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                                                                                                                                  Date : 20030523

                                                                                                                       Dossier : IMM-3502-02

Ottawa (Ontario), le 23 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

Entre :

                                      HUMBERTO ANTONIO GONZALEZ ARAYA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 2 juillet 2002, qui avait refusé au demandeur le statut de réfugié au sens de la Convention, est rejetée.

                                                                                                                                    « Yvon Pinard »              

                                                                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                                                                                                  Date : 20030523

                                                                                                                       Dossier : IMM-3502-02

                                                                                                                  Référence : 2003 CFPI 626

Entre :

                                      HUMBERTO ANTONIO GONZALEZ ARAYA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 2 juillet 2002, qui lui avait refusé le statut de réfugié au sens de la Convention, selon la définition apparaissant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]         Le demandeur, un ressortissant du Costa Rica, affirme craindre avec raison d'être persécuté dans son pays en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social.


[3]         Le demandeur appartient à une famille politiquement active et puissante du Costa Rica. Son oncle, qui est aussi son parrain, est Rolando Araya Monge (Monge). Il était le dirigeant du Parti de la libération nationale (le PLN) et un candidat à la présidence durant les élections qui ont eu lieu au printemps de 2002.

[4]         Le demandeur affirme qu'il était au service de Gerardo Fait (Fait), un rival politique de Monge au sein du PLN, et que, alors qu'il travaillait pour Fait, il avait découvert que celui-ci blanchissait, par l'entremise de son quartier général de campagne, de l'argent tiré du commerce de la drogue. Le demandeur affirme aussi qu'il a conservé une copie des registres financiers et qu'il en a informé Monge, qui a alors appelé Fait et l'a dénoncé sans d'abord en avertir le demandeur. Fait fut paraît-il si perturbé par l'appel qu'il a, dans sa colère, défié le demandeur et tiré dans l'estomac d'un autre employé. Le demandeur s'est enfui à San Jose, parce qu'il craignait Fait, Monge et David Wabe, l'un des associés de Fait. Sa mère l'avait, semble-t-il, informé que des hommes étaient venus chez elle pour le chercher, l'avait battue et avait menacé de tuer ses frères si elle ne révélait pas l'endroit où se trouvait le demandeur.

[5]         Le demandeur s'est enfui au Canada le 1er avril 2001 et a revendiqué le statut de réfugié le 20 avril 2001. Il affirme que, depuis le Canada, il a communiqué avec La Naci_n, un journal costaricain, pour lui communiquer la preuve documentaire des événements décrits ci-dessus. Aucun article ne semble avoir été publié par le journal à la suite de cette information.


[6]         La Commission a fondé sa décision sur le fait que, selon elle, le demandeur n'était pas crédible. Pour les questions de crédibilité, la Cour est guidée par les principes bien établis suivants. La Cour ne peut substituer son opinion à celle de la Commission à moins que le demandeur ne prouve que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée d'une manière arbitraire ou abusive, ou sans égard aux éléments qu'elle avait devant elle (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé qui a pour mandat d'évaluer la vraisemblance et la crédibilité d'un témoignage, dans la mesure où les conclusions qu'elle en tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)), et dans la mesure où ses motifs sont exposés clairement et intelligiblement (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)). Comme l'a indiqué la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, lorsqu'un tribunal croit qu'un revendicateur n'est pas crédible au regard d'un élément essentiel de sa revendication du statut de réfugié, cela équivaut pour lui à dire que la revendication ne repose sur aucune preuve crédible. Par ailleurs, la Commission a le droit de tirer des conclusions raisonnables, en se fondant sur les invraisemblances, le bon sens et la raison (Monteiro c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2002 CFPI 1258, et Shahamati c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (24 mars 1994), A-388-92 (C.A.F.)). Finalement, la Commission peut rejeter une preuve non contredite si cette preuve n'est pas compatible avec les probabilités qui ressortent du dossier tout entier, ou lorsque des contradictions sont constatées dans la preuve (Monteiro, précité, et Akinlolu c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (14 mars 1997), IMM-551-96 (C.F. 1re inst.)).


[7]         Selon le demandeur, la Commission n'a pas tenu compte de ses explications, ni de celles de son avocat, concernant les raisons pour lesquelles il avait été embauché par Fait. Puisque la Commission a estimé que les circonstances entourant le prétendu emploi n'étaient pas vraisemblables, elle avait le loisir de demander une preuve documentaire à l'appui. La Commission a rejeté la preuve produite parce que l'unique chèque oblitéré n'établissait pas un lien hiérarchique continu, et parce qu'aucune preuve n'attestait l'identité de l' « employeur numéro 164382000 » sur le reçu de sécurité sociale produit comme preuve par le demandeur. Il n'était pas déraisonnable pour la Commission de n'accorder aucune valeur probante à ces documents. La Commission a considéré clairement aussi les explications du demandeur concernant les raisons pour lesquelles il avait été embauché, mais, les jugeant imprécises, elle les a rejetées. S'agissant de la lettre adressée par Ernesto Gallegos Fernandez à Fait, toute conclusion selon laquelle le demandeur était au service de Fait devait être déduite; elle n'apparaît pas clairement dans le document. Par conséquent, bien qu'il eût été préférable pour la Commission de faire état de ce document et des motifs qu'elle avait de le rejeter, elle n'était pas tenue d'agir ainsi, vu ses conclusions fondées sur les autres documents.

