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Date : 20030408

Dossier : T-826-00

Référence neutre : 2003 CFPI 415

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE PROTONOTAIRE ARONOVITCH

ENTRE :

                                 WILLIAM FARROWS-SHELLEY

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                  défenderesse

                                     MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


        Le demandeur, William Farrows-Shelley, a engagé contre Sa Majesté des poursuites fondées sur la négligence à la suite d'une altercation avec un compagnon de cellule, à l'établissement de Warkworth. Par suite de l'empoignade, M. Farrows-Shelley a subi quelques coupures et lacérations superficielles, mais il aurait aussi également été atteint d'anxiété et d'un trouble émotionnel parce qu'il croyait que, pendant la dispute, il avait peut-être contracté une hépatite et le VIH dont son compagnon de cellule était, croyait-il, atteint.

        La négligence de Service correctionnel Canada (SCC) serait censément attribuable au fait qu'on a logé le demandeur dans la même cellule que Leonard Welch, soit un individu qui, selon le demandeur, était connu pour sa tendance à la violence et qui était également connu comme étant atteint de l'hépatite C et du VIH.

        La demande initiale du demandeur comprend une allégation de malveillance, concernant d'une façon plus précise l'agent de correction McCrory, qui avait assigné la cellule à M. Farrows-Shelley lorsque celui-ci était arrivé à l'établissement de Warkworth. Selon une allégation qui a été retirée à l'instruction, l'agent McCrory en voulait personnellement au demandeur pour avoir eu une aventure avec sa conjointe. M. Farrows-Shelley affirme que l'agent McCrory l'aurait logé avec Leonard Welch même s'il avait demandé à ne pas être placé avec celui-ci.

        Selon la preuve principale du demandeur, l'agent de placement aurait eu accès au fichier du Système de gestion des détenus (le SGD), qui lui aurait permis de constater les « antécédents violents » de M. Welch. M. Farrows-Shelley déclare avoir appris que M. Welch était un détenu fort dangereux, atteint de l'hépatite C et du VIH, qui s'était par le passé montré violent dans les cellules de réception, avant qu'il arrive lui-même à Warkworth.


        À l'instruction, en plus d'abandonner l'allégation de malveillance, le demandeur, avec le consentement de la Couronne, a proposé une question aux fins de l'examen par la Cour, de préférence aux questions que la Cour avait désignées, avant l'instruction, comme devant être examinées à l'instruction. Les avocats ont conjointement proposé la question ci-après énoncée aux fins d'une décision :

[TRADUCTION] Le Service correctionnel du Canada est-il tenu d'avertir un détenu du risque de violence ou du danger pour la santé que peut comporter son placement dans une cellule où loge également un autre détenu? Quels sont les dommages-intérêts qu'il convient d'accorder le cas échéant?

        Tout d'abord, la Cour n'examinera pas des questions hypothétiques libellées d'une façon aussi vague. Dans le contexte de la présente action simplifiée, la Cour n'est pas non plus constituée pour entendre ce qui constitue un renvoi portant sur l'étendue de l'obligation d'avertir la personne en cause lorsqu'il existe un [TRADUCTION] « risque de violence et [un] danger pour la santé » qui ne sont pas connus et qui ne sont pas définis. Dans le contexte de la présente action, il doit être établi qu'il existe une obligation, s'il en est, envers le demandeur, et tout manquement, le cas échéant, doit être démontré eu égard aux faits limités particuliers de la présente affaire.

        J'examinerai maintenant la preuve. Le demandeur, qui était incarcéré dans un autre établissement, a été transféré à Warkworth le 5 juillet 1999. Il a eu une entrevue avec l'agent de correction McCrory dans le cadre de la procédure d'accueil. M. Farrows-Shelley a alors été placé dans la même cellule que le détenu Welch, qui était alors seul dans cette cellule. M. Welch était arrivé un mois plus tôt, le 2 juin 1999.


        L'incident en question s'est produit le 23 juillet 1999, après 22 h. Le demandeur affirme qu'il s'était couché en haut dans le lit superposé lorsque M. Welch est entré et lui a dit qu'il allumerait la lumière pour lire. Au lieu d'allumer la lampe de bureau, ce à quoi M. Farrows-Shelley ne se serait pas opposé, M. Welch a allumé le plafonnier qui se trouvait directement au-dessus du demandeur, de sorte que ce dernier ne pouvait pas dormir. M. Farrows-Shelley affirme avoir demandé à M. Welch de bien vouloir allumer la lampe de bureau. En réponse, M. Welch l'a éconduit avec rudesse. Le demandeur s'est levé, il a allumé la lampe de bureau et il a avancé la main sous la tablette, où se trouvait l'interrupteur, pour éteindre la lumière au plafond. Il a soudainement vu un objet tranchant qui était dirigé vers lui. Il a reculé, mais il a été pris et l'objet l'a tailladé. Il y a ensuite eu une empoignade et M. Farrows-Shelley a essayé de coincer ou d'immobiliser M. Welch ce qu'il a finalement réussi à faire.


