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     T-168-97

Ottawa (Ontario), le 23 juin 1997

En présence de M. le juge Marc Nadon

Entre :

     HUSSEIN DAOUD,

     requérant,

     - et -


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est refusée.

                             "MARC NADON"

                        

                         Juge

Traduction certifiée conforme         

                         F. Blais, LL.L.

     T-168-97

Entre :

     HUSSEIN DAOUD,

     requérant,

     - et -


LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Nadon

     Le requérant, qui est citoyen libanais, est au début de la cinquantaine. Le 22 décembre 1987, il a été arrêté à Montréal sous des accusations de trafic de drogue. Le 29 mars 1989, le requérant a été reconnu coupable, à l'issue d'un procès sans jury, de complot en vue de faire le trafic, de trafic et de possession de stupéfiants. Le 3 mai 1989, le requérant a été condamné à 18 ans de prison.

     Le 10 octobre 1990, le requérant a déposé une demande afin qu'une libération conditionnelle totale lui soit octroyée "par exception en vue de son expulsion" aux termes du paragraphe 11.1(1) de la Loi sur la libération conditionnelle , L.R.C. (1985), ch. P-2 (abrogée depuis) (la Loi). Le 2 novembre 1990, Immigration Canada a pris une mesure d'expulsion contre le requérant.

     Le 8 mars 1991, la Commission nationale des libérations conditionnelles (la CNLC) a entendu sa demande de libération conditionnelle totale. La CNLC a réservé sa décision en attendant de recevoir des renseignements sur un certain nombre de questions. Le 27 juin 1991, la Commission a examiné de façon plus approfondie la demande du requérant et a de nouveau réservé sa décision. La raison qu'elle a donnée au requérant est la suivante :

         [TRADUCTION]             
         M. Daoud, après l'audience d'aujourd'hui, la CNLC a décidé de réserver sa décision en attendant les renseignements suivants :             
             un rapport écrit de la GRC afin d'évaluer votre rôle et votre implication dans les crimes pour lesquels vous avez été condamné à 18 ans de prison le 3 février 1989 et dans toute activité antérieure illicite de trafic de drogue avant votre arrestation, le 22 décembre 1987.             
             Ce rapport doit inclure une confirmation écrite de la Drug Enforcement Agency des États-Unis attestant le fait que M. Daoud est très largement considéré comme un narco- trafiquant de calibre international.             

     Le 30 octobre 1991, après un nouvel examen du cas, la CNLC a refusé la demande de libération conditionnelle totale du requérant en vue de son expulsion au Liban.

     Le 3 février 1995, le requérant est devenu admissible à une libération conditionnelle totale ordinaire. Une audience devant la CNLC a été fixée pour janvier 1996. Le 18 octobre 1995, le requérant a écrit à la CNLC pour demander que l'audition soit reportée "jusqu'à la fin de mon traitement médical et jusqu'à ce qu'une décision soit rendue concernant mon appel intenté contre ma condamnation"1. En réponse à la lettre du requérant, la CNLC l'a informé qu'une nouvelle audience avait été fixée pour janvier 1997.

     Le 29 mai 1996, le requérant a demandé que son agent de gestion de cas, Joseph Daou, demande à CNLC de revoir son cas en vue de lui accorder une libération conditionnelle totale aux fins de l'expulsion. L'avis que le requérant a donné à M. Daou est le suivant :

         [TRADUCTION]             
         3. Il s'agit d'un "AVIS" indiquant que je souhaite accélérer les formalités d'expulsion pour retourner dans ma famille et mon pays afin d'y faire traiter ma tumeur au cerveau. Je demande à CNLC de prendre une décision sur la foi du dossier en tenant compte du fait que j'en suis à ma première peine d'emprisonnement pour une infraction non violente, et qu'une ordonnance d'expulsion est toujours en vigueur contre moi depuis 1990. Mon état de santé ne me permet pas d'assister à une audience et je n'ai rien à ajouter aux raisons qui ont déjà été mentionnées dans mes deux premières demandes de libération conditionnelle, qui se trouvent au dossier. Veuillez avoir l'obligeance d'informer Immigration Canada que je suis prêt à être expulsé dès que possible.             

