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Date : 20041117

Dossier : T-1079-04

Référence : 2004 CF 1610

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2004

Présent :        Monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                                          GASTON J. SYLVAIN

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                             PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits de

                               AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA

                                                                           -et-

                             PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits de

                       L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

                                                                           -et-

                             PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits du

                                    MINISTÈRE DE LA SANTÉ(SANTÉCANADA)

                                                                             

                                                                                                                                       défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Dans le présent dossier, M. Gaston J. Sylvain (demandeur) intente une action contre le Procureur général du Canada aux droits de Agriculture et Agroalimentaire Canada, aux droits de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et aux droits du Ministère de la Santé (Santé Canada) ainsi que contre le Procureur général du Québec aux droits du Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

[2]                Dans une décision séparée rendue le 22 octobre 2004, le Procureur général du Québec aux droits du Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec a été mis hors de cause et n'est donc plus partie à la présente décision.

[3]                Le demandeur allègue avoir été l'objet d'un empoisonnement alimentaire suite à la consommation de volaille à diverses reprises soit une fois en 1993, soit il y a 11 ans, et à trois autres reprises entre 1995 et 2002. Le moment, l'endroit et les circonstances de cet empoisonnement ne sont en aucun cas précisés.

[4]                Le demandeur impute la responsabilité de cette intoxication alimentaire aux défendeurs qui, par leur inaction, n'auraient pas assuré une surveillance suffisante et adéquate de la qualité des aliments et qui auraient également caché la réalité de la contamination des produits de volaille. Les défendeurs auraient également laissé sciemment circuler des denrées contaminées par des pathogènes hautement nuisibles à la santé.


[5]                Le demandeur réclame des dommages-intérêts pour lui-même et éventuellement pour toutes les personnes qui auraient également été victimes d'intoxication causée par des produits avicoles contaminés. Le demandeur se propose comme représentant de ces personnes, ce qui fait l'objet du recours collectif « envisagé » lequel est l'objet de la présente instance.

[6]                La présente requête est une requête de la part du Procureur général du Canada aux droits des deux ministères et de l'agence visés par la présente action afin de faire rejeter la présente action. Les motifs invoqués sont les suivants :

-           il y a chose jugée;

-          la déclaration ne révèle aucune cause d'action;

-          il n'y a aucune faute imputable aux défendeurs exposés dans la déclaration quant aux dommages allégués;       

-          cette action est frivole et vexatoire et constitue un abus de procédure.

DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[7]                Règles de la Cour fédérale (1998) (DORS/98-106) (Règles) :



221. (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;

b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;

c) qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;

f) qu'il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l'action soit rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

299.12 (1) Une action peut être introduite par un membre d'un groupe de personnes au nom du groupe.

(2) Dans toute action introduite par le membre d'un groupe de personnes au nom du groupe, la mention « Recours collectif -- envisagé » est placée en tête de la déclaration.

(3) Le membre d'un groupe de personnes qui introduit une action au nom du groupe présente une requête en vue de faire autoriser l'action comme recours collectif et de se faire nommer représentant demandeur.

299.18 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une action comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

a) les actes de procédure révèlent une cause d'action valable; (...)

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

299.12 (1) A member of a class of persons may commence an action on behalf of the members of that class.

(2) The statement of claim in an action commenced by a member of a class of persons on behalf of the members of that class shall be prefaced by the heading "Proposed Class Action".

(3) A member who commences an action on behalf of a class of persons shall bring a motion for the certification of the action as a class action and the appointment of the member as representative plaintiff.

299.18 (1) Subject to subsection (3), a judge shall certify an action as a class action if

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action; ...


ANALYSE

[8]                Le demandeur propose un recours collectif mais n'a pas encore demandé l'autorisation aux termes du paragraphe 299.17(1) des Règles.

Chose jugée

[9]                Le procureur des défendeurs allègue que la doctrine de la chose jugée s'applique dans la présente instance.

[10]            À cet effet, le procureur des défendeurs réfère à toute une série de procédures intentées par le demandeur ou la société Terra Nova Systèmes inc. dont il est le président. D'abord, en février 2004, le demandeur a entrepris contre l'Agence canadienne d'inspection des aliments un recours en Cour fédérale (T-223-04), soit deux demandes d'injonctions interlocutoires provisoires et une demande de contrôle judiciaire en mandamus. Il y a de plus, un appel de la décision rejetant la demande de mandamus, cet appel étant actuellement pendant devant la Cour d'appel fédérale (A-376-04).