        Selon l'agent de correction Ron Hutchison, qui « se promenait » dans le secteur, c'était M. Welch qui avait appelé pour qu'on fasse sortir M. Farrows-Shelley de la cellule. En faisant sortir le détenu Farrows-Shelley de la cellule, l'agent Hutchison a remarqué des taches de sang et une égratignure sur la poitrine du demandeur, une entaille au cou, du côté gauche, et une petite plaie punctiforme dans le haut du dos, à gauche. On a également fait sortir M. Welch de la cellule; il saignait au poignet droit et aux jointures gauches. La cellule a été verrouillée. À cause de l'exposition au sang, on a appelé l'hôpital de l'établissement. Les deux détenus ont été placés dans des unités distinctes, où une infirmière les a vus et soignés. Le détenu Farrows-Shelley a ensuite été envoyé à l'hôpital général de Belleville pour que ses blessures soient traitées et pour que l'on suive le protocole post-exposition.

      Le demandeur a témoigné que, pendant qu'il se débattait pour maîtriser M. Welch et après l'empoignade, il craignait de contracter les maladies [TRADUCTION] « hématogènes » dont M. Welch était, croyait-il, atteint. Le demandeur a témoigné qu'antérieurement, il avait été incarcéré au pénitencier de Kingston en même temps que M. Welch. À Kingston, le demandeur ne connaissait pas M. Welch, mais il [TRADUCTION] « ava[it] entendu parler de lui » :

[TRADUCTION] Je savais qu'il était homosexuel et je savais qu'il avait des problèmes de santé [...] Au pénitencier de Kingston, tous les mardis et tous les jeudis, à 14 h, les gens qui sont atteints du VIH, d'une hépatite vont chercher leurs médicaments au poste médical. Je travaille dans la cuisine et je circule à peu près partout, dans les différentes rangées et ainsi de suite, pour voir ce qui se passe, et l'on voit ces gens qui font la queue. Or, M. Welch est toujours là avec un de mes amis, Malcolm Wheeler, qui est depuis lors décédé du SIDA. Par conséquent, au poste médical, à ce moment-là de la journée, il y a des médicaments pour ces gens-là [...].


      M. Farrows-Shelley a subi des analyses de sang les 28 juillet et 10 septembre 1999. Les analyses ont chaque fois donné un résultat négatif pour l'hépatite B et C et pour le VIH. Elles ont donné des résultats positifs pour l'hépatite A. Toutefois, selon le témoignage du docteur Liao, qui n'a pas été contredit dans la présente instance, le demandeur aurait pu contracter cette maladie au moins trois mois avant la date du premier test, le 28 juillet. De fait, l'avocat du demandeur a clairement dit qu'il n'avait pas l'intention de soutenir, pour le compte de son client, que M. Farrows-Shelley aurait contracté l'hépatite A de son compagnon de cellule. De plus, rien ne montre que le demandeur soit atteint de l'une quelconque des maladies qu'il impute à M. Welch ou qu'il ait contracté l'une de ces maladies.

      Fait plus important, à part les suppositions du demandeur, rien ne montre en fait que M. Welch soit atteint d'une hépatite ou du VIH. Ce que nous savons, et le défendeur reconnaît la chose, c'est que M. Welch a dit à l'agent Normington, soit l'agent, à Warkworth, qui a procédé à l'entrevue d'admission de M. Welch, qu'il était atteint d'une maladie transmissible et qu'il a peut-être même précisé de quelle maladie il s'agissait.

      Deb Chase travaille à Service correctionnel Canada. Au mois de juillet 1999, elle était l'un de cinq chefs d'unité, à Warkworth, et elle était notamment responsable de l'unité de réception. Elle a expliqué la procédure d'accueil et les facteurs qui sont pris en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si une cellule doit être partagée. Selon le témoignage de Mme Chase, les détenus qui sont transférés ont déjà été jugés aptes à faire partie de la population carcérale générale lorsqu'ils arrivent à l'établissement.


