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Date : 20030224

Dossier : IMM-3846-01

Référence neutre : 2003 CFPI 232

ENTRE :

                                                          EMMA MONDILLA IGOY

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée par Emma Mondilla Igoy dans le but d'obtenir l'annulation d'une décision et ordonnance rendue en date du 23 juillet 2001 par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le tribunal, par cette décision, a rejeté l'appel interjeté par la demanderesse à l'égard du rejet de la demande de résidence permanente présentée par l'époux de la demanderesse, demande que la demanderesse avait parrainée.


[2]                 L'agent des visas a rejeté la demande présentée par l'époux de Mme Igoy pour trois motifs. Un seul de ces motifs a été traité par la Section d'appel de l'immigration. Après avoir entendu le témoignage de la demanderesse lors d'une audience tenue à Vancouver et avoir entendu, par téléphone, le témoignage de l'époux de la demanderesse alors qu'il se trouvait aux Philippines, la Section d'appel de l'immigration a entériné la conclusion tirée par l'agent des visas selon laquelle l'époux était une personne décrite au paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement), qui était alors applicable, à savoir qu'il avait épousé la demanderesse au Canada principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence au Canada avec la demanderesse. Aux termes du paragraphe 4(3), l'époux de la demanderesse n'était par conséquent pas un parent et la Section d'appel de l'immigration a statué qu'elle n'avait pas compétence pour entendre l'appel de la demanderesse suivant le paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, et modifications.

Les faits

[3]                 La demanderesse, Mme Igoy, est entrée au Canada en 1995 en provenance des Philippines, son pays natal. Elle est devenue une résidente permanente du Canada en 1998. Alors qu'elle travaillait dans la grande région de Vancouver, elle a rencontré en septembre 1997, apparemment par hasard, M. Igoy qu'elle avait d'abord connu aux Philippines, avant qu'elle vienne au Canada, dans le contexte de son travail d'infirmière.


[4]                 M. Igoy, citoyen des Philippines, est entré au Canada en 1998 avec son employeur. Il détenait un visa de visiteur obtenu soi-disant pour assister à une exposition commerciale à Toronto. M. Igoy et son employeur avaient d'abord voyagé des Philippines à l'Australie, puis au Canada, et ils avaient soi-disant l'intention de se rendre aux États-Unis. Peu après que M. Igoy eut rencontré la demanderesse à Vancouver, la demande de visa pour les États-Unis qu'il avait présentée a été rejetée. Mme Igoy et lui ont commencé à se rencontrer fréquemment et ont continué à se voir pendant environ neuf mois jusqu'à ce que la demanderesse retourne aux Philippines en visite en juin et juillet 1998. M. Igoy est alors resté au Canada dans l'attente de la prorogation de son visa de visiteur.

[5]                 Après le retour de la demanderesse au Canada, et après que la demande de prorogation du visa de visiteur de M. Igoy eut été refusée en août 1998, M. et Mme Igoy se sont mariés civilement lors d'une cérémonie célébrée en septembre 1998 après qu'on eut donné à entendre à M. Igoy que ses chances de rester au Canada pourraient augmenter s'il se mariait au Canada. Mme Igoy a par la suite parrainé la demande de résidence permanente présentée par son époux de l'intérieur du Canada, mais cette demande a été refusée en raison de fausses déclarations faites par M. Igoy au moment de l'obtention de son visa de visiteur au Canada, selon ce qu'il a reconnu, et en raison du fait qu'il était resté au Canada après que son visa de visiteur eut expiré et du fait qu'il avait travaillé illégalement au Canada. Dans sa demande de visa originaire, présentée aux Philippines, M. Igoy avait fait de fausses déclarations, à savoir qu'il était marié et qu'il avait un enfant.


[6]                 En juillet 1999, M. Igoy est retourné volontairement aux Philippines et a présenté une demande de résidence permanente au Canada. C'est cette demande parrainée par la demanderesse qui a été rejetée par un agent des visas à Manille. Après que cette demande eut été rejetée, Mme Igoy a interjeté un appel et, avant que cet appel soit entendu par la Section d'appel de l'immigration, elle est retournée aux Philippines en février 2001. Le 3 mars 2001, Mme Igoy et son époux se sont mariés religieusement dans une cathédrale des Philippines en présence de leurs familles et de nombreux amis. La Section d'appel de l'immigration disposait d'une preuve abondante du mariage religieux. Au total, la demanderesse et son époux se sont fréquentés pendant environ neuf mois avant leur mariage civil qui a été célébré approximativement un an après leur rencontre à Vancouver. Ils ont vécu ensemble comme mari et femme après leur mariage civil en septembre 1998 jusqu'à ce que l'époux parte pour les Philippines en juillet 1999. De plus, ils ont vécu ensemble pendant un mois à la suite de leur mariage religieux célébré aux Philippines en 2001 avant que Mme Igoy revienne au Canada.

