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Date : 20200114


Dossier : IMM-3589-18

Référence : 2020 CF 39

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

X.Y.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, qui est citoyenne de l’Éthiopie, a demandé l’asile au Canada. Sa demande d’asile initiale était fondée sur sa crainte d’être persécutée par les autorités éthiopiennes en raison de sa participation à une manifestation contre le gouvernement, en 2016. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande. La demanderesse a interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés (SAR).

[2]  Dans le cadre de son appel devant la SAR, la demanderesse a invoqué, à l’appui de sa demande d’asile, sa crainte d’être persécutée du fait de son engagement politique, mais a également affirmé craindre la persécution en raison de sa séropositivité, ainsi que l’absence de soins médicaux appropriés, étant donné qu’elle est séropositive et qu’elle est atteinte d’un cancer du sein. La SAR a rejeté son appel le 9 juillet 2018. La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

[3]  Lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire, la demanderesse a sollicité une ordonnance qui visait à préserver son anonymat, et dans laquelle elle demandait à ce que la décision et tous les autres renseignements accessibles au public qui figurent dans les dossiers de la Cour soient expurgés de manière à protéger son identité. Le défendeur s’est opposé à cette demande et a soutenu que la demanderesse n’avait pas satisfait au critère justifiant une ordonnance de confidentialité.

[4]  Je suis convaincu qu’une ordonnance d’une portée aussi limitée est appropriée en l’espèce, compte tenu des principes pertinents énoncés dans la jurisprudence applicable. Tel qu’il sera expliqué plus clairement ci-dessous, la demanderesse n’a pas divulgué le fait qu’elle était séropositive lors de l’audience devant la SPR, étant donné qu’elle craignait d’être stigmatisée par les membres de sa collectivité si ce fait devenait connu, et étant donné qu’il existe des preuves d’une discrimination généralisée fondée sur la séropositivité en Éthiopie. Une telle ordonnance à portée limitée a déjà été accordée dans d’autres cas semblables : voir, par exemple, AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 629; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 165; AB c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 237.

[5]  L’intitulé de la cause en l’espèce est modifié de manière à ce que la demanderesse n’y soit désignée que par les initiales X.Y.

I.  Contexte

[6]  La demanderesse est une citoyenne de l’Éthiopie d’origine ethnique oromo. Elle a travaillé pour le ministère éthiopien des Affaires étrangères (le Ministère) dans les années 1990 et au début des années 2000, et affirme y avoir été victime de discrimination en raison de son origine ethnique. Alors qu’elle était en affectation à l’étranger et se trouvait sur son lieu de travail, la demanderesse a formulé des critiques au sujet de la façon dont le gouvernement traitait les personnes d’origine oromo en Éthiopie. Elle prétend que les commentaires critiques en question seraient à l’origine de son congédiement par le Ministère.

[7]  Elle est retournée en Éthiopie, où elle affirme avoir été violée par deux policiers éthiopiens en 2002. Elle croit avoir été infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) lors de cette agression. Depuis lors, elle a souvent été victime de discrimination en Éthiopie en raison de sa séropositivité.

[8]  La demanderesse affirme qu’en octobre 2016, elle a fermé un kiosque qu’elle exploitait et dont elle était propriétaire afin de participer à une grève contre le gouvernement éthiopien, une manifestation qui est parfois désignée comme le soulèvement oromo. Depuis ce temps, elle est recherchée par les autorités, car elle est perçue comme une opposante au gouvernement. La demanderesse affirme s’être cachée chez sa sœur, avant de s’enfuir aux États-Unis le 22 avril 2017. Elle est entrée au Canada depuis les États-Unis en août 2017 et a présenté une demande d’asile.

[9]  La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse pour des motifs liés à la crédibilité. Elle a estimé que son témoignage manquait de détails et était confus en ce qui concernait certains éléments clés de ses allégations, dont les dates de ses interactions avec la police et les circonstances entourant son départ de l’Éthiopie. Dans l’ensemble, la SPR a jugé que ses allégations n’étaient pas étayées par la preuve; elle a donc rejeté sa demande d’asile. Il convient de souligner que la demanderesse n’a pas directement soulevé devant la SPR ses prétentions fondées sur sa séropositivité, en raison de ses craintes d’être stigmatisée par les membres de sa communauté si ce fait était divulgué.

