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Date : 20030327

Dossier : IMM-1656-02

Référence neutre : 2003 CFPI 357

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                                        ARIF TEKIN

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 M. Arif Tekin (le demandeur) est citoyen de Turquie. Il a quitté la Turquie le 27 mars 2001 et il a revendiqué au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention le 28 mars 2001. Il fondait sa revendication sur son origine ethnique kurde et sur les opinions politiques qui lui étaient imputées. Par sa décision datée du 5 mars 2002, la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la revendication présentée par le demandeur. Le demandeur présente une demande de contrôle judiciaire de cette décision.


Les faits

[2]                 Selon le demandeur, les autorités avaient des soupçons à son endroit simplement parce qu'il était d'origine kurde. Le demandeur a déclaré qu'il n'avait jamais participé activement à des activités politiques et que les membres de sa famille, des alevis, ne pratiquaient pas leur religion.

[3]                 Selon ce qu'il a déclaré dans son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP), le demandeur a participé à une manifestation regroupant environ 200 étudiants à l'université en novembre 1998. Il prétend qu'au cours de cette manifestation il a été arrêté, de même que 25 ou 30 autres étudiants, et qu'il a été détenu pendant trois jours. Lors de l'audience, le demandeur a prétendu avoir été accusé d'être un militant ou un terroriste. Le demandeur n'a pas mentionné cette accusation dans l'exposé contenu dans son FRP.

[4]                 Le demandeur a prétendu avoir été arrêté en mars 2000 au cours de pacifiques célébrations du Newroz qui rassemblaient approximativement mille participants. Le demandeur déclare qu'il a été détenu, battu, puis interrogé à l'égard de ses activités politiques et qu'il a été relâché sans que des accusations soient portées contre lui. Le demandeur a prétendu que les policiers le surveillaient à l'université et qu'en raison de la pression subie il a abandonné ses études en octobre 2000.

[5]                 Dans son témoignage de vive voix, le demandeur a mentionné un troisième incident survenu en janvier 2001. Le demandeur a déclaré qu'en janvier 2001, alors qu'il retournait chez lui après son travail, les forces de sécurité ont arrêté l'autobus dans lequel il se trouvait et ont vérifié l'identité des passagers sur les ordinateurs de la police. Le demandeur, de même qu'un autre passager, a été détenu, interrogé et battu. Il a été relâché le lendemain sans que des accusations soient portées contre lui. Dans l'exposé contenu dans son FRP, le demandeur a déclaré que plusieurs autres passagers avaient été détenus. À la suite de cet incident, le demandeur a quitté la Turquie.

La décision de la Commission

[6]                 La Commission a conclu, en se fondant sur son inférence selon laquelle le demandeur n'était pas digne de foi et sur son inférence selon laquelle la crainte qu'il exprimait n'était pas bien fondée, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. La réaction de la Commission à l'égard de chacun des trois incidents qui ont été mentionnés par le demandeur peut être résumée comme suit :

           ·           À l'égard de l'incident de 1998, la Commission a tiré une inférence défavorable de l'omission du demandeur d'avoir mentionné dans l'exposé contenu dans son FRP qu'il avait été accusé de terrorisme et elle a conclu qu'il avait embelli son témoignage.


           ·           La Commission a accordé plus d'importance au United States Department of State Country Report on Human Rights Practices (le Rapport sur le pays) qu'au témoignage contradictoire du demandeur. Par conséquent, la Commission a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les affirmations du demandeur à l'égard de l'arrestation, de la détention et de l'agression de mars 2000 n'étaient pas dignes de foi.

           ·           La Commission a conclu que la déclaration faite dans l'exposé contenu dans le FRP du demandeur selon laquelle [TRADUCTION] « plusieurs passagers » avaient été emmenés à l'écart par les policiers en janvier 2001 était clairement contraire à son témoignage de vive voix selon lequel seul un autre passager avait été emmené à l'écart par les policiers.

[7]                 Finalement, dans ce qui semble être une conclusion subsidiaire, la Commission a conclu que, même si elle croyait qu'il avait été détenu et agressé à trois reprises simplement parce qu'il était kurde, il n'existait pas de preuve que le demandeur, qui n'avait pas de profil politique et qui ne faisait pas l'objet d'accusations, subissait systématiquement de la discrimination qui équivalait à de la persécution.