[11]            La première demande d'injonction interlocutoire provisoire a été rejetée, la seconde, de même nature, n'a pas été entendue et la demande de contrôle judiciaire appuyée d'un mandamus a été rejetée et portée en appel devant la Cour d'appel fédérale.


[12]            Tel que précisé par le procureur des défendeurs, les allégations essentielles de ces procédures sont à l'effet que l'Agence canadienne d'inspection des aliments aurait fait défaut d'appliquer un certain nombre de mesures concernant le cheptel aviaire. Les procédures en injonction étaient à l'effet de forcer l'Agence à exercer son pouvoir discrétionnaire en matière d'inspection des aliments.

[13]            Le 27 décembre 2003 Terra Nova Systèmes inc. représentée par le demandeur, a entrepris, en Cour supérieure du Québec, une action en dommages-intérêts de plus de $1 200 000 contre Olymel qui est un important abattoir de volailles au Québec. (Terra Nova Systèmes inc. c. Olymel, S.E.C./L.P., no de dossier 200-17-004210-043)

[14]            Les allégations de cette action étaient à l'effet qu'une entente d'acquisition de système de nettoyage de cageots, de transport de volailles à être fournis par Terra Nova Systèmes inc. n'aurait pas été respectée.

[15]            Le 27 mai 2004, l'honorable Bernard Godbout, juge de la Cour supérieure rejetait la demande suite à une requête présentée par la défenderesse Olymel à la fois sur la base des intitulés de la requête et sur l'absence de contestation.

[16]            Le 17 février 2004, le demandeur déposait une requête en injonction interlocutoire provisoire à l'encontre de la municipalité de Saint-Damase et du Ministère de l'Environnement du Québec (Gaston Sylvain c. Municipalité de Saint-Damase et Ministère de l'Environnement du Québec, no de dossier


200-17-004324-042). Cette requête était encore une fois supportée par des allégations à l'effet que la municipalité de Saint-Damase n'aurait pas respecté certaines dispositions de la loi en matière d'environnement et n'aurait pas imposé certaines obligations en matière de contrôle des pathogènes dans le processus de nettoyage et de désinfection des cageots servant au transport des volailles sur le territoire de la municipalité de Saint-Damase. Encore une fois, l'honorable Danielle Blondin, juge de la Cour supérieure, a rejeté la demande d'injonction puisqu'elle n'était pas présentée conformément aux dispositions du Code de procédure civile, ni conformément aux dispositions de la Loi sur la qualité de l'environnement.

[17]            Il n'est évidemment pas interdit à une partie d'entreprendre des procédures contre différents défendeurs pour des motifs différents. Il n'est pas défendu non plus à un demandeur de présenter des recours contre différents défendeurs s'il est en mesure de démontrer qu'il existe un certain partage des responsabilités entre lesdits défendeurs.


[18]            Il semble que le demandeur M. Sylvain soit lui-même ou par l'entremise de son entreprise Terra Nova Systèmes inc. a présenté différents recours contre différents défendeurs, lesquels sont en relation avec des allégations graves, de non respect de mesures environnementales ou encore du défaut d'application de règlement concernant la salubrité d'équipement ou encore reliées à la santé du cheptel aviaire et des êtres humains et du transport de la volaille.

[19]            Comme la plupart de ces recours à date se sont terminés en queue de poisson et qu'il semble difficile d'identifier clairement quels étaient les reproches, et à qui ils étaient adressés, il est assez difficile de conclure qu'il puisse y avoir chose jugée. Le seul dossier qui demeure actuellement actif est celui de la décision rendue par le juge Beaudry, récemment, lequel a été porté en appel et qui serait actuellement déficient par le défaut du demandeur de déposer ses documents dans les délais impartis.

[20]            Il est exact, à la lecture des différentes requêtes ou procédures déposées antérieurement par le demandeur pour lui-même et au nom de sa compagnie, lesquelles ont toutes été rejetées, qu'il existe une grande similitude avec la présente action déposée le 1er juin 2004, alors qu'en fait, le dernier recours en mandamus du demandeur a été présenté également au mois de juin 2004, et visait sensiblement le même objectif.


[21]            Il appert qu'alors que M. Sylvain déposait une demande de mandamus devant la Cour fédérale pour forcer le gouvernement à appliquer des méthodes plus rigoureuses d'inspection des aliments dans le secteur aviaire, il déposait une autre action en Cour fédérale basée sur le même laxisme allégué des mêmes agences gouvernementales fédérales.

