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Date : 20030618

Dossier : T-546-03

Référence : 2003 CFPI 754

ENTRE :

                                                            GLEN E. P. KEALEY

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE,

LE MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA, JOHN VAISSI NAGY,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, MORRIS ROSENBERG,

LA MINISTRE DE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA, PAUL MIGUS, SUSAN WILLIAMS, LE COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA, GEORGE RADWANSKI et GERALD NEARY

                                                                                                                                          défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE TABIB

[1]         La Cour est saisie d'une requête en radiation de la déclaration, sans autorisation de modifier, présentée par les défendeurs Sa Majesté la Reine, le ministre de la Justice du Canada, John Vaissi Nagy, le procureur général du Canada, Morris Rosenberg, la ministre de Développement des ressources humaines Canada, Paul Migus et Susan Williams.


[2]         La requête des défendeurs se fonde sur les motifs suivants :

-            le procureur général n'est pas un défendeur approprié dans une action intentée contre la Couronne devant la Cour fédérale du Canada;

-            on ne peut poursuivre les ministres de la Couronne en leur qualité de représentants;

-           la Cour n'a pas compétence à l'égard des défendeurs à titre individuel;

-            en regard de tous les défendeurs, la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable et elle est scandaleuse, frivole et vexatoire.

Le procureur général du Canada en tant que défendeur

[3]         Sur le fondement de Kealey c. Canada, [1992] 1 C.F. 195, j'estime qu'ayant désigné Sa Majesté la Reine à titre de défenderesse en l'espèce, il est inapproprié et redondant pour le demandeur d'avoir également désigné le procureur général comme défendeur.


Les ministres en leur qualité de représentants

[4]         Il n'est pas clair dans la déclaration du demandeur si les ministres sont poursuivis à titre personnel ou en leur qualité de représentants, mais le fait qu'on énonce aux paragraphes 5 et 8 de la déclaration leurs responsabilités au sein du cabinet et qu'on les désigne comme chef de leur ministère respectif laisse entendre qu'on les poursuit en leur qualité de représentants. Par conséquent, tel qu'il a été statué dans Cairns c. Farm Credit Corp., [1992] A.C.F. n ° 1143 et dans Federation of Newfoundland Indians c. Canada, [2003] A.C.F. n ° 537, je conclus que le ministre de la Justice et la ministre du Développement des ressources humaines ne sont pas des défendeurs appropriés dans la présente action.

La compétence de la Cour à l'égard des défendeurs à titre individuel

[5]         Dans ITO-International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752, la Cour suprême du Canada a énoncé les trois conditions qui doivent être respectées pour que notre Cour ait compétence à l'égard d'une question dont elle est saisie :

1.      Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du gouvernement fédéral.


2.       Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et en constitue le fondement de l'attribution légale de compétence.

3.       La loi invoquée dans l'affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[6]         L'alinéa 17(5)b) permet de satisfaire au premier élément du critère.

[7]         La cause d'action que le demandeur fait valoir contre les défendeurs individuels ne satisfait pas, toutefois, aux deuxième et troisième éléments du critère relatif à la compétence. La déclaration du demandeur renferme des allégations générales selon lesquelles les défendeurs individuels ont ourdi un complot en vue de falsifier ses dossiers médicaux, afin de le diffamer et de le discréditer. La cause d'action se fonde par conséquent sur les délits civils de complot et(ou) de libelle de la common law, qui ne sont pas encadrés par des règles de droit fédérales ni ne relèvent de la compétence législative du gouvernement fédéral. Ainsi, quoique de telles allégations pourraient être portées contre ces défendeurs devant une cour provinciale, notre Cour n'a pas compétence à leur endroit.


La déclaration ne révèle aucune cause d'action valable ou elle est frivole ou vexatoire

[8]         Les défendeurs soutiennent également que la déclaration du demandeur dans son ensemble devrait être radiée en vertu des alinéas 221a), c) et f) des Règles de la Cour fédérale, 1998, au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable et qu'elle est frivole ou vexatoire. Cette partie de l'argumentation du demandeur s'appliquerait également à Sa Majesté la Reine et aux autres défendeurs.


