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                                                                                                                                            Date : 20010214

                                                                                                                                Dossier : IMM-5387-99

                                                                                                                 Référence neutre : 2001 CFPI 74

ENTRE

AFSANEH FARZAD

                                                                                                                                              demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE SIMPSON

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision qu'une agente des visas (l'agente) a prise à l'ambassade du Canada, à Damas, en Syrie. Afsaneh Farzad (la demanderesse) avait obtenu un nombre suffisant de points d'appréciation (70) pour être admissible à titre de résidente permanente, mais l'agente a néanmoins décidé que, conformément à l'alinéa 11(3)b) du Règlement sur l'immigration de 1978, elle ne serait pas en mesure de réussir son installation au Canada.


Les faits

[2]         La demanderesse est une citoyenne iranienne âgée de 48 ans qui vit en Iran. En 1975, elle a obtenu du Liverpool Polytechnic, au Royaume-Uni, un baccalauréat ès arts spécialisé de première classe dans le domaine des tissus et de la mode. Par la suite, de 1987 à 1997, elle a travaillé comme modéliste pour la Mandana Factory & Fashion Co. (maintenant connue sous le nom de Paul Department Store), à Téhéran. La demanderesse a dit que ses fonctions visaient à [TRADUCTION] « créer et concevoir des vêtements et des accessoires pour femmes et pour enfants ainsi qu'à créer des robes de mariée » .

[3]         La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente à titre de modéliste le 16 décembre 1997, dans la catégorie des immigrants indépendants.

[4]         La demanderesse a dit qu'au cours d'un long séjour au Canada, qui a duré du mois de mai 1997 au mois de février 1999, elle avait acquis des connaissances au sujet de l'industrie canadienne de la mode en [TRADUCTION] « [c]onsultant des modélistes canadiens, en effectuant des recherches dans les bibliothèques spécialisées en commerce, en surveillant de près les médias et en visitant des magasins situés dans le district de la mode de Toronto et dans les environs » . Elle a déclaré qu'elle était au courant des tendances de l'industrie de la mode, qu'elle avait étudié le marché du travail et qu'elle avait examiné les nouveaux débouchés de marché. Elle a également fait savoir qu'elle avait découvert un marché pour une ligne de vêtements destinés aux femmes âgées qui ont des problèmes de santé.


[5]         Pendant qu'elle était au Canada, la demanderesse s'est présentée à une entrevue devant M. Marty Richman. M. Richman est président du groupe Richman, que la demanderesse a décrit comme un gros fabricant canadien de vêtements. M. Richman a examiné les ébauches et les dessins de la demanderesse et il a fait remarquer qu'ils étaient [TRADUCTION] « fort créatifs et réalisables sur le plan financier aux fins de la fabrication et de la distribution sur le marché canadien » .

[6]         La demanderesse a eu une entrevue avec l'agente à l'ambassade du Canada, à Damas, en Syrie, le 15 février 1999. Sept mois plus tard, l'agente a envoyé à la demanderesse une lettre de rejet en date du 8 septembre 1999 (la décision).

La décision

[7]         L'agente a fait savoir que, même si la demanderesse avait obtenu 70 points, sa demande était rejetée. L'exposé figurant dans la décision de l'agente est reproduit ci-dessous :

[TRADUCTION]

Même si vous avez obtenu 70 points, j'estime qu'à l'heure actuelle, vous ne seriez pas en mesure de réussir votre installation au Canada. À mon avis, vous n'êtes pas suffisamment prête à entrer sur le marché canadien du travail, notamment pour les motifs suivants : compte tenu de la façon dont vous avez décrit vos antécédents professionnels à l'entrevue, votre expérience semble plutôt limitée. Vous avez travaillé pendant dix ans (de 1987 à 1997) pour la Mandana Factory and Fashion Co., à Téhéran, à concevoir des vêtements pour femmes et des robes de mariée destinés au marché iranien. Depuis deux ans, vous ne travaillez plus comme modéliste. Vos compétences et votre expérience ne peuvent pas facilement être transférées dans le milieu canadien étant donné que vous n'avez jamais travaillé comme modéliste pour une clientèle occidentale.