[8]         Le demandeur affirme aussi que la Commission a tiré ses propres conclusions et, sur la question du blanchiment d'argent, a décidé qu'il n'était pas crédible en se fondant sur ses propres « connaissances spécialisées » , sans se référer à aucune preuve documentaire. La Commission n'a pas commis d'erreur en s'en remettant au bon sens et à la raison lorsqu'elle a évalué la revendication du demandeur. Au reste, elle a bien tenu compte de la preuve documentaire ainsi que de la preuve testimoniale produite par le demandeur, comme on peut le voir aux pages 6 et 7 de sa décision, mais elle a estimé que la preuve en question constituait « des documents comptables commerciaux et politiques courants » et qu'elle ne révélait aucune irrégularité.

[9]         Le demandeur soutient aussi que, bien qu'il n'ait pu offrir à la Commission une analyse détaillée de la législation sur les campagnes électorales, il était suffisamment au fait des lois pour pouvoir constater que Fait ne s'y conformait pas. Cependant, le demandeur a témoigné qu'il n'était pas au courant des lois sur le financement des campagnes électorales lorsqu'il se trouvait au Costa Rica, et qu'il n'en a pris connaissance que lorsqu'il a consulté un avocat au Canada.


[10]       Pour ce qui est de La Naci_n, qui n'avait pas fait sa une de la corruption signalée par le demandeur ni n'avait réagi aux renseignements communiqués par le demandeur, le demandeur affirme que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve documentaire pertinente, plus précisément de l'information relative au pays et se rapportant aux dangers que l'on courait lorsqu'on s'avisait de dénoncer la corruption. Un tribunal doit être présumé avoir étudié toute la preuve qui lui a été présentée, et il n'est pas tenu de mentionner dans ses motifs tous les éléments de preuve dont il a tenu compte avant de rendre sa décision (Taher c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (7 septembre 2000), IMM-5255-99 (C.F. 1re inst.)). Toutefois, plus la preuve est pertinente, plus il importe que le décideur en fasse état dans ses motifs, surtout si cette preuve contredit directement les conclusions de la Commission (voir l'affaire Cepeda-Gutierrez c. Canada (M.C.I.) (1998), 157 F.T.R. 35). En l'espèce, je me range à l'avis du défendeur selon lequel l'information relative à la situation ayant cours dans le pays n'était pas pertinente. La Commission a estimé que le journal ne s'intéresserait pas aux documents présentés par le demandeur parce qu'ils n'établissent aucune irrégularité dans les agissements de Fait. Par ailleurs, la Commission a estimé que les circonstances entourant la présumée communication de renseignements au journal étaient invraisemblables, parce que le demandeur ne pouvait se souvenir du nom du journaliste à qui il les avait envoyés, et parce que, si les autres éléments de l'affaire étaient véridiques, il aurait alors exposé sa famille à un danger immédiat en compromettant Fait. Il n'était pas déraisonnable pour la Commission de mettre en doute sur ce point la crédibilité du demandeur.

[11]       Le demandeur affirme aussi que la Commission ne s'est pas intéressée à son explication de l'incident au cours duquel Fait avait tiré sur un employé, et il dit qu'elle s'est fondée à tort, dans son interprétation des événements, sur des connaissances non documentées et non précisées. L'argument du demandeur sur ce point n'est pas recevable, puisque, durant son témoignage, il avait reconnu avec la Commission qu'une blessure par balle devait nécessairement être signalée à la police, même si la victime est transportée vers un hôpital privé. Par conséquent, il était raisonnable pour la Commission de juger non crédible l'explication initiale du demandeur selon laquelle la blessure par balle n'avait pas à être signalée dans une clinique privée.


[12]       Le demandeur soutient aussi que le rejet de son témoignage par la Commission au motif qu'il ne correspondait tout simplement pas « à la nature d'un État que l'on appelle souvent "la Suisse de l'Amérique centrale" » contredit directement la preuve documentaire présentée à la Commission à propos de la corruption des policiers et des fonctionnaires. Lue dans son contexte, la description que donne la Commission des caractéristiques du Costa Rica voulait simplement dire qu'une blessure par balle aurait été signalée par tout médecin traitant; la Commission ne donnait pas une description générale de la situation ayant cours dans le pays. Par une telle déclaration, la Commission ne contredisait pas et n'ignorait pas la preuve se rapportant aux conditions ayant cours dans le pays, et qui fait état de blanchiment d'argent et de trafic de drogue dans le secteur public et le secteur privé.

[13]       Finalement, selon le demandeur, la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a rejeté son affirmation selon laquelle il craignait véritablement Monge. La Commission a estimé que le témoignage du demandeur sur sa relation avec Monge était contradictoire et que la peur et l'antipathie soudaines du demandeur par rapport à son oncle apparaissaient dans son témoignage dépourvues de tout lien logique avec la trame de sa version des faits. Le demandeur ne disait d'ailleurs pas dans son Formulaire de renseignements personnels qu'il craignait que son oncle lui cause des ennuis. D'après la preuve dont elle disposait, il n'était pas déraisonnable pour la Commission de conclure que le demandeur ne disait pas la vérité lorsqu'il affirmait qu'il craignait Monge.


[14]       Pour tous les motifs susmentionnés, et puisque les arguments du demandeur sont tous rattachés à la manière dont la Commission a apprécié les faits, je suis d'avis que le demandeur n'a absolument pas réussi à montrer que la décision de la Commission est manifestement déraisonnable et, en conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                                                    « Yvon Pinard »               

                                                                                                                                                     Juge                       

OTTAWA (ONTARIO)

le 23 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             IMM-3502-02

INTITULÉ :                                            HUMBERTO ANTONIO GONZALEZ ARAYA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 24 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :       MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                           le 23 mai 2003

COMPARUTIONS:

Maureen Kirkpatrick                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Caroline Christiaens                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Larson Boulton Sohn Stockholder                                                          POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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