[10]  La demanderesse a interjeté appel de cette décision devant la SAR et a cherché à présenter de nouveaux éléments de preuve en ce qui concerne : (i) sa séropositivité et un rapport d’évaluation psychologique traitant de sa capacité à témoigner à l’audience devant la SPR; (ii) l’ampleur de la discrimination exercée contre les personnes séropositives en Éthiopie; (iii) des documents à jour sur les conditions générales dans le pays.

[11]  La SAR a admis les deux premières catégories de documents à titre de nouveaux éléments de preuve. Elle a accepté l’explication de la demanderesse quant à la raison pour laquelle elle n’avait pas divulgué sa séropositivité (bien qu’elle ait constaté que cette dernière avait déclaré devant la SPR avoir contracté un virus pour lequel elle recevait une thérapie rétrovirale). La SAR a également admis le fait que la demanderesse n’avait pas informé la SPR du décès de son père, survenu quelques jours seulement avant l’audience devant cette dernière, et que cela avait eu des répercussions sur sa capacité à témoigner. La SAR a ainsi accepté la preuve relative à la situation personnelle de la demanderesse, ainsi que les documents concernant la stigmatisation et la discrimination liées au VIH en Éthiopie.

[12]  La SAR n’a toutefois pas accepté les documents plus généraux sur les conditions dans le pays. Elle a conclu que ces éléments de preuve ne tendaient pas à démontrer que la situation avait changé, mais témoignaient plutôt des troubles incessants dans le pays, notamment la prise pour cible des opposants présumés au gouvernement et les limites imposées à l’égard des droits et libertés fondamentaux. Selon la preuve présentée à la SPR, l’Éthiopie avait déclaré l’état d’urgence dix mois auparavant, soit au mois d’octobre 2016, et les éléments de preuve supplémentaires que la demanderesse souhaitait déposer devant la SAR indiquaient simplement que cette situation existait toujours.

[13]  La SAR a refusé de convoquer une audience, compte tenu de sa conclusion selon laquelle les questions déterminantes étaient celles de la crédibilité de la demanderesse et du risque objectif auquel elle serait exposée à son retour au pays, deux questions qui ne pouvaient être tranchées au moyen de la tenue d’une audience.

[14]  La demanderesse a soutenu que la SPR l’avait privée de son droit à une audience équitable. En effet, d’une part, la SPR s’était appuyée sur une traduction inadéquate et peu fiable, ce qui l’avait amenée à tirer des conclusions non fondées quant à la crédibilité de la demanderesse, et d’autre part, elle s’était concentrée principalement sur l’allégation de viol de cette dernière, sans tenir compte de son état d’esprit à l’audience.

[15]  La SAR a rejeté l’argument reposant sur le caractère inadéquat de la traduction, en estimant que, même si la qualité de cette dernière posait certains problèmes, ceux-ci étaient généralement mineurs, et qu’il y avait eu de longues périodes pendant l’audience où la traduction ne semblait pas avoir posé problème. Malgré les difficultés liées à la traduction, la SAR a estimé que la demanderesse avait pu livrer sa version des faits.

[16]  La SAR a ensuite examiné les arguments de la demanderesse concernant les conclusions en matière de crédibilité tirées par la SPR relativement aux événements survenus à son retour en Éthiopie, y compris le viol allégué. La SPR avait tiré des conclusions défavorables en matière de crédibilité en raison de l’incapacité de la demanderesse à indiquer à quels moments elle s’était adressée à la police, mais la demanderesse a soutenu que les erreurs dans la traduction avaient contribué à la confusion, et que les conclusions défavorables quant à la crédibilité étaient donc incorrectes.

[17]  La SAR a estimé que l’analyse de la SPR à cet égard était microscopique et injustifiée. En se fondant sur les nouveaux éléments de preuve ayant permis de mettre en contexte l’incapacité de la demanderesse à se rappeler la date et l’heure précises d’événements traumatisants survenus environ 15 ans avant son témoignage, la SAR a accepté les allégations de viol de la demanderesse et le fait qu’elle avait été infectée par le VIH à ce moment-là. Elle a jugé que, selon la prépondérance des probabilités, la demanderesse était crédible en ce qui concernait ces allégations.