[7]                 Deux principales questions en litige sont soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire. Premièrement, la demanderesse prétend que le tribunal a commis une erreur de droit lorsqu'il a tiré plusieurs conclusions de fait erronées de façon abusive ou arbitraire sans avoir tenu compte de la preuve dont il disposait. Deuxièmement, la demanderesse prétend que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a omis de prendre en compte les éléments de preuve pertinents à l'égard du mariage religieux de la demanderesse et de son époux et du temps qu'ils avaient passé ensemble aux Philippines.


[8]                 Je partage l'opinion selon laquelle le tribunal a commis certaines erreurs quant aux faits qui ne sont pas appuyées par la preuve, notamment la mention que la mère de la demanderesse vivait au Canada alors qu'elle vivait aux Philippines. La décision mentionne en outre que M. Igoy avait dit que son employeur n'avait pas de permis d'exploitation d'un commerce au Canada, alors qu'il avait témoigné que son employeur n'avait pas de permis d'exploitation d'un commerce aux Philippines. De plus, à un endroit dans la décision, le tribunal mentionne que l'époux n'a pas, « avant le mois de novembre 1997, soit après leur mariage » , tout dit à la demanderesse à l'égard des fausses déclarations. Ailleurs dans la décision, le tribunal déclare que la demanderesse et son époux se sont mariés en septembre 1998, date qui est appuyée par la preuve.

[9]                 À mon avis, les deux premières erreurs ne sont pas déterminantes dans la décision du tribunal. La dernière erreur a effectivement une certaine importance quant à la conclusion du tribunal selon laquelle la demanderesse n'a pas appris, avant son mariage civil, que M. Igoy avait fait de fausses déclarations lorsqu'il a obtenu son visa de visiteur pour venir au Canada, que son visa était expiré et que sa demande de prorogation de visa avait été refusée. Il s'agissait d'une conclusion importante au soutien de la décision selon laquelle le but principal du mariage au Canada pour l'époux était d'obtenir l'admission au Canada en tant que parent. Ainsi, le tribunal a conclu que M. Igoy s'était marié principalement dans le but d'immigrer.


[10]            Essentiellement, la conclusion du tribunal à l'égard du moment où la demanderesse a appris tous les détails du statut d'immigrant au Canada de son époux, c'est-à-dire après son mariage civil, était fondée sur le fait qu'elle ne jugeait pas digne de foi le témoignage de la demanderesse selon lequel elle avait appris avant son mariage les détails précédemment mentionnés. Le tribunal se fondait sur ce qu'il avait compris lors du témoignage de la demanderesse en preuve directe plutôt que sur ses autres déclarations faites lors du contre-interrogatoire. Fondamentalement, son témoignage en preuve directe était qu'elle n'était pas certaine du moment où elle avait appris les détails précédemment mentionnés.

[11]            En plus de sa conclusion à l'égard du moment où la demanderesse avait appris les détails de la situation de son époux, le tribunal a en outre tiré d'autres conclusions qui appuyaient ce qu'il a conclu à l'égard de l'intention de l'époux d'épouser la demanderesse au Canada. Le tribunal a conclu que l'époux a admis qu'il pensait qu'il pourrait présenter une demande afin de rester au Canada s'il se mariait ici, que c'est après le refus de sa demande de prorogation de visa de visiteur que l'idée de se marier civilement lui a été suggérée par l'avocat qui le représentait alors et qu'il a admis qu'il s'était marié afin de pouvoir rester au Canada. En outre, le tribunal a conclu qu'au départ le but de M. Igoy en quittant les Philippines était d'obtenir l'admission dans un pays à l'étranger, soit l'Australie, les États-Unis ou le Canada, et que son but principal en épousant la demanderesse au Canada était d'obtenir l'admission au pays en tant que parent.

[12]            À l'égard du paragraphe 4(3) du Règlement, M. le juge Strayer, maintenant juge à la Section d'appel, dans la décision Horbas c. M.E.I. et S.E.A.E., [1985] 2 C.F. 359, à la page 369, a déclaré :

[...] Il ne faut pas perdre de vue que ce paragraphe ne peut servir de fondement au rejet d'une telle demande que si le conjoint parrainé s'est marié principalement dans le but d'immigrer et s'il n'a pas l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


En l'espèce, la Section d'appel de l'immigration a conclu que les deux conditions énoncées au paragraphe 4(3) ont été remplies et que M. Igoy n'appartenait par conséquent pas à la catégorie des parents.