Les questions en litige

[8]                 Les questions en litige soulevées dans la présente demande sont les suivantes :


1.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait et a-t-elle violé les principes de l'équité ou de la justice naturelle lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi à certains égards?

           2.         La Commission a-t-elle commis une erreur de droit à l'égard de la définition de persécution?

Analyse

[9]                 Pour les motifs ci-après énoncés, je suis d'avis que la présente demande devrait être rejetée.

Première question en litige : La Commission a-t-elle commis une erreur de droit ou de fait et a-t-elle violé les principes de l'équité ou de la justice naturelle lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi à certains égards?

La norme de contrôle


[10]            Une grande retenue devrait être exercée à l'égard des décisions de la Commission rendues sur le fondement de conclusions quant à la crédibilité parce que la Commission a l'avantage d'entendre les témoins. Par conséquent, la norme de contrôle appropriée est celle de la décision manifestement déraisonnable, ce qui signifie que les conclusions quant à la crédibilité doivent s'appuyer sur la preuve et ne doivent pas être tirées de façon arbitraire ou être fondées sur des conclusions de fait erronées (voir l'arrêt Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.) (QL), la décision Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 705 (1re inst.) (QL), et la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7, article 18.1).

L'incident de 1998

[11]            Selon ce que prétend le demandeur, il n'a pas eu une occasion valable de faire des représentations et de fournir des éléments de preuve à l'égard de la conclusion erronée de la Commission selon laquelle il avait omis de mentionner l'accusation de terrorisme dans l'exposé contenu dans son FRP.


[12]            La Commission pouvait tirer des conclusions défavorables quant à la crédibilité en se fondant sur des contradictions et des incohérences contenues dans le récit du demandeur et sur des contradictions et des incohérences entre son récit et d'autres éléments de preuve dont la Commission disposait (voir les arrêts Sheikh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.), Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] A.C.F. no 908 (C.A.) (QL), et Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 11 (C.A.) (QL)). La Commission pouvait de plus tirer une inférence défavorable de l'omission du demandeur d'avoir mentionné dans son FRP un fait important et pertinent (voir les décisions Grinevich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 444 (1re inst.) (QL), et Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1994] A.C.F. no 1867 (1re inst.) (QL)).

[13]            Dans l'exposé contenu dans son FRP, le demandeur a déclaré qu'il avait été [TRADUCTION] « interrogé » par les policiers en mars 2000 à l'égard de ses [TRADUCTION] « liens avec des organisations illégales » . Lors de l'audience, le demandeur a témoigné que les policiers l'avaient accusé d'être un militant et un terroriste. À mon avis, alors que j'aurais pu voir autrement la différence dans le langage utilisé, la Commission a vu une distinction importante entre les expressions être interrogé à l'égard de liens avec des organisations illégales et être accusé d'être un terroriste. Cette conclusion n'était pas manifestement déraisonnable. Par conséquent, la Commission pouvait tirer une inférence défavorable de l'omission du demandeur d'avoir mentionné cette accusation dans son FRP (voir la décision Grinevich, précitée). Le demandeur prétend que cette distinction pouvait être [TRADUCTION] « microscopique » et le défendeur a reconnu que c'était probablement exact. Si cette distinction avait été le seul fondement de la conclusion du tribunal, je partagerais peut-être cette opinion, mais elle n'est qu'un seul élément parmi trois événements importants pour lesquels la Commission a exprimé des préoccupations quant à la crédibilité.


[14]            En outre, la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a omis d'informer expressément le demandeur de ses préoccupations quant à la crédibilité relativement à l'omission dans son FRP. L'obligation d'équité n'exige pas que la Commission informe le demandeur de toutes ses préoccupations quant à la crédibilité (voir les décisions Appau c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 300 (1re inst.) (QL), Akinremi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 808 (1re inst.) (QL), et Khorasani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 936, [2002] CFPI no 1219 (QL)). En l'espèce, le demandeur était représenté par un avocat, les parties savaient que la crédibilité était une question en litige et l'incohérence entre l'exposé contenu dans le FRP du demandeur et son témoignage de vive voix était facilement apparente. Par conséquent, la Commission n'avait pas l'obligation d'informer le demandeur de cette incohérence et son omission de le faire ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle (voir les décisions Ayodele c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1833 (1re inst.) (QL), Matarage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 460 (1re inst.) (QL), et Ngongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1627 (1re inst.) (QL)).

