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Date : 20000119


Dossier : T-664-99



ENTRE :

     LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE,

     requérante,


     - et -


     FOXCO LTD. et

     REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE,

     intimés.




     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE McGILLIS



[1]          L "avocate de la requérante, La Société Canadian Tire Limitée (" Canadian Tire "), a présenté une requête en vue d"obtenir, entre autres choses, la radiation de l"affidavit signé par Aubrey W. Corey le 18 mai 1999. Cet affidavit a été déposé par l"intimée Foxco Ltd. (" Foxco ") dans le cadre du présent appel formé contre la décision du registraire des marques de commerce (" registraire ") en application du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-36, et ses modifications.



[2]          Le 6 mai 1993, Foxco a déposé une demande visant l"enregistrement d"une marque de commerce. Le 1er novembre 1995, cette demande a fait l"objet d"une annonce dans le Journal des marques de commerce. Le 6 avril 1998, Canadian Tire a déposé une déclaration d"opposition. Peu de temps après, Foxco a déposé une contre-déclaration. Canadian Tire a déposé des éléments de preuve à l"appui de son opposition. Foxco n"a produit aucune preuve. Seule Canadian Tire a déposé des observations écrites, mais les deux parties ont participé à l"audience devant le registraire.



[3]          Par une décision datée du 16 février 1999, le registraire a rejeté l"opposition formulée par Canadian Tire.



[4]          Le 14 avril 1999, en application du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, Canadian Tire a interjeté appel de la décision du registraire par la signification et le dépôt d"une demande. Canadian Tire a en outre signifié et déposé des éléments de preuve au soutien de son appel.



[5]          Le 19 mai 1999, en réponse aux éléments de preuve déposés par Canadian Tire, Foxco a signifié et déposé l"affidavit d"Aubrey W. Corey daté du 18 mai 1999.



[6]          En ce qui concerne la requête visant à faire radier la preuve par affidavit, l"avocate de Canadian Tire a prétendu que, compte tenu de la décision de Foxco de ne pas produire d"éléments de preuve devant le registraire lors du processus d"opposition, cette société n"a pas le droit de déposer en appel une " preuve additionnelle "au sens du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce. Pour étayer sa thèse, l"avocate de Canadian Tire s"est principalement appuyée sur les décisions Primax Computer Corp. c. Primax Electronic (U.S.A.) Inc. (1995), 62 C.P.R. (3d) 75 (C.F. 1re inst.) et Starlight Foundation c. Brain Tumor Foundation of Canada, [1999] A.C.F. no 1444, T-773-99 (1er septembre 1999) (1re inst.).



[7]          Ni l"un ni l"autre des avocats n"a invoqué l"arrêt Austin Nicols & Co. c. Cinnabon, Inc. (1998), 82 C.P.R. (3d) 513 (C.A.F., A-684-97), dans lequel la Cour d"appel fédérale a examiné le sens de l"expression " preuve additionnelle "qui se trouve au paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce. Dans cette décision, le juge Décary, rédigeant l"opinion de la Cour, mentionne notamment ce qui suit aux pages 518 à 520 et 522 à 525 :

         [6] À première vue, l'interprétation littérale des mots " en plus de " (" in addition to ") du paragraphe 56(5) de la Loi que propose l'avocat de l'appelante est très séduisante, compte tenu du régime particulier établi à l'article 45.

         [...]

         [7] Cette interprétation ne résiste toutefois pas à un examen plus approfondi.

         [8] Les mots eux-mêmes (" en plus de ", " in addition to ") ne sont pas aussi clairs que l'appelante le dit. Ils n'impliquent pas nécessairement qu'il faille y avoir production préalable d'éléments de preuve auxquels d'autres éléments puissent être ajoutés. En fait, un plus zéro égale un; il s'agissait d'une addition même si, techniquement, il n'y avait rien à quoi ajouter. J'hésiterais à donner au mot " plus " un sens qui contredit les règles d'arithmétique élémentaires.

         [9] En outre " et ceci est peut-être plus important " l'interprétation proposée des mots " en plus de " ne résiste pas à un examen du contexte dans lequel ces mots sont utilisés, soit celui de l'article 56, qui vise le processus d'appel, non plus qu'à un examen du contexte auquel ils sont applicables, soit celui de la procédure visée à l'article 45.

