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Date : 20191119


Dossier : T‑210‑12

Référence : 2019 CF 1452

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2019

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

ENTRE :

JENNIFER MCCREA

représentante demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF

DU CANADA

défenderesse

et

WIOLETTA PEH

demanderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

 

[1]  La demanderesse, Wioletta Peh, sollicite le contrôle d’une décision concernant une demande de prestations en vertu de l’article 8 de l’entente de règlement qui a été conclue dans le cadre du présent recours collectif et qui a été approuvée par madame la juge Kane dans les motifs de son jugement daté du 29 janvier 2019. Mme Peh sollicite le contrôle de la décision du 1er août 2019, par laquelle l’administrateur du recours collectif portant sur les prestations de maladie de l’assurance‑emploi a rejeté une partie de sa demande de prestations de maladie.

[2]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que Mme Peh ne satisfait pas à la définition du groupe et que, par conséquent, la décision de l’administrateur doit être confirmée.

I.  Le contexte

[3]  Le contexte du recours collectif sous‑jacent est décrit en détail dans les décisions McCrea c Canada (Procureur général), 2013 CF 1278, [2013] ACF no 1444 [McCrea 2013], et McCrea c Canada (Procureur général), 2015 CF 592, [2015] ACF no 1225 (QL) [McCrea 2015], ainsi que dans l’ordonnance et les motifs de madame la juge Kane datés du 29 janvier 2019.

[4]  En somme, il s’agit d’un recours collectif fondé sur une prétention formulée par la représentante demanderesse, à savoir que certaines personnes, dont elle‑même, tombées malades alors qu’elles touchaient des prestations parentales, se sont vu refuser illégalement des prestations de maladie sous le régime de la Loi sur l’assurance‑emploi. Le recours collectif a été autorisé, mais la définition du groupe a été modifiée. La Cour a refusé d’élargir la définition du groupe pour qu’elle s’applique aux personnes qui, au cours de la période visée, « ont été informées de vive voix ou par écrit par la défenderesse, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail, et qui se sont, pour cette raison, abstenues de présenter une demande de congé de maladie ».

[5]  Pour les besoins de la présente demande, il est essentiel d’examiner les détails de l’entente de règlement, sa mise en œuvre et le processus relatif aux demandes de contrôle.

[6]  Le paragraphe 4.02 de l’entente de règlement définit le groupe ainsi :

Toutes les personnes qui, au cours de la période du 3 mars 2002 au 23 mars 2013 inclusivement, ont :

i)  demandé et reçu des prestations parentales en vertu de la Loi ou des types de prestations correspondants en vertu de la Loi sur l’assurance parentale du Québec;

ii)  été malades, blessées ou mises en quarantaine pendant qu’elles recevaient des prestations parentales;

iii)  demandé des prestations de maladie relativement à la maladie, à la blessure ou à la mise en quarantaine en cause au point ii);

iv)  vu leur demande de conversion des prestations parentales en prestation de maladie refusée pour l’une des deux raisons suivantes :

a)  elles n’étaient pas autrement disponibles pour travailler;

b)  elles n’avaient pas auparavant reçu de prestations de maladie pendant au moins une semaine au cours de la période de prestations parentales.

[7]  Suivant le paragraphe 5.01 de l’entente de règlement, toute personne en mesure d’établir qu’elle répond à la définition du groupe et ayant touché moins de 15 semaines de prestations de maladie au cours de la période de prestations durant laquelle la demande originale de conversion en prestations de maladie a été présentée est admissible à un « paiement individuel » (au sens de l’entente de règlement).

[8]  Selon l’entente de règlement, certaines personnes qui ont été identifiées à l’issue du projet d’examen des dossiers sont réputées être des membres du groupe admissibles. Pour ce qui est des personnes n’ayant pas été identifiées à l’issue de ce projet, il est nécessaire d’établir qu’elles satisfont à la définition du groupe. Le paragraphe 5.03 de l’entente de règlement stipule ce qui suit :

Le cas échéant, les demandeurs qui n’ont pas été identifiés comme membres du groupe à l’issue du projet d’examen des dossiers seront admissibles s’il est établi qu’ils satisfont à la définition de groupe sur la base de preuve d’une demande de conversion en prestations de maladie dans le dossier de EDSC dans a) les renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations; b) la liste de vérification des demandes de conversion utilisée pendant la période visée par le recours collectif; ou c) un autre dossier tenu par EDSC. Subsidiairement, EDSC prendra en compte un élément de preuve documentaire fournie [sic] par un demandeur qui atteste la présentation d’une demande de conversion.

