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Date : 20011115

Dossier : IMM-6320-00

TORONTO (ONTARIO), LE 15 NOVEMBRE 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. P. McKEOWN

ENTRE :

                                                                            

CHOUDHRY MUHAMMAD NADEEM

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. P. McKeown »

JUGE

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


Date : 20011115

Dossier : IMM-6320-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1263

ENTRE :

                                       CHOUDHRY MUHAMMAD NADEEM

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]                 Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, le 7 novembre 2000, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]                 Il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait se réclamer de la protection étatique au Pakistan.


[3]                 La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Elle a conclu qu'il n'existait aucune preuve claire et convaincante que, si le demandeur était renvoyé au Pakistan, l'État ne ferait pas d'efforts raisonnablement sérieux en vue de protéger celui-ci contre le Sipah-e-Sahaba (le SSP), contre sa propre communauté chiite et peut-être contre la police, du fait de sa religion chiite et de son appartenance à un groupe social - la minorité chiite musulmane du Pakistan, et peut-être du fait des opinions politiques antichiites qui lui sont imputées.

[4]                 L'événement qui a été à l'origine du problème s'est produit lorsque, au mois de mars 1999, le demandeur a vu un partisan du SSP quitter une imanbargah de Lahore, la ville modèle; onze personnes avaient perdu la vie au cours d'un attentat. Le demandeur connaît l'identité de l'auteur de l'attentat.

[5]                 La conclusion tirée par la Commission était fondée sur les éléments ci-après énoncés :

1)          la police de Lahore avait offert au père du demandeur de protéger son fils si celui-ci coopérait avec elle;

2)          le demandeur n'avait pas demandé à la police de le protéger et on n'avait pas refusé de le protéger;


3)          l'inquiétude du demandeur, qui craint que l'on ne puisse le protéger efficacement, est réelle, mais il ne s'agit pas de savoir s'il existe une preuve claire et convaincante tendant à montrer que la police ne ferait pas d'efforts raisonnablement sérieux pour garantir une protection efficace, mais s'il existe une preuve claire et convaincante montrant que la police ne ferait pas d'efforts raisonnablement sérieux pour le protéger;

4)          la police a sollicité à maintes reprises la collaboration du demandeur et de son père, ce qui est une preuve indéniable indiquant que la police veut réprimer la violence entre les sectes et faire traduire en justice les militants du SSP;

5)          si les policiers ne donnaient pas suite à leur offre de protection en faisant de sérieux efforts en vue d'assurer pareille protection, ils pourraient perdre un témoin important et s'exposer à d'autres critiques de la part de la presse;

6)          selon une preuve documentaire récente, les autorités ont fait de sérieux efforts en vue de traduire en justice les militants sunnites tels que les militants du SSP.

[6]                 La Commission a également tenu compte de l'allégation selon laquelle le demandeur craignait d'être persécuté par sa propre communauté chiite. Elle a conclu qu'il y avait une possibilité réelle que la communauté chiite porte gravement atteinte aux droits de l'intéressé, mais que « le danger que la communauté chiite ou la police persécutent le revendicateur ou lui portent préjudice tient plutôt à la situation particulière et périlleuse du revendicateur, plus précisément à son refus de collaborer à l'enquête policière sur le massacre, et non à l'un ou l'autre des motifs énoncés dans la Convention, soit sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un groupe social ou les opinions politiques anti-chiites qui lui sont sincèrement imputées » .


[7]                 Il était loisible à la Commission de conclure que la crainte que l'intéressé éprouvait à l'égard de la communauté chiite n'était pas fondée sur un motif énoncé dans la Convention et qu'il n'existait aucun lien entre cette crainte et la définition du réfugié. À mon avis, la Commission n'a pas interprété la preuve d'une façon erronée en ce qui concerne le fait que le demandeur craignait d'être persécuté par la communauté chiite. Je reviens sur le point crucial qui est ici en cause, à savoir si le demandeur peut se prévaloir de la protection de l'État.

[8]                 Le demandeur soutient que la Commission n'a pas suffisamment tenu compte du fait que certains policiers avaient battu son père parce qu'il avait refusé de révéler les allées et venues de son fils. Il aurait été préférable que la Commission fasse mention du fait que le père avait été battu, mais cette omission ne constitue pas une erreur susceptible de révision. La Commission reconnaît que le demandeur craignait subjectivement réellement que la police ne puisse le protéger efficacement s'il acceptait de collaborer. Voici ce que la Commission a dit :

Son père et lui ont entendu dire que des avocats et des juges avaient été tués et ils craignent que, si le revendicateur collabore à l'enquête, la police ne puisse l'assurer d'une protection efficace contre les militants du SSP, qui pourraient assister à son témoignage au cours des audiences publiques du tribunal. Je reconnais qu'il s'agit là d'une inquiétude réelle et fondée, compte tenu de la vague actuelle d'assassinats sectaires au Punjab en dépit des efforts de la police.

