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Date : 19990119


Dossier : T-527-97


AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38, 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce,

L.C. 1993, ch. 15 ET UN APPEL DE LA DÉCISION RENDUE PAR LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE À L"ÉGARD D"UNE OPPOSITION FORMULÉE par Kraft General Foods Canada Inc. (maintenant Kraft Canada Inc.) dans la demande no 684,130 se rapportant à la marque de commerce MAGIC WHIP enregistrée par Tritap Food Broker, une division de 676166 Ontario Limited

ENTRE


TRITAP FOOD BROKER, une division de 676166 Ontario Limited,


appelante,


et


KRAFT GENERAL FOODS CANADA,

maintenant KRAFT CANADA INC.,


et


LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,


intimés.


ORDONNANCE

     Un appel ayant été interjeté par Tritap Food Broker contre la décision par laquelle la Commission d"opposition des marques de commerce a refusé, le 22 janvier 1997, d"enregistrer la marque de commerce MAGIC WHIP de Tritap destinée à être employée en liaison avec une garniture à dessert;

         CETTE COUR ORDONNE :

     Que l"appel soit accueilli et que les dépens soient adjugés à l"appelante.

                        
                             Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


Date : 19990119


Dossier : T-527-97


AFFAIRE INTÉRESSANT les articles 38, 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce,

L.C. 1993, ch. 15 ET UN APPEL DE LA DÉCISION RENDUE PAR LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE À L"ÉGARD D"UNE OPPOSITION FORMULÉE par Kraft General Foods Canada Inc. (maintenant Kraft Canada Inc.) dans la demande no 684,130 se rapportant à la marque de commerce MAGIC WHIP enregistrée par Tritap Food Broker, une division de 676166 Ontario Limited

ENTRE


TRITAP FOOD BROKER, une division de 676166 Ontario Limited,


appelante,


et


KRAFT GENERAL FOODS CANADA,

maintenant KRAFT CANADA INC.,


et


LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,


intimés.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

Nature de l"instance

[1]      Il s"agit d"un appel interjeté par Tritap Food Broker (Tritap) contre la décision par laquelle la Commission d"opposition des marques de commerce a refusé le 22 janvier 1997 d"enregistrer la marque de commerce MAGIC WHIP de Tritap destinée à être employé en liaison avec une " garniture à dessert ".

[2]      La Commission a conclu ceci :

     [TRADUCTION]
     Compte tenu des remarques qui précèdent, j"ai conclu que la requérante n"a pas satisfait à l"obligation qui lui incombe d"établir qu"il n"y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce MAGIC WHIP, telle qu"elle s"applique à une garniture à dessert, et la marque de commerce DREAM WHIP de l"opposante, telle qu"elle s"applique à un mélange pour garniture à dessert. En plus du fait qu"il existe une certaine ressemblance entre ces marques de commerce, l"opposante a établi que la marque de commerce DREAM WHIP, telle qu"elle s"applique à des garnitures à dessert, a été largement employée, que c"est le produit qui est le plus vendu sur le marché dans cette catégorie de produits et que ce produit serait vendu à côté de la garniture à dessert MAGIC WHIP de la requérante. En outre, l"opposante a démontré qu"elle a largement employé ses marques de commerce COOL WHIP et WHIP"N CHILL, telles qu"elles s"appliquent à des produits pour les desserts, ainsi que la marque MIRACLE WHIP, telle qu"elle s"applique à une vinaigrette; cette preuve l"emporte de beaucoup sur la preuve relative à l"état du registre ou sur la preuve relative au marché qui ont été présentées dans le cadre de cette opposition.

Historique

[3]      Le 17 juin 1991, Tritap a demandé l"enregistrement de la marque MAGIC WHIP en vertu de la Loi sur les marques de commerce , L.R.C. (1985), ch. T-13, dans sa forme modifiée (la Loi), en se fondant sur l"emploi projeté de cette marque en liaison avec une " garniture à dessert ".

