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Date : 20031009

Dossier : T-1379-01

Référence : 2003 CF 1172

AFFAIRE INTÉRESSANT une révocation de la citoyenneté en vertu des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, modifiée

                                           ET une demande de renvoi à la Cour fédérale

         en vertu de l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, modifiée

ET un renvoi devant la Cour introduit en vertu de l'article 920 des Règles de la Cour fédérale

ENTRE :

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                             KRZYSZTOF WYSOCKI

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON


[1]                 Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a délivré un avis à M. Wysocki concernant la révocation de sa citoyenneté. Par cet avis, le ministre informait M. Wysocki de son intention de faire un rapport au gouverneur en conseil qu'il avait acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Plus précisément, le ministre a prétendu que M. Wysocki avait omis de révéler qu'il avait été accusé d'un acte criminel entre la date à laquelle il a demandé la citoyenneté et la date à laquelle il a prêté le serment de citoyenneté. M. Wysocki a demandé que l'affaire soit renvoyée devant la Cour.

HISTORIQUE

[2]                 M. Wysocki est né en Pologne le 9 juillet 1964 et a acquis le statut de résident permanent au Canada le 31 juillet 1990. Le 14 novembre 1994, il a demandé la citoyenneté canadienne. Le ministre et M. Wysocki conviennent que la demande de citoyenneté comprenait probablement un avertissement mentionnant que la citoyenneté canadienne n'était pas accordée ou qu'un serment de citoyenneté ne pouvait être prêté alors qu'un demandeur est accusé d'une infraction au Code criminel ou d'un acte criminel prévu par une loi du Parlement. Ils conviennent également que, le 2 mai 1995, M. Wysocki a signé un document devant une agente de la citoyenneté dans lequel il a déclaré qu'il n'avait fait l'objet d'aucune poursuite en matière pénale ou d'immigration depuis le dépôt de sa demande.


[3]                 Le 3 mai 1995, M. Wysocki a été accusé d'avoir commis une agression sexuelle qui est un acte criminel prévu à l'article 271 du Code criminel. La peine maximale prévue pour cette infraction est un emprisonnement maximal de dix ans. Le 11 mai 1995, un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté présentée par M. Wysocki. Le juge n'était pas au courant de cette accusation criminelle parce que M. Wysocki n'avait pas informé les agents de la citoyenneté de son existence. Les parties conviennent que la demande a été approuvée en se fondant sur une opinion erronée.

[4]                 Le 12 juin 1995, M. Wysocki a prêté le serment de citoyenneté et il est devenu citoyen canadien. En 1996, il a été reconnu coupable d'agression sexuelle et a été condamné à un an d'emprisonnement et à trois ans de probation. On lui a interdit de posséder des armes à feu, des munitions ou des substances explosives pour une période de 10 ans.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES


Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. 1985, ch. C-29

10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée :

Citizenship Act,

R.S.C. 1985, c. C-29

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,


a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée :

18. (1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.

(2) L'avis prévu au paragraphe (1) doit spécifier la faculté qu'a l'intéressé, dans les trente jours suivant sa date d'expédition, de demander au ministre le renvoi de l'affaire devant la Cour. La communication de l'avis peut se faire par courrier recommandé envoyé à la dernière adresse connue de l'intéressé.

(2) The notice referred to in subsection (1) shall state that the person in respect of whom the report is to be made may, within thirty days after the day on which the notice is sent to him, request that the Minister refer the case to the Court, and such notice is sufficient if it is sent by registered mail to the person at his latest known address.

(3) La décision de la Cour visée au paragraphe (1) est définitive et, par dérogation à toute autre loi fédérale, non susceptible d'appel.

(3) A decision of the Court made under subsection (1) is final and, notwithstanding any other Act of Parliament, no appeal lies therefrom.

22. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre de l'article 5 ou du paragraphe 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté :

22. (1) Notwithstanding anything in this Act, a person shall not be granted citizenship under section 5 or subsection 11(1) or take the oath of citizenship



b) tant qu'il est inculpé pour une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou pour un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, et ce, jusqu'à la date d'épuisement des voies de recours;

(b) while the person is charged with, on trial for or subject to or a party to an appeal relating to an offence under subsection 29(2) or (3) or an indictable offence under any Act of Parliament, other than an offence that is designated as a contravention under the Contraventions Act;


LA QUESTION EN LITIGE

[5]                 En bref, la question en litige consiste à savoir si M. Wysocki a fait une fausse déclaration quant à l'accusation criminelle portée contre lui à l'époque où il a prêté le serment de citoyenneté.