La question de vos aptitudes créatives se pose également. La CNP dit qu'en ce qui concerne cette profession, « un portfolio démontrant les aptitudes créatives


est exigé » . Au cours de l'entrevue, je vous ai demandé de faire une ébauche et je vous ai fourni une plume et du papier. Cette ébauche ne démontrait que des aptitudes créatives et des compétences en design rudimentaires. Je vous ai expliqué la chose, et vous avez répondu que normalement vous utilisiez un crayon. Je vous ai donc demandé d'effectuer une ébauche au crayon après l'entrevue. Or, cette ébauche ne démontrait elle aussi que des aptitudes créatives et des compétences en design fort élémentaires; elle ne semble pas satisfaire aux normes qu'exigerait un employeur canadien d'une modéliste professionnelle. À l'entrevue, vous avez également soumis un dossier de présentation qui, comme je vous l'ai alors expliqué, ne semble pas non plus satisfaire aux normes professionnelles exigées par les employeurs canadiens dans cette industrie.

En outre, vous n'avez effectué que des recherches restreintes au sujet de l'industrie de la mode au Canada, et ce, même si vous avez fait ici un séjour de deux ans (de 1997 à 1999). Vous aviez communiqué avec une personne qui oeuvrait dans l'industrie canadienne de la mode, mais vous n'étiez pas au courant des aspects pratiques et économiques de l'industrie canadienne de la mode et de la façon dont les modélistes travaillent au Canada. Cela constitue un obstacle additionnel à votre capacité de vous établir sur le plan financier au Canada et cela démontre que vous n'êtes pas prête à entrer sur le marché canadien du travail dès votre arrivée; cela démontre que vous avez peu d'esprit d'initiative, de motivation, une faible faculté d'adaptation et peu d'ingéniosité.

Je suis donc d'avis, et un agent d'immigration supérieur souscrit à mon avis, que conformément à l'alinéa 11(3)b) du Règlement sur l'immigration, les points qui vous ont été attribués ne reflètent pas d'une façon exacte votre capacité de réussir votre installation au Canada. Votre demande a donc été refusée.

La classification nationale des professions (la CNP)

[8]         Le 24 avril 1997, le paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement) a été modifié[1] (les modifications) par l'adjonction entre autres de la définition ci-après énoncée :

« Classification nationale des professions » Le document intitulé Classification nationale des professions - le Guide sur les carrières et autres publications accessoires étant compris - publié par le ministre du Développement des ressources humaines, avec ses modifications éventuelles.


[9]         La section 5243.2 du Guide sur les carrières traite des modélistes. Les trois pages pertinentes sont jointes à l'annexe « A » des présents motifs. Cela comprend un énoncé des principales fonctions exercées par les modélistes, les conditions d'accès à la profession qui s'appliquent aux modélistes et une section intitulée : « Profil des descripteurs » qui énonce les caractéristiques principales de la profession. Au moyen de la note de service sur les opérations de Citoyenneté et Immigration Canada du 1er mai 1997, on a mis le Guide sur les carrières à la disposition des agents des visas; voici ce qui est dit aux pages 3 et 4 :

Utilisation de la CNP pour la sélection des immigrants :

Conformément au nouveau règlement publié par anticipation dans la Gazette du Canada le 15 mars 1997, et qui entrera en vigueur le 1er mai 1997, les agents qui se servent de la CNP comme outil d'évaluation doivent être convaincus que l'immigrant éventuel a rempli bon nombre des fonctions décrites à la rubrique Fonctions principales de la CNP à quatre chiffres et qu'ils respectent les critères d'emploi énumérés dans le Guide des carrières. [...] Les agents d'évaluation doivent être convaincus que les requérants possèdent les qualités appropriées qui leur permettront d'intégrer le marché du travail et de remplir les fonctions principales de leur profession envisagée au Canada.