[4]      À la demande du registraire, Tritap a renoncé à tout droit d"emploi exclusif du mot WHIP indépendamment de la marque de commerce.

[5]      La demande a été annoncée le 26 août 1992. Le 15 octobre 1992, Kraft General Foods Canada Inc. (Kraft) a produit une déclaration d"opposition.

[6]      L"opposition était fondée sur les motifs suivants :

     (i)      Le caractère non distinctif;
     (ii)      L"alinéa 30i ) - Tritap ne pouvait pas être convaincue qu"elle avait le droit d"employer la marque MAGIC WHIP au Canada puisqu"elle était au courant de l"emploi et de l"enregistrement antérieurs par Kraft de marques de commerce similaires au point de créer de la confusion (ces marques étant désignées ci-dessous);
     (iii)      L"alinéa 12(1)d ) - MAGIC WHIP crée de la confusion avec les marques de commerce déposées de Kraft qui sont énumérées ci-dessous :

Marque de commerce


COOL WHIP

DREAM WHIP


MIRACLE WHIP

WHIPPED & DESIGN

WHIP"N CHILL

WHIP

MOMENTS MAGIQUES


MAGIC MOMENTS


MAGIC MOMENTS

MAGICQUES DESIGN


MAGIC MOMENTS

DESIGN

MIRACLE WHIP

& DESIGN

Numéro de l"enregistrement


151,731

113,623


UCA 03315

192,284

201,987

264,536

339,508


340,660


343,622


340,181


373,119

Marchandises

Garnitures à dessert

Préparations en poudre permettant de faire des garnitures à dessert,

poudings, garnitures pour tartes;

garnitures à dessert

vinaigrettes

fromage à la crème, margarine

mélange à dessert

vinaigrettes

poudings, yogourt, confitures, compotes, mousses et crèmes anglaises

poudings, yogourt, confitures, compotes, mousses et crèmes anglaises

poudings, yogourt, confitures, compotes, mousses et crèmes anglaises

poudings

vinaigrettes

[7]      La Commission d"opposition a conclu que Tritap n"avait pas établi qu"il n"existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre le produit MAGIC WHIP, qui s"appliquait à une garniture à dessert, et la marque de commerce déposée DREAM WHIP de Kraft, qui s"appliquait à un mélange à garniture pour les desserts.

[8]      Le 24 mars 1997, l"appelante a déposé un avis d"appel de la décision du registraire. L"appel est fondé sur le motif suivant :

     [TRADUCTION]
     Par sa décision, le registraire accordait en fait à l"intimée un droit auquel celle-ci avait renoncé, un droit qui allait à l"encontre du registre et de l"utilisation sur le marché, soit le droit d"empêcher les autres d"employer le mot " WHIP " dans des marques de commerce se rapportant à des garnitures à dessert.

[9]      Aucun nouvel élément de preuve n"a été présenté en appel.

[10]      Après avoir examiné les facteurs dont il fallait tenir compte conformément au paragraphe 6(5) de la Loi, le registraire a tiré les conclusions suivantes :