[18]  La SAR n’a pas admis que la SPR ait pu avoir accordé trop d’importance aux allégations de viol ou n’avoir pas tenu compte de l’état d’esprit de la demanderesse pendant l’audience. La SAR a conclu que l’audience s’était déroulée de manière respectueuse envers la demanderesse. Comme la SPR n’avait pas été informée du décès du père de la demanderesse survenu peu de temps avant l’audience, et qu’elle n’avait pas reçu de preuve d’expert concernant la capacité de cette dernière à témoigner ou à se souvenir des événements, elle ne pouvait être blâmée pour son défaut de prendre en compte les répercussions de ces éléments.

[19]  Passant ensuite à l’essentiel de la demande d’asile de la demanderesse, à savoir qu’elle était recherchée par les autorités éthiopiennes, la SAR a confirmé la décision de la SPR selon laquelle la demanderesse manquait de crédibilité, étant donné qu’elle avait réussi à obtenir un passeport et un visa. En outre, la demanderesse n’avait pas obtenu de preuve corroborante pour étayer sa demande d’asile et avait pu quitter l’Éthiopie depuis l’aéroport, en utilisant son propre passeport. La SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves à l’appui de ses allégations voulant qu’elle soit recherchée par les autorités.

[20]  L’analyse par la SAR de cet aspect de la demande d’asile de la demanderesse reprend en grande partie celle réalisée par la SPR. La SAR a indiqué que le fait que la demanderesse ait demandé et obtenu un passeport éthiopien et un visa pour les États-Unis entrait en contradiction avec son témoignage voulant qu’elle se soit cachée après qu’un policier oromo et un voisin lui eurent dit que les forces de sécurité la cherchaient. La SAR a conclu que les communications qu’elle avait eues avec des agences gouvernementales contredisaient son témoignage selon lequel elle se cachait.

[21]  La SAR a soupesé le témoignage de la demanderesse par rapport à sa capacité à se procurer un passeport et un visa, mais aussi par rapport à l’absence de tout élément corroborant sa demande d’asile ou de tout mandat d’arrestation ou sommation. Elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer son allégation selon laquelle elle était recherchée par les autorités éthiopiennes. La SAR a également attiré l’attention sur le fait que la preuve documentaire objective laissait croire que les membres de l’opposition « de rang inférieur » (par opposition aux dirigeants de l’opposition de haut rang) risquaient davantage d’être détenus. Cela allait encore une fois à l’encontre de la version des faits de la demanderesse au sujet de son départ du pays.

[22]  Pour tous ces motifs, la SAR a conclu que la demanderesse manquait de crédibilité en ce qui concernait les événements survenus en 2016 et ses allégations selon lesquelles elle était recherchée par les autorités responsables de la sécurité en Éthiopie.

[23]  La SAR a également rejeté les allégations de la demanderesse fondées sur sa séropositivité. Ella a attiré l’attention sur les éléments de preuve selon lesquels celle-ci avait reçu son diagnostic alors qu’elle était en Éthiopie et avait été traitée par un médecin dans un hôpital là‑bas. La SAR a constaté que, bien que la preuve objective sur les conditions dans le pays fasse mention de la stigmatisation sociale et de la discrimination que subissent les personnes atteintes du sida ou du VIH, l’expérience personnelle de la demanderesse ne reflétait pas cette réalité. Cette dernière avait eu droit à un traitement, à un soutien et à un suivi réguliers depuis son diagnostic. La SAR a estimé que la preuve ne permettait pas de conclure que l’effet cumulatif de la discrimination équivalait à de la persécution. En outre, l’expérience de la demanderesse démontrait qu’elle avait été en mesure de vivre, de travailler et de se faire soigner en Éthiopie.

[24]  Pour tous ces motifs, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse et confirmé la décision de la SPR selon laquelle cette dernière n’avait ni la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

II.  Questions en litige et norme de contrôle

[25]  La seule question en litige en l’espèce consiste à déterminer si la décision de la SAR était raisonnable. Cette question englobe celles soulevées par la demanderesse au sujet de la façon dont la SAR a traité les problèmes d’interprétation; de l’évaluation, par la SAR, de ses allégations concernant les événements survenus après octobre 2016; de la question de savoir si elle présentait un profil de risque résiduel justifiant une protection; et de sa crainte de subir de la persécution en raison de sa séropositivité.

[26]  La jurisprudence antérieure avait confirmé que la norme de la décision raisonnable s’appliquait aux conclusions de la SAR concernant la crédibilité, ainsi qu’à toute question mixte de fait et de droit : voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au par. 35; Rozas del Solar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1145, au par. 25. Cela vaut également pour l’examen, par la SAR, de la question de savoir si l’audience tenue devant la SPR était équitable sur le plan procédural : Gebremedhin c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 497, au par. 11.

