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Date : 20030730

Dossier : IMM-4027-01

Référence : 2003 CF 937

OTTAWA (ONTARIO), le 30 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

                                                         SYED ANJUM AHMED

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision d'un agent des visas qui a refusé sa demande de résidence permanente au Canada. Une décision antérieure concernant la demande de visa du demandeur avait été annulée à la suite d'un contrôle judiciaire et renvoyée au défendeur pour nouvel examen par un autre agent des visas.

[2]                Le demandeur voulait être évalué au regard des professions d'agent de formation, de scientifique agricole et de technologue agricole. Il voulait aussi que l'agent des visas exerce son pouvoir discrétionnaire selon le paragraphe 11(3) du Règlement sur l'immigration, DORS/78-172 (le Règlement) et approuve la demande, pour le cas où il obtiendrait un nombre insuffisant de points d'appréciation.

[3]                Le demandeur est un ressortissant du Bangladesh. Il a obtenu un diplôme supérieur d'études secondaires. Il a suivi avec succès un programme de deux ans en agriculture à l'Organisation pour le progrès industriel, spirituel et culturel - Centre international de formation Chubu Nippon, au Japon (l'OISCA). Il a également suivi un cours de formation et de perfectionnement d'une durée de deux mois à la School of Management, Thames Valley University, à Londres.

[4]                Le demandeur a travaillé en 1986-1987 comme concepteur principal de documents de formation au Rangpur Dinajpur Rural Service. Par la suite, il s'est joint à Hifab International comme conseiller en foresterie sociale. En 1991, le demandeur était agent de programme pour l'Association des agences de développement au Bangladesh. De 1992 jusqu'à la date du dépôt de sa demande de résidence permanente, le demandeur travaillait pour CARE International comme agent de formation.

[5]                Pour la profession d'agent de formation, l'agent des visas a attribué au demandeur 62 points d'appréciation. L'agent des visas a conclu que son évaluation reflétait fidèlement la probabilité pour le demandeur de réussir son installation au Canada. Il n'a donc pas exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait le paragraphe 11(3) du Règlement.

[6]                L'agent des visas n'a pas calculé le nombre de points d'appréciation pour les deux autres professions. Il a conclu que ce calcul était inutile puisqu'il n'avait attribué aucun point d'appréciation pour l'expérience et le facteur professionnel. L'agent des visas a refusé la demande parce que le demandeur n'avait pas obtenu les 65 points d'appréciation requis à titre de parent aidé.

[7]                Le point essentiel soulevé par cette demande de contrôle judiciaire concerne la manière dont l'agent des visas a évalué le niveau de scolarité du demandeur. Au soutien de sa demande de résidence permanente, le demandeur avait produit une lettre de l'OISCA datée du 2 février 2001 et une copie du document qu'il avait reçu après avoir suivi le programme de l'OISCA. La lettre est ainsi rédigée :

[traduction] La présente certifie que la condition d'admission au programme d'études de deux ans en agriculture du Centre de formation Chubu Nippon parrainé par l'OISCA est un diplôme supérieur d'études secondaires, c'est-à-dire une scolarité de 12 ans. Le diplôme supérieur japonais d'études secondaires équivaut, au Bangladesh, au certificat supérieur d'études secondaires (HSC).

L'OISCA-International exerce un rôle consultatif auprès du Conseil économique et social de l'ONU. Il offre des bourses aux étudiants des pays d'Asie et d'Afrique dans diverses matières techniques dont l'agriculture. Le programme décerne un diplôme à la suite d'études d'une durée de deux ans et il est reconnu au Japon ainsi que dans d'autres pays.


La présente certifie également que M. Syed Anjum Ahmed a étudié au Centre de formation Chubu Nippon de février 1975 à janvier 1977 et qu'il a obtenu le diplôme d'agriculture du Centre de formation Chubu Nippon de l'OISCA.

[8]                Le document que le demandeur a reçu de l'OISCA certifie qu'il a suivi un cours de formation technique en machinisme agricole et en agriculture (culture du riz et des légumes) à l'OISCA - Centre international de formation Chubu Nippon, au Japon.

[9]                Dans les notes du STIDI, l'agent des visas écrit :

[traduction] Le requérant a obtenu un certificat supérieur d'études secondaires. Après cela, il est allé au Japon pour un cours de formation d'une durée de deux ans (le certificat se trouve dans le dossier). Il n'a suivi que trois matières et il était le plus souvent dans les rizières. Je ne suis pas persuadé que cela justifie l'attribution de 13 points d'appréciation en application du Règlement. En fait, l'école est un centre de formation et je ne suis pas persuadé qu'il s'agit là d'un collège, d'une école de métier ou autre établissement postsecondaire selon ce que prévoit le Règlement. Par ailleurs, il n'a pas obtenu un diplôme selon ce qui est indiqué sur son IMM8 puisqu'il s'agit d'un certificat de formation. Je lui ai donc attribué 10 points pour les études.