      Mme Chase a expliqué que le SGD est un système informatique qui s'applique dans tout le Service correctionnel et qui contient des renseignements au sujet des progrès accomplis par chaque détenu. Avant le transfèrement, l'agent de liberté conditionnelle, à l'établissement qui transfère le détenu, examine les antécédents du détenu et son profil; il procède à une évaluation du risque et examine d'autres circonstances; il consulte expressément le Système de gestion des détenus (le SGD) pour voir s'il y a incompatibilité par rapport à l'établissement dans lequel le détenu est transféré. En cas d'incompatibilité, le détenu n'est habituellement pas transféré dans cet établissement. Selon Mme Chase, compte tenu des réponses qui ont été données aux entrevues d'admission qui ont eu lieu avec M. Welch et avec M. Farrows-Shelley, il n'y avait pas lieu pour les agents d'admission de consulter le SGD.

      Plus précisément, SCC traite les renseignements d'ordre médical concernant un détenu comme des renseignements particuliers qui ne sont pas communiqués aux autres détenus ou de fait au personnel de l'établissement. La politique carcérale empêche quiconque à part les travailleurs médicaux d'avoir accès aux renseignements médicaux qui sont conservés à l'infirmerie et qui ne sont pas par ailleurs disponibles. Les agents d'admission dont la preuve a été soumise dans la présente instance, comme l'a confirmé Mme Chase, ont déclaré que les questions de santé sont traitées lors de l'accueil, uniquement afin de déterminer si le détenu a un problème de santé qui suscite une [TRADUCTION] « question de dignité personnelle » lui causant des inconvénients et de l'embarras, de sorte qu'il ne peut partager une cellule.


      Mme Chase a convenu qu'il y a des individus qui sont atteints du VIH dans la population carcérale générale, comme c'est le cas dans la société en général. En outre, un protocole est en place; il s'agit de la « directive 821 du commissaire » destinée à protéger les individus, y compris le personnel, contre une infection possible résultant d'un contact avec les liquides organiques d'individus qui peuvent transmettre des maladies. Tous les liquides exposés provenant du personnel et des détenus sont considérés comme s'il existait une maladie transmissible; des « précautions générales » sont prises, une équipe de biorisques étant notamment chargée de nettoyer le sang ou l'urine.

      Quelles sont les tendances violentes de M. Welch? Encore une fois, aucun élément de preuve n'a été soumis pour montrer que M. Welch avait une tendance à la violence plus marquée que la norme ou de fait que le demandeur lui-même. Selon la preuve fournie par SCC, toute tendance de ce genre aurait empêché de placer M. Welch dans un établissement à sécurité moyenne tel que Warkworth.

      L'avocat du demandeur a accordé beaucoup d'importance au conflit existant entre le directeur de [TRADUCTION] l' « établissement d'origine » , soit le pénitencier de Kingston, et celui de l'établissement de Warkworth, au sujet du transfèrement de M. Welch, un conflit qui a finalement été réglé par l'administrateur régional.

      Le directeur de l'établissement de Warkworth aurait refusé le transfèrement de M. Welch; voici ce qu'il a fait savoir par écrit :

[TRADUCTION] Il n'existe aucune incompatibilité par rapport à d'autres établissements à sécurité moyenne de la région de l'Ontario, mais étant donné que M. Welch est un prédateur, il ne convient pas de le placer à Warkworth compte tenu du profil de la population.


Dans la décision finale par laquelle il a approuvé le transfèrement, l'administrateur régional dit que [TRADUCTION] « l'examen du cas n'étaye pas les commentaires qui ont été faits par l'établissement de Warkworth » et plus loin dans le même rapport :

[TRADUCTION] [...] À l'établissement de Kingston, il a fallu par le passé protéger dans une certaine mesure M. Welch [...] parce qu'on le considérait comme une « proie » plutôt que comme un prédateur. Rien ne permet de le désigner comme un prédateur, de sorte que Warkworth est l'environnement qui convient par opposition à un autre établissement à sécurité moyenne.

      Quant aux antécédents de M. Welch à Warkworth, la preuve non contredite de SCC montre qu'il n'existe aucun compte rendu documenté de quelque altercation ou sortie violente de la part de Leonard Welch, entre le moment où il est arrivé à l'établissement, le 2 juin 1999 et le 27 juillet 1999.