L'incident de 2000


[15]            Le demandeur prétend que, contrairement aux conclusions de la Commission, la preuve documentaire appuyait son témoignage à l'égard de la façon dont les autorités l'avaient traité et à l'égard de la détention de plusieurs centaines de personnes au cours des célébrations du Newroz de mars 2000. Selon lui, la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a omis d'énoncer les motifs pour lesquels elle préférait la preuve documentaire au témoignage du demandeur (voir les arrêts Okyere-Akosah c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1992] A.C.F. no 411 (C.A.) (QL), et Hilo c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 228 (C.A.) (QL), et les décisions Aligolian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 484 (1re inst.) (QL), et Olschewski c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. 1065 (1re inst.) (QL)).

[16]            Dans la présente affaire, la Commission a accordé plus d'importance à la preuve documentaire contenue dans le Rapport sur le pays qu'à celle du demandeur à l'égard de la nature des célébrations du Newroz de mars 2000.

[17]            Contrairement à ce qu'affirme le demandeur, son témoignage était incompatible avec les renseignements contenus dans le Rapport sur le pays. Lors de l'audience, le demandeur a témoigné que les policiers avaient commencé à attaquer les personnes qui étaient rassemblées pour les célébrations et qu'il avait été arrêté, tout comme 30 ou 40 autres personnes. Il a en outre témoigné que le gouvernement avait autorisé ces célébrations. Ce témoignage est incompatible avec les renseignements contenus dans le Rapport sur le pays selon lesquels il n'y avait soi-disant pas eu d'arrestations ou d'utilisation de force excessive par les policiers au cours des pacifiques célébrations du Newroz de mars 2000. L'appréciation de la preuve relève de la compétence de la Commission (voir l'arrêt Aguebor, précité) et la Commission pouvait se fonder sur la preuve qui est considérée comme la plus compatible avec la réalité (voir la décision Victorov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 900 (1re inst.) (QL)).


[18]            À mon avis, la Commission n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a omis de fournir des motifs suffisants pour avoir accordé plus d'importance à la preuve documentaire qu'à celle du demandeur sur la question des célébrations du Newroz de mars 2000. La Commission a accordé plus d'importance à la preuve documentaire parce qu'elle a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi et que son récit contenait un certain nombre d'embellissements. Par conséquent, la présente affaire peut être distinguée de la décision Olschewski, précitée, et de l'arrêt Okyere-Akosah, précité, dans lesquels les témoignages sous serment des demandeurs n'étaient pas contestés et dans lesquels il a été décidé que l'omission de la Commission d'avoir fourni des motifs pour avoir préféré la preuve documentaire constituait une erreur. En outre, contrairement à la décision Olschewski, précitée, la Commission a conclu que le témoignage du demandeur ne démontrait pas une crainte fondée de persécution pour l'un des motifs énumérés dans la Convention. Par conséquent, la Commission a fourni des motifs suffisants pour avoir préféré la preuve documentaire à celle du demandeur.

[19]            Le demandeur prétend en outre que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a omis de lui fournir la possibilité de répondre aux préoccupations qu'elle avait à l'égard de la divergence entre son témoignage et le Rapport sur le pays.


[20]            À mon avis, la Commission n'avait aucune obligation de communiquer au demandeur ses préoccupations sur cette question. Il n'existe pas d'obligation générale pour la Commission de mentionner expressément tous les éléments de preuve sur lesquels elle pourrait s'appuyer (voir l'arrêt Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.) (QL)). Dans la décision Victorov, précitée, au paragraphe 10, M. le juge Noël a traité de la question de savoir si la Commission aurait dû attirer l'attention des demandeurs sur la preuve documentaire :

Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l'agent d'audition au début de l'audition et étaient énumérés dans l'index du cartable sur l'État d'Israël reçu par les requérants avant l'audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C'est ce qu'il a fait.

[21]            Comme dans la décision Victorov, précitée, la preuve documentaire utilisée pour atténuer la crédibilité du demandeur était contenue dans le Rapport sur le pays, rapport qui a été déposé lors de l'audience et énuméré dans l'index déposé comme preuve lors de l'audience. Par conséquent, la Commission n'avait pas l'obligation d'attirer l'attention du demandeur sur la preuve contenue dans le Rapport sur le pays avant de l'utiliser pour atténuer sa crédibilité.