[10]       Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui était joint aux modifications disait que celles-ci s'avéraient nécessaires parce que, en 1992, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a abandonné la Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP) mentionnée dans le Règlement. En 1997, DRHC s'est plutôt fondé sur la CNP dans son système de classification des professions. Par conséquent, les modifications ont été présentées de façon à remplacer l'ancienne CCDP par la CNP en tant que système de classification des professions destiné à être utilisé lorsque des points étaient attribués pour certains articles mentionnés à l'annexe I du Règlement, y compris l'article 4, soit le facteur professionnel.

[11]       L'article 5 des modifications prévoyait que le facteur professionnel serait considéré de la façon ci-après énoncée :

5. Les colonnes I et II de l'article 4 de l'annexe I du même règlement sont remplacées par ce qui suit :

Colonne I

Colonne II

Facteurs

Critères

4.              Facteur professionnel

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession :

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

b) pour laquelle le requérant a exercé un nombre substantiel des fonctions principales établies dans la Classification nationale des professions, dont les fonctions essentielles;

c) que le requérant est prêt à exercer au Canada.

[Je souligne.]

Il importe de noter que, contrairement à la note de service sur les opérations mentionnée au paragraphe 9 ci-dessus, l'annexe I n'indique pas que les qualités voulues doivent amener le requérant à s'intégrer avec succès sur le marché canadien du travail.


[12]       Les conditions d'accès à la profession qui s'appliquent au Canada, telles qu'elles sont énoncées dans le Guide sur les carrières (annexe A des présentes), sont les suivantes :

·            Un baccalauréat en beaux-arts ou en arts plastiques avec spécialisation dans le design des décors de théâtre, le design des vêtements ou de l'aménagement des étalages

ou

un diplôme d'études collégiales ou d'établissement d'enseignement des arts avec spécialisation dans le design des décors de théâtre, le design des vêtements ou l'aménagement des étalages sont exigés.

·            Un portfolio démontrant les aptitudes créatives est exigé.

[13]       Les principales fonctions des modélistes sont également énoncées dans le Guide sur les carrières; il s'agit des fonctions suivantes :

·            concevoir et créer des vêtements et des accessoires pour hommes, femmes et enfants.


[14]       Il n'a pas été contesté que l'agente n'a pas déterminé le nombre de points d'appréciation susceptibles d'être attribués à l'égard d'une profession particulière en ce qui concerne le facteur professionnel. Ces points étaient fixés au niveau ministériel et ils étaient fondés sur une évaluation nationale des possibilités d'emploi. En l'espèce, les parties ont convenu qu'un point d'appréciation pouvait être attribué dans le cas d'un modéliste. Il n'était pas non plus contesté que la demanderesse avait obtenu le point qui pouvait lui être attribué pour le facteur professionnel, mais on se demandait si ce point lui avait été attribué automatiquement par ordinateur ou s'il ne lui avait été attribué qu'après que l'agente eut effectué son appréciation. À cet égard, j'ai conclu que la preuve montre que l'agente a effectué une appréciation et qu'elle a attribué à la demanderesse le point auquel cette dernière avait droit pour la profession envisagée.

Les points litigieux

1.          L'agente avait-elle le droit de tenir compte de la motivation et des questions professionnelles en déterminant si la demanderesse pouvait réussir son installation au Canada en vertu de l'alinéa 11(3)b) du Règlement?

2.          L'agente a-t-elle commis une erreur en utilisant le profil des descripteurs énoncé dans le Guide sur les carrières en vue d'apprécier les aptitudes créatives de la demanderesse?

3.          L'agente a-t-elle tiré, au sujet de l'expérience, de la motivation et des aptitudes créatives de la demanderesse, des conclusions qui n'étaient pas étayées par la preuve? Dans ses observations orales, l'avocate de la demanderesse a mis l'accent sur ce point.

4.          L'agente a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte de la lettre de M. Richman lorsqu'elle a examiné la question des aptitudes créatives de la demanderesse?