[27]  Lorsque la présente affaire a été plaidée, les précédents qui faisaient autorité en matière de contrôle selon la norme de la décision raisonnable étaient l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], et les décisions qui en ont découlé. J’ai examiné les arrêts récents rendus par la Cour suprême du Canada dans les affaires Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov]; Bell Canada c Canada (Procureur général), 2019 CSC 66, et Société canadienne des postes c Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67 [Postes Canada], et, à la lumière du paragraphe 144 de l’arrêt Vavilov, je ne vois aucune raison, eu égard aux faits de l’espèce, de demander aux parties de présenter des observations supplémentaires concernant la norme de contrôle appropriée ou l’application de celle-ci. Tel qu’il est indiqué dans l’arrêt Postes Canada, au paragraphe 26, le résultat en l’espèce serait le même, selon les deux cadres d’analyse.

[28]  Selon l’arrêt Dunsmuir, lorsque la Cour procède au contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » [Dunsmuir, au par. 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 59].

[29]  Selon le cadre d’analyse établi dans l’arrêt Vavilov, « si des motifs sont communiqués, mais que ceux-ci ne justifient pas la décision de manière transparente et intelligible [...], la décision sera déraisonnable » (au par. 136). Cela dit, l’arrêt Vavilov confirme également qu’« il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux-ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique » (au par. 86, italiques dans l’original). Les éléments clés de cette analyse consistent notamment à déterminer si le raisonnement est rationnel et logique et si la décision est justifiée au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents (Vavilov, aux par. 102 et 105).

III.  Analyse

[30]  La demanderesse soutient que la SAR a commis quatre erreurs : (i) elle n’a pas examiné la question de savoir si les erreurs de traduction lors de l’audience devant la SPR avaient eu une incidence sur les conclusions défavorables de cette dernière quant à la crédibilité; (ii) elle a tiré des conclusions déraisonnables concernant les événements survenus après octobre 2016; (iii) elle a omis d’examiner le profil de risque résiduel de la demanderesse en tant que femme d’origine oromo qui s’est montrée critique envers le gouvernement; (iv) ses conclusions concernant la séropositivité de la demanderesse sont déraisonnables parce qu’elles ont été tirées sans égard à la documentation objective.

[31]  Ces éléments seront examinés successivement.

A.  Les erreurs de traduction

[32]  Dans l’arrêt Mohammadian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CAF 191, [2001] 4 CF 85 [Mohammadian], la Cour d’appel fédérale a conclu que « l’interprétation fournie aux demandeurs devant la section du statut doit satisfaire à la norme de la continuité, de la fidélité, de la compétence, de l’impartialité et de la concomitance » (au par. 4). La norme d’interprétation est stricte, mais il n’est pas nécessaire qu’elle soit parfaite; le principe important est la compréhension linguistique : R c Tran, [1994] 2 RCS 951. Autrement dit, la question est de savoir si la personne a eu la possibilité de relater son histoire et d’être comprise : Batres c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 981, aux par. 10 à 13 [Batres].

[33]  Cependant, dans les cas où des erreurs de traduction ou d’interprétation ont été commises et qu’il est établi que celles-ci ont joué un rôle important dans les conclusions que la SPR a tirées quant à la crédibilité, la décision peut être infirmée : Batres, au par. 12; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CFPI 326, au par. 16. Les erreurs doivent être graves et avoir nui à la capacité de la personne à répondre aux questions. Une question clé consiste à se demander si les erreurs ont joué un rôle important dans les conclusions du tribunal : Gebremedhin, au par. 14. S’il est prouvé qu’il y a eu manquement à cette norme, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice réel : Mohammadian, au par. 4; Batres, au par. 13.

[34]  La demanderesse soutient que la SAR n’a pas examiné l’essentiel de son argumentation sur ce point, à savoir que les erreurs de traduction étaient importantes et qu’elles avaient eu une incidence sur les conclusions de la SPR quant à la crédibilité. La demanderesse attire l’attention sur certains passages de la transcription, qui montrent que le traducteur a commis des erreurs, tant dans la transmission des questions de la SPR à la demanderesse que dans la traduction des réponses de cette dernière à des questions clés. Les problèmes relevés étaient liés, en particulier, au moment où elle s’était rendue au poste de police après son retour en Éthiopie, en 2002. La SPR a conclu, plus précisément, que la version des faits de la demanderesse manquait de crédibilité, étant donné que cette dernière était incapable de se rappeler des dates précises ou de répondre à ses questions au sujet des événements concernés.

