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Date : 20200213


Dossiers : IMM-1393-19

IMM-1395-19

Référence : 2020 CF 244

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 février 2020

En présence de madame la juge Heneghan

Dossier : IMM-1393-19

ENTRE :

JASMEEN KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-1395-19

ET ENTRE :

JASMEEN KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Jasmeen Kaur (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire des décisions rendues par un agent des visas (l’agent) dans deux demandes.

[2]  Dans le dossier IMM-1393-19, la demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent a rejeté une demande de visa de résident temporaire (VRT) pour fausses déclarations en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[3]  Dans le dossier IMM-1395-19, la demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l’agent a rejeté sa demande de permis de travail à titre de membre de la catégorie des candidats des provinces. Cette demande a été rejetée sur le fondement de la conclusion de fausses déclarations antérieure.

[4]  Les faits suivants sont tirés du dossier certifié du tribunal (le DCT) et des affidavits de la demanderesse présentés à l’appui de ses demandes de contrôle judiciaire, qu’elle a souscrits le 12 avril 2019, le 20 septembre 2019 et le 27 septembre 2019. La demanderesse a présenté un autre affidavit au soutien du dossier IMM-1393-19, souscrit le 30 août 2019. La demanderesse a également présenté l’affidavit de M. Harinder Singh Gahir, souscrit le 28 août 2019, à l’appui de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM-1393-19.

[5]  La demanderesse est une citoyenne de l’Inde. Elle vit dans le village de Sudana, district de Jalandhar, dans la région du Pendjab.

[6]  En décembre 2017, la demanderesse s’est rendue au bureau d’un consultant en immigration à Jalandhar pour discuter d’une demande de visa pour visiter le Canada. Elle a déclaré qu’elle n’a pas rencontré le consultant et qu’elle est partie sans signer de contrat ni payer de frais. Toutefois, elle a laissé des documents justificatifs au consultant en immigration, y compris une copie de ses renseignements personnels figurant dans son passeport, une lettre de son employeur, une copie de son curriculum vitae, ses renseignements salariaux et sa dernière déclaration de revenus.

[7]  Dans son affidavit souscrit le 12 avril 2019, la demanderesse a affirmé qu’elle ne savait pas qu’une demande de VRT avait été présentée avant de recevoir un avis écrit indiquant que sa demande de permis de travail avait été refusée en raison des fausses déclarations dans sa demande de VRT.

[8]  Selon le DCT, le Haut-commissariat du Canada à New Delhi a reçu une demande de VRT au nom de la demanderesse le 22 décembre 2017. La demanderesse a déclaré qu’elle n’était pas au courant de la demande de VRT et qu’elle ne l’avait pas présentée ni autorisée.

[9]  Selon les notes du Système mondial de gestion des cas, l’agent a envoyé une lettre d’équité procédurale le 6 février 2018, par l’entremise de « VFS », pour aviser la demanderesse qu’il était préoccupé par le fait que des renseignements frauduleux figuraient dans sa demande. Dans son affidavit, souscrit le 20 septembre 2019, la demanderesse a déclaré qu’elle n’a jamais reçu cette lettre.

[10]  La demande de VRT a été rejetée dans une lettre datée du 18 mai 2018 pour fausses déclarations en application du paragraphe 40(1) de la Loi. La demanderesse a déclaré qu’elle croyait que cette lettre ne lui était pas destinée et l’a retournée au bureau de poste.

[11]  Le 2 février 2019, la demanderesse a présenté une demande de permis de travail à titre de candidate au programme des candidats provinciaux de la Colombie-Britannique.

[12]  Dans une lettre du 19 février 2019, la demanderesse a appris que sa demande de permis de travail avait été refusée au motif qu’elle était toujours interdite de territoire en raison des fausses déclarations qu’elle avait faites antérieurement.

[13]  Dans son affidavit souscrit le 30 août 2019, la demanderesse a déclaré que les renseignements de base figurant dans la demande de VRT étaient incorrects et incompatibles avec sa demande de permis de travail, y compris le nom des membres de sa famille, les dates de naissance, les antécédents professionnels, l’assurance-vie et les déclarations de revenus. Elle a également déclaré que ses signatures sur le formulaire de demande de VRT ont été falsifiées et que les photos jointes à la demande étaient publiques sur ses comptes de réseaux sociaux.

[14]  Une déclaration solennelle était aussi jointe à la demande de VRT, supposément au nom de Harinder Singh Gahir. M. Gahir est membre du Barreau de l’Ontario. Il a déclaré dans son affidavit qu’il n’avait aucune connaissance de la déclaration solennelle, qu’il n’avait pas signé ce document et qu’il s’agissait d’un document frauduleux.