[22]            Il est de mon devoir de considérer l'ordonnance du juge Beaudry, qui elle a rejeté le mandamus et que ladite décision est présentement l'objet d'un appel. Si jamais, M. Sylvain devait avoir gain de cause suite à sa demande, il apparaît évident qu'une affaire visant sensiblement les mêmes objectifs serait actuellement pendante devant la même Cour, soit la Cour fédérale. Si l'appel devait être rejeté, il est possible que la doctrine de la chose jugée res judicata, doive s'appliquer. Si, par ailleurs, l'appel devait être accueilli, il pourrait y avoir litispendance, ce qui nécessiterait la suspension de l'un des recours, en attendant le résultat de l'autre.

[23]            La multiplication des recours à l'encontre de défendeurs différents, l'absence de précision de la part du demandeur pouvant démontrer soit la similitude ou la différence entre l'un ou l'autre des recours exercés, et le rejet de la plupart de ces recours à une étape très préliminaire pour des motifs qui ont rapport davantage à la forme qu'au fond des arguments soulevés par le demandeur, empêche à ce stade-ci d'avoir une réponse concluante quant à l'application de la doctrine de res judicata. Il ne sera cependant pas nécessaire d'arriver à une décision définitive à cet effet pour les motifs exposés ci-après.


Aucune cause d'action valable

[24]            La présente requête en radiation se fonde sur la règle 221. Il est important de noter que l'alinéa 1a) de la règle 221 prévoit comme premier motif de radiation d'un acte de procédure « qu'il ne révèle aucune cause d'action ou défense valable » ; la première condition pour l'autorisation du recours collectif que l'on retrouve à l'alinéa 299.18(1)a) prévoit justement que l'autorisation du recours collectif est accordé si, notamment, « les actes de procédure révèlent une cause d'action valable » .

[25]            Le critère à satisfaire à cette étape est le même, comme le souligne le juge Hugessen dans l'affaire Le Corre c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 212 (C.F.), la seule différence étant à qui incombe le fardeau de la preuve. Le seuil quant à l'évaluation du critère à savoir s'il existe une cause d'action valable est assez bas; le principe étant qu'il faut protéger le droit d'action aux tribunaux (Edwards v. Law Society of Upper Canada (1995), 40 C.P.C. (3d) 316 (C.J. Ont. Div. gén.). En fait, il ne s'agit pas de trancher sur le fond mais de déterminer s'il existe une cause valable. La demande sera radiée ou le recours collectif refusé

« lorsqu'il est évident et manifeste » (plain and obvious) que le demandeur n'a aucune cause d'action valable, que son action est vouée à l'échec, (Le Corre, précité, paragraphe 22).

[26]            Dans l'arrêt Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, la Cour suprême du Canada a précisé en quelles circonstances la déclaration peut être radiée; l'action procédait d'une instance devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, et les conditions de radiation étaient prévues dans les Rules of Court de cette province. Les conditions sont essentiellement les mêmes que celles qui sont prévues aux Règles de la Cour fédérale. Compte tenu de l'importance de préserver le droit d'ester en justice, la demande ne sera radiée que si l'issue est évidente et manifeste, c'est-à-dire que même si les faits allégués dans la déclaration sont vrais, la cause n'a aucune chance de succès. La Cour suprême du Canada l'exprime ainsi aux paragraphes 32 et 33 :

Le critère est toujours de savoir si l'issue de l'affaire est "évidente et manifeste" ou "au-delà de tout doute raisonnable".

(...) Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être "privé d'un jugement". La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).


[27]            Dans la présente affaire, la requête en radiation de la déclaration doit être accueillie. Le défaut fondamental de la déclaration tient à l'absence d'un lien de causalité entre, d'une part, le dommage allégué (intoxication) et, d'autre part, les actions imputées aux défendeurs. Entre l'action du gouvernement, soit le défaut d'assurer l'inspection alimentaire et la consommation de poulet au restaurant par le demandeur, la chaîne de causalité est clairement rompue. Par conséquent, la déclaration ne révèle aucune cause d'action valable, et ce motif suffit pour radier la déclaration.

[28]            Dans l'arrêt Vojic c. Canada (M.R.N.), [1987] A.C.F. No 811 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a confirmé la radiation d'une déclaration au motif que les faits allégués étaient trop nébuleux pour permettre aux défendeurs d'opposer une défense. Dans sa déclaration, le demandeur présentait comme faits ses conclusions. Le même raisonnement peut s'appliquer en l'espèce.

