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Date : 20031219

Dossier : IMM-1286-03

Référence : 2003 CF 1501

ENTRE :

                                                                             

                                                             XIAO DONG LIANG

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]                M. Liang prétend être un homme d'affaires honnête. L'ancienne Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR), aujourd'hui la Section de la protection des réfugiés (SPR), a conclu qu'il était un leader du crime organisé.

FAITS


[2]                M. Liang, un citoyen de la République populaire de Chine, est né dans la province de Jilin, en 1964. Il est entré au Canada en mai 1998, muni d'un passeport de la République dominicaine (annulé depuis) qu'il avait acheté par l'entremise du programme des investisseurs de ce pays. Il s'est rendu, avec ce passeport, à Hong Kong, aux Philippines, à Singapour, en Chine et au Canada. En premier lieu, il a demandé d'immigrer au Canada comme homme d'affaires immigrant mais, par la suite, il a revendiqué le statut de réfugié.

[3]                Il aurait appris, en septembre 1998, par un ami qui se trouvait en République dominicaine, que la police chinoise le recherchait dans ce pays. En octobre 1998, il a été arrêté, au Canada, en vertu d'un mandat, délivré par Interpol, pour complot en vue de commettre un meurtre, pour avoir été à la tête d'une organisation criminelle et pour corruption dans une affaire scandaleuse qui concernait un officier haut gradé du Parti communiste (secrétaire du maire) dans sa province d'attache. M. Lang a fait l'objet d'une enquête en vertu de la Loi sur l'immigration et il a été déterminé qu'il était non-admissible au motif qu'il avait perpétré une infraction en Chine qui, commise au Canada, constituerait une infraction dont l'auteur serait passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins dix ans. Il a ensuite revendiqué le statut de réfugié.


[4]                L'audience visée par la demande de contrôle a été tenue sur ordonnance de la cour. M. Liang prétend que les accusations sont fausses et qu'elles ont pour objet d'obtenir son retour en Chine de manière à ce qu'il avoue avoir versé un pot-de-vin au secrétaire du maire pour que ce dernier embauche son frère. Son frère a déjà été jugé et exécuté par les autorités chinoises en rapport avec essentiellement les mêmes accusations que celles qui ont été portées contre M. Liang et M. Liang s'attend à un traitement semblable s'il retourne en Chine. Il dit craindre avec raison d'être persécuté du fait de ses opinions politiques en ce qu'on lui demandera de faire de fausses déclarations contre le secrétaire du maire. Il prétend que cela serait contraire à ses convictions politiques.

[5]                À l'audience, divers aveux et déclarations qui impliquaient M. Liang ont été déposés, mais leur véracité a été contestée. Outre avoir témoigné pour son propre compte, M. Liang a appelé Brian Lindblom (M. Lindblom) et le professeur Victor C. Falkenheim (le professeur Falkenheim) à la barre des témoins. M. Lindblom était un expert reconnu en expertise judiciaire de documents, en graphologie de l'anglais et en chiffres en chinois. Il a témoigné que, selon toute vraisemblance, les documents qui impliquaient M. Liang étaient des faux. Le professeur Falkenheim était un expert reconnu sur le rôle de la politique, la législature, le système de justice, la réforme juridique et la réforme juridique municipale en Chine. Il a dit que le récit de M. Liang était tout aussi plausible que la version des événements présentée par le ministre.

DÉCISION


[6]                La SSR a exclu M. Liang, en conformité avec l'alinéa 1Fb) de la Convention, au motif qu'il y avait des raisons sérieuses de penser qu'il avait commis un crime grave de droit commun à l'extérieur du Canada. Elle a également conclu que le récit de M. Liang n'était pas crédible. Elle a décidé que même si M. Lindblom était un spécialiste en graphologie de l'anglais et des chiffres arabes, il n'était pas un expert en idéogrammes chinois et qu'il ne fallait pas donner beaucoup d'importance à son témoignage concernant les documents chinois. La SSR a conclu que le témoignage du professeur Falkenheim était très convaincant.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[7]                Le paragraphe 2(1) de l'ancienne Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi), définit en ces termes l'expression : « réfugié au sens de la Convention » :


_ réfugié au sens de la Convention _ Toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

"Convention refugee" means a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays;

(a) is outside the country of his nationality and is unable or, by reason of such fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of his former habitual residence and is unable or, by reason of such fear, is unwilling to return to that country;


L'alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés énonce :


Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

[...]

b) qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme refugiés;

The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

...

(b) he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;


QUESTIONS EN LITIGE

[8]                Voici les questions en litige soulevées par le demandeur :

a)          la norme de preuve;

b)         l'évaluation de la preuve, particulièrement celle de M. Lindblom;

c)         le caractère adéquat des motifs.


NORME DE CONTRÔLE

[9]                La norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la SSR est établie à l'alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, modifiée. Ces conclusions, dans la mesure où elles sont factuelles, ne peuvent être contrôlées que si elles sont erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont la Section du statut disposait. La norme est identique à la norme définie par l'expression « manifestement déraisonnable » . Ces conclusions, dans la mesure où elles appliquent le droit aux faits de la cause, ne peuvent être contrôlées que si elles sont déraisonnables. Dans la mesure où elles interprètent le sens d'une clause d'exclusion, elles peuvent être contrôlées si elles sont erronées : Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 302 N.R. 178 (C.A.F.). Les questions de droit sont contrôlables selon la norme de la décision correcte : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982 (Pushpanathan).