[15]  Dans le dossier IMM-1393-19, la demanderesse fait valoir que ses droits à l’équité procédurale ont été violés parce qu’elle n’a pas été avisée des préoccupations de l’agent en ce qui concerne sa demande de VRT sous forme de lettre d’équité procédurale et qu’elle n’avait pas eu l’occasion de répondre à ces préoccupations.

[16]  Dans le dossier IMM-1395-19, la demanderesse soutient que la décision de l’agent de rejeter sa demande de permis de travail était déraisonnable parce qu’elle était fondée sur la décision antérieure relative au VRT et que cette décision était inéquitable sur le plan procédural.

[17]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) soutient qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale dans la décision concernant la demande de VRT et que la décision de l’agent de rejeter la demande de permis de travail était raisonnable.

[18]  Dans l’arrêt récent Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, la Cour suprême du Canada a affirmé que la norme de la décision correcte demeure la norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale et qu’il faut présumer que la norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions des décideurs administratifs, sauf indication contraire du législateur ou si la primauté du droit exige le contraire. Aucune de ces exceptions ne s’applique en l’espèce.

[19]  La Cour suprême du Canada a confirmé la norme de la décision raisonnable énoncée dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190.

[20]  Selon l’arrêt Dunsmuir, précité, la norme de la décision raisonnable exige qu’une décision soit justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[21]  La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse visant la décision relative à sa demande de VRT soulève une question d’équité procédurale. L’issue de cette demande de contrôle judiciaire sera déterminante quant à l’issue de sa deuxième demande de contrôle judiciaire, qui porte sur la décision relative à sa demande de permis de travail.

[22]  À mon avis, la décision de l’agent concernant les fausses déclarations soulève une question d’équité procédurale, soit celle de savoir si la demanderesse a eu la possibilité de répondre aux préoccupations énoncées dans la lettre d’équité procédurale.

[23]  À mon avis, la demanderesse n’a pas eu cette possibilité. Le défendeur n’a pas déposé d’affidavit sur la façon dont la lettre a été envoyée à la demanderesse. Aucune preuve ne contredit le témoignage de la demanderesse sur le moment où elle a reçu cette lettre.

[24]  D’après le contexte factuel énoncé dans le DCT et les affidavits de la demanderesse, je ne suis pas convaincue que les exigences de l’équité procédurale ont été respectées et, par conséquent, la décision au sujet des fausses représentations figurant dans la demande de VRT sera annulée.

[25]  La conclusion relative aux fausses déclarations a servi de fondement à la décision de rejeter la demande de permis de travail de la demanderesse. Cette décision était fondée sur une conclusion de fait déraisonnable et ne respecte pas la norme de la décision raisonnable telle qu’elle a été analysée dans l’arrêt Dunsmuir, précité. Il s’ensuit que les décisions ne sauraient être maintenues.

[26]  Par conséquent, les deux demandes de contrôle judiciaire sont accueillies.

[27]  En vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, le pouvoir d’accorder une réparation dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire est discrétionnaire. L’alinéa 18.1(3)b) de Loi sur les Cours fédérales, précitée, prévoit ce qui suit :

Pouvoirs de la Cour fédérale

Powers of Federal Court

18.1(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut:

18.1(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

[…]

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

[28]  Je ne vois aucun avantage à renvoyer la décision rendue par l’agent au sujet de la demande de VRT. Cette décision sera annulée.

[29]  Dans le dossier IMM-1393-19, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour qu’il l’examine de nouveau.

[30]  La demanderesse a soulevé la question suivante aux fins de certification :

[traduction] Un étranger est-il interdit de territoire pour fausses déclarations en vertu du paragraphe 40(1) de la LIPR si la demande qui a été présentée contient des fausses déclarations importantes qui non pas été faites par l’étranger, mais par un tiers qui n’a pas été autorisé à le faire ou qui n’a pas été nommé à cette fin et lorsque l’étranger ne savait pas que la demande avait été présentée ou serait présentée en son nom?

[31]  Le défendeur s’oppose à la certification de cette question.

[32]  Le critère relatif à la certification d’une question est établi dans l’arrêt Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, et il a été récemment confirmé dans l’arrêt Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), [2018] 3 RCF 674. Pour être certifiée, la question doit porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale et doit être déterminante quant à l’issue de l’appel.

[33]  Je souscris aux observations du défendeur. La présente affaire repose sur des faits qui lui sont propres et aucune question qui répond aux critères de certification ne se pose.


JUGEMENT dans les dossiers IMM-1393-19 et IMM-1395-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM‑1393‑19 est accueillie et que la décision est annulée.

Il n’y a aucune question à certifier.

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire dans le dossier IMM‑1395‑19 est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de février 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1393-19

IMM-1395-19

 

INTITULÉ :

JASMEEN KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 OCTOBRE 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 13 février 2020

COMPARUTIONS :

Peter D. Larlee

POUR LA DEMANDERESSE

Tasneem Karbani

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Larlee Rosenberg

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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