     a.      les marques de commerce COOL WHIP, DREAM WHIP et WHIP"N CHILL de l"intimée sont maintenant bien connues au Canada et la marque de commerce MIRACLE WHIP de l"intimée est maintenant fort bien connue au Canada;
     b.      la marque MAGIC WHIP de l"appelante n"est connue au Canada que d"une façon restreinte;
     c.      l"étendue de l"emploi des marques de commerce MIRACLE WHIP, COOL WHIP, DREAM WHIP et WHIP"N CHILL par l"intimée et la durée de leur emploi favorisent dans une large mesure l"intimée;
     d.      les marchandises associées à la marque MAGIC WHIP de l"appelante sont identiques à celles qui sont visées par l"enregistrement des marques de commerce COOL WHIP de l"intimée; elles sont associées de près aux marchandises liées aux marques de commerce déposées DREAM WHIP et WHIP"N CHILL de l"intimée et pourraient être considérées dans une certaine mesure comme étant associées aux marchandises liées à la marque MAGIC MOMENTS de l"intimée;
     e.      le produit MAGIC WHIP de l"appelante fait directement concurrence au produit DREAM WHIP de l"intimée;
     f.      la garniture à dessert de l"appelante diffère de la vinaigrette de l"intimée associée aux marques de commerce MIRACLE WHIP et WHIP, mais il y a chevauchement en ce sens que la vinaigrette de l"intimée a été annoncée en tant qu"ingrédient dans des recettes de gâteaux, de muffins, de mousses et de sauces;
     g.      les marchandises associées aux marques de commerce MAGIC WHIP et MIRACLE WHIP seraient vendues dans les mêmes magasins (magasins d"alimentation, supermarchés ou autres magasins du même genre), quoique dans des sections différentes;
     h.      il existe une forte ressemblance entre la marque de commerce projetée MAGIC WHIP de l"appelante et la marque de commerce déposée WHIP de l"intimée et il existe également une similarité assez forte, dans la présentation et le son, entre la marque de la requérante et la marque de commerce déposée MAGIC MOMENTS de l"opposante;
     i.      le degré de ressemblance est moins prononcé entre la marque MAGIC WHIP de Tritap et les marques COOL WHIP, DREAM WHIP, WHIP"N CHILL et MIRACLE WHIP de Kraft qu"entre la marque MAGIC WHIP et les marques WHIP et MAGIC MOMENTS de Kraft;
     j.      la marque MAGIC a été adoptée par de nombreux commerçants, diminuant ainsi la probabilité de confusion entre la marque MAGIC WHIP et la marque MAGIC MOMENTS de Kraft;
     k.      le mot WHIP a été adopté en tant qu"élément commun des marques de commerce qui s"appliquent aux garnitures à dessert.

[11]      On a renoncé à l"emploi exclusif du mot WHIP à l"égard de produits pour les desserts en ce qui concerne l"enregistrement des marques DREAM WHIP et COOL WHIP de Kraft. On a renoncé au mot WHIPPED en ce qui concerne l"enregistrement de la marque WHIPPED & DESIGN.

[12]      Le Bureau des marques de commerce n"a pas désigné DREAM WHIP, COOL WHIP ou MIRACLE WHIP à titre de marques liées en vertu du paragraphe 15(2) de la Loi .

[13]      Dans la preuve qu"elle a présentée, Kraft ne mentionne aucun cas de confusion réelle entre l"une quelconque de ses marques et la marque MAGIC WHIP.

La question en litige

[14]      Compte tenu de l"ensemble de la preuve et des circonstances de l"espèce, Tritap a-t-elle établi qu"il n"existe aucune possibilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce MAGIC WHIP s"appliquant aux garnitures à dessert et les marques de commerce mentionnées dans la déclaration d"opposition de Kraft?

La charge de la preuve

[15]      Il incombe à la requérante d"établir qu"il n"y aurait pas de possibilité raisonnable de confusion entre les marques de commerce des parties à la date pertinente. Il est bien établi que la date pertinente, lorsqu"il s"agit de déterminer s"il y a confusion en vertu de l"alinéa 12(1)d ) de la Loi, est la date à laquelle le registraire a rendu sa décision.

La norme de contrôle

[16]      L"article 56 de la Loi sur les marques de commerce se lit en partie comme suit :


Appeal

56.(1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.

Appel

56.(1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l"avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l"expiration des deux mois.

     [...]


Additional evidence

(5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar. R.S., c. T-10, s. 56; R.S., c. 10(2nd Supp.), s. 64.

Preuve additionnelle

(5) Lors de l"appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi. S.R., ch. T-10, art. 56; S.R., ch. 10(2e suppl.), art. 64.

[17]      L"article 56 de la Loi confère un droit d"appel absolu à l"égard des décisions de la Commission.

[18]      L"appelante soutient que la norme de contrôle appropriée est celle de l"exactitude de la décision, alors que l"intimée, qui se fonde sur l"arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.1 soutient que la norme de contrôle appropriée est celle du caractère raisonnable.