NORME DE PREUVE


[10]            À cet égard, M. Liang présente un argument à deux volets. Premièrement, il soutient que le fardeau de la preuve qui incombe au ministre lorsqu'il envisage l'exclusion est plus exigeant que la norme « moindre que la prépondérance des probabilités » ou celle des « motifs raisonnables » mentionnée dans l'arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.) (Ramirez) et confirmée dans l'arrêt Moreno c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.) (Moreno). M. Liang fonde son affirmation sur les motifs de l'arrêt Pushpanathan et il maintient que la Cour suprême a rejeté l'approche adoptée dans l'arrêt Moreno et qu'elle a souligné qu'il fallait interpréter la Convention en tenant compte de ses objectifs en matière de droits de la personne. C'est aux demandeurs qu'il faut donner le bénéfice du doute, de dire M. Liang. Pour l'essentiel, cet argument voudrait que la « prépondérance des probabilités » soit une norme de preuve plus opportune.

[11]            Dans son deuxième volet, l'argument vise le rapport entre la norme de preuve en matière d'exclusion et la norme de preuve en matière d'inclusion. M. Liang souligne qu'il existe deux théories diamétralement opposées concernant les circonstances en l'espèce. Soit il est une personne accusée de meurtre qui tente de se dérober à son procès, soit il est victime de fausses accusations qui sont fondées sur des mobiles politiques et qui donnent lieu à une crainte de persécution s'il devait retourner en Chine. Il fait valoir que, s'il tente de se dérober à son procès, il est exclu en vertu de l'alinéa 1Fb), qui exige des « raisons sérieuses de penser » qu'il a participé à des activités criminelles graves : Ramirez. Si, par contre, il fuit la persécution, il est uniquement tenu de prouver qu'il existe « plus qu'une simple possibilité » qu'il en est ainsi. Les deux normes exigent une preuve inférieure à la norme civile de la prépondérance des probabilités.


[12]            Le professeur Falkenheim, dont le témoignage a été jugé très convaincant, a affirmé que les deux versions des événements étaient tout aussi plausibles. M. Liang soutient que, puisqu'il existe une preuve permettant d'étayer deux versions possibles, la Commission aurait dû conclure que la preuve était suffisante pour conclure que l'inclusion, tout autant que l'exclusion, était justifiée. La SSR a conclu qu'il était exclu parce qu'il avait commis des crimes graves et, en outre, que la preuve était insuffisante à des fins d'inclusion en vertu d'un motif prévu par la Convention. M. Liang soutient que la conclusion selon laquelle il n'est pas admissible à l'inclusion, malgré la preuve qu'il y a plus qu'une simple possibilité de persécution pour un motif visé à la Convention, soulève un doute suffisant sur l'ensemble des conclusions de la Commission pour justifier une intervention.

Analyse

[13]            Selon le premier argument relatif à la norme de preuve, le fardeau du ministre, en matière d'exclusion, devrait être plus lourd que la norme « moindre que la prépondérance des probabilités » ou « des motifs raisonnables » établie dans l'arrêt Ramirez et confirmée dans l'arrêt Moreno.

[14]            Je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il affirme que la décisionPushpanathan n'a pas rendu la norme de preuve plus exigeante. L'arrêt Moreno n'a pas été rejeté dans son ensemble en rapport avec l'exclusion et le rejet n'était pas lié à la norme de preuve. Le rejet visait plutôt l'utilisation de la preuve aux fins d'interprétation des objectifs du traité. Les motifs de l'arrêt Pushpanathan ne mentionnent aucunement la norme de preuve dans le contexte de l'arrêt Moreno.


[15]            Dans Ramirez, la Commission avait reconnu que M. Ramirez avait raison de craindre d'être persécuté, mais elle l'a néanmoins exclu à titre de réfugié parce qu'il y avait des raisons sérieuses de penser qu'il avait commis un crime de guerre ou des crimes contre l'humanité. La Cour d'appel fédérale a conclu que la norme des « raisons sérieuses de penser » était une norme moins sévère que la norme civile de preuve, et qu'elle était à peu près l'équivalent de l'expression « motifs raisonnables de croire » au sens où cette expression s'applique à la non-admissibilité des immigrants en vertu de l'ancienne Loi sur l'immigration.

[16]            Certes, cette expression constitue une norme de preuve moins sévère que la norme civile : Canada (Procureur général) c. Jolly, [1975] C.F. 216 (C.A.). L'expression « motifs raisonnables de croire » a été décrite comme la « croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi » : Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.).

[17]            Dans l'arrêt Ramirez, la Cour d'appel a examiné la justification de la partie de l'alinéa 1Fa) qui vise les crimes de guerre : « à la suite des atrocités commises pendant la Seconde Guerre mondiale, les États signataires de la Convention de 1951 ont voulu se réserver un vaste pouvoir d'exclusion du statut de réfugié à l'égard des auteurs de crimes internationaux » .