         [10] L'article 56 est une disposition d'application générale. Le processus d'appel qu'il établit n'est aucunement restreint; il s'applique à tous les appels interjetés par quelque partie que ce soit à l'égard de toute instance devant le registraire. Il ne vise pas uniquement les décisions rendues en vertu de l'article 45, non plus qu'il n'est réservé aux propriétaires inscrits qui ont déposé certains éléments de preuve dans le cadre d'une instance devant le registraire. Le sens des mots employés est suffisamment large pour englober toute particularité liée au type d'instance en cause qui est en appel.

         [11] Le libellé de l'article 56 n'autorise pas une interprétation dont l'effet pratique serait de priver qui que ce soit d'un droit d'appel utile dans le cadre d'une affaire déterminée.

         [...]

         Retenir l'interprétation littérale proposée par l'appelante permettrait aussi au propriétaire inscrit qui produit des éléments de preuve peu importants ou non pertinents devant le registraire d'" ajouter " des éléments de preuve en appel. Le législateur ne peut avoir eu l'intention de punir ceux qui ne tiennent pas compte de l'avis du registraire tout en encourageant la production d'éléments de preuve peu importants ou non pertinents devant le registraire.

         [...]

         [13] Les derniers mots du paragraphe 56(5) font clairement ressortir que la Cour siège en appel d'une décision du registraire. En donnant à la Cour toute la discrétion " dont le registraire est investi ", le législateur reconnaît que la Cour qui siège en appel devrait être en mesure de trancher les questions en litige comme si elles lui étaient soumises pour la première fois. Selon moi, l'interprétation de ce paragraphe donne à croire qu'il est tout aussi loisible au propriétaire inscrit de produire en appel les éléments de preuve qu'il pouvait fournir au registraire.

         [...]

         [18] Même si la question de la " preuve en plus " ne semble pas avoir été déjà abordée en soi par la Cour de l'Échiquier ou la Cour d'appel fédérale, elle a, à mon avis, été tranchée implicitement par le président Thorson dans Re Wolfville Holland Bakery Ltd. (1964), 42 C.P.R. 88 (C. de l'É.).

         [...]

         [21] Dans Plough (Canada) Limited c. Aerosol Fillers Inc. [1981] 1 C.F. 679, à la p. 682 (C.A.F.), la présente Cour cite en l'approuvant la décision Wolfville Holland Bakery Ltd. comme un des arrêts qui renferment " un exposé clair et pertinent de l'état du droit " à l'égard du but et de la portée de l'article 45 (alors l'article 44).

         [...]

         [22] Au cours des dernières années, les juges de la Section de première instance ont systématiquement permis au propriétaire inscrit de produire des éléments de preuve dans le cadre des appels interjetés en vertu de l'article 45, même s'il n'avait pas produit d'élément de preuve devant le registraire. Cette question n'a été abordée directement que deux fois par le juge Strayer (tel était alors son titre) dans Lewis Thomson & Sons Ltd. c. Rogers, Bereskin & Parr (1988), 21 C.P.R. (3d) 483 (C.F. 1re inst.), et par le juge Gibson dans Nissei Plastics Industrial Co. c. Pascal & Associates (1994), 58 C.P.R. (3d) 395 (C.F. 1re inst.) et, dans les deux cas, le propriétaire inscrit a eu gain de cause.

         [23] Dans Lewis Thomson , précité, paragraphe 22, à la page 485, le juge Strayer a conclu ce qui suit :
             Quoi qu'il en soit, je constate qu'un appel a été interjeté. Il me semble, en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce, que la Cour est tenue d'entendre l'appel et de recevoir des preuves supplémentaires, si l'appelante désire en présenter. La Loi sur les marques de commerce ne contient aucune condition limitant l'admission de la preuve par la Cour. C'est dire que la Loi n'oblige pas la Cour à recevoir uniquement les preuves qui n'étaient pas disponibles au moment de la procédure devant le registraire, celles qui n'étaient pas raisonnablement accessibles à l'appelante ni connues à ce moment-là. Aucun de ces critères ne s'applique, et il semble que l'appelante ait le loisir d'apporter de nouveaux éléments de preuve. À mon avis, il convient de tenir compte du fait que cette preuve n'a pas été produite devant le registraire mais seulement en ce qui concerne l'adjudication des dépens.