[19]      À mon avis, la norme de contrôle appropriée est celle que Monsieur le juge Heald a énoncée dans la décision La Brasserie Labatt Limitée c. Les Brasseries Molson (1996), 68 C.P.R. (3d) 216 (C.F. 1re inst.), aux pages 220 et 221. Monsieur le juge Heald a examiné le rôle de la Cour en appel :

     Le juge Strayer a exposé avec justesse le rôle de la Cour lors d"un appel interjeté en vertu de l"article 56 de la Loi dans l"affaire McDonald"s Corp. c. Silcorp Ltd. [(1989), 24 C.P.R. (3d) 207 (C.F. 1re inst.)], à la page 210 [confirmé 139 N.R. 319, 41 C.P.R. (3d) 67 (C.A.F.)]    :
         Il semble clair qu'en matière d'oppositions, lorsque le litige porte essentiellement sur des faits relatifs à la confusion ou au caractère distinctif, la décision du registraire ou de la Commission constitue une conclusion de fait et non l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, la Cour ne devrait pas réviser cette décision avec autant de retenue que s'il s'agissait de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire. La Cour est donc libre d'examiner les faits afin d'établir si la décision du registraire ou de la Commission était exacte; cependant cette décision ne devrait pas être annulée à la légère, compte tenu des connaissances spécialisées dont disposent ces instances décisionnelles : voir Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp. (1968), 57 C.P.R. 1, à la p. 8, 1 D.L.R. (3d) 462, [1969] R.C.S. 192, aux p. 199 et 200 (C.S.C.). Bien qu'à diverses reprises, la Cour d'appel fédérale ait jugé qu'en appel, la Cour avait l'obligation d'établir si le registraire avait ou non rendu une décision "manifestement erronée" ou s'il avait simplement "eu tort", il semble que le juge saisi d'un appel semblable à l'espèce soit tenu de tirer ses propres conclusions quant à l'exactitude de la décision du registraire. Ce faisant, il doit toutefois tenir compte de l'expérience et des connaissances particulières dont dispose le registraire ou la Commission et surtout prendre en considération, le cas échéant, le fait que de nouvelles preuves, dont ne disposait pas la Commission, ont été déposées devant lui.
     Voir également Clorox Co. c. E.I. Du Pont Nemours and Co. (1995), 64 C.P.R. (3d) 79 (C.F. 1re inst.).
     En réglant cet appel, je me fonderai donc sur les principes susmentionnés. En effet, je dois tirer mes propres conclusions au sujet de l"exactitude de la décision du registraire, mais je dois tenir compte de son expérience et de ses connaissances particulières et du fait qu"on n"a présenté en appel aucun nouvel élément de preuve dont le registraire ne disposait pas.

Analyse

[20]      Le paragraphe 6(2) de la Loi sur les marques de commerce prévoit que l"emploi d"une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l"emploi des deux marques dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont vendues par la même personne, et ce, que ces marchandises soient ou non de la même catégorie générale.

[21]      En déterminant s"il existe une possibilité de confusion, il faut tenir compte de toutes les circonstances de l"espèce et notamment des éléments énoncés au paragraphe 6(5) de la Loi :

     a)      le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;
     b)      la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage;
     c)      le genre de marchandises;
     d)      la nature du commerce;
     e)      le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu"elles suggèrent.

Le caractère distinctif inhérent - Alinéa 6(5)a)

[22]      Le mot WHIP décrit les marchandises. On y a renoncé à l"égard de chacun des enregistrements des marques de commerce DREAM WHIP et COOL WHIP de Kraft. On y a renoncé dans la demande que Tritap a présentée à l"égard de MAGIC WHIP.

[23]      Le mot COOL décrit également la marque COOL WHIP de Kraft. Les mots DREAM et MIRACLE sont des mots qui vantent le mérite des produits DREAM WHIP et MIRACLE WHIP de Kraft.