[18]            L'alinéa 1Fb) a pour objet d'empêcher que des criminels de droit commun évitent l'extradition en revendiquant le statut de réfugié (Pushpanathan) même s'il ne vise pas exclusivement les crimes qui entraînent l'extradition : Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2003), 307 N.R. 201 (C.A.F.). L'État a tout intérêt à éviter une procédure coûteuse et compliquée à laquelle il devrait avoir recours si le revendicateur du statut de réfugié en cause devait être extradé. Les autres États ont intérêt à pouvoir poursuivre les personnes qui ont commis des crimes graves sur leur territoire : Pushpanathan. Je ne suis pas convaincue que l'argument de M. Liang selon lequel l'arrêt Pushpanathan aurait imposé au ministre un fardeau plus sévère, soit celui de la norme qui s'applique en matières civiles, soit bien fondé.

[19]            Dans un deuxième temps, M. Liang soutient que, comme il y avait suffisamment d'éléments de preuve pour l'exclure, la SSR aurait dû conclure (dans les circonstances en l'espèce) qu'il existait suffisamment d'éléments de preuve pour l'inclure. À première vue, M. Liang a présenté cet argument en des termes convaincants. Toutefois, l'argument ne tient pas compte du fait qu'il appartient à la Commission de déterminer les faits compte tenu de la preuve dont elle dispose. La SSR était libre de rejeter entièrement une version des faits et d'en accepter une autre sans réserve. À condition qu'il y ait une certaine preuve permettant d'étayer ses conclusions de fait, il n'est pas utile de savoir qu'il existe peut-être une preuve d'une autre version des faits. Les faits reconnus par la Commission doivent être déterminés conformément à la preuve, avant que la question ne soit soumise à l'épreuve du droit.


[20]            La SSR peut conclure, comme elle l'a fait, que la déposition d'un témoin est convaincante et que la preuve peut étayer également deux versions des faits, comme en l'espèce. Mais, en fin de compte, il appartient à la Commission, et non au témoin, de prendre une décision concernant les faits qui seront reconnus. La Commission peut le faire en se fondant sur une preuve supplémentaire qui appuie une version des faits plutôt qu'une autre. En l'espèce, il y avait une preuve supplémentaire qui aurait pu appuyer la conclusion de fait soutenue par M. Liang. Toutefois, il y avait également une preuve supplémentaire qui étayait la conclusion de fait tirée par la Commission. La SSR a conclu, dans l'ensemble, que la version privilégiée par M. Liang n'était pas aussi plausible que la version que préférait le ministre. Elle avait raisonnablement le droit de tirer cette conclusion.

[21]            Lorsque la SSR a tiré des conclusions de fait, elle doit appliquer le droit à ces faits. Il n'y a aucune autre version possible des faits, comme le prétend M. Liang. Au contraire, en matière de prise de décision, il n'y a qu'une seule version des faits. M. Liang ne peut avoir raison de prétendre qu'aux fins d'une norme de droit, la Commission a accepté certains faits alors qu'aux fins d'une autre norme, elle aurait dû tenir compte d'une autre preuve pour reconnaître une autre version des faits. La Commission avait rejeté cette preuve et elle avait le droit de la rejeter. Par conséquent, ce moyen est rejeté.

ÉVALUATION DE LA PREUVE ET PLUS PARTICULIÈREMENT DU TÉMOIGNAGE DE M. LINDBLOM

[22]            M. Liang fait valoir que la SSR a mal compris ou mal décrit le témoignage de M. Lindblom concernant son degré de certitude sur la question de savoir si les documents chinois avaient été rédigés par la même personne. Dans ses motifs, à la page 93, la Commission a dit :


[traduction] En termes de quantification, M. Lindblom a déclaré dans son témoignage que « probable » s'entendait de plus de 50 pour 100. Il s'agit de deux paliers de plus qu'inconcluant. Pendant le contre-interrogatoire, il a dit que probable représentait le degré de certitude le moins élevé.

[23]            M. Liang mentionne la transcription et il prétend que M. Lindblom a expliqué que, par probable, il entendait une probabilité de 50 pour 100 à 99 pour 100 et que c'était deux paliers de plus que neutre ou inconcluant (50 pour 100). Il prétend que la SSR a confondu les déclarations du témoin chinois et l'ensemble des documents en concluant que M. Lindblom avait témoigné qu'il était possible qu'une personne ait préparé les documents et que le témoin ait signé lesdits documents par la suite (motifs, à la page 94).

[24]            Bref, M. Liang fait valoir que la SSR [traduction] « n'a pas du tout compris qu'il était très peu probable que les documents aient été tous préparés par une seule et même personne s'ils provenaient légitimement de trois ministères différents » . En outre, il maintient que le témoignage de M. Lindblom a été corroboré par celui du professeur Falkenheim qui, selon la Commission, était très convaincant. Il ajoute que la Commission n'a toutefois pas tenu compte de cela en évaluant le témoignage de M. Lindblom et qu'elle n'en a pas expliqué les raisons.