LA PREUVE

[6]                 Les parties ont présenté un recueil conjoint de pièces et chacune des parties a fait comparaître un témoin. Le ministre a fait comparaître Nicole Campbell, qui a travaillé comme agente de la citoyenneté entre1994 et 1997 et dont le rôle consistait à rencontrer les demandeurs dans le cadre d'une entrevue et à examiner leurs documents. Mme Campbell a examiné la demande de M. Wysocki en sa compagnie et a attesté sa signature. Elle n'a aucun souvenir personnel de M. Wysocki, mais elle a déclaré qu'elle suivait toujours la même procédure lorsqu'elle rencontrait les demandeurs en entrevue. Mme Campbell a témoigné que, sauf dans les cas où l'on devait effectuer un calcul du nombre de jours de résidence, les entrevues duraient environ quinze minutes. Elle avait pour habitude d'examiner chacune des parties de la demande avec le demandeur. Elle consacrait plus de temps à l'examen de certaines parties qu'à l'examen de certaines autres. Lorsqu'elle arrivait à la section G, elle la lisait à haute voix aux demandeurs. Cette section comprend, notamment, l'avertissement suivant : [...]

Une personne ne peut acquérir la citoyenneté canadienne, ni prêter le serment de citoyenneté si [...]


d) elle est inculpée pour une infraction à la Loi sur la citoyenneté, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité en vertu du Code criminel, ou un acte criminel tombant sous le coup d'une loi du Parlement [...]

[7]                 Mme Campbell a affirmé qu'elle portait une attention particulière aux interdictions prévues à la section H de la demande en raison de l'importance et de l'incidence potentielles qu'elles peuvent avoir sur un demandeur. Elle ne se contentait pas simplement de lire les diverses interdictions, elle veillait à définir et expliquer chacune d'entre elles dans des mots simples et clairs. Les initiales de Mme Campbell figuraient à la fin de la section H de la demande de M. Wysocki. Elle a déclaré que l'inscription de ses initiales lui permettait de vérifier si elle avait examiné avec le demandeur chacune des interdictions prévues.

[8]                 La question 18 de la section I de la demande comprend le serment suivant :

18. Je sais que, si je suis accusé(e) d'un acte criminel en vertu d'une loi canadienne ou visé(e) par une ordonnance de probation avant de prêter le serment de citoyenneté, je dois le faire savoir à l'agent de la citoyenneté.

Je comprends les questions du présent formulaire et j'atteste que les déclarations faites ici sont vraies et exactes.

[9]                 Les signatures de M. Wysocki et de Mme Campbell figurent juste en dessous de la question 18. Personne ne conteste que, lorsqu'il a présenté sa demande le 14 novembre 1994, les réponses que M. Wysocki avait inscrites dans sa demande étaient exactes.


[10]            Mme Campbell a renvoyé aux interdictions mentionnées dans le formulaire qui devait être présenté par chaque demandeur à l'époque où le test de citoyenneté a été écrit. Elle a affirmé que des directives détaillées étaient données aux demandeurs lors du test. On leur disait que s'il y avait quelque chose qu'ils ne comprenaient pas, ils devaient s'adresser à un agent d'immigration. On leur disait également qu'ils pouvaient le faire en privé. On donnait la possibilité de poser des questions avant et après le test de citoyenneté. Elle a également renvoyé au formulaire d'étude de demande de citoyenneté et a expliqué qu'il renferme un résumé de la demande de citoyenneté présentée par un demandeur. Dans le cas de M. Wysocki, il révèle que celui-ci a répondu correctement à dix-sept des vingt questions posées dans le test de citoyenneté. Son formulaire d'étude de demande de citoyenneté est daté du 8 mai 1995. À cette date, il avait déjà été accusé d'agression sexuelle, mais comme il a déjà été mentionné, les agents de la citoyenneté n'étaient pas au courant de ce fait.

[11]            Après l'approbation de sa demande, le 11 mai 1995, on a envoyé du courrier à M. Wysocki pour l'informer de la date, de l'heure et du lieu fixés pour la tenue de la cérémonie de prestation de serment. Un avis de convocation pour prêter le serment de citoyenneté a été joint au courrier. Mme Campbell a témoigné que ces renseignements auraient été envoyés deux semaines avant la tenue de la cérémonie. L'avis adressé à M. Wysocki comprenait un avertissement qui mentionnait notamment ce qui suit [...] :


Une personne ne peut acquérir la citoyenneté canadienne, ni prêter le serment de citoyenneté si : a) elle est sous le coup d'une ordonnance de probation; b) elle bénéficie d'une libération conditionnelle; c) elle est détenue dans un établissement pénitentiaire; d) elle est inculpée pour une infraction à la Loi sur la citoyenneté, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité en vertu du Code criminel, ou un acte criminel tombant sous le coup d'une loi du Parlement, ou subit un procès à la suite de cette accusation et le cas échéant, pendant l'appel qui est interjeté dans un jugement; e) elle fait l'objet d'une requête si elle est soupçonnée d'avoir perpétré un crime de guerre ou un crime contre l'humanité; f) elle n'a pas obtenu, dans le cas où il le faut, l'autorisation du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour être admise au Canada et y demeurer à titre de résident permanent; ou g) au cours des cinq années qui précèdent sa demande, elle a cessé d'être citoyenne en application du paragraphe 10(1).