5.          L'agente a-t-elle commis une erreur en exigeant que les compétences de la demanderesse puissent être transférées à une clientèle [TRADUCTION] « occidentale » ?

Autres points litigieux

[15]       Dans les documents qu'elle a produits, la demanderesse a soulevé la question de la norme de contrôle et des circonstances dans lesquelles s'est déroulée son entrevue, mais dans les observations orales il n'a pas été donné suite à ces questions.


Premier point

[16]       L'alinéa 11(3)b) du Règlement (la disposition) prévoit l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire défavorable entraînant le refus d'accorder un visa au requérant qui est par ailleurs admis. Cette disposition se lit comme suit :

(3) L'agent des visas peut

[...]          

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10,

s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

[17]       Dans la décision Chen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 350 (1re inst.); infirmée [1994] 1 C.F. 639 (C.A.); confirmée [1995] 1 R.C.S., la Cour suprême du Canada a confirmé la décision rendue par le juge de première instance et le jugement dissident prononcé en appel. Il s'agissait de savoir si le fait d'offrir un pot-de-vin pouvait servir de fondement en vue d'exercer un pouvoir discrétionnaire défavorable en vertu de la disposition en question; la Cour a statué que l'agent doit exercer son pouvoir discrétionnaire défavorable uniquement en se fondant sur des questions se rapportant à la capacité du demandeur de gagner sa vie. Plus précisément, il ne devrait pas être tenu compte des questions de turpitude morale. À mon avis, tels étaient les motifs de la décision Chen.


[18]       Toutefois, dans la décision Chen, le juge de première instance a également examiné le rapport existant entre le fait d'attribuer des points pour la personnalité en vertu de l'article 9 de l'annexe I du Règlement et l'exercice du pouvoir discrétionnaire défavorable prévu par la disposition en question. Dans l'affaire Chen, le demandeur avait obtenu sept des dix points possibles pour la personnalité, mais le pouvoir discrétionnaire défavorable avait été exercé en vertu de la disposition compte tenu du fait que le demandeur n'avait pas la personnalité requise. Le juge de première instance a indiqué que le pouvoir discrétionnaire prévu par la disposition pouvait uniquement être exercé si l'agent n'avait accordé au demandeur aucun point pour un article particulier.

[19]       En l'espèce, si l'on applique la décision Chen à cet égard, l'agente n'aurait pas dû tenir compte du manque de motivation ou de compétences professionnelles dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par la disposition en question étant donné qu'au lieu de n'attribuer aucun point à la demanderesse, elle a attribué à celle-ci quatre points pour la personnalité et un point pour le facteur professionnel. Toutefois, l'agente a clairement tenu compte de la créativité de la demanderesse et de son manque de motivation lorsqu'elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon à refuser le visa en vertu de la disposition. Compte tenu de la décision Chen, il s'agit de savoir si c'était une erreur susceptible de révision. La demanderesse affirme que pareille erreur a été commise et elle me demande de radier la décision en vertu de la disposition, de sorte qu'elle aurait encore les 70 points nécessaires en vue d'obtenir son visa.


[20]       J'ai conclu que la thèse qui a été énoncée dans la décision Chen, à savoir que, pour qu'il puisse être tenu compte d'un article en vertu de la disposition en question, il faut qu'aucun point n'ait été attribué, est une remarque incidente et qu'elle ne lie donc pas la Cour. J'ai refusé de suivre cette décision parce que l'on y adopte une approche qui peut, dans certains cas, priver les agents de la capacité de tenir compte de la réalité. Ainsi, en ce qui concerne la personnalité, il n'est à mon avis pas illogique d'attribuer à la demanderesse, en l'espèce, un nombre de points relativement peu élevé pour la personnalité, soit quatre points, compte tenu de ses antécédents professionnels en Iran, mais de dire ensuite, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par la disposition, que l'attribution de 70 points n'indique néanmoins pas exactement les chances de la demanderesse de réussir son installation au Canada puisque, au cours du long séjour qu'elle a effectué au Canada, la demanderesse a fait preuve de fort peu de motivation ou d'initiative à l'égard de la profession qu'elle prévoyait d'exercer ici. Il arrive bien souvent que la situation ne soit pas claire; il doit être loisible aux agents de tenir compte de divers faits.