[35]  En outre, la demanderesse attire l’attention sur certains passages de la transcription, qui montrent qu’à certains moments, le traducteur a fait plus qu’interpréter les questions et les réponses et a tenté d’expliquer le fondement d’une question ou d’une réponse donnée.

[36]  Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que l’analyse de cette question par la SAR est déficiente, étant donné que la question clé, telle qu’énoncée dans la jurisprudence, n’y est pas abordée, c’est-à-dire : les erreurs de traduction ont-elles eu une incidence importante sur les conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité? Toutefois, la difficulté qui se pose pour la demanderesse à cet égard est que la SAR a rejeté les conclusions de la SPR pour d’autres motifs, et qu’elle a finalement conclu que les allégations de la demanderesse étaient crédibles, selon la prépondérance des probabilités.

[37]  La demanderesse attire l’attention sur des erreurs de traduction en ce qui concerne ses interactions avec la police et ses réponses aux questions qui lui avaient été posées à ce sujet. Elle fait également valoir que les conclusions sur la crédibilité ayant été tirées à l’égard du traitement qu’elle a reçu à l’étranger et des événements survenus à son retour en Éthiopie en 2002 étaient le fruit d’erreurs de traduction. La SPR a effectivement jugé que la demanderesse manquait de crédibilité, en partie en raison de ses réponses à ces questions. Toutefois, la SAR a estimé que l’analyse faite par la SPR était microscopique et déraisonnable, et elle a infirmé ses conclusions sur ces points précis. La SAR a fait remarquer que ces conclusions n’étaient pas déterminantes, puisque la demande d’asile de la demanderesse reposait sur les événements ayant eu lieu après octobre 2016.

[38]  Il n’y a aucune preuve d’autres erreurs de traduction qui toucheraient quelque autre conclusion de la SPR que ce soit. D’après la preuve dont la Cour dispose, il est difficile de voir de quelle façon toute erreur éventuelle dans le traitement de la question de la traduction aurait pu influencer le résultat d’une manière préjudiciable pour la demanderesse. Par conséquent, je ne puis admettre que les lacunes dans l’analyse faite par la SAR de la question de la traduction suffisent à rendre la décision déraisonnable.

B.  Les conclusions de la SAR au sujet des événements survenus après octobre 2016

[39]  La SAR a conclu que le récit de la demanderesse au sujet des événements consécutifs à sa participation à la grève d’une journée en appui du soulèvement oromo, en octobre 2016, n’était pas crédible pour trois raisons : (i) elle avait obtenu un passeport et un visa alors qu’elle était recherchée par les autorités; (ii) il n’y avait pas d’élément de preuve corroborant le fait qu’elle se cachait, ce qui a miné sa crédibilité; (iii) elle a pu quitter l’Éthiopie en utilisant son propre passeport, alors que les autorités étaient prétendument à sa recherche.

[40]  La SAR a fait remarquer que la demanderesse avait affirmé s’être cachée à partir d’octobre 2016 et jusqu’à son départ d’Éthiopie, en avril 2017, parce qu’un policier oromo et un voisin lui avaient dit qu’elle était recherchée par les forces de sécurité. Au cours de cette période, la demanderesse avait obtenu un passeport éthiopien et un visa des États-Unis, tous deux délivrés en février 2017.

[41]  La SAR a constaté que la SPR avait examiné la preuve documentaire objective concernant la délivrance de passeports en Éthiopie — qui démontre que des empreintes digitales sont prélevées et des photographies sont prises —, pour conclure à l’absence de crédibilité de l’explication fournie par la demanderesse pour justifier ses communications avec les autorités et le fait qu’elle risquait, ce faisant, d’être découverte par les organismes de sécurité. La SAR a conclu que le témoignage de la demanderesse au sujet du fait qu’elle était recherchée par les forces de sécurité ne concordait pas avec ses démarches pour demander et obtenir un passeport et un visa en personne. De fait, les communications qu’elle a eues avec des agences gouvernementales au cours d’une période où elle disait se cacher ont entaché sa crédibilité.