[12]            L'avis précisait également que M. Wysocki devait apporter son avis à la cérémonie et que s'il était incapable d'y assister, il devait communiquer avec la Cour de la citoyenneté. Seule une cause jugée juste et suffisante par un juge de la citoyenneté, dans un délai de soixante jours, peut atténuer la nécessité de présenter une nouvelle demande pour avoir omis de se présenter à la date prévue.

[13]            M. Wysocki a témoigné pour son propre compte. Il a témoigné qu'il avait épousé sa femme en juin 1992. Il a cinq enfants âgés de seize à cinq ans. L'enfant aîné vit avec lui; le plus jeune enfant vit avec sa mère à Victoria. Son épouse l'a quitté en août 2002. Il a affirmé que ses relations familiales, au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté, étaient bonnes. Il a déclaré que c'est lui qui avait rempli sa demande mais que son épouse l'avait aidé à répondre à des questions qu'il avait eu de la difficulté à comprendre parce que son anglais n'était pas [traduction] « très bon à ce moment-là » .


[14]            M. Wysocki ne se souvient pas d'avoir lu l'avertissement ou signer le serment figurant dans sa demande. De même, il ne se souvient pas d'avoir vu ou lu l'avertissement dans l'avis de convocation bien qu'il se souvienne de l'avoir reçu. Il ne se souvient pas d'avoir examiné sa demande en compagnie de Mme Campbell, mais il a reconnu qu'elle l'avait probablement parcourue avec lui. Il ne croyait pas avoir demandé de l'aide lorsqu'il a passé son test de citoyenneté; il se souvient être allé passer le test sans être accompagné. M. Wysocki a déclaré qu'après avoir été accusé le 3 mai 1995, tout s'est mis à basculer. Son épouse était, et cela se comprend, très en colère. Il ne pensait qu'à sa famille. Il a été extrêmement émotif. Il pleurait presque à tous les jours et ne parlait à personne. Il a jonglé avec les factures. Lui et son épouse ont tenté de régler leurs problèmes sans l'aide de personne. Cela a été très dur sur le plan émotionnel et il était incapable de se concentrer. Son attention était concentrée sur sa famille et non sur sa demande de citoyenneté. Dans son esprit, il n'avait jamais tenté de camoufler son accusation criminelle. Son épouse l'a quitté en raison de l'avis concernant la révocation de citoyenneté. L'avis a été, pour ainsi dire, la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

LE DROIT

[15]            Un renvoi à la Cour en vertu de la Loi sur la citoyenneté est une conclusion de fait qui constitue le fondement d'un rapport du ministre et, éventuellement, d'une décision du gouverneur en conseil : Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens (1992) 142 N.R. 173 (C.A.F.) Un renvoi est une action de nature civile : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass [1997] 3 R.C.S. 391; Canada (Secrétaire d'État) c. Luitjens (1991), 46 F.T.R. 267 (1re inst.). La norme de preuve est la norme civile selon la prépondérance des probabilités, mais la preuve doit être examinée attentivement en raison des allégations graves qui doivent être établies par la preuve présentée : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bogutin (1998), 144 F.T.R. 1 (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Coomar (1998), 159 F.T.R. 37 (1re inst.); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Schneeberger 2003 CF 970, [2003] F.C.J. no 1252.


[16]            La formulation « dissimulation intentionnelle de faits essentiels » employée aux articles 10 et 18 (de la Loi sur la citoyenneté) exige que la Cour conclue sur le fondement de la preuve ou par déduction raisonnable à partir de la preuve, que la personne intéressée a dissimulé des faits essentiels à la décision, qu'elle ait su ou non que ces faits étaient essentiels, avec l'intention d'induire en erreur le décideur : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Odynsky (2001), 196 F.T.R. 1 (1re inst.). Il ne suffit pas de démontrer qu'il y a eu transgression matérielle de la Loi car les fausses déclarations innocentes n'entraînent pas la révocation de la citoyenneté : Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas (1993), 66 F.T.R. 155 (1re inst.). Une fausse déclaration d'un fait essentiel comprend une déclaration contraire à la vérité, la non-révélation de renseignements véridiques ou la réponse trompeuse qui a pour effet d'exclure ou d'écarter d'autres enquêtes : Odynsky, précitée.

