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Date : 20031022

Dossier : IMM-1222-03

Référence : 2003 CF 1236

ENTRE :

         PRITHWI SINGH, BALWINDER KAUR MANN et SIMRATPAL MANN

                                                                                                                                      demandeurs

ET

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU


[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), et visant la décision d'une agente d'immigration, Brenda Heal (l'agente d'immigration). Celle-ci a rejeté, en date du 13 février 2003, la demande présentée par les demandeurs en vertu de l'article 25 de la LIPR afin d'être dispensés, pour des considérations d'ordre humanitaire, de l'obligation de demander un visa d'immigrant avant d'entrer au Canada, laquelle est prévue au paragraphe 11(1).

[2]                 Prithwi Singh (le demandeur) et Balwinder Kaur Mann (la demanderesse) sont des citoyens de l'Inde. Ils ont quitté leur pays pour l'Angleterre en octobre 1990, en laissant derrière eux leur fillette de sept ans, Amritpal. Ils ont revendiqué le statut de réfugié en Angleterre, mais sans succès. Simratpal Mann (le demandeur mineur) est né dans ce pays le 2 août 1991.

[3]                 Le demandeur est entré au Canada le 5 mai 1994 et a revendiqué le statut de réfugié le 23 janvier 1995. Dans sa revendication, qui a été rejetée le 30 septembre 1996, il affirmait qu'il n'était pas marié et qu'il avait commencé à avoir des ennuis en Inde en août 1993, lorsqu'un groupe de terroristes était venu chez lui et avait menacé sa famille. Il prétendait que les terroristes l'avaient de nouveau menacé en octobre 1993 et en janvier 1994, qu'il avait été arrêté en avril 1994 lors d'une descente policière effectuée chez lui et qu'il avait été torturé pendant sa détention.

[4]                 La preuve révélait que le demandeur se trouvait en Angleterre à l'époque où il prétendait que ces événements s'étaient produits et qu'il n'avait pas vécu en Inde depuis 1990.


[5]                 La demanderesse est arrivée au Canada avec le demandeur mineur le 5 août 1995, après avoir quitté l'Angleterre. Ils ont revendiqué le statut de réfugié en utilisant le nom de jeune fille de la demanderesse - Mann - le 6 octobre 1996. Leur revendication a été rejetée le 17 septembre 1997. Ils ont ensuite présenté une demande de contrôle judiciaire, qui a été rejetée le 6 octobre 1997.

[6]                 Dans sa revendication du statut de réfugié, la demanderesse n'a pas révélé que le demandeur était son mari et n'a pas établi de lien entre leurs revendications. Elle prétendait que, à l'époque où elle vivait en Inde, la police avait fait une descente chez elle et avait arrêté son mari, en août 1994, parce qu'elle le soupçonnait d'être un militant. Son mari aurait ensuite vécu dans la clandestinité, et la police aurait fait une autre descente chez elle en décembre 1994.

[7]                 À l'époque où ces événements seraient survenus, la demanderesse ne vivait pas en Inde, mais plutôt en Angleterre avec son mari et son fils.

[8]                 Un fils, Nimratpal Singh Mann, est né au Canada le 21 septembre 1996.


[9]                 Le 5 décembre 2001, les demandeurs ont présenté une demande de résidence permanente au Canada pour des considérations humanitaires, en application de l'article 25 de la LIPR. Au soutien de leur demande de dispense, ils invoquaient la naissance d'un enfant au Canada, leur établissement au Canada et le soutien de leur collectivité. Des documents étayant la demande ont été envoyés au défendeur.

[10]            Le défendeur n'a pas rencontré les demandeurs dans le cadre d'une entrevue. Il leur a cependant demandé des renseignements additionnels dans une lettre datée du 17 juillet 2002. Les demandeurs lui ont fait parvenir d'autres documents le 21 août 2002.

[11]            La demande de résidence permanente a été rejetée le 13 février 2003. Les motifs justifiant cette décision n'ont pas été communiqués alors. Les demandeurs ont cependant reçu ultérieurement une lettre du défendeur qui contenait la « note au dossier » de l'agente d'immigration dans laquelle étaient exposés les motifs de sa décision.