[21]       La demanderesse a également affirmé qu'étant donné qu'un point a été attribué pour le facteur professionnel, l'agente ne pouvait pas à bon droit tenir compte de questions liées à sa profession en vertu de la disposition en question. Toutefois, comme il en a ci-dessus été fait mention, j'estime que la décision Chen ne me lie pas sur ce point. Un agent pourrait admettre qu'en ce qui concerne l'article 4, le demandeur remplit les conditions voulues à l'égard du facteur professionnel, et utiliser ensuite la disposition pour dire que ce dernier n'a pas le genre de compétences et de formation nécessaires pour réussir son installation au Canada. En l'espèce, l'agente a correctement examiné la question en vertu de la disposition lorsqu'elle a parlé de la possibilité pour la demanderesse de transférer ses compétences.

[22]       Je suis d'accord avec l'avocate de la demanderesse pour dire que l'agente ne pouvait pas attribuer un point à sa cliente pour le facteur professionnel, ce qui obligerait l'agente à conclure que la demanderesse était créative, et exercer ensuite son pouvoir discrétionnaire défavorable en vertu de la disposition en ce qui concerne le manque de créativité. Toutefois, je suis également d'avis que c'était l'appréciation du facteur professionnel effectuée par l'agente plutôt que la décision que celle-ci a prise en vertu de la disposition qui était erronée. La décision montre clairement que l'agente estimait que la demanderesse n'avait pas les aptitudes créatives nécessaires. À mon avis, cela voulait dire que l'agente n'avait pas le droit d'attribuer à la demanderesse le point qui pouvait être attribué pour le facteur professionnel. Il est clair que pour obtenir des points d'appréciation à l'égard de l'article 4, le demandeur doit remplir les conditions d'accès à la profession énoncées dans le Guide sur les carrières. La formation de la présente demanderesse a été reconnue, mais ses aptitudes créatives ne l'ont pas été. Puisqu'il faut remplir les deux conditions, l'agente a commis une erreur en attribuant un point à la demanderesse. Compte tenu de la preuve mise à ma disposition, il est clair qu'aucun point ne devrait être accordé à la demanderesse pour l'article 4. Cela étant, la demande de visa aurait été rejetée.


[23]       En résumé, j'ai conclu (i) que la décision montre clairement que l'agente a commis une erreur en attribuant un point à la demanderesse pour l'article 4 puisque cette dernière ne remplissait pas la condition voulue sur le plan de la créativité; (ii) que l'agente pouvait à bon droit tenir compte de la motivation et de la possibilité pour la demanderesse de transférer ses compétences dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire défavorable qui lui était conféré par la disposition en question même si elle n'avait pas attribué de point à la demanderesse pour les articles 4 et 9, à l'annexe I du Règlement.

Deuxième point

[24]       La demanderesse a soutenu que l'agente avait commis une erreur en utilisant le profil des descripteurs énoncé dans le Guide sur les carrières en vue d'apprécier sa créativité. La demanderesse a dit qu'étant donné que l'article 4 figurant à l'annexe I du Règlement ne fait pas expressément mention du profil des descripteurs, ce profil ne peut pas être utilisé. Je ne suis pas convaincue que ce soit le cas. À mon avis, les modifications incorporaient le Guide sur les carrières au complet dans la CNP. En outre, la note de service sur les opérations du 1er mai 1997 indiquait clairement que la CNP devait être utilisée comme outil d'évaluation. En ce qui concerne l'article 4, il faut l'utiliser en vue d'apprécier les principales fonctions; or, l'une de ces fonctions est le design. On ne saurait soutenir que cet article ne peut pas être utilisé lorsqu'il s'agit d'apprécier le contenu des dessins et des ébauches.