      De fait, selon la preuve, il est fort peu probable que M. Welch ait pu être l'auteur d'actes de violence ou d'intimidation envers M. Farrows-Shelley. Comme un grand nombre de criminels de l'établissement, les antécédents violents du demandeur allaient de pair avec ceux de M. Welch. M. Farrows-Shelley avait antérieurement été rangé dans la catégorie des délinquants dangereux et avait été incarcéré dans un établissement à sécurité maximale. À la date de l'instruction, M. Farrows-Shelley purgeait sa deuxième peine pénitentiaire à Warkworth. Il avait notamment été déclaré coupable d'homicide involontaire coupable, d'agression sexuelle causant des lésions corporelles, de tentatives d'égorgement et d'avoir poignardé un homme quarante-cinq fois. Il vaut également la peine de noter la taille relative des deux hommes. Leonard Welch serait un homme de petite taille; mesurant cinq pieds et sept pouces et demi et pesant 151 livres. De son côté, M. Farrows-Shelley mesure cinq pieds et onze pouces et pèse 190 livres.

      Il est certain que M. Farrows-Shelley n'aimait pas Leonard Welch, comme il l'admet lui-même. Le demandeur n'aimait pas loger avec M. Welch [TRADUCTION] « à cause de son comportement » et à cause de [TRADUCTION] « la façon dont il s'occupait de lui-même » . M. Farrows-Shelley affirme que M. Welch ne prenait jamais de douche. M. Welch était apparemment en outre un individu d'humeur changeante et, de toute évidence, il était de mauvaise humeur lorsqu'il est entré dans la cellule, vers 22 h, le soir où l'altercation a eu lieu.


      Au cours du témoignage du demandeur, il a été à plusieurs reprises possible de contester sa crédibilité. Au lieu d'en parler d'une façon détaillée, je m'arrêterai au compte rendu que le demandeur a fait au sujet de ce qui a été à l'origine de l'altercation qu'il a eue avec M. Welch. Dans son affidavit, M. Farrows-Shelley affirme qu'il est descendu de son lit pour éteindre la lumière et que l'attaque violente à laquelle M. Welch s'est livrée l'a surpris. Or, cela va à l'encontre du comportement du demandeur pendant le contre-interrogatoire. En effet, la fureur du demandeur, lorsque M. Welch l'avait injurié, était encore manifeste à l'instruction lorsqu'il a relaté ce qui s'était passé ce soir-là; pendant qu'il témoignait, il s'est même levé. Je doute qu'une fois sa colère éveillée, M. Farrows-Shelley soit simplement [TRADUCTION] « sorti » de son lit. Il s'est probablement levé soudainement et d'une façon agressive et il a abouti, comme il l'affirme, tout près de M. Welch. C'est probablement lui qui a pris M. Welch par surprise plutôt que le contraire.

      Je ne doute aucunement que M. Farrows-Shelley ait provoqué la réaction de M. Welch et qu'il soit l'artisan de sa propre infortune. Je conclus que l'incident du 27 juillet a été causé par les événements qui s'étaient produits ce soir-là et qu'il est impossible de l'attribuer aux tendances injustifiées de M. Welch à la violence, au sujet desquelles, comme je l'ai dit, aucune preuve n'a été fournie.

ANALYSE ET CONCLUSION

      L'avocat du demandeur soutient que la présente affaire devrait constituer une cause type visant à étendre la portée du droit, en reconnaissant que l'obligation de donner un avertissement est distincte de l'obligation de protection. Si je comprends bien, le demandeur considère que la jurisprudence à ce jour tend à imposer la charge au détenu, de sorte que l'obligation de protection est uniquement déclenchée lorsque le détenu lui-même donne un avertissement au sujet d'un danger imminent.


Cette nouvelle obligation tirerait apparemment son origine du jugement rendu en 1976 par la Cour suprême de la Californie dans l'affaire Tarasoff c. Regents of University of California (1976), 17 Cal. 3d 425. On a également cité pour le compte du demandeur les décisions suivantes : Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, Cour européenne des droits de l'homme; Edwards c. Royaume-Uni, 12 mars 2002, Cour européenne des droits de l'homme; Jane Doe c. Metropolitan Toronto (Municipality) Commissioners of Police, [1998] O.J. no 2681, 39 O.R. (3d) 487, (Div. gén. Cour de l'Ont.) et Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455 (CSC).

      À mon avis, l'obligation de donner un avertissement n'est pas une obligation distincte mais constitue plutôt un élément de l'obligation de protection. La Cour d'appel de l'Ontario souligne la chose comme suit à la page 26 de l'arrêt Jane Doe, précité :

[TRADUCTION] À mon avis, la police a manqué d'une façon flagrante à son obligation de protéger ces femmes et, en particulier, la demanderesse contre le violeur en série qui, comme la police le savait, se trouvait dans les parages, en omettant de les avertir, de façon qu'elles aient la possibilité de prendre des mesures en vue de se protéger.