[9]  L’article 7 de l’entente de règlement décrit le processus d’administration des demandes à  l’intention des personnes souhaitant présenter une demande de prestation au titre de l’entente de règlement. L’administrateur traite toutes les demandes et rend des décisions écrites qu’il communique aux demandeurs.

[10]  Suivant l’article 8 de l’entente de règlement, un demandeur peut demander à la Cour fédérale le contrôle de la décision de l’administrateur si celui‑ci détermine que la demande n’est pas fondée et refuse au demandeur un paiement individuel.

[11]  Le paragraphe 8.05 de l’entente de règlement stipule que le protonotaire désigné de la Cour fédérale détermine si le demandeur est ou n’est pas un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement) et, selon l’issue du processus, soit maintient la décision de l’administrateur, soit infirme la décision de l’administrateur et lui renvoie la demande afin qu’il procède au calcul et au traitement du paiement individuel auquel le membre du groupe a droit.

II.  La décision de l’administrateur

[12]  Le 14 février 2019, la demanderesse a présenté à l’administrateur une demande de prestations de maladie pour les trois périodes suivantes : a) du 26 mai  2008 au 4 août 2009; b) du 12 mai 2010 au 2 septembre 2011; c) du 22 août 2012 au 21 janvier 2013.

[13]  Selon les éléments de preuve dont dispose la Cour, la demanderesse a présenté deux demandes de prestations de maternité ou de prestations parentales de l’assurance‑emploi durant les deux périodes déclarées de maladie, soit en juin 2008 et en mai  2010.

[14]  Dans une lettre datée du 1er août 2019, l’administrateur a rejeté en partie la demande de la demanderesse. Dans sa décision, il écrit ce qui suit :

[traduction]

 

Période de prestations d’AE commencée le 16 mai 2010

Après un examen approfondi, nous avons conclu que vous avez droit à un paiement individuel pour la période de prestations d’assurance‑emploi commencée le 16 mai 2010, conformément à l’entente de règlement approuvée. Un paiement vous a été versé pour une période de 8 semaines à un taux de prestations de 437,00 $ par semaine, ce qui porte à 3 496 $ le montant total brut de votre paiement. Les impôts applicables seront déduits de ce montant.

Période de prestations d’AE commencée le 22 juin 2008

Nous avons également déterminé que vous n’étiez pas admissible à un paiement individuel, conformément à l’entente de règlement approuvée, relativement à la période de prestations d’assurance‑emploi commencée le 22 juin 2008 parce que vous n’avez pas demandé de prestations de maladie de l’assurance‑emploi alors que vous touchiez des prestations parentales de l’assurance‑emploi ou des prestations équivalentes au titre de la Loi sur l’assurance parentale (RQAP) du Québec.

III.  Analyse

[15]  Dans le formulaire de demande de contrôle de la décision relative aux prestations qu’elle a rempli, la demanderesse sollicite le contrôle de la décision de l’administrateur pour les motifs suivants :

[Traduction]

J’étais malade et je ne savais pas si j’avais le droit de demander des prestations d’assurance‑emploi. Je devais rester au lit, et je n’étais pas physiquement en mesure de présenter une demande. J’ai parlé au téléphone avec un agent qui m’a informée que je ne pouvais pas demander de prestations d’assurance‑emploi.

[16]  Pour en arriver à ma décision, j’ai pris connaissance des documents produits par EDSC conformément au paragraphe 8.04 de l’entente de règlement ainsi que des observations écrites déposées par EDSC. La demanderesse n’a pas déposé d’autres observations écrites, et ce, même si elle a eu l’occasion de le faire. Par conséquent, les seules observations que j’ai reçues de la demanderesse sont les motifs de contrôle décrits au paragraphe 15 ci‑dessus.

