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Date : 20200106


Dossier : IMM‑5253‑18

Référence : 2020 CF 13

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2020

En présence de monsieur le juge James W. O’Reilly

ENTRE :

MARY GRACE DE GUZMAN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Mary Grace De Guzman, originaire des Philippines, est arrivée au Canada en 2016 munie d’un visa de visiteur. Elle a voyagé avec ses employeurs, qui l’avaient engagée à Dubaï comme domestique. Les employeurs ont affirmé qu’ils passaient deux mois, en vacances, au Canada. Peu après leur arrivée, les employeurs ont révélé qu’ils prévoyaient rester au Canada de façon permanente. Mme De Guzman n’avait pas de permis de travail.

[2]  En octobre 2017, Mme De Guzman a quitté son emploi et est allée vivre chez un oncle à Vancouver. Là‑bas, elle s’est installée dans une résidence pour victimes de la traite des personnes. Elle a suivi une thérapie pour des symptômes du trouble de stress post‑traumatique (TSPT).

[3]  Mme De Guzman a déposé une plainte contre ses employeurs auprès de l’Employment Standards Branch de la Colombie‑Britannique. Elle a obtenu un permis de séjour temporaire (PST) de 180 jours à titre de victime de la traite des personnes (VTP) et un permis de travail ouvert (PTO) correspondant. Sa plainte a été réglée sur consentement en 2018.

[4]  Mme De Guzman est ensuite allée travailler dans un restaurant et a fait une demande de PST ‑ VTP et de PTO supplémentaires, ou, à défaut, de permis de résidence et de travail réguliers. Un agent d’immigration a refusé ses demandes, estimant qu’il était raisonnablement sûr et possible pour elle de retourner aux Philippines où elle avait travaillé auparavant et où elle bénéficiait du soutien de sa famille. L’agent a souligné que Mme De Guzman y serait protégée contre toutes représailles de la part de ses anciens employeurs. De plus, elle avait reçu l’appui d’organismes canadiens pendant plusieurs mois, elle avait bénéficié de services de counseling, et avait obtenu un montant de 16 500 $ à titre de règlement quant à sa plainte en matière d’emploi.

[5]  En ce qui concerne la demande de permis de résidence et de travail réguliers de Mme De Guzman, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas lieu de les lui accorder. Mme De Guzman a réglé la plainte contre ses anciens employeurs et, bien qu’elle fût également insatisfaite de son traitement au restaurant, elle n’a pas déposé de plainte contre celui‑ci.

[6]  Mme De Guzman soutient que la décision de l’agent était déraisonnable, parce qu’elle ne tenait pas compte d’éléments de preuve importants, à savoir son diagnostic de TSPT et ses allégations de mauvais traitements par ses employeurs au restaurant. Elle me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner à un autre agent de réexaminer sa demande.

[7]  Je conviens avec Mme De Guzman que l’agent n’a pas tenu compte d’éléments de preuve importants jouant en sa faveur, ce qui a donné lieu à une conclusion déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  La conclusion de l’agent était‑elle déraisonnable?

[8]  Le ministre soutient que la décision de l’agent était raisonnable, parce que rien ne justifiait l’octroi de permis pour VTP supplémentaires. En outre, l’agent n’a pas omis de tenir compte de la preuve démontrant que Mme De Guzman présentait des symptômes de TSPT ou qu’elle pouvait avoir été exploitée par ses employeurs au restaurant. L’agent a conclu que Mme De Guzman avait reçu du counseling psychologique et qu’elle n’avait pas déposé de plainte contre le restaurant.

[9]  Je ne souscris pas aux observations du ministre.

[10]  L’agent a reconnu que Mme De Guzman avait reçu du counseling pendant plusieurs mois et qu’elle avait demandé qu’on lui accorde du temps pour obtenir du counseling supplémentaire. Toutefois, l’agent n’a pas évalué le bien‑fondé de la demande de Mme De Guzman de bénéficier d’un délai pour obtenir du counseling supplémentaire, ni examiné la question de l’accès à des services de counseling adéquats aux Philippines.

[11]  De plus, en ce qui concerne les permis pour VTP, l’agent n’a pas tenu compte des allégations de Mme De Guzman concernant les abus commis par les employeurs du restaurant ni répondu à sa demande en vue qu’on lui accorde du temps pour déposer un rapport contre eux.

[12]  Par conséquent, compte tenu de la preuve, la conclusion de l’agent était déraisonnable.

III.  Conclusion et décision

[13]  L’agent, n’ayant pas tenu compte d’éléments de preuve importants, a rendu une décision déraisonnable quant aux demandes de Mme De Guzman. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire. Ni l’une ni l’autre des parties ne m’a demandé de certifier une question de portée générale et je n’en énoncerai aucune.

 


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5253‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de janvier 2020.

 

Maxime Deslippes


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5253‑18

 

INTITULÉ :

MARY GRACE DE GUZMAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 juin 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

 

LE 6 JANVIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Natalie Drolet

 

Pour lA DEMANDERESSE

 

Kimberly Sutcliffe

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Migrant Workers Centre

Avocats

Vancouver (C.‑B.)

 

Pour lA DEMANDERESSE

 

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

 

Pour le défendeur

 

 

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