     Le 19 juin 1996, le requérant a déposé une demande de libération conditionnelle totale afin d'être expulsé. Dans une lettre en date du 19 juin 1996, le requérant a informé la CNLC qu'il avait donné avis de sa demande à son agent de gestion de cas le 29 mai 1996. Dans cette lettre, le requérant informait également la CNLC qu'à son avis il avait le droit de bénéficier de la procédure d'examen expéditif aux fins de sa demande de libération conditionnelle, procédure adoptée dans le cadre de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la LSCMLC). Il conclut sa lettre dans les termes suivants :

         [TRADUCTION]             
         Je demande qu'une décision sur la foi du dossier soit prise parce que la CNLC est parfaitement au courant de mon cas et de mes problèmes de santé; en outre, la transcription de mon procès et mes deux demandes antérieures de libération conditionnelle (avant le 92.11.01) se trouvent dans vos dossiers et je n'ai rien d'autre à ajouter; de plus, je crois que ma tumeur au cerveau ne me permet pas d'assister à une audience, que je sois ou non représenté par un avocat.             
         J'espère que la CNLC tiendra compte des alinéas 121(1)b) et c) de la LOI en faisant preuve de compassion.             

     Le 27 juin 1996, la CNLC a informé le requérant par écrit qu'elle avait reçu sa lettre du 19 juin 1996 et la demande de libération conditionnelle qui y était jointe. La Commission a également informé le requérant qu'elle examinerait son cas sur la foi du dossier comme il le demandait. Finalement, la CNLC a informé le requérant qu'il ne pouvait bénéficier de la procédure d'examen expéditif aux termes des articles 125 et 126 de la LSCMLC étant donné que le paragraphe 225(2) de cette loi indique clairement que lorsque le cas d'un délinquant a fait l'objet d'un examen en vue d'une libération conditionnelle totale aux termes de l'ancienne Loi, la procédure d'examen expéditif prévue aux articles 125 et 126 ne s'applique pas. La CNLC a alors conclu sa lettre en déclarant ceci : [TRADUCTION] "Nous avons versé votre lettre au dossier pour que les membres de la Commission qui examineront votre cas puissent en prendre connaissance".

     Le 23 juillet 1996, l'agent de gestion du cas du requérant a déposé un rapport récapitulatif sur l'évolution du cas. Aux pages 6 et 7 de ce rapport, M. Daou conclut dans les termes suivants :

         [TRADUCTION]
         Deux choix s'offrent donc à nous. Nous pouvons prolonger l'incarcération du sujet à des fins punitives seulement, avec l'espoir non réaliste qu'il modifiera sa version des faits avant sa date de libération d'office. Ou encore, nous pouvons recommander sa libération conditionnelle totale aux fins de l'expulsion compte tenu, comme il a déjà été démontré, du faible risque de récidive et du fait que les huit ans et demi que le sujet a passés en prison, son état de santé et son éloignement des ressources de sa collectivité sont et continueront d'être un facteur dissuasif.             
         L'EGC choisit de recommander la libération conditionnelle totale aux fins de l'expulsion. Bien entendu, cette recommandation s'appuie en partie sur des raisons d'ordre humanitaire. Le sujet souffre d'une tumeur au cerveau qui est stable pour le moment, mais qui pourrait se dégrader. Toutefois, l'EGC n'aurait pas fait cette recommandation sans tenir compte du facteur de risque qui se fonde en l'espèce, pour une bonne part, sur l'effet dissuasif de nombreuses années d'incarcération.             
         12. RECOMMANDATIONS :             
         1.      Libération conditionnelle totale aux fins de l'expulsion immédiate.             
         Destination :      Liban

         Expiration :      2007-02-02.

     Le 30 juillet 1996, la CNLC, malgré la recommandation favorable de M. Daou, a refusé d'accorder la libération conditionnelle totale au requérant. Aux pages 3 et 4 de sa décision, la Commission indique ceci :


         [TRADUCTION]
         Vous avez demandé la libération conditionnelle totale afin d'être expulsé du Canada. Vous voulez retourner dans votre famille. Vous désirez suivre un traitement psychologique et prendre les mesures pour faire soigner de façon professionnelle une tumeur qui risque de vous être fatale.             
         MOTIFS DE LA DÉCISION :             
         La Commission ne dispose pas des éléments requis pour conclure aujourd'hui que votre attitude a changé de façon significative au cours de votre incarcération. Vous n'avez pas fait de progrès dans les programmes en établissement et vous continuez de nier votre participation aux crimes pour lesquels vous avez été reconnu coupable.             
         Par conséquent, la Commission conclut que vous ne respectez pas les critères qui lui permettraient de vous accorder une libération conditionnelle totale.             