[10]            Eu égard à l'information fournie par l'OISCA et à l'information qu'il avait donnée à l'agent des visas au cours de l'entrevue, le demandeur affirme que son niveau de scolarité lui donne droit à 13 points d'appréciation pour les études selon l'alinéa (1)c)(ii), facteur 1, annexe I du Règlement, au lieu des 10 points d'appréciation attribués par l'agent des visas en application de l'alinéa (1)b)(ii).


[11]            Selon le demandeur, l'agent des visas a commis trois erreurs dans l'évaluation de son niveau de scolarité. D'abord, l'agent des visas a eu tort de conclure que le document qu'il a obtenu après avoir suivi le cours de l'OISCA était un « certificat de formation » et non un « diplôme ou certificat d'apprentissage » au sens de l'alinéa (1)c)(ii) du facteur 1. Deuxièmement, l'agent des visas a eu tort de dire que l'OISCA n'était pas un « collège, une école de métiers ou autre établissement postsecondaire » , au sens de l'alinéa (1)c)(ii) du facteur 1. Le demandeur soutient que l'expression « établissement postsecondaire » , à l'alinéa (1)c)(ii), devrait être interprétée selon sa signification ordinaire. Puisqu'un diplôme d'études secondaires est une condition d'admission au programme de l'OISCA, alors selon le demandeur l'OISCA est l'équivalent d'un établissement postsecondaire. Troisièmement, l'agent des visas a estimé que le programme de l'OISCA n'exigeait pas au moins un an d'études à temps plein en salle de cours, et cela sans s'être renseigné auprès du demandeur sur la quantité de temps qui était consacrée aux études en salle de cours durant le programme.


[12]            Le défendeur admet honnêtement que, bien que le document reçu par le demandeur à l'achèvement de ses études à l'OISCA soit un certificat, la lettre de l'OISCA décrivant le programme précise bien qu'il s'agit d'un programme d'études de deux ans. Le défendeur soutient cependant que cette erreur n'est pas déterminante puisque ce n'était là que l'un des facteurs considérés par l'agent dans l'évaluation de la scolarité du demandeur. L'agent des visas n'était pas non plus persuadé que l'OISCA équivalait à « un collège, une école de métiers ou autre établissement postsecondaire » . L'agent des visas a tenu compte de ce que le certificat supérieur d'études secondaires du demandeur lui donnait le droit de poursuivre des études universitaires, et de ce qu'un diplôme supérieur d'études secondaires est une condition d'admission à l'OISCA. L'agent des visas a jugé aussi que les cours suivis par le demandeur n'équivalaient pas à au moins un an d'études à temps plein en salle de cours. Cette conclusion était fondée sur le fait que le demandeur n'avait suivi que trois cours durant le programme de deux ans, et sur l'affirmation du demandeur selon laquelle il passait la majeure partie de son temps dans la rizière. Le défendeur affirme que, compte tenu de l'ensemble de la preuve dont disposait l'agent des visas, il était loisible à celui-ci de dire que le demandeur devait recevoir, pour ses études, dix points d'appréciation.

[13]            S'agissant de la conclusion de l'agent des visas selon laquelle l'OISCA n'est pas un établissement postsecondaire, il ressort des notes du STIDI que cette conclusion repose sur son idée selon laquelle un centre de formation ne répond pas à la définition d'un établissement postsecondaire. Dans son affidavit, l'agent des visas, évaluant le niveau de scolarité du demandeur, dit qu'il a tenu compte du certificat d'études secondaires du demandeur et que l'OISCA requiert un certificat d'études secondaires. Au cours du contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agent des visas a été prié de préciser ce qui l'avait conduit à conclure que l'OISCA n'était pas un établissement postsecondaire. Il a répondu qu'il avait considéré les documents versés dans le dossier, le nom de l'école, le nombre de cours que le demandeur avait suivis et le fait que le demandeur passait la majeure partie de son temps dans la rizière.


[14]            À mon avis, l'agent des visas a commis une erreur en introduisant des critères additionnels dans la définition d'un « établissement postsecondaire » . J'admets que les centres de formation ne sont pas tous des établissements postsecondaires, mais le facteur essentiel à appliquer dans un tel cas est la nature de l'établissement. Il s'agit de savoir si l'établissement offre des programmes d'études qui exigent comme condition d'admission un diplôme d'études secondaires. Des facteurs tels que le nombre de cours que le demandeur a suivis ou la quantité de temps passé en dehors de la salle de cours intéressent d'autres aspects de l'évaluation, mais ils sont étrangers à la question de savoir si l'établissement répond aux conditions de l'alinéa (1)c)(ii) du facteur 1. Étant donné que l'OISCA offre des programmes d'études qui exigent, comme condition d'admission, un diplôme supérieur d'études secondaires, je ne puis trouver aucun fondement raisonnable dans la conclusion de l'agent des visas selon laquelle l'OISCA ne répond pas à la définition d'un établissement postsecondaire.