[12]            La note renfermait des renseignements concernant la demande, notamment ceux qui suivent :

[traduction]

Partie A) Facteurs d'ordre humanitaire

1. Difficultés si rupture des rapports conjugaux, familiaux ou personnels? (Précisez, notamment le degré et la capacité de soutien)

Ont tous deux travaillé au Canada, sont propriétaires de leur maison et possèdent des actifs.

2. Enfants au Canada?

Deux fils, dont l'un né au Canada.

3. Enfants dans le pays d'origine?

Une fille.

4. Difficultés ou sanctions si retour dans le pays d'origine?


Sont établis ici.

5. Degré d'établissement démontré?

Comptes de banque, sont propriétaires de leur maison.

6. Établissement, liens ou résidence dans un autre pays?

Fille et famille en Inde.


7. Autres facteurs (p. ex. interdiction de territoire pour motifs sanitaires ou criminalité -                     formulaire IMM5001?)

Femme M6 et examen des motifs sanitaires interrompu pour                                                                                   NON-conformité

(Non souligné dans l'original)

[13]            La note contenait aussi une deuxième partie intitulée [traduction] « Partie B) Décision et motifs » , où étaient expliqués, à l'aide des six premiers facteurs de la partie A, les motifs du rejet de la demande. La partie B ne dit cependant rien au sujet du septième facteur, soit le fait que la demanderesse est M6.

[14]            La principale question à laquelle il faut répondre en l'espèce est de savoir si la décision de l'agente d'immigration selon laquelle il n'existait pas de considérations d'ordre humanitaire suffisantes pour justifier une dispense de l'obligation prévue au paragraphe 11(1) de la LIPR était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

[15]            Le demandeur soutient que le défendeur a rendu sa décision en partie parce qu'il croyait que la demanderesse souffrait d'un problème médical grave pouvant constituer un danger pour le public et qu'elle ne réagirait probablement pas au traitement.


[16]            Dans son affidavit, l'agente d'immigration explique que la cote M6 a été tirée de dossiers informatisés du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration concernant la demanderesse. La mention de cette cote dans la note devait rappeler à l'agente d'immigration de consulter les dossiers informatisés du ministère uniquement si la question de l'état de santé de la demanderesse était soulevée.

[17]            Le défendeur soutient que, comme les demandeurs n'ont déposé aucune observation relativement à l'état de santé de la demanderesse, l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de cet état de santé lorsqu'elle a statué sur la demande. En soi, la cote M6 ne faisait pas partie de l'analyse et des motifs exposés dans la partie B de la note.

[18]            L'agente d'immigration explique aussi dans son affidavit pourquoi la cote M6 a été inscrite dans le dossier. Comme la décision n'a pas été mentionnée dans la partie B de la note, la Cour reconnaît que l'agente d'immigration ne s'est pas fondée sur cette cote pour prendre sa décision.


[19]            En outre, l'agente d'immigration a écrit, lorsqu'il est question des trois demandeurs dans la partie B de la note, qu'[traduction] « aucun motif sanitaire pouvant limiter leur capacité de se rendre en Inde n'a été trouvé » , ce qui indique assez clairement qu'elle n'a pas rendu sa décision parce qu'elle croyait que la demanderesse avait un grave problème de santé.

[20]            Lorsqu'on examine objectivement l'ensemble des circonstances de l'espèce et les questions de crédibilité découlant des audiences sur la détermination du statut de réfugié, il ne fait aucun doute que la demande n'a aucun fondement. Par conséquent, elle est rejetée.

                                                                                                                                 « P. Rouleau »            

                                                                                                                                                    Juge                    

Ottawa (Ontario)

Le 22 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                           COUR FÉDÉRALE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        IMM-1222-03

INTITULÉ :                                                          PRITHWI SINGH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                LE 30 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                  LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                       LE 22 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Alex Dantzer                                                           POUR LES DEMANDEURS

Banafsheh Sokhansanj                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

A. Dantzer                                                              POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Vancouver (C.-B.)

B. Sokhansanj                                        POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Vancouver (C.-B.)


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