     Le 20 août 1996, le requérant a déposé une demande pour que soit réexaminée la décision de la CNLC aux termes du paragraphe 147(1) de la LSCMLC, qui dispose comme suit :

         147.(1) Le délinquant visé par une décision de la Commission peut interjeter appel auprès de la Section d'appel pour l'un ou plusieurs des motifs suivants :             
             a) la Commission a violé un principe de justice fondamentale;           
             b) elle a commis une erreur de droit en rendant sa décision;           
             c) elle a contrevenu aux directives établies aux termes du paragraphe 151(2) ou ne les a pas appliquées;           
             d) elle a fondé sa décision sur des renseignements erronés ou incomplets;           
             e) elle a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou omis de l'exercer.           

     Les motifs d'appel, énoncés dans la demande du requérant sont les suivants :

         [TRADUCTION]           
         1.      La COMMISSION a commis une erreur de droit en excluant l'appelant de la procédure d'examen expéditif prévue aux articles 125 et 126 de la LOI, en violation de l'article 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés;           
         2.      la COMMISSION a commis une erreur de droit en appliquant de façon erronée l'article 225 de la LOI, commettant ainsi un acte de racisme et de discrimination contrevenant au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés;           
         3.      la COMMISSION a commis une erreur de droit en interprétant de façon erronée l'article 223 de la LOI, commettant ainsi une erreur de droit;           
         4.      la COMMISSION a commis une erreur de droit en refusant de reconnaître l'article 121 de la LOI et, par conséquent a mal appliqué le droit et a fondé sa décision sur des hypothèses erronées et des interprétations personnelles;           
         5.      la COMMISSION a commis une erreur de droit en adoptant un critère qui est illégal et illicite et par conséquent a agi sans compétence, a outrepassé celle-ci et a refusé de l'exercer.           

     Le 18 décembre 1996, la Section d'appel a rejeté l'appel du requérant et a confirmé la décision prise le 30 juillet 1996. C'est la décision de cet appel qui fait l'objet de la procédure judiciaire déposée par le requérant.

     Le premier motif soulevé par le requérant indique que la Section d'appel a commis une erreur en concluant que le requérant ne pouvait invoquer les articles 125 et 126 de la LSCMLC. Ces articles sont rédigés dans les termes suivants :

         125. (1) Le présent article et l'article 126 s'appliquent aux délinquants condamnés ou transférés pour la première fois au pénitencier - autrement qu'en vertu de l'accord visé au paragraphe 16(1) -, à l'exception de ceux :           
             a) qui y purgent une peine pour une des infractions suivantes :           
                 (i) le meurtre,           
                 (ii) une infraction mentionnée à l'annexe I,           
                 (iii) l'infraction prévue à l'article 463 du Code criminel et relative à une infraction mentionnée à l'annexe I - sauf celle qui est prévue à l'alinéa (1)q) de celle-ci - et ayant fait l'objet d'une poursuite par mise en accusation,           
                 (iv) une infraction mentionnée à l'annexe II et sanctionnée par une peine ayant fait l'objet d'une ordonnance rendue en vertu de l'article 741.2 du Code criminel;           
             b) qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité à condition que cette peine n'ait pas constitué un minimum en l'occurrence;           
             c) dont la semi-liberté a été révoquée.           
         (1.1) Il est entendu que le présent article et l'article 126 :           
             a) s'appliquent aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, sont condamnés pour une infraction - autre qu'une infraction visée à l'alinéa (1)a) - commise avant cette condamnation ou ce transfert;           
             b) ne s'appliquent pas aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, commettent une infraction à une loi fédérale pour laquelle une peine d'emprisonnement supplémentaire est infligée.           
             (2) Le Service procède, au cours de la période prévue par règlement, à l'étude des dossiers des délinquants visés par le présent article en vue de leur transmission à la Commission pour décision conformément à l'article 126.           