La durée d"utilisation - Alinéa 6(5)b)

[24]      Le registraire a conclu, et Tritap admet, que les marques de commerce COOL WHIP, DREAM WHIP, MIRACLE WHIP et WHIP"N CHILL de Kraft ont été en usage plus longtemps et sont plus largement connues que la marque MAGIC WHIP de Tritap.

[25]      Kraft n"a présenté aucun élément de preuve montrant que les autres marques de commerce mentionnées sont devenues connues.

Le genre de marchandises - Alinéa 6(5)c)

[26]      Le produit pour desserts MAGIC WHIP de Tritap est semblable aux produits pour desserts DREAM WHIP, COOL WHIP et WHIP"N CHILL de Kraft.

[27]      Toutefois, le produit MAGIC WHIP de Tritap n"est pas semblable aux vinaigrettes MIRACLE WHIP et WHIP de Kraft.

[28]      Kraft a présenté en preuve des annonces publiées dans des revues avec des recettes de desserts dans lesquelles le produit MIRACLE WHIP est un ingrédient. Il ne s"agit pas d"une preuve convaincante. L"inclusion dans ces annonces de phrases telles que " WHO"D A THUNKIT! " et " GET YOUR IMAGINATION COOKING " montre que le consommateur moyen n"associe pas la vinaigrette MIRACLE WHIP à des desserts et encore moins à une garniture à dessert.

La nature du commerce - Alinéa 6(5)d)

[29]      Le registraire a conclu que les produits MAGIC WHIP et DREAM WHIP sont vendus côte à côte. Toutefois, la preuve présentée par Tritap montre que des produits tels que NUTRIWHIP, NUTRIWHIP LITE-LÉGER, WHIP IT, NO NAME DESSERT WHIP, RICH"S RICH WHIP sont également vendus côte à côte avec le produit DREAM WHIP.

[30]      Le registraire a conclu que le produit MIRACLE WHIP de Kraft n"est pas vendu dans la même section que le produit MAGIC WHIP.

Le degré de ressemblance - Alinéa 6(5)e)

[31]      La caractéristique dominante de la marque MAGIC WHIP est le mot MAGIC. C"est le premier mot; le reste de la marque est descriptif et ne sert donc pas à faire une distinction. Pour la même raison, la caractéristique dominante des marques COOL WHIP et DREAM WHIP de Kraft se rapporte aux mots COOL et DREAM.

[32]      Le mot MAGIC est différent, dans la présentation et le son, des mots DREAM et COOL. Chaque mot laisse entendre des idées différentes.

[33]      Il ne faudrait pas accorder trop d"importance à un élément descriptif et, par conséquent, non distinctif d"une marque de commerce; en effet, l"élément descriptif ne sert pas à distinguer les marchandises d"un commerçant de celles d"un autre.

[34]      Le seul élément commun entre toutes les marques est le mot descriptif non distinctif WHIP; Kraft a renoncé à tout droit exclusif sur ce mot.

[35]      La Commission a conclu que le degré de ressemblance est moins prononcé entre la marque MAGIC WHIP et les marques COOL WHIP, DREAM WHIP, WHIP"N CHILL et MIRACLE WHIP de l"intimée qu"entre la marque MAGIC WHIP et les marques WHIP et MAGIC MOMENTS de l"intimée.

Les autres circonstances de l"espèce

[36]      Quant aux autres circonstances de l"espèce qui ne sont pas visées par les facteurs énumérés au paragraphe 6(5), l"appelante s"est fondée sur son témoin, M. Usher, qui déclarait ne connaître aucun cas de confusion réelle entre les marques de commerce en question. Le registraire a conclu que cette preuve n"était pas pertinente compte tenu des ventes relativement modestes conclues par l"appelante. La preuve d"une confusion réelle n"est pas nécessaire pour qu"il soit possible de conclure à l"existence d"une probabilité raisonnable de confusion. Le critère consiste à savoir quelle inférence serait probablement faite si l"appelante et l"intimée employaient toutes les deux les marques de commerce opposées dans la même région.