L'incident de 2001


[22]            Le demandeur prétend en outre que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu qu'il y avait des contradictions et des incohérences entre l'exposé contenu dans le FRP du demandeur et son témoignage de vive voix à l'égard du nombre de personnes qui avaient été emmenées à l'écart par les policiers lors de l'incident de janvier 2001. Dans l'exposé contenu dans son FRP, le demandeur a déclaré qu'en janvier 2001, il [TRADUCTION] « était parmi plusieurs passagers qui avaient été emmenés à l'écart par les policiers et qui avaient par la suite été conduits au poste de Cankaya » . Lors de l'audience, le demandeur a témoigné, à la page 140 du dossier certifié du tribunal, comme suit :

[TRADUCTION]

Et on nous a demandé, aux autres passagers et à moi-même, de descendre du minibus et de s'aligner sur le côté de la route. Ce sont les policiers qui nous ont demandé de le faire. Et nos cartes d'identité ont été vérifiées sur l'ordinateur de la voiture de police. Les autres passagers ont pu partir, mais on nous a demandé, à un autre passager et à moi-même, de suivre les policiers.

[23]            Le demandeur a confirmé que les policiers avaient demandé seulement à lui et à un autre passager de les suivre, mais il n'a pas donné d'explication quant à la divergence qui existait entre son témoignage et la déclaration de l'exposé contenu dans son FRP. Le président de l'audience a attiré l'attention du demandeur sur cette divergence et l'avocat qui représentait alors le demandeur a donné, à la page 141 du dossier certifié du tribunal, l'explication suivante :

[TRADUCTION]

Ce n'était pas ce qu'il voulait dire lorsque la phrase a été incluse dans le FRP. Ce qu'il voulait dire c'est qu'il était parmi plusieurs passagers qui avaient été emmenés à l'écart et conduits au poste de police. Tout est déclaré à la première personne. Alors la conséquence n'est pas - de mon point de vue.

[...]

C'est ce que j'essaie d'expliquer - ça. Seulement de mon point de vue en tant qu'avocat qui a aidé à préparer le FRP. Je peux voir ce que vous voulez dire quand vous dites que ça faisait certainement allusion au fait que plusieurs passagers en plus de M. Tekin avaient été conduits au poste de police. Ce n'était pas ce qu'il voulait dire quand la phrase a été rédigée. Elle était rédigée de - il a été conduit au poste de police. Essentiellement, c'était une mauvaise rédaction.

[24]            Lors de ses représentations devant la Commission, l'avocat du demandeur, à la page 174 du dossier certifié du tribunal, a expliqué une fois de plus cette incohérence :


[TRADUCTION]

Il y avait aussi une préoccupation qui avait été exprimée par Mme Ghosh, à l'égard de la dernière détention, lorsque M. Tekin a déclaré dans son FRP que plusieurs passagers dans l'autobus, dont lui-même, ont été emmenés à l'écart puis conduits au poste de police.

Ma position est que M. Tekin n'avait pas l'intention de donner l'impression que d'autres, en plus de lui et d'un autre passager, avaient été conduits au poste de police. Il s'agit d'une erreur de rédaction, si vous voulez d'une mauvaise syntaxe, et non d'une tentative par M. Tekin pour être incohérent, pour être évasif ou pour embellir son récit.

[25]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a omis de prendre en compte la déclaration faite par un représentant de la loi à l'égard de son intention au moment de la préparation de l'exposé du FRP (voir la décision Papsoyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 769 (1re inst.) (QL)). Je ne partage pas cette opinion. La Commission, sans faire expressément référence aux déclarations de l'avocat, a déclaré dans la portion de sa décision qui traite de cette divergence que le « revendicateur est un homme scolarisé, qui a affirmé l'exactitude de son FRP avant que ce document ne soit déposé en preuve » . La conclusion qui doit être tirée de cette déclaration est, à mon avis, que la Commission a en fait pris en compte les commentaires de l'avocat, mais a conclu que le demandeur était tout à fait capable de corriger cette divergence. En rejetant l'explication donnée par l'avocat, la Commission ne concluait pas que l'avocat qui représentait alors le demandeur avait fait une fausse déclaration, comme c'était le cas dans la décision Papsoyev, précitée. Plutôt, la Commission a simplement conclu que la prétention de l'avocat à l'égard de ce que le demandeur voulait dire lorsqu'il a rédigé l'exposé de son FRP n'était pas convaincante. Par conséquent, la Commission n'a pas commis une erreur susceptible de contrôle.