[13]            Je ne suis pas convaincu que la Section d'appel de l'immigration a commis une erreur quant à sa conclusion à l'égard de l'intention de l'époux au moment du mariage civil en septembre 1998. La conclusion était raisonnable et le tribunal pouvait tirer une telle conclusion selon la preuve qu'il jugeait digne de foi. Le tribunal n'a pas commis une erreur quant aux faits qui justifierait l'intervention de la Cour, comme une erreur faite d'une façon abusive ou arbitraire ou sans avoir tenu compte de la preuve dont il disposait (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, et modifications).

[14]            Passons maintenant, à la deuxième question en litige soulevée par la demanderesse. La demanderesse fait valoir que la Section d'appel de l'immigration n'a aucunement tenu compte de la preuve dont elle disposait relativement au mariage religieux qui a été célébré aux Philippines en mars 2001. Il est vrai qu'il n'y a dans la décision aucune mention de la cérémonie ou de ses répercussions. Le défendeur fait valoir qu'il n'est pas essentiel que le tribunal mentionne et soupèse expressément toute la preuve dont il dispose avant de rendre sa décision. En outre, le défendeur allègue que la Section d'appel de l'immigration peut, lorsque la question est celle de l'intention de l'époux et celle de savoir s'il avait l'intention au moment du mariage de vivre avec la demanderesse en permanence, accorder plus d'importance aux éléments de preuve qui sont plus étroitement liés dans le temps au mariage civil.


[15]            Je ne suis pas convaincu que la preuve du mariage religieux aux Philippines, mariage qui a été célébré environ deux ans et demi après la célébration du mariage civil et six mois après que l'agent des visas eut décidé que le mariage ne permettait pas de conclure que l'époux appartenait à la catégorie des parents, était même pertinente à la question soumise au tribunal. Cette question touche un appel de la décision de l'agent des visas, prise bien avant la célébration du mariage religieux en mars 2001, à l'égard du mariage civil célébré en septembre 1998, mariage sur lequel se fondait la demanderesse pour parrainer la demande de son époux.

[16]            La preuve de ce mariage et d'autres événements survenus après que l'agent des visas eut pris sa décision ne peut, à mon avis, être pertinente qu'à l'égard des appels interjetés expressément par le répondant pour des raisons d'ordre humanitaire qui pourraient convaincre la Section d'appel de l'immigration d'accorder une mesure spéciale. Une mesure de cette nature peut être examinée par la Section d'appel de l'immigration, mais en l'espèce seulement s'il avait été jugé que l'époux appartenait à la catégorie des parents, comme l'avocat l'a reconnu devant la Section d'appel de l'immigration. Dans les circonstances, la Section d'appel de l'immigration n'a pas commis une erreur de droit en omettant de prendre en compte des événements survenus après la date de la décision de l'agent des visas. Ces éléments de preuve ne sont pas pertinents lors du contrôle de la décision de la Section d'appel de l'immigration qui dépend essentiellement de sa conclusion selon laquelle elle n'a pas compétence pour examiner l'appel étant donné que l'époux n'appartenait pas à la catégorie des parents suivant le paragraphe 4(3) du Règlement.


Conclusion

[17]            Par conséquent, je ne suis pas convaincu que le tribunal a commis de quelque façon que ce soit des erreurs dans ses conclusions de fait qui justifieraient l'intervention de la Cour. Je suis en outre d'avis que le tribunal n'a pas commis une erreur lorsqu'il a omis d'examiner, ou même en fait de prendre en compte, la preuve à l'égard du mariage religieux et d'autres événements survenus aux Philippines après que l'agent des visas eut pris sa décision par laquelle il a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par l'époux de la demanderesse.

[18]         Aucun des avocats n'a proposé une question grave de portée générale aux fins de la certification comme fondement d'un appel. Aucune question n'est certifiée.          

« W. Andrew MacKay »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 24 février 2003

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                           IMM-3846-01

INTITULÉ :                        EMMA MONDILLA IGOY

          - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

          ET DE L'IMMIGRATION

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        Le jeudi 6 juin 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :          Le juge MacKay

DATE DES MOTIFS :                                               Le lundi 24 février 2003

COMPARUTIONS :

          Andrew Wlodyka

        POUR LA DEMANDERESSE

          Sandra Weafer

        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

          Lowe & Company

        POUR LA DEMANDERESSE

          Morris Rosenberg, c.r.

          Sous-procureur général du Canada

        POUR LE DÉFENDEUR

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