[29]            Le demandeur allègue que l'inadéquation des services du réseau public (santé, surveillance, inspection) et le laxisme des défendeurs à l'égard des producteurs et transformateurs de produits de volaille lui ont causé des dommages psychologiques et physiques. Le demandeur reproche aux défendeurs de ne pouvoir lui garantir que les produits de volaille seront exempts de microorganismes nuisibles pour sa santé. Il n'y a rien dans la déclaration qui permette de conclure que même si les faits allégués sont avérés - inadéquation de l'inspection, présence de pathogènes dans les produits de volaille - il sera possible de faire le lien avec les intoxications alimentaires alléguées par le demandeur. Le lien de causalité étant absent, le demandeur n'a aucune chance de succès. Suivant les principes de Hunt c. Carey, précité, la déclaration devrait être radiée.


Déclaration scandaleuse, frivole et vexatoire

[30]            Les défendeurs invoquent également comme motifs de radiation outre l'absence de cause valable, le fait que l'acte de procédure est « scandaleux, frivole et vexatoire » et « qu'il constitue autrement un abus de procédure » selon les termes des alinéas (c) et (f) du paragraphe (1) de la règle 221.

[31]            Bien que la déclaration du demandeur fasse état d'accusation extrêmement grave à l'endroit des organismes fédéraux chargés de l'inspection alimentaire, les allégations demeurent vagues et générales. Par exemple il est curieux que le demandeur fasse état d'une intoxication survenue il y a 11 ans suivie, quelques années plus tard, de trois autres intoxications alimentaires dont les circonstances ne sont aucunement précisées : il est une chose de porter des accusations graves et de suggérer une intoxication, il en est une autre de mettre un minimum d'éléments factuels qui puissent au moins établir un temps soit peu un lien entre les événements subis, l'intoxication alléguée, et la responsabilité, s'il en est une, des différents défendeurs.


[32]            Malheureusement, et ce pour le défendeur, la déclaration est muette à ce sujet. Le procureur du demandeur suggère qu'il y a sans doute un nombre considérable de personnes qui a subi des intoxications alimentaires à différents moments en plus de M. Sylvain, le demandeur, mais qu'il est trop tôt à ce stade-ci pour déterminer la nature, le nombre et les circonstances de ces empoisonnements alimentaires.

[33]            Je puis comprendre qu'à ce stade-ci il est difficile d'identifier les personnes qui auraient été victimes d'intoxication alimentaire, cependant, je pense qu'au minimum, le demandeur principal aurait dû fournir un certain nombre d'informations qui auraient pu au moins démontrer ladite intoxication avec une description des faits et des circonstances de cette situation particulière.

[34]            Le demandeur semble suggérer que les défendeurs sont tenus de par la loi à assurer une absolue sécurité quant à la chaîne alimentaire : lorsqu'un individu consomme du poulet comme individu, chez lui ou encore comme client dans un restaurant, et que si ladite volaille s'avère être impropre à la consommation, l'un ou l'autre des trois défendeurs en est automatiquement responsable, quelles que soient les circonstances, la période écoulée, la responsabilité ou négligence du consommateur lui-même, ou encore la responsabilité des autres intermédiaires de la chaîne alimentaire, entre le poulailler et la fourchette.


[35]            Une telle affirmation n'est appuyée pas aucune jurisprudence ni doctrine et apparaît à sa face même aller à l'encontre des principes établis quant au lien de causalité devant exister entre un dommage et le ou les parties ayant pu causer ledit dommage.

[36]            Je n'ai aucune hésitation à conclure que l'acte de procédure et l'action elle-même sont scandaleux, frivoles et vexatoires, et constituent un abus de procédure selon les termes des alinéas (c) et (f) du paragraphe (1) de la règle 221.

CONCLUSION

[37]            J'ai fait une lecture attentive de la déclaration et également de l'argumentation déposée par les procureurs des défendeurs dans le présent dossier. Il est assez surprenant que le procureur du demandeur ait décidé de ne répondre que tardivement et très superficiellement aux arguments solides appuyés par une abondante jurisprudence au soutien de la requête pour rejet d'action.