[42]  La SAR a conclu, en outre, que la crédibilité de la demanderesse était mise en doute par l’absence d’éléments de preuve corroborants provenant du policier et du voisin qui lui avaient dit qu’elle était recherchée par les autorités, ou de sa sœur chez qui elle s’était cachée pendant six mois. La SAR a également examiné la preuve documentaire concernant la capacité des membres de l’opposition à quitter l’Éthiopie. Compte tenu de tout ce qui précède, la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de l’allégation de la demanderesse voulant qu’elle soit recherchée par les autorités.

[43]  La demanderesse prétend que les conclusions de la SAR ne sont pas étayées par la preuve, et qu’elles équivalent à des conclusions d’invraisemblance. Selon ses dires, la SAR a relevé des contradictions alors qu’il n’y en avait pas. Le défendeur avance pour sa part que les conclusions de la SAR sur ces points sont étayées par les éléments de preuve, et qu’il n’appartient pas à la Cour d’apprécier de nouveau ces derniers.

[44]  Je suis d’accord avec la demanderesse pour dire que les conclusions de la SAR en ce qui concerne ses communications avec les autorités et son départ de l’Éthiopie constituent des conclusions quant à la vraisemblance, car il n’y a pas de véritable contradiction dans la preuve. Par exemple, le fait que les autorités éthiopiennes responsables des passeports prennent des empreintes digitales et des photographies ne contredit pas directement le récit de la demanderesse selon lequel elle a obtenu un passeport alors qu’elle se cachait. Cela soulève plutôt la question de savoir pourquoi elle aurait couru ce risque si elle était vraiment recherchée par les forces de sécurité.

[45]  La demanderesse invoque à cet égard la décision Tegene c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 787 [Tegene], dans laquelle le juge George Locke a annulé une décision de la SPR au motif que celle-ci avait traité de manière déraisonnable les soi-disant incohérences dans le témoignage de la demanderesse. De façon plus précise, le juge Locke a tiré les conclusions suivantes :

  • la SPR n’avait pas tenu compte de l’explication fournie par la demanderesse pour ne pas avoir cherché à obtenir des éléments de preuve corroborants des membres de sa famille qui se trouvaient encore en Éthiopie. La demanderesse avait affirmé qu’elle ne voulait pas les mettre en danger en leur demandant de se prononcer sur des questions politiques, puisqu’il est reconnu que les autorités éthiopiennes interceptent ce type de communications;
  • la SPR avait mal interprété le témoignage de la demanderesse quant au fait qu’elle s’était tenue cachée, puisque celle-ci n’avait jamais dit qu’elle était restée cachée tout le temps. Il n’était pas incohérent de la part de la demanderesse d’avoir demandé l’aide d’un praticien de médecine traditionnelle ou d’avoir quitté son domicile à l’occasion. La SAR avait commis une erreur en concluant que cela mettait en doute sa crédibilité, dans la mesure où la demanderesse avait indiqué qu’elle quittait régulièrement sa maison;
  • la SPR avait jugé peu plausible que la demanderesse ait quitté l’Éthiopie en utilisant son propre passeport, si elle était effectivement recherchée par les autorités; mais cette conclusion n’était pas justifiée par la preuve.

[46]  Je suis d’accord avec la demanderesse sur le fait que la décision Tegene est pertinente et revêt un caractère persuasif au regard des conclusions particulières tirées par la SAR en l’espèce. Bien qu’il existe des preuves indiquant que les autorités éthiopiennes responsables des passeports prennent des empreintes digitales et des photographies, rien ne semble démontrer que ces informations sont régulièrement ou systématiquement communiquées aux forces de sécurité. De plus, la SAR n’a pas parlé des nombreux éléments de preuve au dossier concernant la difficulté qu’éprouvent les autorités responsables des passeports à administrer leur système, ni aux lacunes dans l’échange de renseignements, qui sont documentées.

[47]  En outre, la SAR n’a pas expliqué pourquoi elle avait écarté le témoignage de la demanderesse sur la raison pour laquelle elle n’avait pas cherché à obtenir des éléments de preuve corroborants auprès de quiconque en Éthiopie. Son explication — à savoir que le fait de demander de telles déclarations mettrait ces personnes en danger — est conforme à la preuve documentaire objective et à la conclusion tirée dans la décision Tegene.

