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Date : 20200110


Dossier : IMM-2961-19

Référence : 2020 CF 31

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

KAMALJEET KAUR SAGGU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande de contrôle judiciaire, présentée au titre de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], concerne une décision rendue par un agent à l’égard d’une demande de permis de travail et de rétablissement du statut de résident temporaire.

[2]  La décision officielle se résume à un paragraphe :

[traduction] 
Les étudiants étrangers au Canada sont admissibles à recevoir un permis de travail après l’obtention d’un diplôme s’ils présentent une demande dans les 90 jours suivant la délivrance d’un avis les informant qu’ils ont satisfait à toutes les exigences de leur programme d’études. Comme votre demande n’a pas été postée dans le délai prescrit, vous n’êtes pas admissible à recevoir un permis de travail au titre de cette catégorie.

Il est également mentionné dans la lettre de décision que la demanderesse est sans statut et qu’elle doit donc quitter le Canada immédiatement.

[3]  Les motifs de cette décision sont par ailleurs énoncés dans les notes du Système mondial de gestion des cas (le SMGC), dont il est question dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au par. 44. Le passage suivant est tiré de l’unique paragraphe figurant dans les notes du SMGC :

[traduction] 
La cliente n’a pas respecté la condition imposée en vertu de l’alinéa 185a) du Règlement selon laquelle elle devait quitter le Canada au plus tard le 18 décembre 2018. Conformément à l’alinéa 47a) de la Loi, la cliente a perdu son statut de résident temporaire. La cliente a présenté une demande de rétablissement et elle y est admissible conformément à l’article 182 du Règlement. Sa demande de permis de travail a été rejetée au titre du sous-alinéa 205c)(ii) du Règlement. La cliente a présenté une demande de PTPD [permis de travail postdiplôme], à laquelle elle a joint ses relevés de notes et une lettre du Douglas College indiquant qu’elle a terminé son programme d’études post-baccalauréales en informatique et systèmes d’information d’une durée de deux ans et qu’elle a obtenu son diplôme le 24 août 2018. Selon les critères d’admissibilité au Programme de PTPD, la cliente devait présenter une demande de dispense C43 dans les 90 jours suivant l’achèvement de son programme d’études. Il semble que la cliente a présenté sa demande de dispense C43 après la période d’admissibilité de 90 jours puisque sa demande a été reçue le 24 janvier 2019.

Essentiellement, il a été décidé que, pour satisfaire à l’exigence applicable à l’obtention d’un permis de travail postdiplôme, la demande d’un tel permis doit être présentée dans les 90 jours suivant l’achèvement du programme d’études. Comme la demanderesse a terminé son programme d’études le 24 août 2018, elle devait déposer sa demande dans les 90 jours suivant cette date. Sa demande a été rejetée étant donné qu’elle a été reçue le 24 janvier 2019, soit bien après la période d’admissibilité de 90 jours.

[4]  Un exposé chronologique des faits pourrait être utile pour comprendre la présente affaire :

  • 13 août 2015 : Mme Saggu arrive au Canada à titre d’étudiante étrangère titulaire d’un permis d’études;

  • 24 août 2018 : Mme Saggu obtient son diplôme après avoir terminé un programme d’études en informatique et systèmes d’information d’une durée de deux ans au Douglas College;

  • 10 septembre 2018 : Selon une lettre du bureau du registraire, Mme Saggu a satisfait à toutes les exigences du programme d’études post-baccalauréales en informatique et systèmes d’information d’une durée de deux ans et a obtenu son diplôme le 24 août 2018;

  • 12 octobre 2018 : Mme Saggu présente une demande de permis de travail postdiplôme;

  • 18 décembre 2018 : Un agent du Centre de traitement des demandes de Vegreville rejette la demande de permis de travail postdiplôme de Mme Saggu parce qu’elle n’a pas fourni les documents requis concernant l’achèvement de son programme d’études;

  • 12 janvier 2019 : Mme Saggu présente une demande de permis de travail postdiplôme et de rétablissement du statut;

  • 24 janvier 2019 : Le défendeur reçoit la demande de dispense C43 de Mme Saggu;

  • 26 avril 2019 : Un agent du Centre de traitement des demandes d’Edmonton rejette la demande de permis de travail et de rétablissement du statut de résident temporaire de Mme Saggu.

[5]  Fondamentalement, la demande de PTPD (permis de travail postdiplôme) de Mme Saggu a été rejetée parce qu’elle a été présentée après la période d’admissibilité de 90 jours. En effet, la demande complète de Mme Saggu a été reçue 153 jours après l’achèvement de son programme d’études le 24 août 2018. La demanderesse prétend que les règles qui ont été appliquées sans réelle souplesse à sa demande sont injustes et que sa demande devrait être assujettie aux nouveaux critères du Programme de permis de travail postdiplôme qui sont entrés en vigueur le 14 février 2019. Plus particulièrement, la demanderesse affirme qu’un délai de 180 jours aurait dû lui être accordé à partir du moment où elle a reçu la confirmation de son établissement d’enseignement qu’elle avait satisfait aux exigences de son programme d’études. Si un tel délai lui avait été accordé, sa deuxième demande, qui a été présentée le 24 janvier 2019, aurait été reçue bien avant la fin de la période d’admissibilité de 180 jours.