             (3) L'étude du dossier se fonde sur tous les renseignements pertinents qui sont normalement disponibles, notamment :           
             a) les antécédents sociaux et criminels du délinquant obtenus en vertu de l'article 23;           
             b) l'information portant sur sa conduite pendant la détention;           
             c) tout autre renseignement révélant une propension à la violence de sa part.           
             (4) Au terme de l'étude, le Service transmet à la Commission, dans les délais réglementaires impartis mais avant la date d'admissibilité du délinquant à la libération conditionnelle totale, les renseignements qu'il juge utiles.           
             (5) Le Service peut déléguer aux autorités correctionnelles d'une province les pouvoirs que lui confère le présent article en ce qui concerne les délinquants qui purgent leur peine dans un établissement correctionnel de la province.           
             126. (1) La Commission procède sans audience, au cours de la période prévue par règlement ou antérieurement, à l'examen des dossiers transmis par le Service ou les autorités correctionnelles d'une province.           
             (2) Par dérogation à l'article 102, quand elle est convaincue qu'il n'existe aucun motif raisonnable de croire que le délinquant commettra une infraction accompagnée de violence s'il est remis en liberté avant l'expiration légale de sa peine, la Commission ordonne sa libération conditionnelle totale.           
             (3) Si elle est convaincue du contraire, la Commission communique au délinquant ses conclusions et motifs.           
             (4) La Commission transmet ses conclusions et motifs à un comité constitué de commissaires n'ayant pas déjà examiné le cas et chargé, au cours de la période prévue par règlement, du réexamen du dossier.           
             (5) Si le réexamen lui apporte la conviction précisée au paragraphe (2), le comité ordonne la libération conditionnelle totale du délinquant.           
             (6) Dans le cas contraire, la libération conditionnelle totale est refusée, le délinquant continuant toutefois d'avoir droit au réexamen annuel de son dossier selon les modalités prévues au paragraphe 123(5).           
             (7) Pour l'application du présent article, une infraction accompagnée de violence s'entend du meurtre ou de toute infraction mentionnée à l'annexe I; toutefois, il n'est pas nécessaire, en déterminant s'il existe des motifs raisonnables de croire que le délinquant en commettra une, de préciser laquelle.           
             (8) En cas de révocation ou de cessation de la libération conditionnelle, le délinquant perd le bénéfice de la procédure expéditive.           

     Pour répondre à l'argument du requérant, l'article 225 est également pertinent et il dispose comme suit :

             225. (1) Sous réserve du paragraphe (1.1), l'alinéa 119(1)c) ne s'applique pas aux peines d'emprisonnement prononcées avant le 1er novembre 1992; les dispositions correspondantes de la loi antérieure et de ses règlements d'application s'y appliquent toutefois comme s'il s'agissait de dispositions de la présente loi.           
             (1.1) L'alinéa 119(1)c) s'applique cependant aux peines d'emprisonnement prononcées avant le 1er novembre 1992 si celles-ci sont suivies, à compter de cette date, d'une peine supplémentaire, toutes ces peines étant alors réputées n'en constituer qu'une seule aux termes de l'article 139.           
             (2) Les articles 125 et 126 ne s'appliquent pas au délinquant qui purge une peine à l'entrée en vigueur et dont l'examen du dossier en vue de la libération conditionnelle totale a eu lieu en vertu de la loi antérieure pendant qu'il purgeait cette peine.           

     La position adoptée par la CNLC et confirmée par la Section d'appel indique qu'en raison du paragraphe 225(2), le requérant n'est pas admissible à la procédure d'examen expéditif. À mon avis, la Section d'appel n'a commis aucune erreur en parvenant à cette conclusion.

     Il ne peut être contesté que le cas du requérant, à l'entrée en vigueur de la LSCMLC, avait déjà fait l'objet d'un examen en vertu de l'ancienne loi aux fins d'une libération conditionnelle totale. Au paragraphe 99(1) de la LSCMLC, l'expression "libération conditionnelle" est définie comme étant une "libération conditionnelle totale ou semi-liberté". La "libération conditionnelle totale" est définie comme étant le "régime accordé sous l'autorité de la Commission ou d'une commission provinciale et permettant au délinquant qui en bénéficie d'être en liberté pendant sa période d'emprisonnement".