Analyse


[25]            Je conviens, avec M. Liang, que la SSR a mal compris le témoignage de M. Lindblom parce qu'elle a mal interprété le degré de certitude de son témoignage. Elle a peut-être également mal interprété les détails de son témoignage. Toutefois, pour les motifs qui suivent, j'en viens à la conclusion que cette erreur n'a aucune conséquence parce que d'autres éléments de preuve viennent contredire les conclusions que le témoignage de M. Lindblom devait établir.

[26]            La SSR n'a pas tiré la conclusion qu'espérait ou voulait M. Liang. Néanmoins, même si elle avait accepté la totalité du témoignage de M. Lindblom, cette conclusion n'était pas inévitable. Compte tenu de la preuve, il lui était toujours loisible de tirer une conclusion contraire, c'est-à-dire qu'il n'y avait rien d'irrégulier dans le fait qu'un fonctionnaire prépare tant les documents relatifs à l'enquête que ceux relatifs à la poursuite pour qu'ils soient signés.

[27]            Après avoir résumé le témoignage de M. Lindblom, la Commission a dit, aux pages 93 et 94 de ses motifs :

[traduction] Il a ensuite été demandé à M. Lindblom pour quelle raison ses conclusions étaient probables. Il a expliqué que c'était dû aux difficultés que lui imposait le travail à partir de photocopies, à la signification des caractéristiques qu'il voit et aux limites de la direction des traits. Dans l'ensemble, sa conclusion est probable.

En termes de quantification, M. Lindblom a déclaré dans son témoignage que « probable » s'entendait de plus de 50 pour 100. Il s'agit de deux paliers de plus qu'inconcluant. Pendant le contre-interrogatoire, il a dit que probable représentait le degré de certitude le moins élevé.

Le témoin s'est également prononcé relativement aux idéogrammes chinois; toutefois, nous avons conclu qu'il n'était pas un expert en ce qui concerne les caractères ou idéogrammes chinois.

Pendant le contre-interrogatoire, M. Lindblom a reconnu que ce rapporteur était peut-être la personne qui avait inscrit les renseignements sur les formulaires. Il a déclaré qu'une autre personne avait préparé quelques documents et que la signature et la salutation au-dessus de la signature provenaient de la personne visée par le document. Il a reconnu que la tendance qu'il avait pu observer dans les documents Q4 page 2, Q6 page 2 et Q6b était courante lorsqu'un officier prenait une déposition et que la personne signait.


Dans l'arrêt R. c. Prairie Schooner News Ltd. et Powers, le juge Dickson (alors juge à la Cour d'appel du Manitoba) en parlant de l'opinion d'un expert, a dit, à la page 604 :

[traduction] Dans la mesure où l'argument laisse à entendre qu'un juge est tenu d'adopter l'opinion d'un expert qui n'a pas été contredit, je dois le rejeter. Un juge doit tenir compte de tout témoignage d'expert et déterminer le poids qui doit lui être accordé. Mais, s'il en a tenu compte, consciencieusement, et qu'il conclu qu'il ne peut fonder une conclusion en s'appuyant sur cette preuve, il peut rejeter toute la preuve. Il appartient au tribunal, et non aux experts, de prendre la décision finale dans ce type d'affaire.

En tenant compte de toute la preuve et des limites de la certitude du témoin tel qu'il appert du contre-interrogatoire, nous accordons très peu de poids au témoignage de Brian Lindblom.

[28]            Il n'est pas inexact de dire que le terme probable s'entend de plus de 50 pour 100, mais M. Lindblom a maintes fois déclaré dans son témoignage que le taux était beaucoup plus élevé que 50 pour 100. Dans son contre-interrogatoire, M. Lindblom n'affirme, à aucun moment, que probable s'entend du degré de certitude le moins élevé. Au réinterrogatoire, M. Lindblom a parlé du [traduction] « degré de certitude le moins élevé » . Toutefois, il s'est exprimé en ces termes en tentant d'expliquer pourquoi son degré de certitude ne diminuerait pas s'il n'était question que des chiffres, comme l'avait laissé entendre le représentant du ministre pendant le contre-interrogatoire. Ainsi, la SSR a tiré une conclusion manifestement déraisonnable concernant le degré de certitude de M. Lindblom.


[29]            Les commentaires de la Commission concernant l'affirmation de M. Lindblom reconnaissant que le [traduction] « rapporteur était peut-être la personne qui avait inscrit les renseignements sur les formulaires » ne concordent pas avec l'ensemble du témoignage de M. Lindblom. La mention, par la Commission, du contre-interrogatoire est une représentation inexacte d'une partie seulement de ce qui a été dit. Elle ne tient pas compte de la preuve qui aurait pu entraîner la conclusion selon laquelle les documents avaient été préparés par la même personne.

[30]            Mon examen de la transcription m'amène à conclure qu'il n'a pas été porté gravement atteinte à l'intégrité du témoignage de M. Lindblom pendant le contre-interrogatoire. Même s'il n'a pas été reconnu comme expert en graphologie chinoise, il a été reconnu comme expert en chiffres et comme graphologue spécialisée en anglais. Il a longuement parlé, dans son témoignage, des similitudes entre les chiffres des documents en cause. Puisqu'elle l'avait reconnu comme expert, il n'était pas raisonnable que la SSR écarte tout à fait son témoignage selon lequel les chiffres de tous les documents avaient probablement été écrits par la même personne.