         [24] Dans Nissei Plastics , précité, paragraphe 22, pages 401 et 402, le juge Gibson aurait retenu une interprétation littérale semblable à celle que propose l'appelante, n'eut été du fait que " l'objectif de l'article 45 et, par conséquent, des appels connexes fondés [sur] l'article 56 " dicte " que le paragraphe 56(5) ne doit pas être interprété strictement contre le [propriétaire inscrit] ".
         [25] Dans toutes les autres affaires, la même conclusion a été tirée sans débat ou presque

         [...]

         [26] Il est donc de jurisprudence constante que le paragraphe 56(5) ne devrait pas être interprété strictement contre le propriétaire inscrit dans le cadre des appels relatifs à la procédure visée à l'article 45. Une cour d'appel ne devrait pas modifier sans motifs sérieux un courant jurisprudentiel aussi bien établi dans un domaine aussi pratique que celui qui est en cause en l'espèce.

         [27] Je souligne qu'un courant jurisprudentiel similaire régit aussi l'interprétation du paragraphe 56(5) dans le contexte de la procédure d'opposition (voir Choice Hotels International Inc. c. Hotels Confortel Inc. (1996), 67 C.P.R. (3d) 340 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau, (en appel, nE du greffe A-284-96); Assurance-Vie Desjardins c. North American Life Assurance Co. (1995), 63 C.P.R. (3d) 225 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé; SkyDome Corp. c. Toronto Heart Industries Ltd. (1997), 72 C.P.R. (3d) 546 (C.F. 1re inst.), le juge Lutfy; Automaxi S.A. c. U.A.P. Inc. (1993), 47 C.P.R. (3d) 158 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum, confirmé par (1994), 59 C.P.R. (3d) 82 (C.A.F.). La seule exception semble être la décision rendue par le juge Denault dans Primax Computer Corp. c. Primax Electronic (U.S.A.) Inc. (1995), 62 C.P.R. (3d) 75 (C.F. 1re inst.). [Non en caractères gras dans l"original.]


[8]          L "examen de cet arrêt confirme que Foxco était manifestement en droit de déposer une preuve par affidavit dans le cadre de l"appel formé en vertu du paragraphe 56(5) de la Loi sur les marques de commerce.



[9]          La requête est rejetée. Les dépens de la requête sont adjugés à Foxco et sont taxables suivant le nombre le plus élevé d"unités énoncé à la colonne III, quelle que soit l"issue de la cause. Les parties ont consenti à ce que Canadian Tire signifie et dépose son dossier de la demande au plus tard le 17 mars 2000.

" D. McGillis "

Juge

Toronto (Ontario)

Le 19 janvier 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :                      T-664-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          LA SOCIÉTÉ CANADIAN TIRE LIMITÉE
                         - et -
                         FOXCO LTD. et REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE
DATE DE L"AUDIENCE :              LE LUNDI 17 JANVIER 2000
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE McGILLIS LE MERCREDI 19 JANVIER 2000.

ONT COMPARU :                  M e Barbara Kornovski
                             Pour la requérante
                         M e Stephen M. Lane
                             Pour l"intimée, Foxco Ltd.
                         Nul n"a comparu pour l"intimé, registraire des marques de commerce
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Cassels Brock & Blackwell
                         Barristers & Solicitors
                         Scotia Plaza, bureau 2100
                         40, rue King Ouest
                         Toronto (Ontario)
                         M5H 3C2
                             Pour la requérante
                         Sim, Hughes, Ashton and McKay
                         Barristers & Solicitors
                         330, avenue University, 6e étage
                         Toronto (Ontario)
                         M5G 1R7
                             Pour l"intimée, Foxco Ltd.
                         Morris Rosenberg
                         Sous-procureur général du Canada
                             Pour l"intimé, registraire des marques decommerce
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