[48]  De même, la conclusion de la SAR, selon laquelle la demanderesse n’aurait pas pu quitter l’Éthiopie depuis l’aéroport si elle était effectivement recherchée par les autorités, n’est pas étayée par la preuve. La preuve démontre bien le risque que cela a pu représenter pour la demanderesse, mais je suis d’accord avec la déclaration du juge Locke dans la décision Tegene, au paragraphe 18, selon laquelle les éléments de preuve « ne vont pas plus loin que de souligner un "risque". Il est inhérent à la notion de risque que l’éventualité en question peut ne pas se concrétiser. »

[49]  Pour ces motifs, j’estime que le raisonnement suivi par la SAR sur ces questions est déraisonnable. Il ne reflète pas la jurisprudence obligatoire, qui précise que l’on ne doit conclure à l’invraisemblance que dans les cas les plus évidents [Valtchev c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2001 CFPI 776, au par. 7], et, plus particulièrement, que les conclusions quant à la crédibilité doivent être fondées sur des inférences raisonnablement tirées plutôt que sur des hypothèses ou des conjectures [Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 757, au par. 62]. Bien que le rôle de la Cour lors du contrôle d’une conclusion quant à la crédibilité soit assurément limité, pour les raisons énoncées dans la décision Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, il est tout aussi vrai que la Cour remplit un rôle de supervision en s’assurant que le raisonnement suivi et l’analyse de la preuve réalisée soient à la fois justifiés et justifiables (voir l’arrêt Vavilov, au par. 86).

[50]  Les conclusions de la SAR concernant la crédibilité de la demanderesse ne s’expliquent pas, à la lumière du témoignage de celle-ci et de la preuve documentaire générale. La SAR est parvenue à un certain nombre de conclusions en tirant des inférences quant à ce qu’elle jugeait raisonnable ou plausible, sans toutefois expliquer pour quelles raisons, d’après la preuve au dossier, elle en était arrivée à ces conclusions. Cela n’est pas raisonnable.

C.  Le défaut de tenir compte du profil de risque résiduel de la demanderesse

[51]  La demanderesse soutient que la SAR avait l’obligation de considérer son profil de risque résiduel en tant que dissidente oromo qui avait exprimé des opinions en faveur de la minorité oromo et critiqué le gouvernement dans le cadre de son ancien poste au sein de l’ambassade à l’étranger. Dès lors que la SAR avait formulé des conclusions quant à la crédibilité qui étaient différentes de celles de la SPR, elle avait l’obligation d’examiner les répercussions juridiques de ces conclusions.

[52]  Le défendeur, pour sa part, soutient que la SAR doit seulement tenir compte des motifs d’appel qui sont invoqués devant elle. En l’espèce, la demanderesse a principalement mis l’accent sur les événements qui s’étaient produits à son retour en Éthiopie, en 2002, puis sur ceux ayant suivi la fermeture de son magasin en octobre 2016. La SAR ne peut se voir reprocher son défaut d’analyser un motif d’appel qui n’a pas été pleinement débattu devant elle.

[53]  Dans ses observations écrites à la SAR, la demanderesse mentionnait la question de son profil de risque résiduel, en précisant que [traduction] « compte tenu de la détérioration de la situation des droits de la personne en Éthiopie, et en particulier de la récente série de mesures de répression contre la communauté oromo, la [demanderesse] présente le profil de risque résiduel d’une personne qui pourrait être ciblée par le gouvernement en raison de ses opinions politiques présumées et de son origine ethnique oromo ». La demanderesse fait valoir que le défaut de la SAR d’analyser ce motif rend la décision déraisonnable.

[54]  Je ne suis pas d’avis que cet aspect de la décision de la SAR soit déraisonnable. La demanderesse attire l’attention sur les conclusions de la SAR qui diffèrent de celles de la SPR, mais la difficulté ici, pour la demanderesse, est que ces conclusions ne se rapportent pas à son profil de risque résiduel. Nul ne conteste le fait que la demanderesse est d’origine oromo, et la SAR a clairement examiné la preuve présentée par cette dernière au sujet de la persécution qu’elle a subie en Éthiopie et de ses craintes à l’idée d’y retourner. Toutefois, la SAR a conclu, en fin de compte, que la preuve était tout simplement insuffisante pour étayer ses allégations. Au paragraphe 39, la SAR a précisé ce qui suit : « Bien que la preuve fasse référence à la situation actuelle en Éthiopie en matière de droits de la personne, j’estime que [la demanderesse] n’a pas le profil d’une personne qui risquerait sérieusement d’être persécutée si elle y retournait. »

[55]  S’il est vrai que l’analyse n’est pas détaillée, la décision indique que la SAR a tenu compte du profil de risque résiduel de la demanderesse, mais qu’elle n’était pas convaincue que cette dernière était recherchée par un quelconque agent du gouvernement éthiopien. Rien ne lui permettait de conclure que le profil de risque résiduel de la demanderesse justifiait de lui accorder l’asile.