[31]            M. Liang insiste sur le fait que le témoignage de M. Lindblom a été corroboré par celui du professeur Falkenheim, qui aurait été très convaincant, mais que la Commission n'a pas tenu compte de cela dans l'évaluation de la position de M. Lindblom. La réponse du ministre, savoir que le professeur Falkenheim n'avait aucune expertise dans ce domaine, ne tient pas compte d'un aspect important de son témoignage. Alors qu'il était d'avis que les documents avaient tous été préparés par la même personne, le professeur Falkenheim a témoigné qu'à titre d'expert, il croyait que, s'il en était ainsi, il s'agissait d'une violation de la procédure judiciaire. Néanmoins, même si le témoignage du professeur Falkenheim concernant la procédure judiciaire avait été accepté, la SSR était saisie d'une preuve qui aurait pu raisonnablement l'amener à tirer une conclusion différente.

[32]            Si la Commission avait reconnu que les documents provenant du gouvernement chinois avaient tous été préparés par la même personne et que cela était contraire à la procédure judiciaire, il ne s'agissait pas nécessairement de faux pour autant. La SSR pouvait tenir compte des forces et des faiblesses de toutes les preuves en prenant une décision concernant la question de savoir si elle allait croire la version des événements du ministre ou celle de M. Liang.

[33]            La SSR était saisie d'une preuve qui aurait pu l'amener à conclure que les documents concernant M. Liang étaient des faux. Il y avait également une preuve établissant que dans le système de droit civil chinois, la police et le bureau des poursuites sont très étroitement liés (rapport d'expert de Vincent Cheng Yang). Le professeur Falkenheim a témoigné qu'il y avait plus de chance qu'un dissident politique fasse l'objet d'un coup monté, mais M. Liang a prétendu ne pas s'intéresser à la politique ni à des questions de politique. Même en tenant compte du témoignage du professeur Falkenheim selon lequel le gouvernement de Chine semblait prendre des raccourcis, cela ne permet pas de conclure que les documents étaient des faux ou, plus important encore, que la version des événements de M. Liang devait l'emporter sur celle du défendeur.

[34]            La SSR n'était nullement tenue d'accepter le témoignage de M. Lindblom, mais si elle l'avait accepté en entier, elle n'était pas obligée de tirer la conclusion que M. Liang exige. Il est clair que la Commission n'a pas cru le récit de M. Liang, même en tenant compte des témoignages de M. Lindblom et du professeur Falkenheim. Ainsi, ce moyen est rejeté.

CARACTÈRE ADÉQUAT DES MOTIFS

[35]            M. Liang prétend qu'il y avait deux versions incompatibles des événements et que la SSR a résumé la preuve relative à chacune des versions, puis qu'elle est arrivée à ses conclusions sans expliquer ses préférences. En se fondant sur l'arrêt Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.), il soutient que la Commission n'a pas tiré des conclusions de fait claires et qu'elle n'a pas donné les raisons qui l'ont amenée à tirer ces conclusions et qu'il s'agit d'une erreur susceptible de contrôle.

[36]            La seule preuve contre lui, selon M. Liang, provenait des autorités chinoises. Cette preuve n'a pas été corroborée de manière indépendante par une autre preuve et elle a été discréditée par les personnes qui ont témoigné pour son compte. Il affirme que la Commission a choisi d'accorder plus de poids à la preuve du défendeur qu'à la sienne, mais qu'elle n'a pas expliqué sa décision même si sa preuve à lui était cohérente. La SSR n'a pas dû tenir compte de l'opinion d'expert du professeur Falkenheim concernant la vraisemblance du récit de M. Liang, selon laquelle il était possible, à 50 pour 100, que M. Liang disait la vérité.

[37]            M. Liang a présenté les arguments susmentionnés à l'égard de la question d'exclusion. Il prétend, en outre, que la Commission s'est irrégulièrement fondée sur ses conclusions concernant l'exclusion en déterminant son admissibilité au titre de réfugié au sens de la Convention. Si, en fait, sa description des événements est véridique, il serait admissible à cause d'une crainte bien fondée de persécution du fait de ses opinions politiques.

Analyse

[38]            Mon interprétation des motifs de la Commission m'amène à conclure que la SSR a rejeté plusieurs éléments du témoignage de M. Liang. Elle ne l'a pas cru sur la question du moment de son départ de la Chine; elle n'a pas accepté les motifs qu'il a invoqués pour être venu au Canada et pour avoir mis fin à ses relations d'affaires antérieures; elle n'a pas accepté son explication des motifs de la soi-disant persécution des autorités chinoises, ni l'explication qu'il a donnée du fait qu'il n'était pas au courant de l'arrestation de son frère et de sa soeur. Dans ce contexte, elle a préféré la version des événements du ministre plutôt que celle de M. Liang. Ce faisant, elle n'a pas fait abstraction du témoignage du professeur Falkenheim qui a dit que chacune des versions était également plausible. Eu égard au témoignage du professeur Falkenheim, de même qu'aux autres preuves dont elle était saisie, elle a cru et accepté la position du ministre. Il lui était loisible de faire ce choix en tant que juge des faits.