[25]       En outre, contrairement à ce que l'avocate de la demanderesse a soutenu, le profil des descripteurs figurant dans le Guide sur les carrières est pertinent sur le plan du design. Il prévoit que les ébauches devraient pouvoir être utilisées dans la production d'un vêtement. Si je comprends bien la décision de l'agente, les ébauches qui étaient dans le dossier de présentation de la demanderesse et les ébauches que cette dernière a exécutées à l'entrevue ne remplissent pas cette condition puisqu'elles ne renferment pas de détails au sujet de la méthode de fabrication.

Troisième point

[26]       La demanderesse a affirmé que, compte tenu de la preuve, l'agente ne pouvait pas conclure que son expérience était [TRADUCTION] « plutôt limitée » puisqu'elle avait travaillé pour un seul employeur. Toutefois, à mon avis, en employant le mot [TRADUCTION] « limitée » , l'agente voulait clairement dire que l'expérience de la demanderesse était limitée au marché iranien.

[27]       La demanderesse a également affirmé qu'il était déraisonnable pour l'agente de conclure qu'étant donné qu'elle ne connaissait pas bien l'industrie canadienne de la mode, et compte tenu des efforts minimes qu'elle avait faits en vue d'obtenir des renseignements à ce sujet, il n'était pas du tout certain qu'elle puisse réussir son installation au Canada. Toutefois, je ne puis constater aucune erreur dans le raisonnement que l'agente a fait à ce sujet.


[28]       Enfin, comme il en a ci-dessus été fait mention, l'agente était tenue d'apprécier les aptitudes créatives de la demanderesse; or, je n'ai pu constater aucune erreur susceptible de révision dans la façon dont l'agente a traité la question.

Quatrième point

[29]       Il ressort clairement de la décision ainsi que des notes et de l'affidavit du 7 février 2000 de l'agente que cette dernière était parfaitement au courant de la lettre d'appui du 10 février 1995 que la demanderesse avait obtenue de M. Richman. Toutefois, l'agente ne semble pas avoir accordé énormément d'importance à la lettre, et ce, même si cette lettre disait que les idées et les ébauches de la demanderesse étaient fort créatives. L'agente a peut-être bien adopté cette approche parce que M. Richman n'avait pas pris le temps de décrire en détail les idées et les ébauches figurant dans le dossier de présentation de la demanderesse qu'il jugeait créatives.

[30]       L'agente était tenue d'apprécier elle-même la créativité de la demanderesse; compte tenu de la nature générale de la lettre de M. Richman, j'ai conclu qu'il était loisible à l'agente de se fonder simplement sur sa propre appréciation du travail de la demanderesse.

Cinquième point


[31]       Au cours du contre-interrogatoire portant sur son affidavit du 7 février 2000, l'agente a clairement fait savoir que, lorsqu'elle parlait d'une clientèle [TRADUCTION] « occidentale » dans sa décision, elle voulait dire une clientèle européenne et nord-américaine plutôt qu'une clientèle [TRADUCTION] « blanche » . À mon avis, il n'était pas déraisonnable pour l'agente de conclure que, pour réussir son installation au Canada en sa qualité de modéliste, la demanderesse devait avoir des compétences qui pouvaient être transférées sur le marché nord-américain.

Conclusion                                                                                   


[32]       La seule erreur susceptible de révision que j'ai pu constater n'est pas importante parce que, si elle était corrigée, elle n'aiderait pas la demanderesse puisque celle-ci se verrait néanmoins refuser un visa. Si, comme elle aurait dû le faire, l'agente avait inclus dans sa décision son appréciation de la créativité en ce qui concerne l'article 4 de l'annexe I du Règlement, la demanderesse n'aurait pas obtenu de point pour l'article 4 (le facteur professionnel) et l'alinéa 11(2)a) du Règlement se serait appliqué de façon que le visa soit refusé. Étant donné les préoccupations qu'elle avait au sujet de la possibilité pour la demanderesse de transférer ses compétences, l'agente n'aurait pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon favorable et elle n'aurait pas délivré un visa en vertu de l'alinéa 11(3)a) du Règlement. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 14 février 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., trad.a.