L'ANALYSE

[17]            Compte tenu de l'ensemble de la preuve, j'accepte que M. Wysocki ne se rappelle pas avoir vu les avertissements mentionnés précédemment, ni sur la demande de citoyenneté, ni sur l'avis de convocation. Ceci ne règle toutefois pas la question.


[18]            Je suis d'avis que Mme Campbell a examiné l'avertissement figurant dans la demande avec le défendeur et que celui-ci l'avait compris à ce moment-là. Malgré sa faible connaissance de l'anglais, il est allé faire le test de citoyenneté sans être accompagné, n'a demandé aucune aide et a obtenu un résultat de dix-sept sur vingt. M. Wysocki se souvient que son épouse a demandé à un avocat, dont les services avaient été retenus pour s'occuper de l'accusation criminelle, si l'accusation pouvait créer des problèmes en rapport avec la demande de citoyenneté. En contre-interrogatoire, il a également témoigné que lorsqu'il lui arrivait de ne pas comprendre quelque chose (en raison de la langue), il avait l'habitude de demander de l'aide.

[19]            Malgré que M. Wysocki ne se rappelle pas avoir vu l'avertissement figurant dans l'avis de convocation, il s'est présenté le jour prévu pour prêter le serment de citoyenneté, à l'heure et au lieu convenus. J'estime que la crédibilité de M. Wysocki a été minée lorsqu'il a déclaré que son épouse l'avait quitté parce qu'il avait reçu l'avis concernant la révocation de la citoyenneté. L'avis lui a été signifié le 18 décembre 2000; il a demandé un renvoi à la Cour le 9 janvier 2001; son épouse l'a quitté en août 2002.


[20]            Même si j'acceptais sans réserve que M. Wysocki n'a ni lu, ni compris l'avertissement et le serment figurant dans la demande de citoyenneté (et je refuse de l'accepter), je conclurais que, néanmoins, compte tenu de l'ensemble de la preuve et selon la prépondérance des probabilités, M. Wysocki, malgré sa situation personnelle, savait qu'il était tenu de révéler aux agents de la citoyenneté qu'il avait été accusé d'avoir commis une infraction criminelle entre la date de sa demande et la date à laquelle il a prêté le serment de citoyenneté. M. Wysocki a expressément reconnu avoir reçu l'avis de convocation. Il s'est présenté pour prêter serment au jour, à l'heure et au lieu prévus dans la demande. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu'il a examiné l'avis, choisi de ne tenir compte et de ne se souvenir que de certains paragraphes et d'ignorer les autres paragraphes. Les paragraphes ignorés étaient ceux qui auraient pu nuire à son assermentation. Je conclus qu'en choisissant d'ignorer le paragraphe de la demande qui concernait l'avertissement, il a sciemment omis de divulguer ce qu'il aurait dû divulguer et ce dont il savait qu'il était tenu de divulguer. Selon moi, une omission volontaire est une « dissimulation intentionnelle » au sens des articles 10 et 18 de la Loi sur la citoyenneté. Il ne fait aucun doute que les renseignements étaient essentiels.

LA DÉCISION

[21]            M. Wysocki a obtenu sa citoyenneté canadienne en dissimulant intentionnellement des faits essentiels étant donné qu'il a omis de révéler qu'il avait été accusé d'un acte criminel entre la date à laquelle il avait présenté sa demande de citoyenneté et la date à laquelle il avait prêté le serment de citoyenneté.

LES DÉPENS

[22]            Le ministre et M. Wysocki demandent que les dépens soient adjugés sur une base avocat-client. L'adjudication des dépens sur une base avocat-client constitue l'exception à la règle et elle n'est généralement accordée que lorsqu'une partie a fait preuve d'une conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante : Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2000), 265 N.R. 90 (C.A.F.); Amway Corp. c. Canada, [1986] 2 C.T.C. 339 (C.A.F.); Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Aucune partie ne m'a convaincu que l'autre partie avait fait preuve d'une conduite répréhensible qui justifierait l'adjudication de dépens sur une base avocat-client. Les dépens seront adjugés selon ce que les parties auront convenu. S'il ne peuvent en arriver à une entente, les avocats pourront, le cas échéant, discuter de la question des dépens.


                                                           _ Carolyn A. Layden-Stevenson _           

                                                                                                             Juge                                   

OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 octobre 2003

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-1379-01

INTITULÉ :                                                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

KRZYSZTOF WYSOCKI

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE 6 OCTOBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 9 OCTOBRE 2003

COMPARUTIONS :

Lynn Marchildon

POUR LE DEMANDEUR

Byron Pfeiffer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

Pfeiffer & Associates

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR



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