[9]                 À mon avis, la dernière partie de cette remarque ne confirme pas l'existence d'une preuve objective montrant que le demandeur craignait que la police ne puisse pas le protéger efficacement. Comme la Commission l'a dit :

[...] il ne s'agit pas de savoir s'il existe une preuve claire et convaincante que la police ne ferait pas d'efforts raisonnablement sérieux pour garantir au revendicateur une protection efficace, mais bien s'il existe une preuve claire et convaincante que la police ne ferait pas d'efforts raisonnablement sérieux pour le protéger.

[10]            Je ne répéterai pas les autres motifs de la Commission que j'ai ci-dessus énoncés, selon lesquels la police ne ferait pas d'efforts sérieux pour assurer la protection du demandeur. Il incombe au demandeur de produire une preuve claire et convaincante montrant que la police ne ne protégerait pas. Il n'incombe pas à la Commission de prouver que la police fournira une protection. La charge qui est imposée au demandeur, lorsqu'il s'agit de montrer que l'État ne peut pas ou ne veut pas fournir sa protection, est lourde : voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, page 724.

[11]            Monsieur le juge Pelletier a été saisi d'une affaire de protection étatique au Pakistan, dans laquelle le demandeur et sa famille :

[...] [avaient] été les cibles de plusieurs actes violents, notamment agressions, tentative de meurtre, destruction de biens et enlèvement. Dans la plupart des cas, la police a[vait] été appelée, mais ses efforts n'[avaie]nt rien donné.

Voir : Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1556.


[12]            Le juge Pelletier a fait les remarques ci-après énoncées, aux paragraphes 13 et 14 :

Eu égard à ces éléments de preuve, le demandeur s'oppose à la conclusion de la SSR selon laquelle le demandeur pouvait obtenir une protection policière. Il affirme que la police a examiné les agissements signalés, mais qu'elle n'a apporté aucune protection. [...]

À l'appui de la demande de contrôle judiciaire, l'avocat du demandeur (qui n'était pas l'avocat devant la SSR) s'est largement appuyé sur la preuve littérale relative à la violence sectaire et à l'anarchie au Pakistan. Selon l'avocat du défendeur, la preuve littérale montre que des mesures de répression sont prises contre ceux qui transgressent la loi.

Le juge Pelletier conclut ce qui suit, aux paragraphes 19 et 21 :

La SSR a clairement jugé qu'il ne s'agissait pas là d'un cas d'effondrement complet de l'appareil étatique. Il appert des motifs de la SSR que, selon la SSR également, la réaction de la police attestait une volonté d'intervenir au nom du demandeur et de ses coreligionnaires, même si les circonstances rendaient son intervention plutôt inutile.

[...]

En définitive, il appartenait à la SSR de dire s'il existait une protection policière. La conclusion à laquelle elle est arrivée n'est pas déraisonnable au point de justifier l'intervention de la Cour.

J'adopterai cette dernière remarque en l'espèce. La conclusion de la Commission n'est pas déraisonnable au point de justifier l'intervention de la Cour.

[13]            Quant à la preuve documentaire, la Commission a reconnu dans ses motifs que certaines sources d'information exprimaient des points de vue divergents. Toutefois, il existait une preuve claire étayant la conclusion suivante :

Cette preuve documentaire me persuade que les sectes sunnites militantes qui se livrent à des actes criminels au nom de la religion, dont le SSP, sont traitées par les autorités comme autant d'organisations criminelles, que les assassinats sont jugés comme des meurtres et que l'État fait des efforts sérieux en vue de contenir ces organisations et d'endiguer la violence.


[14]            Les préoccupations du demandeur touchent l'importance accordée à la preuve, soit un point qui relève de la compétence de la Commission et sur lequel la Cour ne doit pas intervenir.

[15]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« W. P. McKeown »

Juge

TORONTO (ONTARIO),

le 15 novembre 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-6320-00

INTITULÉ :                                                                     CHOUDHRY MUHAMMAD NADEEM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE MERCREDI 7 NOVEMBRE 2001

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

DATE DES MOTIFS :                                                  LE JEUDI 15 NOVEMBRE 2001

COMPARUTIONS :

M. John Savaglio                                                               pour le demandeur

Mme Ann Margaret Oberst                                                pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. John Savaglio

Avocat

1919 Brookshire Sq.

Pickering (Ontario)

L1V 6L2                                                                            pour le demandeur

M. Morris Rosenberg                                                       

Sous-procureur général du Canada                                  pour le défendeur


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       Date : 20011115

                                       Dossier : IMM-6320-00

ENTRE :

CHOUDHRY MUHAMMAD NADEEM

                                                                demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                  

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