D.  Conclusions tirées sur la base de la séropositivité

[56]  La demanderesse soutient que l’analyse faite par la SAR des nouveaux éléments de preuve concernant sa séropositivité est déraisonnable, étant donné qu’elle a ignoré les éléments de preuve démontrant qu’elle avait été victime de stigmatisation sociale et de discrimination alors qu’elle était en Éthiopie. La conclusion de la SAR selon laquelle son vécu personnel ne permettait pas de conclure qu’elle risquerait d’être persécutée en Éthiopie a été tirée en se reportant uniquement à certains éléments de preuve et en faisant fi d’autres éléments directement contradictoires contenus dans le dossier.

[57]  La SAR a pris note du témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait reçu son diagnostic alors qu’elle était en Éthiopie et qu’elle avait obtenu là-bas un traitement médical continu. Elle a renvoyé à la preuve objective sur les conditions dans le pays, qui faisait état de stigmatisation sociale et de discrimination, mais a conclu que cette preuve n’étayait pas la conclusion selon laquelle l’effet cumulatif de la discrimination équivalait à de la persécution. En outre, la SAR a conclu que « le témoignage de [la demanderesse] et son propre vécu contredisent directement cette affirmation. La [demanderesse] bénéficie de traitements, de soutien et d’un suivi continus depuis son diagnostic en 2011 » (au par. 37).

[58]  La demanderesse soutient qu’il s’agit là d’une conclusion déraisonnable, puisque celle-ci ne tient pas compte de l’affidavit sous serment qu’elle a déposé devant la SAR, et qui indiquait qu’elle a fait l’objet de discrimination et de stigmatisation et craignait d’être victime de violence en raison de sa séropositivité si elle retournait en Éthiopie. La demanderesse a déclaré ce qui suit : [traduction] « On m’a dit que je ne pouvais pas partager de la nourriture ou des ustensiles [ni] étreindre d’autres personnes, car je leur transmettrais le virus. Je suis devenue très anxieuse en présence des gens. J’ai choisi de m’isoler. » Or, cela n’a pas été mentionné par la SAR.

[59]  J’estime que la conclusion de la SAR sur cette question est déraisonnable, puisqu’elle ne fait aucunement référence au témoignage de la demanderesse sur ce point particulier. Le fait que cette dernière ait reçu des soins médicaux en Éthiopie est pertinent, mais non déterminant. Le témoignage de la demanderesse contredit la conclusion de la SAR selon laquelle elle « a été en mesure de vivre, de travailler et d’obtenir des traitements et des soins de santé mentale en Éthiopie » (au par. 38). En outre, son témoignage concorde avec les nombreux documents sur les conditions dans le pays, qui font état de la façon dont les personnes atteintes du VIH ou du sida sont traitées en Éthiopie (voir XY c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 213). Le défaut de la SAR de mentionner cet aspect du témoignage de la demanderesse, combiné à sa conclusion citée ci-dessus, selon laquelle cette dernière a été en mesure de vivre et de travailler en Éthiopie, rend impossible de savoir si la preuve de la demanderesse a été écartée ou ignorée. Cela n’est pas raisonnable.

IV.  Conclusion

[60]  Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus que la décision de la SAR est déraisonnable. Par conséquent, je fais droit à la demande de contrôle judiciaire. La décision est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour nouvel examen.

[61]  La présente affaire ne soulève aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-3589-18

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause est modifié, avec effet immédiat, de manière à ce que le nom de la demanderesse soit remplacé par les initiales X.Y.;

  2. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  3. La décision de la Section d’appel des réfugiés est annulée. L’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué de la Section d’appel des réfugiés pour nouvel examen;

  4. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de janvier 2020.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3589-18

INTITULÉ :

X.Y. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 FÉVRIER 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 14 JANVIER 2020

COMPARUTIONS :

Daniel Kebede

POUR LA DEMANDERESSE

Sally Thomas

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Daniel Tilahun Kebede

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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