Ceci dit, aucun avertissement n'était à mon avis justifié eu égard aux circonstances. Lorsqu'il est arrivé à Warkworth, on a demandé au demandeur s'il y avait des détenus incompatibles, de sorte qu'il ne pouvait pas faire partie de la population générale. M. Farrows-Shelley a reconnu qu'il n'y en avait pas, mais il maintient qu'il a demandé à ne pas être placé avec M. Welch. L'agent McCrory affirme ne pas s'en souvenir. L'examen du journal de l'unité de réception ne permet de découvrir aucune plainte de la part d'un ou l'autre des compagnons de cellule au sujet de la double occupation ou de problèmes possibles entre les deux hommes.

      J'ai déjà souligné que le demandeur ne s'est pas acquitté de l'obligation de démontrer que Leonard Welch avait des tendances violentes. De fait, j'ai conclu qu'en fait c'est le demandeur qui a provoqué l'agression et que la provocation était à l'origine de l'altercation.


      Quant aux présumées maladies hématogènes dont M. Welch serait atteint, le demandeur suppose simplement, compte tenu du fait qu'il avait vu M. Welch dans la queue des détenus qui devaient recevoir des médicaments au pénitencier de Kingston, que ce dernier était atteint du VIH et d'une hépatite. Il n'a pas été prouvé dans la présente instance qu'en fait, M. Welch était atteint de l'une ou l'autre maladie. Bill Normington, l'agent d'accueil à qui M. Welch avait « volontairement » fourni des renseignements au sujet de son état de santé n'était pas tenu de transmettre ces renseignements à M. Farrows-Shelley ou d'avertir M. Farrows-Shelley. Premièrement, M. Farrows-Shelley en « savait » autant que l'agent Normington au sujet de la présumée maladie de M. Welch. De fait, Deb Chase signale que M. Welch avait peut-être un motif caché de transmettre à un agent d'accueil des renseignements au sujet des présumées maladies.

      Fait plus important, la politique de SCC prévoit clairement que les renseignements médicaux concernant un détenu sont traités comme des renseignements personnels. Le droit à la vie privée contrebalance la protection fournie à la population carcérale par l'application d'une politique de précautions générales, qui est suivie dans tous les cas lorsque des liquides organiques sont exposés. En outre, Mme Chase a également clairement dit que la décision de permettre à un individu de faire partie de la population générale, compte tenu notamment des considérations liées à la santé, est prise avant que le transfèrement à un établissement tel que Warkworth soit approuvé. Il n'y avait pas lieu pour l'agent Normington d'enquêter ou de vérifier les renseignements sur l'état de santé; l'agent Normington n'était pas autorisé à le faire et encore moins à divulguer ces renseignements, erronés ou non, à qui que ce soit.


      Eu égard aux faits de l'affaire, SCC n'était pas tenu d'avertir M. Farrows-Shelley puisque le demandeur ne s'est pas acquitté de l'obligation de prouver les éléments les plus fondamentaux nécessaires pour qu'il soit possible de conclure à l'existence d'une obligation de donner un avertissement, à savoir le danger clair et prévisible auquel il serait exposé s'il occupait la même cellule que M. Welch, danger que SCC aurait connu.

      Étant donné que rien ne permet de conclure à la responsabilité, je n'ai pas à examiner la question des dommages-intérêts. Toutefois, je tiens à faire remarquer que le demandeur n'a pas prouvé qu'il avait subi un préjudice, à part de légères lésions et lacérations, et certainement pas un préjudice résultant d'une infection ou d'un trouble émotionnel.

JUGEMENT

1.          L'action est rejetée.


2.          Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, elles pourront présenter de brèves observations au sujet des dépens dans les vingt (20) jours qui suivront la date du jugement.

                          « Roza Aronovitch »                          

Protonotaire                                 

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               T-826-00

INTITULÉ :                                              WILLIAM FARROWS-SHELLEY

et

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 8 OCTOBRE 2002

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                 MADAME LE PROTONOTAIRE ARONOVITCH

DATE DU JUGEMENT :                      LE 8 AVRIL 2003

COMPARUTIONS :

M. J. L. HILL                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Mme SUZANNE DUNCAN                                                  POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat                                                                                     POUR LE DEMANDEUR

127, avenue Bishop

Toronto (Ontario)

M2M 1Z6

M. Morris Rosenberg                                                              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

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