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Date : 20031017

Dossier : IMM-7969-03

Référence : 2003 CF 1208

ENTRE :

                                                                    BALAZS KEPPEL

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                 Dans son avis de requête en date du 10 octobre 2003, le demandeur a sollicité un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre lui. Le samedi 27 septembre 2003, le demandeur avait été informé des dispositions qui avaient été prises en vue de son renvoi en Hongrie. Le renvoi devait avoir lieu le samedi 18 octobre. J'ai entendu la requête déposée par le demandeur par téléconférence le jeudi 16 octobre. À la fin de l'audience, j'ai rejeté la requête du demandeur pour des motifs que j'ai exposés de vive voix. Dans l'ordonnance officielle de rejet de la requête, j'ai mentionné que des motifs écrits allaient suivre. Je les expose ci-dessous.

[2]                 La chronologie des échanges que le demandeur a eus avec le défendeur et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié depuis son arrivée au Canada, qui a apparemment eu lieu à la fin du mois d'août 1999, mérite d'être mentionnée. Le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention le 1er octobre 1999. Sa demande a été rejetée le 23 avril 2001. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision rejetant sa demande du statut de réfugié au sens de la Convention. L'autorisation de déposer cette demande de contrôle judiciaire lui a été refusée le 6 septembre 2001. Le 6 février 2002, le demandeur a présenté, au Canada, une demande d'établissement fondée sur des considérations humanitaires. Le 11 mars 2003, il a demandé la tenue d'un examen des risques avant renvoi. Cette demande a été rejetée le 23 avril 2003. Le même jour, un agent de renvoi a différé le renvoi du demandeur du Canada jusqu'à ce que soit tranchée sa demande fondée sur des considérations humanitaires. Cette dernière a été rejetée le 4 septembre 2003. Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision.


[3]                 Comme je l'ai mentionné ci-dessus, le demandeur a reçu le 27 septembre 2003 l'avis lui annonçant qu'il allait être renvoyé du Canada deux (2) semaines plus tard. Par l'intermédiaire de son avocat, le demandeur a cherché à obtenir un deuxième sursis à l'exécution de la mesure de renvoi prise contre lui. Des rapports médicaux sur l'état de santé du demandeur, de son épouse et de son beau-fils ainsi qu'une évaluation psychologique du demandeur ont été présentés par celui-ci à l'appui de sa demande visant à obtenir un deuxième sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Les rapports et l'évaluation en question portaient une date postérieure à la date à laquelle avait été rendue la décision rejetant la demande d'établissement fondée sur des considérations humanitaires que le demandeur avait présentée au Canada.

[4]                 Un agent de renvoi a refusé de différer une deuxième fois le renvoi du demandeur. Une demande de contrôle judiciaire de cette décision a été déposée, et c'est cette demande qui sous-tend la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi présentée par le demandeur. Pour une raison ou une autre, on n'a pas demandé de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi pour le motif qu'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires avait été déposée.

[5]                 La décision de l'agent de renvoi de ne pas différer davantage le renvoi du demandeur est étayée par des notes détaillées. L'agent y mentionne les nombreux échanges que le demandeur a eus avec les autorités de l'Immigration. Il traite également des rapports médicaux et de l'évaluation psychologique qui lui ont été soumis. Il écrit à leur sujet :

[TRADUCTION] Je ne suis pas médecin, par conséquent j'ai transmis [les pages pertinentes des documents présentés] au Dr Brian Dobie, médecin chef des services de CIC à Ottawa, et je lui ai demandé un avis médical sur les renseignements susmentionnés.

[6]                 L'agent de renvoi mentionne que l'avis médical qu'il a reçu énonçait que :

[TRADUCTION] [...] le renvoi de M. Keppel en Hongrie ne présente aucun danger. [Le médecin] a de plus affirmé que les soins médicaux pouvaient être obtenus en Hongrie.

[7]                 L'agent de renvoi fait état des difficultés qu'allait entraîner le renvoi du demandeur pour son épouse et pour son beau-fils. Il conclut en disant ce qui suit :

[TRADUCTION] Le retour en Hongrie ne présente aucun danger pour M. Keppel. La question de sa situation familiale a été réglée par l'agent chargé de statuer sur la demande fondée sur des considérations humanitaires, qui a pu se pencher sur tous les aspects de sa demande, et qui l'a rejetée.

