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Date : 20001130


Dossier : IMM-1121-00

Entre :

     SHAILESH BABUBHAI PATEL

     Partie demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE TREMBLAY-LAMER:


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 82.1(2) de la Loi sur l'immigration1 à l'encontre d'une décision rendue le 17 janvier 2000 par M. John R. Butt (l'agent des visas) refusant la demande de résidence permanente présentée par M. Shailesh Babubhai Patel (le demandeur).

[2]      Le 20 février 1997, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente à titre d'immigrant indépendant.

[3]      Le 16 novembre 1999, l'agent des visas en poste à la délégation du Canada à New Delhi a procédé à l'entrevue du demandeur. L'agent des visas a évalué la demande de résidence permanente en regard de la profession indiquée par le demandeur, soit celle d'ingénieur civil.

[4]      L'agent des visas a refusé la demande de résidence permanente pour les motifs suivants:

     1)      le demandeur ne possédait pas l'expérience requise lui permettant de recevoir une évaluation favorable sous la profession d'ingénieur civil;
     2)      l'expérience du demandeur était plutôt celle d'un surintendant de travaux de construction mais il n'y a pas de demande pour cette profession au Canada.

[5]      Le demandeur prétend que l'agent des visas a erré dans l'évaluation de sa demande, en omettant d'évaluer l'expérience qu'il aurait acquise à titre d'ingénieur civil. Il reproche à l'agent de ne pas avoir considéré certains éléments de son dossier, principalement une lettre de son employeur et une attestation du Conseil canadien des ingénieurs (CCI).

[6]      Au soutien de sa demande, le demandeur a présenté à l'agent des visas son diplôme d'ingénieur civil, son diplôme de baccalauréat en génie civil, une attestation de travail par l'entreprise "Arbuda Builders" indiquant que le demandeur travaille pour cette entreprise à titre d'ingénieur civil depuis le 1er octobre 1992 ainsi que le formulaire d'évaluation des qualifications professionnelles approuvées en mars 1997 par le Conseil canadien des ingénieurs.

[7]      En l'espèce, une courte entrevue comportant quelques questions relativement à l'expérience de travail ne peut former à elle seule la base d'une décision éclairée. Il était déraisonnable pour l'agent des visas d'écarter l'ensemble de la preuve soumise du simple fait que d'après les quelques réponses fournies lors de l'entrevue, le demandeur ne rencontrait pas certaines des exigences prévues au C.C.D.P. et C.N.P.

[8]      Bien que l'agent des visas jouisse d'une importante discrétion lorsqu'il détermine si les qualifications du demandeur correspondent aux exigences prévues par la C.C.P.D. et la C.N.P. et qu'il puisse donner plus de poids à certains éléments qu'à d'autres, il ne peut exiger qu'un demandeur rencontre toutes les tâches qui y sont énoncées.

[9]      Par exemple, comme je l'indiquais dans Mahmoud2 il est intéressant de se pencher sur les fonctions principales de juge telles que décrit dans le C.N.P. pour comprendre que ces exigences doivent être utilisées avec souplesse. Par exemple, les fonctions principales de juge se lisent comme suit:

Les juges remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes:
·      présider les tribunaux, interpréter et établir des règles de procédure et rendre un jugement concernant la recevabilité de la preuve;
·      informer les jurés sur les lois applicables à la cause en question;
·      examiner et apprécier la preuve présentée et rendre un verdict de culpabilité ou d'innocence ou déterminer le degré de responsabilité de l'accusé ou du défendeur dans les causes qui ne sont pas entendues devant un jury;
·      prononcer une peine à l'égard des coupables condamnés dans des causes criminelles et fixer le montant des dommages-intérêts ou déterminer le recours approprié en matière civile;
·      prononcer les divorces et diviser les biens entre les époux;
·      décider de la garde des enfants lorsque les parents ne s'entendent pas ou qu'il y a d'autres tuteurs;
·      appliquer les décisions judiciaires concernant les droits de visite et de soutien;
·      superviser, s'il y a lieu, d'autres juges et officiers de la cour.3

[10]      Il est évident que, comme juge de la Cour fédérale du Canada, je n'ai aucune expérience en matière criminelle ou familiale, de sorte que je ne remplie pas plusieurs de ces fonctions. Il est donc important que l'agent des visas ne donne pas une interprétation trop restrictive à ces exigences.

[11]      En l'espèce, une courte entrevue comportant quelques questions relativement à l'expérience de travail ne peut former à elle seule la base d'une décision éclairée. Il était déraisonnable pour l'agent des visas d'écarter l'ensemble de la preuve soumise du simple fait que d'après les quelques réponses fournies lors de l'entrevue, il le demandeur ne rencontrait pas certaines des exigences prévues au C.C.D.P. et C.N.P.

[12]      Dans Wang c. Canada (MCI)4 le demandeur doit donc être évalué à la lumière des autres éléments de preuve au dossier. Comme l'indiquait le juge Lutfy:

[TRADUCTION] La demanderesse a cependant raison lorsqu'elle fait valoir que l'évaluation du CCI fait partie des renseignements, en plus du curriculum vitae du demandeur, d'une description de ses fonctions et d'une lettre de recommandation, dont l'agent des visas doit tenir compte lorsqu'il détermine si le candidat satisfait aux critères de la CNP applicables aux ingénieurs. En d'autres termes, la décision défavorable de l'agent des visas concernant la classification de la demanderesse en tant qu'ingénieur doit être fondée sur un examen attentif des renseignements que celle-ci a fournis, y compris l'évaluation du CCI.5

[13]      C'est alors que l'agent sera en mesure de déterminer si compte tenu de tous ces éléments, un demandeur a l'expérience de travail requise. Il était donc déraisonnable, pour l'agent des visas d'écarter l'ensemble de la preuve soumise.

[14]      Pour ces motifs, l'intervention de la Cour est justifiée. La demande de contrôle judiciaire est accordée. Le dossier est retourné pour redétermination devant un autre agent des visas.





     « Danièle Tremblay-Lamer »

                                     JUGE


OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 novembre 2000

__________________

1      L.R.C. 1985, ch. I-2.

2      Mahmoud Magdi Abdel Moneim c. M.C.I. (30 novembre 2000), IMM-3137-99 (C.F. 1ère inst.).

3      Classification nationale des professions 1992, code 4111 Juges.

4      (2000) 4 Imm. L.R. (3d) 193.

5      Ibid. para 15.

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