                                                                                                                                                                 Annexe A - page 1

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5243 Ensembliers/ensemblières de théâtre, modélistes de vêtements, concepteurs/conceptrices d'expositions et autres concepteurs/conceptrices artistiques

Les membres de ce groupe de base créent et réalisent des concepts de décors et de costumes pour des productions cinématographiques, télévisées, théâtrales et vidéo, des modèles de vêtements et de tissus, des expositions et des étalages et d'autres objets de création tels que des bijoux, des jouets et des trophées. Les ensembliers de théâtre travaillent dans les industries des arts de la scène et de la radiotélédiffusion. Les modélistes de vêtements travaillent dans les compagnies de vêtements et de tissus. Les étalagistes et les concepteurs d'expositions travaillent dans les musées et dans les établissements de vente au détail. Les autres concepteurs artistiques de ce groupe de base travaillent dans des manufactures ou à leur compte.

Exemples d'appellations d'emplois

Concepteur/conceptrice de bijoux

Concepteur/conceptrice d'expositions muséologiques

Concepteur/conceptrice de trophées

Costumier/costumière

Couturier/couturière

Dessinateur/dessinatrice d'appareils d'éclairage

Dessinateur/dessinatrice de décors de scène

Dessinateur/dessinatrice de jouets

Dessinateur/dessinatrice de mode

Étalagiste

Fourreur-modéliste/fourreuse-modéliste

Modéliste de chaussures

Modéliste de tissus

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Fonctions principales

Les ensembliers de théâtre, les modélistes de vêtements, les concepteurs d'exposition et les autres concepteurs artistiques remplissent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

Ensembliers de théâtre

·     concevoir des décors, des costumes et de l'éclairage pour les productions théâtrales, cinématographiques et vidéo, les opéras et les ballets.

Modélistes

·     concevoir et créer des vêtements et des accessoires pour hommes, femmes et enfants.

Concepteurs d'expositions

·     planifier et préparer des décors et des étalages pour les expositions dans les musées, les foires commerciales, les congrès, les espaces commerciaux et pour d'autres motifs.

Les ensembliers de théâtre peuvent se spécialiser dans le design des costumes, de l'éclairage ou des décors de théâtre; les modélistes de vêtements peuvent se spécialiser dans les vêtements pour hommes ou pour dames ou dans différents articles tels que les vêtements de sport, les chaussures, les vêtements habillés.

Conditions d'accès à la profession

·     Un baccalauréat en beaux-arts ou en arts plastiques avec spécialisation dans le design des décors de théâtre, le design des vêtements ou de l'aménagement des étalages

ou

un diplôme d'études collégiales ou d'établissement d'enseignement des arts avec spécialisation dans le design des décors de théâtre, le design des vêtements ou l'aménagement des étalages sont exigés.

·     Un portfolio démontrant les aptitudes créatives est exigé.

Appellations à ne pas confondre

« Concepteur/conceptrice de dioramas dans les musées et les galeries d'art (voir 5212 Personnel technique des musées et des galeries d'art)

·     Concepteurs/conceptrices graphistes et artistes illustrateurs/artistes illustratrices (5241)

·     Designers d'intérieur (5242)

·     Designers industriels/designers industrielles (2252)

·     Patronniers/patronnières du textile, du cuir et de la fourrure (5245)


                                                                                                                                                                 Annexe A - page 2

5243.2 Modélistes

Les modélistes créent et réalisent des modèles de vêtements, de tissus et d'accessoires.