[15]            S'agissant du dernier point soulevé par le demandeur, il y a un écart considérable entre la version du demandeur et celle de l'agent des visas concernant le déroulement de l'entrevue. Dans les notes du STIDI, l'agent des visas écrit :

[traduction] J'ai expliqué au requérant les raisons de mon refus. Il n'obtient pas un nombre suffisant de points d'appréciation, principalement en raison de la faiblesse du facteur professionnel et en raison de son niveau d'études. Je lui ai proposé de dissiper mes doutes, et il m'a répondu qu'il en avait assez de se démener. J'en ai pris note, mais je lui ai dit qu'il n'avait malgré tout pas suffisamment de points d'appréciation. Il a alors dit que son certificat de formation est un diplôme. Je lui ai alors lu à haute voix la disposition applicable du Règlement et lui ai exposé mes doutes, décrits plus haut dans la section « études » de mes notes. Je lui ai demandé s'il avait autre chose à dire pour dissiper mes doutes, et il m'a alors demandé si j'avais pris son frère en considération. J'ai dit oui. Il n'a alors rien ajouté.


[16]            Dans son affidavit, le demandeur explique qu'il assistait à des cours en salle de classe cinq jours par semaine, cinq heures chaque jour. Les travaux de campagne occupaient en général, quant à eux, trois heures par semaine, durée qui variait selon le cycle végétatif et selon le sujet étudié. Il ajoute également qu'au Japon la saison rizicole dure cinq mois. On passait plus de trois heures par semaine dans la rizière au cours de cette saison, mais, durant les sept autres mois de l'année, on n'allait pas dans la rizière. S'agissant des cours qu'il avait suivis, le demandeur dit que, bien que son relevé de notes fasse état de trois domaines d'études, il assistait à des cours portant sur un vaste éventail de sujets, telles l'agronomie, la génétique, la phytobiologie, la science des sols, la phytopathologie, la technologie des semences et la chimie agricole.

[17]            Selon le défendeur, si le demandeur avait d'autres faits ou renseignements à communiquer à l'agent des visas, il lui appartenait de le faire au cours de l'entrevue. Le défendeur soutient que le demandeur ne peut maintenant, dans la présente instance, consolider sa demande par son affidavit.

[18]            Le demandeur reconnaît que l'agent des visas n'avait pas ces renseignements et que la Cour n'a pas à en tenir compte pour savoir si l'agent des visas a erré dans la manière dont il a évalué son niveau de scolarité. Le demandeur soutient cependant que ces renseignements intéressent la question de savoir s'il avait dit à l'agent des visas qu'il passait la majeure partie de son temps dans la rizière. Il n'avait pu lui dire qu'il passait la majeure partie de son temps dans la rizière alors que ce n'était manifestement pas le cas. Le demandeur affirme qu'il a dû y avoir un malentendu entre lui et l'agent des visas, parce que l'agent des visas n'entendait pas très bien, sans compter le fait que l'entrevue s'était déroulée dans la deuxième langue de l'agent des visas.


[19]            Le demandeur affirme avoir dit à l'agent des visas qu'il avait suivi à temps plein le programme de l'OISCA durant deux ans, et lui avoir dit le temps qu'il passait en salle de cours. Il maintient que l'agent des visas ne lui a pas lu le Règlement et que, lorsqu'il a demandé à l'agent des visas de réexaminer son niveau de scolarité, l'agent des visas se tenait debout et lui demandait de quitter la salle.

[20]            Dans son affidavit, l'agent des visas confirme la teneur des notes du STIDI. Il dément que le demandeur lui ait dit le nombre d'heures qu'il passait en salle de cours à l'époque où il fréquentait l'OISCA. Durant le contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agent des visas a déclaré que, parce que le demandeur lui avait dit qu'il passait la majeure partie de son temps dans la rizière, il n'avait pas cherché à en savoir davantage en lui demandant la quantité de temps qu'il passait en salle de cours durant ses études.


[21]            J'accepte l'argument du défendeur selon lequel le demandeur ne devrait pas pouvoir, dans un contrôle judiciaire, produire des preuves additionnelles tendant à montrer que l'évaluation faite par l'agent des visas était erronée. Cependant, les preuves en question ajoutent foi à l'affirmation du demandeur touchant le malentendu entre lui et l'agent des visas. Même si j'accepte l'affirmation de l'agent des visas selon laquelle le demandeur ne lui a pas dit le nombre d'heures qu'il passait dans la salle de cours, vu l'ensemble des renseignements sur l'OISCA dont disposait l'agent des visas, et puisque la durée des études en salle de cours est l'une des conditions dont il doit être expressément tenu compte dans une évaluation selon l'alinéa (1)c)(ii) du facteur 1, l'agent des visas aurait dû soulever ce point directement avec le demandeur, au lieu de tirer une conclusion fondée sur une réponse à une question générale.

[22]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du 23 juillet 2001 est annulée et l'affaire est renvoyée au défendeur pour nouvel examen par un autre agent des visas.

2.         Aucune question ne sera certifiée.

                                                                         « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-4027-01

INTITULÉ :               Syed Anjum Ahmed et le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 25 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MADAME LA JUGE HANSEN

DATE DES MOTIFS :                                   le 30 juillet 2003

COMPARUTIONS :

M. Peter Chapman                                            POUR LE DEMANDEUR

Mme Emila Pech                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Chapman                                                  POUR LE DEMANDEUR

Cabinet Chapman et compagnie

M. Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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