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Date : 20030527

Dossier : T-808-98

Référence : 2003 CFPI 659

OTTAWA (ONTARIO), le 27 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

             JOHNSON & JOHNSON INC., EXPANDABLE GRAFTS PARTNERSHIP

                                                         et CORDIS CORPORATION

                                                                                   

                                                                                                                                            demanderesses

ET

                              ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA INC.,

                        MEDTRONIC AVE., INC. et MEDTRONIC OF CANADA LTD.

                                                                                                                                              défenderesses

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Le lundi 12 mai 2003, les demanderesses ont déposé une requête à la Cour visant à obtenir une ordonnance en annulation de certaines parties de l'ordonnance du protonotaire Lafrenière datée du 20 février 2003.


[2]                 La présente instance procède d'une action engagée par voie de déclaration déposée en 1998 par les demanderesses alléguant une violation de certains brevets relatifs à un tuteur intravasculaire (stent). Cette action avait fait l'objet, depuis le début, d'une gestion d'instance sous la direction du protonotaire.

[3]                 L'ordonnance sous appel fait suite à une requête présentée au protonotaire par les défenderesses visant à obtenir des réponses à des questions qui avaient été écartées lors d'interrogatoires préalables de témoins agissant pour le compte de divers demandeurs et des auteurs des brevets en cause.

[4]                 L'audition de la requête par le protonotaire Lafrenière a duré deux jours, à la suite de quoi il a ordonné aux demanderesses de répondre à certaines questions ainsi qu'à d'autres qui n'exigeaient pas de réponse.

[5]                 Les questions auxquelles les demanderesses doivent répondre, mais s'y opposent, sont les suivantes:

1. Question 376, page 109        Faire enquête au sujet des personnes à qui le Dr Palmaz a fait part ou avec qui il a discuté de ses travaux sur les stents avant le mois d'octobre 1984 et donner leurs noms.


2. Question 377, page 110        S'informer auprès de Cordis au sujet des ententes intervenues en matière de confidentialité entre le Dr Palmaz et chacune des personnes mentionnées à la question 376 de l'interrogatoire préalable de Paul Coeltti. Quelles sont ces ententes? Produire le texte de celles qui ont été conclues par écrit et, si elles l'ont été oralement, dire quelles étaient les parties à ces accords et quels termes constituaient l'entente orale.

3. Question 391, page 115        S'informer auprès du Dr Palmaz de chaque occasion où il a fait part à des tiers de ses travaux sur le stent avant le mois de novembre 1984. Ces personnes faisaient-elles partie ou non de l'Université du Texas et qui sont-elles? A-t-il agi ainsi par nécessité en vue d'obtenir du financement, à qui et dans quelles circonstances a-t-il communiqué les données et quelles sont les ententes de confidentialité conclues entre le Dr Palmaz et les personnes en question.

4. Question 675, page 240        Dire si des ébauches quelconques du contrat de licence existaient avant le 14 avril 1986 et en fournir des copies.

5. Question 677, page 241        Au sujet de la pièce n ° 38, produire les enquêtes de marché mentionnées au paragraphe trois.

6. Question 899, page 322        En ce qui concerne la pièce 45, faire savoir au plus tard le 13 août 1986 si Johnson & Johnson était au courant de l'allégation concernant une déclaration erronée faite le 30 juillet 1985 et dont cette lettre fait mention.


7. Question 1915, page 688      Demander et communiquer la date où la description du stent figurant dans 0012 à 0014 a été fournie pour la première fois à une tierce partie étrangère à Johnson & Johnson, nommément Bodic, ou à tout autre fabricant et, également, si cette description faisait partie d'un document ou d'un exposé quelconque destiné à des personnes étrangères à Johnson & Johnson. Si de telles descriptions existaient, dire quelles en étaient les caractéristiques, le choix du moment, de qui se composait l'auditoire et le lieu où cette publication se trouve.

8. Question 2391, page 907      Donner le sens du mot « radio-opacité » dans le contexte d'un stent.

9. Question 2406, page 915      Dire si certaines ventes de stents faisant l'objet de la présente instance en redressement ont été également mises en cause dans une action en justice intentée aux États-Unis. Indiquer si la vente d'un seul stent a jamais fait l'objet de la décision américaine.