[39]            Concernant la question d'exclusion, la SSR a donné les conclusions suivantes relativement au témoignage de M. Liang :


-            Témoignage de M. Lindblom - [traduction] « En tenant compte de toute la preuve et des limites de la certitude du témoin tel qu'il appert du contre-interrogatoire, nous accordons très peu de poids au témoignage de Brian Lindblom » (page 94);

-            Témoignage du professeur Feinerman - [traduction] « Dans ces circonstances (savoir les références obsolètes et le poids accordé au rapport dans l'affaire Lai), le tribunal conclut que le témoignage du professeur Feinerman dans l'affaire Lai a été fort peu utile dans sa décision » (page 96);

-            Témoignage du professeur Falkenheim - [traduction] « Le tribunal a conclu que le témoignage du professeur Falkenheim était très convaincant » (page 108)

-            Lettres de référence - [traduction] « Nous sommes d'avis que ces lettres sont intéressées et nous leur accordons peu de poids » . La Commission a souligné que les lettres « témoignent de sa réputation » .

-            Lettres médicales du Dr Pilowsky - [traduction] « Les conclusions du Dr Pilowsky aident bien peu le tribunal » . Cette conclusion était fondée sur le fait que le témoin n'a pas envoyé M. Liang chez un psychiatre et le fait que M. Liang a nié qu'il avait un problème.

-            M. Liang - La SSR mentionne la vraisemblance et les motifs de M. Liang en venant au Canada. [traduction] « Si tout allait si bien pour le revendicateur, pour quelle raison viendrait-il au Canada pour exploiter un café ou une laverie, voire un restaurant chinois? Il ne serait pas sensé de la part du revendicateur de mettre fin à une association qui représente des millions de dollars parce que son associé n'a pas tenu une promesse qui était antérieure à la relation d'affaires. En conformité avec la prépondérance des probabilités, le tribunal en arrive à la conclusion que le revendicateur, qui avait été avisé que tant son frère que sa soeur avaient été arrêtés, fuyait son inéluctable arrestation » .

[40]            Aux pages 120 et 121 de ses motifs, la SSR conclut que M. Liang est exclu en vertu de l'alinéa 1Fb) :

[traduction] Le tribunal a examiné la preuve relative au comportement allégué du revendicateur et il a décidé qu'il y avait des « raisons sérieuses de penser » que le revendicateur avait commis « un crime grave de droit commun en dehors du pays d'accueil » avant d'être admis au Canada.

Le tribunal conclut que les motifs soumis par le conseil du ministre sont suffisamment graves pour refuser au revendicateur en l'espèce la protection du statut de réfugié.


Ainsi, la Commission incorpore les arguments du ministre dans ses motifs d'exclusion. Ces motifs sont résumés et mentionnés en détail aux pages 37 à 62 des motifs. Ils comprennent les arguments du ministre (pages 45 et 46) relativement à la crédibilité et à la vraisemblance de l'allégation de M. Liang selon laquelle il tentait de fuir un coup monté fondé sur des motifs d'ordre politique :

[traduction] Cela va au coeur du récit du revendicateur et de sa revendication du statut de réfugié. Il a tenté de créer un lien fondé sur des opinions politiques présumées et il a inventé, ce faisant, un récit qui n'a aucun sens.

[41]            Il n'est pas inopportun, à mon avis, que la SSR se fonde sur les arguments de l'une des parties et qu'elle les incorpore dans ses motifs, à condition que ces arguments soient clairement établis et que les motifs de la Commission satisfont au critère des « termes clairs et explicites » . Je ne vois aucune raison pour laquelle la Commission devrait réitérer les arguments et les conclusions présentées par le ministre s'ils sont les mêmes que les siens et qu'elle les a adoptés comme tels. En outre, la SSR avait déjà tiré certaines conclusions précises sur le poids qu'elle accordait aux dépositions des divers témoins. Sa conclusion selon laquelle la version des événements du ministre était plus crédible concorde avec le fait qu'elle a accordé peu de poids aux dépositions des témoins qui tentaient de miner cette version des événements. Il convient de souligner que le professeur Falkenheim ne faisait pas partie de ce groupe.


[42]            Il est important de ne pas perdre de vue l'objectif visé par les motifs. Dans la décision Li c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no    413 (C.F. 1 re inst.), le juge Teitelbaum, citant la décision Syed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 83 F.T.R 283 (C.F. 1re inst.), a dit :

Les motifs écrits ont pour fonction de faire connaître à ceux que la décision d'un tribunal administratif a défavorisés la raison sous-jacente de cette décision. À cette fin, les motifs doivent être appropriés, adéquats et intelligibles et ils doivent prendre en considération les points importants soulevés par les parties. [. . .] La section du statut de réfugié est tenue, pour le moins, de faire des commentaires sur la preuve produite par le requérant à l'audience. Que cette preuve soit admise ou rejetée, le requérant doit en connaître les raisons.

