantes. M. Kasturiarachchi ne conteste pas cette conclusion.

[21]            La SPR a jugé que M. Kasturiarachchi était au courant des agissements répréhensibles des forces de police. Cette conclusion sur ce point n'est pas remise en cause.

[22]            La SPR a décrit M. Kasturiarachchi comme un homme véritablement sincère et consciencieux, un homme intègre, un homme dévoué envers sa profession. En acceptant l'argument du ministre voulant que M. Kasturiarachchi était réputé avoir partagé l'intention commune dans [traduction] « un travail qui pouvait aller de la surveillance des rues à la répression du terrorisme » , la SPR a conclu que M. Kasturiarachchi :

•           aurait clairement pu abandonner sa carrière bien plus tôt sans subir de préjudice;

•           ne s'est pas élevé contre les pratiques des forces de police dont il avait certainement connaissance;

•           a présenté des demandes de transfert pour être en mesure d'effectuer un travail qui le rendait moins vulnérable;

•           s'est clairement préoccupé, avant tout, de sa propre personne, de ses promotions, de se préserver contre le danger et sans doute, d'éviter les décisions morales qu'il aurait dû prendre.

M. Kasturiarachchi n'a pas contesté la validité de ces conclusions.

[23]            À la fin de l'audience, la SPR a conclu que M. Kasturiarachchi était complice des crimes contre l'humanité commis par les forces de la police nationale du Sri Lanka parce qu'il était au courant de ces crimes, qu'il appartenait à l'organisation depuis longtemps, qu'il occupait un poste élevé dans la hiérarchie (un poste que seuls 400 policiers sur 100 000 pouvaient atteindre) et qu'il a omis de quitter l'organisation lorsqu'il a eu l'occasion de le faire sans courir de risque.

[24]            M. Kasturiarachchi ne pointe sur aucune erreur précise de la part de la SPR. Il s'appuie plutôt sur trois décisions de jurisprudence et soutient que la SPR a commis une erreur de même nature que les erreurs commises par la Commission dans les décisions ayant fait l'objet d'un contrôle judiciaire dans la jurisprudence en question.

[25]            La présente instance et Loordu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 199 F.T.R. 308 (C.F. 1re inst.) ont ceci en commun que M. Loordu était également membre des forces de police du Sri Lanka. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu'il était un « simple membre » qui n'avait pas participé personnellement et sciemment aux actes de persécution. En l'espèce, M. Kasturiarachchi a poursuivi une carrière dans une organisation qui commettait des atrocités, ce qu'il savait, il a atteint un niveau élevé dans ses rangs et il ne s'est pas dissocié de cette organisation lorsqu'il a eu l'occasion de le faire. De plus, la preuve qu'il a versée au dossier démontre qu'en tant que membre d'un groupe d'intervention spécial, il a personnellement fourni des services antiterroristes qui ont aidé les opérations de l'armée à Jaffna (dossier du tribunal, pages 40 et 41).

[26]            Dans Saftarov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004) 38 Imm. L.R. (3d) 246 (C.F.), le demandeur occupait un rang peu élevé dans la force de police de l'Azerbaïdjan. La preuve au dossier indiquait que le demandeur a tenté à de multiples reprises de dénoncer les pratiques répréhensibles dans la police et qu'il a fait l'objet de plusieurs renvois et remises en poste en raison de ces efforts de dénonciation. Ce n'est pas le cas en l'espèce.

[27]            Dans ValPre c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 524, 138 A.C.W.S. (3d) 914, la Cour examinait le cas d'un officier subalterne nommé pour une courte durée et qui n'avait aucun pouvoir décisionnel dans la police nationale haïtienne. M. Kasturiarachchi était un vétéran de longue date et inspecteur en chef de la police nationale du Sri Lanka et plusieurs hommes étaient sous ses ordres.

[28]            La norme de la décision raisonnable est définie dans Barreau du Nouveau Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, aux paragraphes 55 et 56 :

55       La décision n'est déraisonnable que si aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait. Si l'un quelconque des motifs pouvant étayer la décision est capable de résister à un examen assez poussé, alors la décision n'est pas déraisonnable et la cour de révision ne doit pas intervenir (Southam, par. 56). Cela signifie qu'une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour de révision (voir Southam, par. 79).

56       Cela ne signifie pas que chaque élément du raisonnement présenté doive passer individuellement le test du caractère raisonnable. La question est plutôt de savoir si les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision. Une cour qui applique la norme de la décision raisonnable doit toujours évaluer si la décision motivée a une base adéquate, sans oublier que la question examinée n'exige pas un résultat unique précis. De plus, la cour ne devrait pas s'arrêter à une ou plusieurs erreurs ou composantes de la décision qui n'affectent pas la décision dans son ensemble.

[29]            Ayant assujetti les motifs de la SPR à un examen assez poussé, je conclus que les motifs de la décision sont défendables et justifiés par la preuve. La SPR a bien compris le critère juridique applicable, elle s'est posée les bonnes questions, elle a analysé la preuve et en a tiré une conclusion. Il apparaît clairement des motifs de la SPR que cette dernière considérait que sa tâche n'était pas facile. Il n'appartient pas à la Cour d'intervenir dans une décision que la SPR était raisonnablement justifiée de rendre compte tenu de la preuve au dossier.

[30]            Les avocats n'ont proposé aucune question à certifier et j'estime comme eux que la présente espèce porte essentiellement sur des questions de faits.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                    « Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-2952-05

INTITULÉ :                                       RAJA WIJENDRA TILAK KASTURIARACHCHI

                                                                                                                                    demandeur

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L'IMMIGRATION

                                                                                                                                    défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 23 FÉVRIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 7 MARS 2006

COMPARUTIONS:

Kumar Sriskanda

POUR LE DEMANDEUR

Bernard Assan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Kumar Sriskanda               

Avocat

Scarborough (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

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