Je me fie à l'avis de la Dre Valerie Hindle concernant l'état de santé de M. Keppel. Elle affirme que ce dernier pourra se rendre en Hongrie en toute sécurité et pourra, s'il le désire, y recevoir les soins voulus auprès des établissements de santé et dans le cadre des programmes existants.

Compte tenu des renseignements susmentionnés, je ne vois aucune raison impérieuse pour laquelle on devrait différer le renvoi de M. Keppel du Canada.

[8]                 L'avocat du demandeur a mentionné que je ne disposais d'aucun élément de preuve selon lequel la question de la situation familiale du demandeur avait été réglée, et moins encore réglée de façon satisfaisante, dans la décision relative à la demande fondée sur des considérations humanitaires rendue par [TRADUCTION] « [...] l'agent [...] qui a pu se pencher sur tous les aspects [pertinents] de la demande [...] » . Même si l'argument avancé par l'avocat est manifestement valable, on ne peut reprocher à la Cour le fait que de tels renseignements ne lui aient pas été présentés. Ce reproche ne peut non plus être adressé au défendeur. C'est au demandeur qu'il incombe de prouver que la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi est étayée par des éléments de preuve démontrant que la ou les demandes de contrôle judiciaire sous-jacentes soulèvent une question sérieuse à trancher, qu'il subira un préjudice irréparable si l'exécution de la mesure de renvoi n'est pas différée et que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur.

[9]                 Pour une raison inconnue, les rapports médicaux et l'évaluation psychologique qui ont été mis à la disposition de l'agent de renvoi n'ont pas été soumis à l'agent qui a étudié la demande d'établissement que le demandeur a présentée au Canada, encore que des versions antérieures des rapports et de l'évaluation en question lui avaient peut-être été transmises. Autre fait étonnant, la requête en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires n'a pas été invoquée devant la Cour à l'appui de la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Par conséquent, le fait que la demande de contrôle judiciaire visant cette décision pût soulever une question sérieuse à trancher n'était tout simplement pas pertinent lorsqu'il s'est agi de statuer sur la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi.


[10]            Il était clairement loisible à l'agent de renvoi de tenir compte de la décision rejetant la demande fondée sur des considérations humanitaires dans sa propre décision. L'agent de renvoi n'avait pas à réexaminer la « situation familiale » du demandeur, y compris l'intérêt supérieur du beau-fils de celui-ci, avant de trancher la demande de sursis qui lui avait été présentée. Il n'appartient pas à l'agent de renvoi de siéger en appel d'une décision rejetant une demande fondée sur des considérations humanitaires ou de revenir sur les facteurs qui la sous-tendent. Les décisions de la Cour, comme celle qui a été rendue dans l'affaire Harry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[1], qui traitent du rôle d'un agent de renvoi qui doit statuer sur une demande de sursis à l'exécution d'une mesure de renvoi dans les cas où aucune demande fondée sur des considérations humanitaires n'a été présentée ou dans les cas où une telle demande a été déposée mais n'a pas été tranchée, ne s'appliquent tout simplement pas aux faits en l'espèce.

[11]            Eu égard à ce qui précède et malgré la grande sympathie que m'inspire la preuve présentée concernant le demandeur, son épouse et son beau-fils, je dois conclure avec regrets que, même en appliquant un critère peu rigoureux, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire sous-jacente à la présente requête en sursis d'exécution de la mesure de renvoi ne soulève aucune question sérieuse à trancher. Par conséquent, je ne me suis pas penché sur les questions touchant le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients.

[12]            Pour ces motifs, comme je l'ai mentionné ci-haut, la présente requête en sursis d'exécution de la mesure de renvoi a été rejetée.

        « Frederick E. Gibson »                                                                                                                                 Juge         

Ottawa (Ontario)

Le 17 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     IMM-7969-03

INTITULÉ :                                    BALAZS KEPPEL c. MCI

LA REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR LE DEMANDEUR A ÉTÉ ENTENDUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE ENTRE OTTAWA ET TORONTO

                                                         

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 16 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                  LE 17 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS:

Robin Seligman                                  POUR LE DEMANDEUR

Catherine Vasilaros                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Robin Seligman

Toronto (Ontario)                              POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                               POUR LE DÉFENDEUR



[1]         (2000), 9 Imm. L.R. (3d) 159 (C.F. 1re inst.).

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