     Le paragraphe 120(1) de la LSCMLC dispose qu'un délinquant devient admissible à une libération conditionnelle totale quand il a purgé le "tiers de la peine à concurrence de 7 ans". Le paragraphe 121(1) prévoit quatre cas d'exception applicables au temps d'épreuve exigé avant l'octroi de la libération conditionnelle totale dont il est question au paragraphe 120(1). Ces exceptions touchent les délinquants qui sont malades en phase terminale, ceux dont la santé physique ou mentale risque d'être gravement compromise si la détention se poursuit, ceux dont l'incarcération constitue une contrainte excessive difficilement prévisible au moment de la condamnation, et ceux qui font l'objet d'un arrêté d'extradition - pris aux termes de la Loi sur l'extradition - ou d'une ordonnance de renvoi - rendue au titre de la Loi sur les criminels fugitifs - qui prévoit son incarcération jusqu'à son extradition ou renvoi. Un délinquant qui est visé par l'une de ces quatre exceptions n'a pas à purger "le tiers de la peine à concurrence de 7 ans" avant de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle.

     J'aborde maintenant les dispositions équivalentes de l'ancienne Loi. L'article 2 de la Loi sur la libération conditionnelle définissait l'expression "libération conditionnelle" comme étant "l'autorisation accordée à un détenu, sous le régime de la présente loi d'être en liberté pendant son temps d'emprisonnement, y compris le régime de semi-liberté". L'article 2 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus définissait la "libération conditionnelle totale" comme étant "toute libération conditionnelle autre que la libération conditionnelle de jour". L'article définissait également la "date d'admissibilité" comme étant "la date à laquelle un détenu a fini de purger la partie de la peine d'emprisonnement qu'il doit purger conformément au présent règlement avant qu'on puisse accorder ou autoriser la libération conditionnelle totale, la libération conditionnelle de jour ou une absence temporaire, selon le cas".

         Les article 5 à 10 du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus énoncent les conditions de la peine d'emprisonnement qu'un détenu doit purger avant de devenir admissible à la libération conditionnelle totale et à la libération conditionnelle de jour. Dans le cas d'une libération conditionnelle totale, l'article 5 disposait qu'un détenait devait purger le tiers de sa peine ou sept ans avant de pouvoir obtenir une libération conditionnelle totale. Sous la rubrique "Admissibilité dans des cas spéciaux", le paragraphe 11.1(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus disposait que les articles 5 et 9 ne s'appliquaient pas à un détenu qui, notamment, était visé par une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi de l'immigration de 1976 , lorsque l'ordonnance exigeait qu'il reste incarcéré jusqu'à son expulsion. Le paragraphe 11.(1) est rédigé dans les termes suivants :

         11.1 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les articles 5 et 9 ne s'appliquent pas à un détenu :           
             a)      qui est atteint d'une maladie mortelle;           
             b) dont la santé physique ou mentale risque d'être gravement atteinte s'il reste incarcéré;           
             c) pour qui la peine constitue un fardeau excessif qui n'était pas raisonnablement prévisible au moment où elle a été prononcée;           
             d) qui a complété un programme recommandé par le tribunal ou a atteint les objectifs de la peine énoncés expressément dans la sentence du tribunal; ou           
             e) qui est visé par une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976 ou par un ordre d'extradition pris en vertu de la Loi sur l'extradition ou de la Loi sur les criminels fugitifs, exigeant qu'il reste incarcéré jusqu'à son expulsion ou son extradition selon le cas.           

     Il convient de signaler qu'en vertu de la LSCMLC, aucune exception ne s'applique aux délinquants qui font l'objet d'une ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration.

     Étant donné que le requérant a été reconnu coupable avant que la LSCMLC entre en vigueur, il est assujetti aux dispositions de la Loi sur la libération conditionnelle. C'est pourquoi le requérant a déposé, le 10 octobre 1990, une demande de libération conditionnelle totale par exception en vue de l'expulsion. Cette demande a donné lieu à la décision qui a été prise par la CNLC le 30 octobre 1991, et aux termes de laquelle celle-ci a refusé de lui accorder la libération conditionnelle totale demandée.

     La question dont je suis saisi consiste à déterminer si l'audience accordée au requérant à la suite de sa demande de libération conditionnelle en date du 10 octobre 1990 constitue un examen de son cas en vertu de l'ancienne loi pour les fins d'une libération conditionnelle totale. Autrement dit, le paragraphe 225(2) s'applique-t-il aux faits de l'espèce? À mon avis, c'est effectivement le cas.

