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Date : 20031030

Dossier : IMM-7770-03

Référence : 2003 CF 1271

ENTRE :

                                                   LEACROFT ANTONIO LEWIS

                                                                             

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Le demandeur demande qu'il soit sursis à la mesure de renvoi prise contre lui en octobre 2000. L'exécution de cette mesure a été reportée parce que le demandeur était en prison à l'époque. Le demandeur a été libéré sous condition en avril 2003. Le 12 septembre suivant, le représentant du ministre a rendu une décision défavorable au regard de l'examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur. Une demande de contrôle judiciaire visant cette décision est actuellement en instance.

[2]                Malgré les arguments qui ont été exposés de manière très habile pour le compte du demandeur, je ne suis pas convaincu qu'il est justifié de surseoir à la mesure de renvoi en l'espèce.

[3]                Le demandeur, Leacroft Antonio Lewis, est âgé de 27 ans. Il a immigré au Canada à l'âge de 13 ans, en 1990, avec le parrainage de sa mère. Cette dernière, le beau-père du demandeur et plusieurs de ses frères et soeurs sont des citoyens canadiens. Il est lui-même un résident permanent du Canada.

[4]                Le problème du demandeur vient du fait qu'il a été déclaré coupable de six accusations de vol qualifié et de tentative de vol qualifié et condamné à un emprisonnement de sept ans en 1998. En février 2000, le représentant du ministre a émis un avis en application du paragraphe 70(5) de l'ancienne Loi sur l'immigration (L.R.C. 1985, ch. I-2, modifié), selon lequel le demandeur constituait un danger pour le public au Canada. Une mesure d'expulsion a été prise contre le demandeur au mois d'octobre suivant. En janvier 2001, la Section d'appel de l'immigration a rejeté l'appel que le demandeur avait interjeté de cette mesure et, en juillet 2001, la Section de première instance de la Cour fédérale a rejeté sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant cette décision.


[5]                Il existe une jurisprudence abondante sur la question du sursis des mesures de renvoi. L'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), où la Cour d'appel fédérale a appliqué dans une affaire d'immigration le critère à trois volets applicable aux injonctions provisoires, est habituellement cité. Selon ce critère, le demandeur doit démontrer : (1) que la demande sous-jacente (en l'espèce, la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision défavorable rendue relativement à l'ERAR) soulève une question sérieuse à trancher; (2) qu'il subirait un préjudice irréparable si le sursis n'était pas accordé; (3) que la prépondérance des inconvénients le favorise.

[6]                Le représentant du ministre a dit notamment ce qui suit au sujet de l'existence d'une question sérieuse à trancher :

[traduction] M. Lewis n'a pas indiqué [...] s'il a ou non réellement eu accès à [ses] enfants. Il n'a pas non plus donné de détails concernant ses futures relations avec les enfants. À mon avis, il n'a pas réussi à démontrer qu'il existe des facteurs d'ordre humanitaire qui justifieraient une réponse favorable dans son cas.

[7]                On a fait valoir avec force que ces conclusions ne tenaient plus vu les témoignages non réfutés du demandeur, de sa conjointe de fait, Mary Valdez, et de l'amie de cette dernière, Bonnie Pinder.


[8]                Même si j'estimais que le demandeur a satisfait au critère sur ce point, je ne suis pas convaincu que le représentant du ministre a eu tort de conclure que le demandeur ne subirait aucun préjudice irréparable puisqu'il n'a pas besoin de protection. La crainte subjective du demandeur repose en grande partie sur une transaction de drogue qui a mal tourné. Le demandeur reconnaît avoir volé de la drogue à un petit groupe de Jamaïcains à Edmonton et s'être caché pendant quelques mois par la suite. Ses inquiétudes sont hautement hypothétiques. Rien n'indique que son renvoi à la Jamaïque lui causera un préjudice irréparable.

[9]                Il ne fait aucun doute que son renvoi pourrait compliquer ses relations avec ses enfants, en particulier le fils qu'il a eu avec Mme Valdez, sa conjointe de fait, ainsi que ses relations avec celle-ci. En outre, il sera stressant pour le demandeur de retourner dans son pays d'origine étant donné qu'il a passé plus de la moitié de sa vie au Canada. Il s'agit cependant de problèmes inhérents à une mesure de renvoi et qui en découlent naturellement. Or, le préjudice irréparable doit être davantage qu'une conséquence normale (Celis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1231 (le juge Pinard), et Kerrutt c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1992), 53 F.T.R. 93 (le juge MacKay)).

[10]            Ce n'est pas moi qui devra statuer sur la demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision défavorable rendue relativement à l'ERAR. Cette demande suit son cours, peu importe que le demandeur soit ou non au Canada. Si la décision concernant l'ERAR est annulée dans le cadre d'un contrôle judiciaire, le demandeur peut revenir au Canada aux frais du ministre (paragraphe 52(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR)).


[11]            En outre, dans l'affidavit qu'il a déposé au soutien de sa demande de sursis, le demandeur déclare qu'il présentera une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire, ainsi qu'une demande de parrainage par sa fiancée. Une demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire, dont il est question à l'article 25 de la LIPR, est différente d'une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire visant la décision rendue relativement à un ERAR et peut suivre son cours même si le demandeur se trouve à la Jamaïque.

[12]            Pour ces motifs, la demande est rejetée.

            « Sean Harrington »            

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 30 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                      IMM-7770-03

INTITULÉ :                                     LEACROFT ANTONIO LEWIS

                                                         c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

et EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 27 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                       LE 30 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Michael J. Mussieux                           POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kevin E. Moore Law Office                  POUR LE DEMANDEUR

10701, 108 Street, 2e étage

Edmonton (Alberta) T5H 3A3

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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