[37]      Le registraire a accordé peu de valeur à la preuve relative à l"état du registre qui selon l"appelante constituait une circonstance additionnelle en ce qui concerne la question de la confusion.

[38]      Il devrait être tenu compte de la preuve relative à l"état du registre lorsqu"on détermine s"il y a confusion dans le cadre de l"opposition.

[39]      Si des marques qui ont un élément commun sont enregistrées au nom de propriétaires différents, il peut être présumé que l"élément est une caractéristique commune du commerce. Le fait que les marques appartiennent à des entités différentes tend à nier l"importance de l"élément commun.

[40]      En déterminant s"il y a confusion lorsque deux marques renferment un élément commun, la présence de cet élément commun dans un certain nombre d"autres marques de commerce figurant dans le registre amène les acheteurs à faire davantage attention aux autres caractéristiques des marques respectives lorsqu"il s"agit de les distinguer.

[41]      Lorsqu"une marque de commerce qui a en commun un élément avec le commerce en cause a acquis un caractère distinctif, ce caractère distinctif doit se trouver dans le reste de la marque. En jugeant le contraire, on se trouverait à conférer au propriétaire un droit presque exclusif sur l"élément commun.

[42]      Au moins 29 commerçants ont adopté le mot WHIP en tant qu"élément de leurs marques de commerce telles qu"elles s"appliquent à des produits alimentaires. Parmi ces marques, 13 se rapportent directement à des produits alimentaires pour les desserts.

[43]      WHIP est donc un élément commun des marques de commerce employées en liaison avec des produits alimentaires. Dans la mesure où les marques de commerce DREAM WHIP, COOL WHIP et MIRACLE WHIP de Kraft ont acquis un caractère distinctif, ce caractère distinctif ne peut pas être attribué au mot WHIP à lui seul.

[44]      Au moins 77 commerçants ont adopté le mot MAGIC en tant qu"élément de marques de commerce s"appliquant à des produits alimentaires.

Conclusion

[45]      Comme l"a dit Monsieur le juge Thorson, lorsqu"il était président de la Cour de l"Échiquier, dans la décision Freed & Freed Ltd. v. Registrar of Trade Marks , [1950] Ex C.R. 431 :

     [TRADUCTION]
     [...] la confiance dans la décision du registraire à l"effet que deux marques sont semblables au point de créer de la confusion ne peut aller jusqu"à affranchir le juge qui entend un appel de cette décision de l"obligation de décider la question en tenant dûment compte des circonstances de l"affaire.

[46]      Je conclus donc que l"appelante s"est acquittée de l"obligation qui lui incombe d"établir qu"il n"y aurait pas de probabilité raisonnable de confusion entre sa marque de commerce MAGIC WHIP telle qu"elle s"applique à une garniture à dessert et la marque de commerce DREAM WHIP de l"intimée, telle qu"elle s"applique à un mélange de garniture à dessert. Il n"y a pas non plus de probabilité raisonnable de confusion avec les autres marques de commerce sur lesquelles l"intimée se fonde et en particulier les marques COOL WHIP et WHIP"N CHILL, telles qu"elles s"appliquent à des produits pour les desserts, ainsi que la marque MIRACLE WHIP qui s"applique en liaison avec une vinaigrette.

[47]      L"appel est accueilli et les dépens sont adjugés à l"appelante.

                        
                             Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

Le 19 janvier 1999

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-527-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Tritap Food Broker, une division de 676166 Ontario Limited c. Kraft General Foods Canada, maintenant Kraft Canada Inc., et autre
LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 4 janvier 1999

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD EN DATE DU 19 JANVIER 1999.

ONT COMPARU :

Robert MacFarlane                      pour l"appelante

Robert MacDonald                      pour l"intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bereskin & Parr                      pour l"appelante

B.P. 401, 40, rue King ouest

Toronto (Ontario)

M5H 3Y2

Gowling, Strathy & Henderson              pour l"intimée Kraft General Foods

2600-160, rue Elgin

Ottawa (Ontario)

K1P 1C3

__________________

1      [1997] 1 S.C.R. 748.

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