     La demande du requérant avait pour objet de convaincre la CNLC qu'il devait être libéré, ne serait-ce que pour être expulsé au Liban, pendant sa peine d'emprisonnement. Le paragraphe 11.1(1) du Règlement sur la libération conditionnelle de détenus a pour but d'autoriser un détenu frappé par une ordonnance d'expulsion rendue en vertu de la Loi sur l'immigration à être admissible à la libération conditionnelle totale même s'il n'a pas fini de purger la partie de sa peine d'emprisonnement prescrite par l'article 5. Le cas du requérant a donc été examiné en vertu de la Loi sur la libération conditionnelle pour les fins de la libération conditionnelle totale.

     Le deuxième argument soulevé par le requérant concernant le paragraphe 225(2) de la Loi fait valoir que l'article 225 est inconstitutionnel. Au cours de l'audience, l'avocat de l'intimé m'a signalé qu'un argument de nature constitutionnelle ne pouvait être invoqué par le requérant parce qu'il n'a pas respecté l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale qui dispose qu'un avis d'une intention de contester la constitutionnalité d'une loi fédérale doit être signifié au moins 10 jours avant l'audience, au procureur général du Canada et aux procureurs généraux des provinces. Le requérant n'a pas signifié ces avis et, par conséquent, je l'ai informé au cours de l'audience que je ne pouvais examiner ses arguments concernant la constitutionnalité de l'article 225 de la Loi.

     Le troisième argument présenté par le requérant soutient que l'information ne lui a pas été communiquée dans les délais prévus par l'article 141 de la LSCMLC qui est rédigé dans les termes suivants :

             141. (1) Au moins quinze jours avant la date fixée pour l'examen de son cas, la Commission fait parvenir au délinquant, dans la langue officielle de son choix, les documents contenant l'information pertinente, ou un résumé de celle-ci.           
             (2) La Commission fait parvenir le plus rapidement possible au délinquant l'information visée au paragraphe (1) qu'elle obtient dans les quinze jours qui précèdent l'examen, ou un résumé de celle-ci.           
             (3) Le délinquant peut renoncer à son droit à l'information ou à un résumé de celle-ci ou renoncer au délai de transmission; toutefois, le délinquant qui a renoncé au délai a le droit de demander le report de l'examen à une date ultérieure, que fixe la Commission, s'il reçoit des renseignements à un moment tellement proche de la date de l'examen qu'il lui serait impossible de s'y préparer; la Commission peut aussi décider de reporter l'examen lorsque des renseignements lui sont communiqués en pareil cas.           
             (4) La Commission peut empêcher, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, la communication de renseignements au délinquant si elle a des motifs raisonnables de croire que celle-ci irait à l'encontre de l'intérêt public, mettrait en danger la sécurité d'une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d'une enquête licite.           

     Selon l'argument du requérant, le rapport récapitulatif sur l'évolution du cas préparé par son agent de gestion, Joseph Daou, a été émis le 23 juillet 1996, et la décision de la CNLC a été rendue le 30 juillet 1996. Le requérant fait donc valoir qu'il n'a pas reçu ce rapport récapitulatif quinze jours avant la date fixée pour l'examen de son cas. À mon avis, cet argument ne peut être accueilli. Je souscris entièrement aux motifs de la Section d'appel qui a rejeté cet argument. À la page 4 de sa décision, la Section d'appel écrit ceci :

         [TRADUCTION]           
         Nous notons que, dans les lettres datées du 29 mai 1996 et du 19 juin 1996, vous demandiez qu'une décision soit prise concernant une libération conditionnelle totale par voie d'examen du dossier. Dans ces deux lettres, vous avez indiqué que vous n'aviez rien à ajouter aux renseignements dont était déjà saisie la Commission. Dans une note de service de votre agent de gestion de cas, celui-ci confirme qu'il vous a rencontré le 22 juillet 1996 pour vous informer que le rapport récapitulatif était presque terminé et qu'il recommanderait votre libération conditionnelle totale. Il vous a encore une fois demandé si vous étiez certain de ne pas vouloir présenter des observations écrites, et vous avez de nouveau répondu par la négative. Le rapport récapitulatif sur l'évolution du cas a été préparé le 23 juillet 1996 et vous a été communiqué. En recevant ces renseignements, et en étant informé qu'il n'y aurait pas d'observations écrites de votre part, les membres de la Commission ont effectué leur examen et ont pris leur décision le 30 juillet 1996. La Section d'appel conclut qu'il était raisonnablement loisible à la Commission d'agir comme elle l'a fait, et que vous avez pris une décision éclairée en renonçant à votre droit d'audience et en ne présentant pas d'observations par écrit.           

