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Date : 20030512

Dossier : T-344-02

Référence : 2003 CFPI 579

Ottawa, Ontario, ce 12ième jour de mai, 2003

En présence de l'honorable juge Rouleau

Entre :

                          MICHAEL CASTER

                                                           Demandeur

Et :

                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                           Défendeur

                 MOTIFS D'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]              Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du Président du tribunal disciplinaire (le « président » ) selon laquelle il a trouvéle demandeur coupable de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40 l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en libertésous condition, L.C. 1992 ch. 20 (la « Loi » ).

[2]                 Le demandeur est détenu à l'établissement de détention Donnacona.


[3]                 Le 20 décembre 2001, l'agent correctionnel Paquet a demandé au demandeur de lui fournir un échantillon d'urine. Le demandeur a avisé l'agent Paquet qu'il devait aller à la prière sur-le-champs étant donné que c'était la période du ramadan. Il a suggéré à l'agent qu'il le suivrait "tout de suite après dans quelques minutes". L'agent Paquet a refusé sa demande.

[4]                 Lors de son procès disciplinaire le 7 février 2002, le demandeur a témoigné à cet effet et a déclaré au tribunal qu'il n'aurait pas eu d'objection à fournir l'échantillon d'urine après sa prière.

[5]                 Le président du tribunal, motivant sa décision par le fait qu'il n'avait pas le choix puisque ni la Loi ni le Règlement ne prévoyait d'exception, le condamnait tout de même de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40 l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

[6]                 Le demandeur soutient que le tribunal disciplinaire a erré en le condamnant alors qu'il avait proposé un règlement informel de la situation. Le procureur du demandeur soumet de plus que le tribunal a erré en droit en refusant de tenir compte de sa défense de diligence raisonnable, faisant de l'infraction disciplinaire en litige une infraction de responsabilité absolue ou sans faute, en violation de l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.


[7]                 Malgré les prétentions du demandeur je suis d'avis qu'il ne revient pas au président du tribunal disciplinaire d'enquêter sur le bien-fondé de la décision de porter une accusation disciplinaire contre un détenu mais au directeur de l'établissement pénitencier et ce conformément au pouvoir que lui confère le paragraphe 41(2) de la Loi, qui se lit comme suit:


(2)    À défaut de règlement informel, le directeur peut porter une accusation d'infraction disciplinaire mineure ou grave, selon la gravité de la faute et l'existence de circonstances atténuantes ou aggravantes.

2)    Where an informal resolution is not achieved, the institutional head may, depending on the seriousness of the alleged conduct and any aggravating or mitigating factors, issue a charge of a minor disciplinary offence or a serious disciplinary offence.


[8]                 Si le demandeur estimait qu'il y avait eu une défense de diligence raisonnable en l'espèce et conséquemment que le directeur ne pouvait prendre la décision de porter une accusation disciplinaire contre lui, il aurait dû contester cette décision au moyen de la procédure de grief prévue aux articles 90 et 91 de la Loi et aux articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, (DORS/92-620).

[9]                 Le demandeur ne s'est pas prévalu de cette procédure. Il soumet que la procédure de grief n'est pas disponible lorsqu'il s'agit d'infractions disciplinaires puisque l'article 39 de la Loi énonce que seuls les articles 40 à 44 et les règlements sont à prendre en compte en matière de discipline.


[10]            Les articles 40 à 44 du Règlement n'excluent pas à mon avis la possibilité de contester une décision préalable à l'audition par le président au moyen de la procédure de grief. Ainsi, il sera possible de contester la décision du directeur de porter une accusation d'infraction disciplinaire par la procédure de grief.

[11]            La Directive du Commissaire 580 prévoit d'ailleurs un tel recours à l'article 55:


Un détenu peut présenter un grief lorsqu'il estime que:

                a. Un agent de l'établissement qui a présidé l'audience n'a pas respecté les procédures établies; ou

                b. Les agents de l'établissement n'ont pas suivi les procédures adéquates préalables à l'audition du cas par un président indépendant.

                (Je souligne).

Inmates may use the grievance procedure when they consider that:

                a. an institutional official who chaired the hearing failed to adhere to established procedures; or

                b. institutional officials did not adhere to proper procedures prior to a hearing by the independent chairperson.

                (My emphasis).


[12]            Par contre, l'article 56 de la Directive du Commissaire 580 indique que les décisions rendues par le président indépendant ne peuvent faire l'objet d'un grief.


[13]             Le président indépendant est nommé en vertu de l'alinéa 24(1)a) de la Loi qui prévoit que le ministre doit nommer à titre de président indépendant chargé de procéder à l'audition des accusations d'infraction disciplinaire grave, une personne qui connaît le processus de prise de décisions administratives et qui n'est pas un agent ou un délinquant:


24. (1) Le ministre doit nommer :

a) à titre de président indépendant chargé de procéder à l'audition des accusations d'infraction disciplinaire grave, une personne qui connaît le processus de prise de décisions administratives et qui n'est pas un agent ou un délinquant;

24. (1) The Minister shall appoint

(a) a person, other than a staff member or an offender, who has knowledge of the administrative decision-making process to be an independent chairperson for the purpose of conducting hearings of serious disciplinary offences;


[14]            L'article 9 de la Directive du Commissaire 580 indique que l'infraction du paragraphe 40 l) de la Loi est une infraction grave qui sera jugé par un président indépendant:


9.    Si un détenu est accusé en vertu du paragraphe 40 k) ou l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, il sera normalement réputé avoir commis une infraction grave et sera jugé par un président indépendant.

9. If an inmate is charged under subsection 40 (k) or (l) of the Corrections and Conditional Release Act, this will normally be considered a major offence and will be heard by the independent chairperson.


[15]            Le paragraphe 43(3) de la Loi prévoit que la personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée:



(3) La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée.

3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question.


[16]            Ainsi, le rôle de la personne chargée de l'audition, en l'espèce le président, est de tenir une audition afin de déterminer si le détenu est coupable hors de tout doute raisonnable de l'infraction disciplinaire pour lequel il a reçu un avis d'infraction et non de déterminer si l'accusation aurait dû être portée. Il n'y a aucune disposition expresse dans la Loi ni dans les règlements prévoyant que le président doive se substituer au directeur afin de déterminer si les circonstances permettaient d'en venir à un règlement informel.

[17]            Une défense de diligence raisonnable ne peut être invoquée devant ce palier. La Loi ne prévoit aucune exception ou dérogation à la règle.

[18]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

      JUGE


                        COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                     

DOSSIER :                  T-344-02

INTITULÉ:                 MICHAEL CASTER et PROCUREUR GÉNÉRAL       DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :      30 avril 2003

DATE DES MOTIFS :        12 mai 2003

COMPARUTIONS:

Me Daniel Royer                                 POUR LE DEMANDEUR

Me Éric Lafrenière                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Labelle, Boudrault, Côté & Associés      POUR LE DEMANDEUR

434, rue Sainte-Hélène

Montréal, Québec

H2Y 2K7                                       

MORRIS ROSENBERG                                POUR LE DÉFENDEUR

Ministère fédéral de la justice             

Complexe Guy-Favreau

200 ouest, Boul. René- Lévesque

Tour Est, 5e étage

Montréal, Québec

H2Z 1X4

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