[17]  Étant donné que la demande présentée par la demanderesse relativement à la période de prestations commencée le 16 mai 2010 a été accueillie, je n’ai pas besoin de m’y attarder ici. Le présent contrôle judiciaire portera donc principalement sur le rejet de sa demande de prestations pour la période de prestations commencée le 22 juin 2008.

[18]  Selon la preuve dont je dispose, la demanderesse a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi le 9 juin 2008 pour la période de prestations commencée le 22 juin 2008. Elle a reçu des prestations de maladie pendant 3 semaines, puis des prestations de maternité pendant 15 semaines, suivies de 35 semaines de prestations parentales et de 4 semaines supplémentaires de prestations de maladie.

[19]  Pour satisfaire à la définition du groupe, la demanderesse doit avoir présenté une demande de prestations de maladie relativement à une maladie, à une blessure ou à une mise en quarantaine survenue au cours de la période durant laquelle elle a touché des prestations parentales. Rien dans la preuve dont la Cour dispose, le dossier d’EDSC ou les éléments fournis par la demanderesse n’indique que celle‑ci a présenté une demande en vue de faire convertir ses prestations parentales en prestations de maladie pour la période de prestations commencée le 22 juin 2008.

[20]  Au contraire, dans ses observations écrites, la demanderesse confirme qu’elle n’a pas fait de demande de prestations de maladie parce qu’elle a parlé au téléphone à un agent qui lui a dit de ne pas présenter de demande. Comme il a été souligné précédemment, ne font pas partie du groupe décrit par la Cour les personnes qui ont été informées par la défenderesse, la Commission ou Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) qu’elles n’étaient pas admissibles à un congé de maladie, étant donné qu’elles étaient en congé parental ou qu’elles étaient autrement indisponibles au travail, et qui se sont, pour cette raison, abstenues de présenter une demande de congé de maladie. J’en conclus donc que la demanderesse n’est pas visée par la définition du groupe pour la période de prestations commencée le 22 juin 2008.

[21]  Je souligne également que la demande adressée à l’administrateur par la demanderesse comprenait une demande visant une troisième période de prestations, laquelle commençait le 22 août 2012. La décision de l’administrateur ne porte pas sur cette période de prestations, et les observations des parties non plus. Pour les besoins de la présente demande, je vais considérer que l’omission, par l’administrateur, de se prononcer sur cette période de prestations constitue un rejet de la demande de la demanderesse. Cependant, je ne dispose d’aucun document étayant l’existence d’une demande de prestations parentales d’assurance‑emploi qui aurait été présentée par la demanderesse à l’égard de cette période de prestations ni de la demande qui doit obligatoirement être présentée afin de convertir ces prestations en prestations de maladie. Par conséquent, j’en conclus que la demanderesse n’est pas visée par la définition du groupe pour cette période non plus.

[22]  Ayant statué que la demanderesse n’est pas visée par la définition du groupe pour les périodes de prestations commencées le 22 juin 2008 et le 22 août 2012, je conclus qu’elle n’est pas un membre admissible du groupe (au sens de l’entente de règlement). L’administrateur a correctement appliqué les paragraphes 4.02 et 5.03 de l’entente de règlement, et, par conséquent, sa décision est maintenue.

[23]  Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de la présente demande.


JUGEMENT dans le dossier T‑210‑12

  1. La décision de l’administrateur datée du 1er août 2019 en ce qui concerne la demande de Wioletta Peh est maintenue.

« Mandy Aylen »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de janvier 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :

T‑210‑12

 

INTITULÉ :

JENNIFER MCCREA C. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et WIOLETTA PEH

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE mandy aylen

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 19 NOVEMBRE 2019

 

AVOCATS INSRITS AU DOSSIER :

Steven J Moreau

Cavalluzzo LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour la représentante demanderesse

 

Christine Mohr

Ayesha Laldin

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

pour lA DÉFENDERESSE

 

Wioletta Peh

 

la demanderesse

 

 

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