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Date : 20060418

Dossier : IMM-4531-05

Référence : 2006 CF 495

Toronto (Ontario), le 18 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

IBRAHIM TAMTAMIS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Tamtamis sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La SPR a conclu que M. Tamtamis n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Cette conclusion était fondée sur la crédibilité. Je suis d’accord avec M. Tamtamis que la présente demande devrait être accueillie.

 

[2]               M. Tamtamis, âgé de 27 ans, est un citoyen de la Turquie. Sa demande d’asile est fondée sur son appartenance à l’ethnie kurde et sur ses opinions politiques de gauche. Il affirme avoir été un membre actif du Parti démocratique populaire (le HADEP) et du Parti populaire démocratique (le DEHAP). Subsidiairement, il se fonde sur l’existence d’une vendetta entre sa famille et une famille de nationalistes qui sont partisans du MHP (le Parti du mouvement nationaliste).

 

[3]               Le Formulaire de renseignements personnels (le FRP) de M. Tamtamis est exhaustif. Ce formulaire décrit de façon très détaillée l’oppression dont souffrent les Kurdes en Turquie. Il précise les circonstances entourant les cinq occasions lors desquelles M. Tamtamis allègue avoir été arrêté et détenu pour des périodes allant de deux jours à une semaine. Il décrit aussi, en détail, le traitement que ce dernier a subi lors de ces détentions.

 

[4]               La SPR a fondé sa décision sur deux prémisses : le retard à présenter une demande et la crédibilité.

 

[5]               En ce qui a trait au retard, le tribunal a tiré une inférence négative du fait que M. Tamtamis n’avait pas présenté de demande immédiatement à son arrivée à l’aéroport. D’après le tribunal, le retard (de trois jours) semblait révéler une absence de crainte subjective. Le tribunal a constaté une contradiction entre le FRP et le témoignage de M. Tamtamis en ce qui a trait à ses connaissances sur le processus de demande d’asile. La contradiction relevée n’était pas étayée par la transcription. Il n’y avait aucune contradiction entre le FRP et le témoignage. La question de savoir si le tribunal pouvait néanmoins tirer une inférence négative est discutable. Toutefois, comme l’ont reconnu les avocats des deux parties, la conclusion relative au « retard » n’était pas déterminante et il ne vaut pas la peine d’en dire plus à ce sujet.

 

[6]               Pour ce qui est de la crédibilité, la SPR a mentionné que la « déposition orale […] était généralement conforme à l’exposé circonstancié [du] FRP ». Malgré cela, elle a fait état de certaines préoccupations à l’égard de la crédibilité.

 

[7]               La première préoccupation concernait l’absence de documents à l’appui de la participation de M. Tamtamis pendant neuf ans aux activités du HADEP et du DEHAP. À l’audience, l’avocat a demandé à M. Tamtamis pourquoi il n’avait pas de documents qui corroboraient son récit. Ce dernier a indiqué que les partis fournissaient seulement des documents aux personnes membres et non à celles qui agissaient en leur nom. Le tribunal a conclu que cette explication était raisonnable. Aucune autre question n’a été posée. Dans ses motifs, le tribunal a cependant conclu que M. Tamtamis aurait eu amplement le temps d’obtenir les documents avant de quitter la Turquie. Le tribunal ne disposait d’aucune preuve pouvant contredire la participation de M. Tamtamis aux activités du HADEP et du DEHAP. Bien que le tribunal ne soit pas obligé de fournir une occasion au demandeur de répondre à chaque préoccupation à l’égard de la crédibilité et que le fardeau de preuve repose sur celui-ci d’établir le bien-fondé de sa demande, étant donné les circonstances particulières de cette affaire, il aurait été préférable à mon avis que le tribunal fournisse une occasion à M. Tamtamis de répondre à cette préoccupation. Cette omission n’est cependant pas manifestement déraisonnable.

 

[8]               Ensuite, la SPR a contesté le fait que M. Tamtamis ne « détaille ni n’explique ce qu’il voulait dire lorsqu’il déclare qu’il a été torturé ou soumis à des pressions psychologiques et physiques ». Après avoir examiné attentivement le FRP, je juge que cette conclusion est manifestement déraisonnable. Pour justifier la « torture » dans le contexte de la demande de M. Tamtamis il aurait fallu que celui-ci réitère, aux fins de fournir une définition, les commentaires détaillés qui se trouvent déjà dans le FRP. La seule omission dans le FRP est la menace à la vie de ses enfants. Bien que cette omission ne soit pas sans importance, eu égard aux détails fournis, je ne la considère pas comme déterminante. Quoi qu’il en soit, elle n’est pas liée à la préoccupation du tribunal. Les traitements (considérés par M. Tamtamis comme étant de la torture) sont exposés de façon expresse et détaillée dans son FRP.

 

[9]               De plus, le tribunal a tiré une inférence négative du fait que M. Tamtamis a menti à l’agent des visas à l’étranger pour entrer au Canada. Le défendeur reconnaît que la SPR a commis une erreur à ce sujet.

 

[10]           Les constatations de fait susmentionnées constituent le fondement sur lequel la SPR s’est basée pour tirer une conclusion défavorable relative à la crédibilité et une autre conclusion selon laquelle M. Tamtamis n’était pas actif sur le plan politique.

 

[11]           Compte tenu de mes réserves quant à la question des « documents », combinées aux erreurs indiquées ci-dessus commises par le tribunal à l’égard des autres conclusions relatives à la crédibilité, je suis d’avis que la décision quant à la crédibilité ne peut être maintenue. Cette conclusion dispose de la question et je n’ai pas à traiter des questions accessoires.

 

[12]           Les avocats n'ont proposé aucune question aux fins de certification et aucune n'est soulevée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour que celui-ci statue à nouveau sur elle.

 

                                                                                                            « Carolyn Layden-Stevenson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                              IMM-4531-05

 

INTITULÉ :                                                                            IBRAHIM TAMTAMIS c.

                                                                                                 MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                    LE 18 AVRIL 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                   LA JUGE

                                                                                                 LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 18 AVRIL 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

POUR LE DEMANDEUR

Neeta Logsetty

                               POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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