[9]         Le demandeur allègue les faits suivants dans sa déclaration. Le demandeur avait présenté une demande de pension d'invalidité permanente au motif qu'il souffrait d'arthrite rhumatoïde, demande qui a été initialement rejetée par Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Avant audience devant la Commission d'appel des pensions, on a avisé le demandeur que DRHC avait changé d'avis et estimait désormais qu'il avait droit à une pension d'invalidité, mais pour motifs psychiatriques et non en raison d'arthrite rhumatoïde. N'ayant pu s'assurer du fondement du diagnostic psychiatrique, le demandeur conclut que les défendeurs ont comploté pour falsifier ses dossiers médicaux, en vue d'étayer leur décision quant aux motifs pour lui verser une pension et pour le diffamer et le discréditer. Le demandeur réclame par conséquent des dommages-intérêts pour « [traduction] violation de ses droits constitutionnels, abus de procédure et libelle malveillant » d'un montant de 54 000 000 $ pour « [traduction] usurpation de privilèges de naissance comme citoyen » , « vol par perception d'impôts et d'intérêts par un agent étranger » , « pertes subies dans le cadre du PROJET MICOT » et « actuels abus de procédure et libelle malveillant » , ainsi que des dommages-intérêts punitifs, exemplaires et spéciaux, des intérêts et les dépens, d'un montant non déterminé. Il n'y a aucune précision dans la déclaration quant à la nature véritable de ces pertes ou quant à un lien de causalité quelconque entre les dommages réclamés et les actions alléguées des défendeurs. On n'allègue non plus aucun fait constitutif du prétendu complot, comme son mode d'exécution ou l'existence d'une entente entre les défendeurs en vue de nuire au demandeur.

[10]       Ce sont là des éléments essentiels pour établir la preuve d'un complot, tel qu'il a été statué dans Ciments Canada Lafarge Ltée c. British Columbia Lightweight Aggregate Ltd., [1983] 1 R.C.S. 452. Il faut fournir les précisions nécessaires et faire preuve d'une attention particulière lorsqu'on allègue l'existence d'un complot en invoquant l'inconduite et la malhonnêteté. (Se reporter à Pellikaan c. Canada, [2002] 4 C.F. 169). En l'espèce, partant du simple fait qu'on lui a accordé une pension pour motifs psychiatriques sans qu'il ait pu s'assurer du fondement de ce diagnostic, le demandeur saute à la conclusion que toutes les personnes reliées, même accessoirement, à cette décision, ainsi que leurs supérieurs, ont nécessairement pris part à un vaste complot contre lui. La déclaration n'est pas même près d'avoir le degré de précision requis pour les allégations de complot.


[11]       Il est donc approprié de radier la déclaration du demandeur. La Cour a tiré une conclusion semblable à l'égard d'une requête présentée antérieurement dans la présente affaire par le Commissaire à la protection de la vie privée, George Radwanski et Gerald Neary, qui avaient également été désignés défendeurs dans la présente action (se reporter aux motifs de l'ordonnance et à l'ordonnance du 23 mai 2003 du juge Simon Noël, 2003 CFPI 645).

[12]       Je devrais mentionner ici qu'à l'audience relative à la présente requête, j'ai demandé au demandeur, qui se représente lui-même, s'il comprenait bien que ses actes de procédure ne respectaient pas les Règles ainsi que les exigences en la matière. J'ai ajouté que la Cour avait discrétion pour lui permettre de modifier ses actes de procédure contre Sa Majesté la Reine, de manière à ce qu'il y ait une possibilité que la Cour instruise sa demande. Le demandeur a reconnu que ses actes de procédure ne respectaient pas les exigences prévues, il a déclaré qu'il n'était pas avocat et il a mentionné qu'il n'avait pas l'intention de consulter un avocat ni de tenter de comprendre les Règles de la Cour de manière à présenter des actes de procédures conformes aux exigences. Le demandeur semblait, de fait, davantage intéressé à obtenir de la Cour une décision radiant sa déclaration, pour la publiciser comme preuve additionnelle de l'existence d'un complot contre lui et contre les citoyens du Canada.

[13]       La déclaration sera radiée, par conséquent, sans autorisation de la modifier.

[14]       Les défendeurs auront droit à leurs dépens dans le cadre de la présente requête, que je fixe à 500 $.


LA COUR ORDONNE :

1.          La déclaration du demandeur est radiée, sans autorisation de la modifier.

2.          Le demandeur doit payer les dépens des défendeurs dans le cadre de la présente requête, d'un montant de 500 $.

                                                                                                                                  « Mireille Tabib »            

                                                                                                                                         Protonotaire                 

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-546-03

INTITULÉ :                                                    GLEN E.P. KEALEY c. SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

     

LIEU DE L'AUDIENCE :                              OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 12 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

DATE DES MOTIFS ET

DE L'ORDONNANCE :                                LE 18 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

M. GLEN E.P. KEALEY                                                          LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

Mme SUZANNE PEREIRA                                                       POUR LES DÉFENDEURS - SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. GLEN E.P. KEALEY                                                          LE DEMANDEUR, POUR SON

Kemptville (Ontario)                                                                  PROPRE COMPTE

MORRIS ROSENBERG                                                          POUR LES DÉFENDEURS - Sous-procureur général du Canada                         SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.


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