En même temps, il ne faut pas scruter les motifs à la loupe et leur appliquer la norme de la perfection. Il faut les lire dans leur ensemble : Medina c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1990), 120 N.R. 385 (C.A.F.); Ahmed c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 156 N.R. 221 (C.A.F.).

[43]            La question qui se pose donc est celle de savoir si les motifs, en matière d'exclusion, satisfont aux critères susmentionnés. À mon avis, ils le font. La version des événements qui a été préférée par la Commission est claire, tout autant que les motifs pour lesquels elle a préféré cette version. La Commission a choisi d'accepter le scénario présenté par le ministre pour expliquer la présence de M. Liang au Canada parce que, compte tenu de l'ensemble de la preuve, cette explication était, selon elle, la plus vraisemblable.


[44]            Ayant accepté les arguments du ministre relativement à l'exclusion et tiré certaines conclusions concernant le poids qu'elle était disposée à accorder aux divers éléments de preuve, la SSR a examiné la question de savoir si, en tout état de cause, M. Liang serait admissible au statut de réfugié au sens de la Convention. La Commission a commencé par résumer globalement les principes juridiques applicables en matière d'inclusion en vertu du paragraphe 2(1) de la Loi. Elle a ensuite analysé le lien entre la crainte de persécution de M. Liang et les motifs prévus par la Convention (pages 123 à 133), puis elle a appliqué les principes juridiques pertinents quant à la question de savoir si le demandeur tentait de se dérober à un procès plutôt que de fuir la persécution (pages 133 à 135) et à celle de savoir s'il était un réfugié sur place (page 135). Enfin, la SSR a analysé la question de savoir si le fait que M. Liang fera probablement face à la peine de mort s'il retourne en Chine est pertinent pour ce qui touche sa revendication du statut de réfugié.

[45]            En analysant le lien, la Commission a étudié des versions contradictoires des motifs pour lesquels M. Liang avait peur de retourner en Chine. Elle a conclu que l'explication donnée par M. Liang des motifs pour lesquels les autorités chinoises le recherchaient était sujette à caution :

[traduction] Quant aux allégations voulant que le gouvernement chinois avait l'intention d'avoir la peau du secrétaire du conseil de la ville de Changchun, pourquoi, s'ils voulaient la peau de M. Feng n'ont-ils pas tout simplement fabriqué une histoire et ajouté à celle-ci le nom du revendicateur? Sinon, les autorités détenaient le frère du revendicateur - elles auraient donc pu très certainement obtenir un aveu de sa part relativement au secrétaire du Conseil de ville.

Concernant la connaissance, par M. Liang, des accusations portées contre son frère, de même que ses motifs de quitter la Chine, la Commission a conclu que M. Liang n'était pas crédible :

[traduction] Il l'a expliqué en disant que selon le mode de pensée chinoise, sa mère ne voulait qu'il s'inquiète à cause de questions familiales, mais qu'il se concentre sur ses propres affaires. Encore une fois, est-ce crédible? Nous ne le croyons pas.

Le tribunal ne saurait accepter le témoignage du revendicateur sur ce point. Dans leurs aveux, au moins deux des témoins ont dit qu'ils avaient avisé le revendicateur de l'arrestation de son frère. En outre, l'itinéraire de voyage du revendicateur, y compris ses faux papiers d'identité, laissent à penser qu'il s'agit d'une fuite.


Enfin, le témoignage du revendicateur lui-même révèlent qu'il était très influent. Est-il possible de croire que le revendicateur n'aurait pas été au courant de l'arrestation et de la détention de son frère avant septembre 1998, alors qu'il se trouvait déjà au Canada? Nous ne le croyons pas.

La Commission a également semblé ne pas croire M. Liang quand il a affirmé qu'il n'était pas au courant de l'arrestation de sa soeur, même si elle ne l'a pas dit expressément :

[traduction] Le revendicateur prétend qu'il avait appris l'arrestation de sa soeur après la mise en liberté de cette dernière. Peut-on le croire? Le revendicateur prétend que si sa mère l'avait mis au courant de l'arrestation, il aurait été encore plus déprimé.

Cette conclusion est peut-être quelque peu obscure, mais elle ne vise pas un élément de preuve essentiel. La SSR avait déjà conclu que le témoignage de M. Liang concernant l'arrestation de son frère n'était pas crédible. Il a prétendu qu'il ignorait l'arrestation de sa soeur pour la même raison, savoir parce que sa mère ne voulait pas l'inquiéter. Cette explication avait été rejetée en rapport avec l'arrestation de son frère. En tout état de cause, il n'y avait aucune indication que sa soeur avait fait rien de plus que d'accorder refuge à son frère.