Sommaire du profil

APTITUDES

G          V            N            S              P              Q              K              F           M

2          3             3             2              2              4              2              2           3

________________________________________________________

INTÉRÊTS

IMD

________________________________________________________

DPC

061

________________________________________________________

ACTIVITÉS PHYSIQUES

V          C            H            B              L              S

2          1             2             4              1              1

________________________________________________________

CONDITIONS D'AMBIANCE

L1

________________________________________________________

ÉTUDES/FORMATION

5+, 6+, 7+

Exemples d'appellations

d'emplois

Concepteur/conceptrice de bijoux

Costumier/costumière

Couturier/couturière

Dessinateur/dessinatrice de mode

Fourreur-modéliste/fourreuse-modéliste

Modéliste de chaussures

Modéliste de tissus

Profil des descripteurs

Caractéristiques principales

Les aptitudes, les intérêts et les tâches suivants apparentés aux fonctions principales caractérisent les professions de ce groupe :

Habileté générale à apprendre

Pour comprendre et mettre en application les principes et les techniques du design afin de créer des vêtements et des accessoires pour les hommes, les femmes et les enfants.

Perception spatiale pour visualiser l'apparence finale des vêtements de mode.

«    Perception des formes pour rédiger les spécifications des vêtements et des accessoires en décrivant les méthodes de fabrication, les couleurs et les types de tissus.

·       Coordination motrice et dextérité digitale pour utiliser des instruments à dessiner afin d'ébaucher les dessins de production de vêtements et d'accessoires, et de dessiner les patrons à l'échelle à partir des ébauches.

·       Intérêt innovateur pour synthétiser l'information voulue afin de dessiner des vêtements, des tissus et des accessoires.

«    Intérêt méthodique pour travailler avec précision en utilisant l'équipement voulu pour préparer les patrons afin de fabriquer les vêtements et les accessoires en usine; noter les spécifications des vêtements sur les ébauches, ajuster les vêtements partiellement achevés sur les clients et les mannequins et indiquer les modifications à apporter afin d'en arriver aux coupes parfaites.

«    Intérêt directif pour parler avec les clients afin de les conseiller sur les tissus, les styles, les couleurs, les tendances de la mode actuelle et les coupes appropriées.


                                                                                                                                                                 Annexe A - page 3

                                                                                                                                                                                5243.2

                                                                                                                                                                      Sous-groupe 2 de 3

Activités physiques

________________________________

V - Vue

2       Vision rapprochée

________________________________

C - Distinction des couleurs

1       S'applique

________________________________

H - Ouïe

2       Communication orale

________________________________

B - Position corporelle

4       Autres positions du corps

________________________________

L - Coordination des membres

1       Coordination des membres supérieurs

________________________________

S - Force

1       Limitée

________________________________

Conditions d'ambiance

________________________________

L - Lieux de travail

L1     Température ambiante contrôlée

Conditions d'accès à la profession

Études/formation

5+, 6+, 7+

·       Un baccalauréat en beaux-arts ou en arts plastiques avec spécialisation dans le design des vêtements

ou

un diplôme collégial ou un programme en design de vêtements dans une école d'art sont exigés.

·       Un dossier de présentation d'oeuvres d'art qui illustrent les talents créatifs est exigé des candidats.

________________________________

Milieu de travail/

employeur

Entreprises de vêtements et de tissus

Travail à son compte

Usines de fabrication

Professions semblables à ne pas confondre

Concepteur/conceptrice de dioramas dans les musées et les galeries d'art (voir 5212 Personnel technique des musées et des galeries d'art)

Concepteurs/conceptrices graphistes et artistes illustrateurs/artistes illustratrices (5241)

Designers d'intérieur (5242)

Designers industriels/designers

industrielles (2252)

Patronniers/patronnières du textile,

du cuir et de la fourrure (5245)

________________________________

Note

Les modélistes de vêtements peuvent se spécialiser dans les vêtements pour hommes ou pour dames ou dans différents articles tels que les vêtements de sport, les chaussures, les vêtements habillés.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :                                       AFSANEH FARZAD

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

NO DU DOSSIER :                                                         IMM-5387-99

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           le 14 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :                   Madame le juge Simpson

DATE DES MOTIFS :                                                  le 14 février 2001

ONT COMPARU

Shoshanna Green                                                               pour la demanderesse

Marcel Larouche                                                               pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Green & Spiegel                                                                pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada



[1]            Règlement modifiant le Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/97-242, 24 avril 1997.

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