[6]  Pour étayer sa demande, la demanderesse s’appuie largement sur la nature du changement de politique du 14 février 2019, qui devait faciliter le traitement des demandes. De plus, l’agent aurait dû faire preuve de souplesse compte tenu de l’objectif de ce changement, qui était de faciliter le traitement de ce type de demandes. En fait, la demanderesse soutient que l’agent aurait dû exercer en sa faveur le pouvoir discrétionnaire dont il jouissait, compte tenu en particulier du fait qu’une première demande avait été présentée bien avant la fin de la période d’admissibilité de 90 jours qui s’appliquait avant le 14 février 2019. Enfin, la demanderesse affirme que l’ancienne règle a été appliquée rétroactivement, ou rétrospectivement, à sa demande au lieu du nouveau critère d’admissibilité de 180 jours.

[7]  Malheureusement pour la demanderesse, elle n’a pas tenu compte de la remarque importante qui se trouve sur la page d’accueil du Programme de permis de travail postdiplôme, laquelle remarque constitue la pièce A de l’affidavit de Vivian Yiu daté du 9 juillet 2019. En fait, la demanderesse n’a pas contesté l’existence de cette remarque très importante, qui se lit comme suit :

Remarque importante : Les lignes directrices qui suivent sont entrées en vigueur pour toutes les demandes de permis de travail postdiplôme reçues à compter du 14 février 2019. Les lignes directrices antérieures s’appliquent à toutes les demandes reçues avant le 14 février 2019. Les demandeurs de permis de travail postdiplôme qui se sont vus refuser le permis de travail en fonction des lignes directrices antérieures peuvent présenter une nouvelle demande en vertu des nouvelles lignes directrices à compter du 14 février 2019, s’ils remplissent les critères de recevabilité.

[En caractères gras dans l’original.]

[8]  S’il est vrai que la première phrase de cette remarque pourrait être considérée comme ambiguë par certains demandeurs, la deuxième phrase ne peut, à mon avis, être plus claire : « Les lignes directrices antérieures s’appliquent à toutes les demandes reçues avant le 14 février 2019 ». L’argument de la demanderesse ne tient donc pas. Les agents d’immigration ont pour instruction d’appliquer le critère d’admissibilité de 90 jours aux demandes de permis de travail qui ont été présentées avant le 14 février 2019. Tel est le cas de la demanderesse en l’espèce.

[9]  On ne peut affirmer que l’agent jouissait d’un pouvoir discrétionnaire qui n’existe pas. L’objet de la politique qui a été mise en place pour faciliter le traitement des demandes, son libellé (dans les deux langues officielles) et son contexte ne donnent pas lieu à l’interprétation, car la politique est très claire. L’argument selon lequel la demanderesse s’attendait légitimement à ce que l’ancienne politique soit appliquée de façon rétroactive ou rétrospective à sa demande est tout simplement inappropriée. La politique n’a aucun effet rétroactif puisqu’elle dispose que les règles antérieures au 14 février 2019 s’appliquent aux demandes qui ont été présentées avant le 14 février 2019. En effet, le ministre enjoint à ces agents d’adopter une façon de faire précise et l’agent saisi du dossier en l’espèce a simplement appliqué la politique comme il se doit. Pour qu’il y ait un effet rétroactif, ou rétrospectif, la nouvelle politique qui est entrée en vigueur après le 14 février 2019 aurait dû être appliquée rétrospectivement aux faits qui se sont produits avant cette date. Le fait qu’une première demande a été rejetée pendant la période de 90 jours ne change rien au fait que la nouvelle demande a été présentée bien après la période de 90 jours.

[10]  En juillet 2019, la demanderesse était au courant de l’existence de la nouvelle politique et de la période d’admissibilité restreinte qui y est prévue. Le mémoire du défendeur est fondé sur les instructions relatives à l’exécution du programme du 14 février 2019, dont la date butoir est claire. Les observations présentées au nom de la demanderesse ne contenaient aucun argument qui aurait permis de contester l’énoncé de la politique. En fait, rien n’a été contesté.

[11]  Le principe de l’absence de pouvoir discrétionnaire et de la nécessité de respecter les instructions relatives à l’exécution du programme a été appliqué par la Cour dans un certain nombre d’affaires. Ce principe a été établi dans la décision Nookala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1019 (et les décisions qui l’ont suivie : Osahor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 666; Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 572; Ofori c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 212). En effet, au paragraphe 12 de cette décision, la juge Mactavish, qui siégeait alors à la Cour, a déclaré ce qui suit :

[12]  Le document relatif au programme en cause en l’espèce établit les critères qu’un candidat doit satisfaire pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme. Même si ce document contient également de l’information et des directives sur la manière d’administrer le programme, rien dans ce document ne confère aux agents de l’immigration le pouvoir de modifier les critères d’admissibilité du programme. En conséquence, l’agent de l’immigration n’a nullement entravé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a déterminé que M. Nookala devait détenir un permis d’études valide pour obtenir un permis de travail au titre du Programme de travail postdiplôme.

[En italique dans l’original.]

[12]  J’ai examiné l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, dans lequel des modifications au cadre applicable aux affaires de droit administratif sont présentées. La Cour suprême a confirmé la présomption selon laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Cette norme a été appliquée en l’espèce. De plus, la Cour a donné des indications quant aux éléments qui rendent une décision déraisonnable. En l’espèce, le libellé de la politique était très clair et la politique a été appliquée comme il se doit.

[13]  À défaut d’arguments à l’effet contraire, je n’ai d’autre choix que d’appliquer la jurisprudence bien établie de la Cour. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier au titre de l’article 74 de la LIPR.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2961-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de janvier 2020

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2961-19

INTITULÉ :

KAMALJEET KAUR SAGGU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (onTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 18 décembre 2019

jUGEMENT ET MOTIFS :

le juge ROY

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

le 10 janvier 2020

COMPARUTIONS :

Veena C. Gupta

pour la demanderesse

Margherita Braccio

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nanda & Lawyers Professional Corporation

Avocats

Mississauga (Ontario)

pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

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