[46]            Enfin, la SSR a conclu qu'il n'y avait aucun lien entre une crainte de persécution et les opinions politiques de M. Liang au sens de l'arrêt Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 327 (C.A.). Elle a conclu que [traduction] « le témoignage même du revendicateur, tel que décrit dans la présente décision, donne à penser qu'il y a eu trafic d'influence et favoritisme indu à l'égard du revendicateur par des personnes qui ont des liens très étroits avec divers ordres de gouvernement de la République populaire de Chine » . La Commission a également dit :


[traduction] Selon la preuve, il semble que le revendicateur fasse partie d'une « nouvelle race de leaders triadistes, également magnats des affaires, qui achètent leur immunité contre la loi en entretenant de bonnes relations avec les autorités policières et gouvernementales » [...] La présente affaire se distingue de l'affaire Klinko, puisque c'est précisément à cause d'une campagne contre la criminalité et la corruption dans la ville de Changchun que les autorités chinoises s'intéressent au revendicateur. Le tribunal n'est saisi d'aucune preuve permettant de dire que le revendicateur pourrait être perçu comme s'opposant aux autorités gouvernementales en Chine, au sens de l'arrêtKlinko.

Puisque la SSR avait conclu, en matière d'exclusion, qu'elle préférait la version des faits du ministre à celle de M. Liang, cette conclusion est raisonnable.

[47]            En traitant de la question de savoir si le demandeur tentait de se dérober à un procès plutôt que de fuir la persécution, la SSR a délimité neuf éléments de preuve (pages 129 à 134), y compris les aveux qui impliquaient M. Liang, les détails concernant la date de son départ de Chine et la manière dont il est parti, et son témoignage quant à sa situation en Chine, tous l'amenant à conclure qu'il tentait de se dérober à un procès plutôt que de fuir la persécution. La SSR a ensuite conclu :

[traduction] Il ne serait pas sensé de la part du revendicateur de mettre fin à une association qui représente des millions de dollars parce que son associé n'a pas tenu une promesse qui était antérieure à la relation d'affaires. Il est fort probable que le revendicateur, ayant été avisé que tant son frère que sa soeur avaient été arrêtés, fuyait son inéluctable arrestation.


Cette décision est presque identique à celle que l'on trouve à la page 114 où, dans le contexte de l'exclusion, la SSR a tiré sa conclusion concernant la vraisemblance des motifs de M. Liang de venir au Canada. À mon avis, cette approche n'est pas du tout irrégulière. La distinction entre une fuite pour se dérober à un procès et une fuite pour échapper à la persécution peut, inéluctablement, comprendre une décision concernant les raisons de la fuite. Seulement deux scénarios possibles ont été présentés. Après avoir choisi la version qu'elle préférait dans un autre contexte (celui de l'exclusion), il était tout à fait opportun que la Commission reprenne cette version pour rejeter M. Liang en vertu de l'analyse en matière d'inclusion.

[48]            La Commission a également examiné les questions relatives à la revendication du statut de réfugié sur place et la probabilité de la peine capitale si M. Liang devait retourner en Chine. Le demandeur n'a pas contesté les conclusions de la Commission sur ces questions.

[49]            La SSR n'a incorporé aucun document dans ses conclusions en matière d'inclusion, comme elle l'a fait en matière d'exclusion. Toutefois, après avoir accepté tous les arguments du ministre, elle a, par voie de conséquence, rejeté les arguments de M. Liang pour autant qu'ils étaient incompatibles avec ceux du ministre. Même sans tenir compte de préoccupations supplémentaires en matière de crédibilité, comme l'a exprimé le ministre, à mon avis, la Commission a présenté une analyse claire et complète de ses conclusions en matière d'inclusion. Il est à peu près certain que, dans l'ensemble, les motifs sont suffisants pour satisfaire aux critères mentionnés plus tôt dans ces motifs.


[50]            La Commission n'a pas soigneusement regroupé, dans un ou deux paragraphes de ses motifs, ses conclusions en matière de crédibilité. Ces conclusions étaient disséminées dans l'ensemble de la décision et apparemment, elles seraient succinctes. Toutefois, les conclusions en matière de crédibilité qui visent le coeur de la décision sont tout à fait claires et explicites. La décision aurait pu être rédigée différemment, mais les motifs qu'elle contient sont suffisants. Ainsi, ce moyen est rejeté.

[51]            En fin de compte, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée et fera l'objet d'une ordonnance à cette fin. À la fin de l'audience, l'avocat de M. Liang a proposé la question suivante, à des fins de certification :

[traduction] Quelle est la norme de preuve applicable lorsque le tribunal examine des questions d'exclusion et d'inclusion et lorsqu'il y a des versions contradictoires quant aux faits que le tribunal devrait accepter dans son examen des questions?

Je conviens, avec le défendeur, que la question de la norme de preuve a été tranchée tant en matière d'exclusion qu'en matière d'inclusion. Pour ce qui est des [traduction] « versions contradictoires quant aux faits que le tribunal devrait accepter » , il faut se référer à la partie « Norme de preuve » des présents motifs. Cette question ne soulève aucune question grave de portée générale et elle ne sera pas certifiée.

                                                           _ Carolyn A. Layden-Stevenson            

                                                                                                     Juge                                  

Ottawa (Ontario)

le 19 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1286-03

INTITULÉ :                                                    XIAO DONG LIANG

c.

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 18 SEPTEMBRE 2003

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 19 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman                                                POUR LE DEMANDEUR

Alexis Singer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman                                                 POUR LE DEMANDEUR

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

Alexis Singer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)


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