Motifs insuffisants

[26]            Selon ce que prétend le demandeur, la Commission n'a pas fourni de motifs suffisants à l'égard de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, a fait une analyse à la loupe de la preuve et a fait un excès de zèle (voir la décision Rahnema c. Canada (Solliciteur général), [1993] A.C.F. 1431 (1re inst.) (QL), et l'arrêt Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 444 (C.A.) (QL)).

[27]            Des conclusions défavorables quant à la crédibilité sont tirées de façon appropriée dans la mesure où le tribunal énonce les motifs de sa décision dans des termes clairs et explicites (voir l'arrêt Hilo, précité). Ces motifs doivent être suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur sache les raisons pour lesquelles sa revendication a été rejetée (voir les arrêts Mehterian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.) (QL), VIA Rail Canada Inc. c. National Transportation Agency, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.), et Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).


[28]            À mon avis, la Commission a énoncé des motifs, dans des termes clairs et explicites, à l'égard de ses conclusions défavorables quant à la crédibilité. Ces motifs comprennent les réponses du demandeur qui étaient tortueuses et sans rapport aux questions et le fait qu'on devait lui rappeler fréquemment de répondre aux questions qui lui étaient posées. La Commission a en outre fondé sa conclusion quant à la crédibilité sur le fait que le demandeur n'avait pas été privé de faire des études et de gagner sa vie du fait de son origine ethnique kurde, que, selon la preuve documentaire, le simple fait d'être Kurde n'entraînait pas de la persécution, que le demandeur était incapable de fournir d'autres détails à l'égard de l'interrogatoire de novembre 1998, que le demandeur avait omis de mentionner dans son FRP que les policiers l'avaient accusé d'être un terroriste ou un militant, que le récit du demandeur quant aux célébrations du Newroz de mars 2000 était contredit par la preuve documentaire et que le témoignage du demandeur à l'égard du nombre de personnes qui avaient été emmenées à l'écart par les policiers en janvier 2001 était contradictoire. La Commission a en outre conclu que le demandeur, s'il était effectivement soupçonné d'être un militant, n'aurait pas été relâché par les policiers en novembre 1998, notamment sans avoir été accusé.

[29]            Il ne m'apparaît pas que la Commission a fait une analyse à la loupe de la preuve ou qu'elle a fait du zèle pour trouver des divergences (voir la décision Rahnema, précitée, et l'arrêt Attakora, précité). Par conséquent, la Cour ne devrait pas intervenir à l'égard de la conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par la Commission.

Deuxième question en litige : La Commission a-t-elle commis une erreur de droit à l'égard de la définition de persécution?


[30]            Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a omis d'examiner la question de savoir si le demandeur a fait l'objet de persécution à effet cumulatif (voir la décision Tolu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 334, [2002] A.C.F. no 447 (QL), l'arrêt Retnem c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 428 (C.A.) (QL), l'arrêt Mirzabeglui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 50 (C.A.) (QL), et la décision Medarovik c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 61, [2002] A.C.F. no 64 (QL)).

[31]            Mme le juge Tremblay-Lamer a récemment déclaré dans la décision Medarovik, précitée, au paragraphe 12, que pour que de la discrimination équivaille à de la persécution, les actes discriminatoires « doivent être suffisamment graves et s'échelonner sur une période assez longue pour qu'on puisse affirmer que l'intégrité physique ou morale du revendicateur est menacée » .

[32]            Selon ce que le demandeur et le défendeur ont reconnu, les commentaires de la Commission à l'égard de la discrimination semblent avoir été faits subsidiairement aux conclusions particulières quant au manque de crédibilité. Étant donné que je suis d'avis que la Commission n'a pas commis d'erreur dans ses conclusions à l'égard des trois incidents particuliers, je n'ai pas à traiter de la deuxième question en litige.

[33]            Les parties n'ont pas proposé une question aux fins de la certification. Aucune question ne sera certifiée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1656-02

INTITULÉ :                                                        ARIF TEKIN c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 20 MARS 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                    Le 27 mars 2003

COMPARUTIONS :

                                                                             MICHEAL CRANE

POUR LE DEMANDEUR

JOHN LONCAR

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MICHEAL CRANE

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LE DÉFENDEUR

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