     Dans un autre argument, le requérant soutient qu'il avait le droit d'invoquer l'article 223 de la LSCMLC qui dispose comme suit :

             223. L'examen des dossiers en instance se poursuit indépendamment de la loi antérieure sous le régime de la présente loi.           

     Je suis encore une fois d'accord avec la Section d'appel. Au moment de l'entrée en vigueur de la LSCMLC, le cas de l'appelant n'était pas en instance et par conséquent, l'article 223 ne lui est d'aucune utilité.

     Le requérant fait également valoir qu'en raison de sa grave maladie, il est admissible à une libération conditionnelle totale "à n'importe quel moment". La Section d'appel a rejeté cet argument "parce que votre date d'admissibilité à une libération conditionnelle totale est passée". La Section d'appel voulait dire par là que, puisque le requérant était admissible à une libération conditionnelle totale depuis le 3 février 1995, il n'y avait aucune raison d'invoquer l'alinéa 121b ) de la Loi.

     Le dernier argument soulevé par le requérant indique que le refus de la CNLC de lui accorder une libération conditionnelle totale se fonde entièrement sur le fait qu'il a refusé de reconnaître sa culpabilité à l'infraction pour laquelle il a été condamné. Le requérant fait de plus valoir que le refus de la CNLC constitue, dans ces circonstances, une mesure punitive.

     La Section d'appel a traité de l'argument du requérant dans les termes suivants aux pages 4 et 5 de ses motifs :

         [TRADUCTION]           
         Après avoir soigneusement examiné votre dossier, la Section d'appel statue que les conclusions de la Commission sont raisonnables et bien fondées. Nous prenons note que la Commission a examiné la recommandation du SCC, mais ses membres n'étaient pas tenus de s'y conformer et ils ont pris leur décision en se fondant sur leur évaluation du risque que vous représentez et en tenant compte de tous les renseignements dont ils disposaient.           

     Le requérant ne m'a pas convaincu que la Section d'appel a commis une erreur pouvant donner lieu à examen. Il ne faut pas oublier qu'en examinant le cas du requérant, la CNLC devait aussi tenir compte des circonstances pertinentes au vu de l'article 102 de la LSCMLC qui dispose comme suit :

             102. La Commission et les commissions provinciales peuvent autoriser la libération conditionnelle si elles sont d'avis que le risque de récidive avant l'expiration légale de la peine que purge le délinquant n'est pas inacceptable pour la société et que cette libération contribuera à la protection de celle-ci en favorisant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois.

     La conclusion de la CNLC, bien que brève, me convainc qu'elle n'a pas refusé la demande de libération conditionnelle totale du requérant simplement parce qu'il n'avait pas reconnu sa culpabilité. D'après la preuve dont je suis saisi, je suis d'avis qu'il était loisible à la CNLC de conclure comme elle l'a fait et, par conséquent, je ne peux accepter l'argument du requérant faisant valoir que la décision de la CNLC n'est pas raisonnable. C'était également l'avis de la Section d'appel.

     Je ne peux conclure que la Section d'appel, en confirmant la décision de la CNLC, a commis une erreur de fait ou de droit qui m'autorise à intervenir. Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du requérant est rejetée.

                             "MARC NADON"

                        

                         JUGE

Ottawa (Ontario)

le 23 juin 1997

Traduction certifiée conforme         

                             F. Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              T-168-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Hussein Daoud c. Procureur général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 4 avril 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR LE JUGE NADON

DATE :                      le 23 juin 1997

ONT COMPARU :

Renée Millette                          pour le requérant

Hussein Daoud                          en son propre nom

Michel Vincent                          pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Renée Millette                          pour le requérant

Montréal (Québec)

George Thomson                      pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Le requérant en a appelé de sa condamnation le 3 mai 1989 et cet appel a été rejeté par la Cour d'appel du Québec le 27 mai 1996.

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