[38]            Je n'ai pas réussi à identifier une véritable cause d'action dans la déclaration déposée par le demandeur. Il semble que le demandeur ait multiplié les différents recours en invoquant de façon systématique des déficiences présumées dans les méthodes de surveillance et d'inspection de la qualité des aliments de la part des défendeurs incluant le transport de la volaille.

[39]            Il apparaît également que le demandeur a été en relations d'affaires pendant plusieurs années avec le Ministère fédéral de l'Agriculture et il n'y a rien au dossier qui démontre que le demandeur ait jamais soulevé la question de sa propre intoxication alimentaire au cours de ces années où il était en contact sur une base contractuelle avec le Ministère fédéral de l'Agriculture et il semble quant à ces relations contractuelles, qu'il existe toujours un contentieux entre les deux parties et le demandeur a choisi de ne pas répondre aux allégations qui sont soulevées à cet effet dans la requête.

[40]            La déclaration est à ce point vague que l'un ou l'autre des défendeurs n'apparaît même pas de par son nom à l'intérieur de la déclaration; ils sont simplement mentionnés collectivement à titre « les défendeurs » , alors que ces derniers ont des responsabilités et des interventions tout à fait différentes les unes des autres.

[41]            Il n'existe aucun détail sur les moments où la volaille a été consommée, aucun détail sur les restaurants où ladite volaille aurait été consommée et mise à la disposition du public et aucun détail quant aux hôpitaux, médecins qui auraient pu être impliqués ou consultés relativement aux intoxications alimentaires, et en quoi l'une ou l'autre des instances fédérales mentionnées comme défendeur aurait commis une faute soit par action ou encore par omission.


[42]            C'est une chose de permettre à tout justiciable d'avoir recours aux tribunaux, il en est une autre de permettre à quelqu'un de multiplier les recours à peu près semblables devant différents tribunaux supportés par des allégations et des accusations extrêmement graves à l'endroit de ministères et d'agences qui ont une responsabilité particulière à l'égard de la santé publique à travers le Canada. Lorsqu'un demandeur ne réussit pas au minimum à présenter une trame factuelle au moins minimale quant à ses allégations, les tribunaux sont en droit de déclarer l'action frivole et vexatoire. C'est manifestement le cas ici.

[43]            Je n'ai aucune hésitation par ailleurs tout en rejetant la présente déclaration pour les motifs expliqués précédemment, à considérer que ladite action devra être rejetée également sans possibilité d'amendement.

[44]            Les défendeurs demandent que dans cette situation particulière le demandeur devrait être condamné à payer les dépens extra judiciaires, ou une somme à être déterminée par le tribunal.


[45]            Cette demande particulière apparaît à la requête, elle a fait l'objet de commentaires précis lors des soumissions orales présentées par le procureur des défendeurs. Cependant, le procureur du demandeur a choisi de ne pas répondre à cette demande, ni à présenter une argumentation valable à cet effet.

[46]            À la lumière des représentations qui m'ont été faites et considérant le dossier tel que constitué, je ne crois pas opportun de condamner le demandeur à payer les dépens sur la base avocat-client, cependant, je crois qu'il est opportun d'accorder les dépens en faveur du défendeur Procureur général du Canada pour une somme établie à $3,000 payable sans délai.


                                                           O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE que:

-          La requête en radiation de la déclaration soit accueillie.

-            La déclaration soit radiée sans autorisation de la modifier.

-            L'action soit rejetée.

-          Le demandeur soit condamné à payer les dépens établis à $3,000 sans délai, au défendeur Procureur général du Canada.

                  « Pierre Blais »               

                       J.C.F.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-1079-04

INTITULÉ :

                                                           GASTON J. SYLVAIN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits de

                               AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE CANADA

                                                                           -et-

                                PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits de

                        L'AGENCE CANADIENNE D'INSPECTION DES ALIMENTS

                                                                           -et-

                                PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA aux droits du

                                    MINISTÈRE DE LA SANTÉ (SANTÉ CANADA)

                                                                             

                                                                                                                                          défendeurs

LIEU DE L'AUDIENCE :                Québec

DATE DE L'AUDIENCE :               13 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE: M. le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                     17 novembre 2004

COMPARUTIONS:

Me Daniel Petit                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Guy Lamb                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Daniel Petit                                                                          POUR LE DEMANDEUR

4765, 1ère Avenue, bureau 280

Charlesbourg (Québec)

G1H 2T3

Me Guy Lamb                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Procureur général du Canada                                                     Procureur général du Canada

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada


Ministère de la Justice

Montréal


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