[6]                 Le protonotaire a généralement jugé qu'il faudrait répondre à ces questions, notamment les questions 1, 2 et 3. Il s'est reporté au paragraphe 29 de la défense et demande reconventionnelle du 27 juin 2002 en décidant que les défenderesses n'étaient pas limitées à la divulgation préalable et qu'un plaidoyer de divulgation générale par un témoin obligeait celui-ci à produire des éléments de faits relatifs à toute divulgation dont il a connaissance.

[7]                 En ce qui concerne la question 4, le protonotaire a déterminé qu'une première ébauche devait être produite en fonction de sa pertinence en vue de s'assurer de la relation qui existe entre les parties.

[8]                 Pour ce qui est de la question 5, il a ordonné qu'il y soit répondu parce qu'elle se rapportait à la question de succès commercial.

[9]                 Quant à la question 6, il a jugé que les éléments dont les demanderesses ont connaissance peuvent se refléter sur les avoirs propres.

[10]            Au sujet de la question 7, il a limité la réponse du témoin à la question de la date où certains documents ont été fournis initialement à des tiers étrangers à Johnson & Johnson, avant 1995.

[11]            En ce qui a trait à la question 8, il a conclu que le terme « radio-opacité » était défini dans de nombreux documents produits par les demanderesses et qu'il fallait préciser davantage la façon dont ce terme était utilisé.

[12]            Traitant de la question 9, il a jugé qu'une réponse s'imposait puisque les parties à l'instance le sont également dans des actions en justice intentées aux États-Unis visant à obtenir des redressements similaires; une réponse est donc connexe à la question de redressement.


[13]            Le principal argument invoqué par les demanderesses laisse entendre que le plaidoyer des défenderesses était illimité et ne comportait pas tous les détails concernant les faits importants sur lequel il se fonde. Les demanderesses soutiennent également que la pertinence au regard de la question posée est primordiale du fait que la décision du protonotaire ne repose sur aucun fondement légal, qu'un juge instruisant un appel de l'ordonnance du protonotaire devrait user une nouvelle fois de son pouvoir discrétionnaire pour déterminer la pertinence des questions contestées.

[14]            Au sujet des trois premières questions, les demanderesses allèguent que le protonotaire a fondé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire sur un principe juridique erroné et que les questions ne peuvent être pertinentes puisqu'elles dépassent la portée du plaidoyer. Parlant de la question 4, elles soutiennent qu'aucun point de droit n'est à trancher si l'instance s'articule autour de la relation qui existe entre les parties au contrat de licence. Les observations relatives à la question 5 signalent que les enquêtes remontant à 1986 n'ont rien à voir avec la question de succès commercial. Au sujet de la question 7, elles déclarent que les défenderesses ont omis d'invoquer la question de la divulgation préalable. Quant à la définition du terme « radio-opacité » , elles disent que la question n'est pas assez spécifique. Enfin, elles trouvent que l'instance introduite aux États-Unis vise en fait à obtenir une opinion juridique et ne constitue pas véritablement un sujet d'enquête préalable.


[15]            En réponse, les défenderesses soutiennent qu'en matière de pertinence, le protonotaire n'a commis aucune erreur patente en droit et, partant, que l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. En guise de défense aux questions 1, 2 et 3, elles affirment qu'elles sont connexes à la question de divulgation préalable qui a son importance dans les causes relatives aux brevets. En réponse aux arguments soulevés au sujet de la question 4, elles déclarent que celle-ci vise à obtenir des renseignements de base sur la relation qui existe entre les parties et qu'elle découle en droite ligne du document produit par les demanderesses. En ce qui touche la question 5, étant donné que les demanderesses ont indiqué qu'elles envisageaient d'invoquer l'argument de succès commercial, les défenderesses ont droit à une enquête préalable sur ce sujet. Quant à la question 7, les défenderesses allèguent, entre autres, l'invalidité et la divulgation préalable qui sont pertinentes dans tout conflit mettant en cause des brevets. La « radio-opacité » , objet de la question 8, a trait à la visibilité du stent par rayon-X durant l'implantation. Les défenderesses ont soutenu que les brevets ne sont pas valables et que la radio-opacité est essentielle à la visualisation durant l'implantation, car elle concrétise l'invention et, partant, est connexe à la question plaidée. Au sujet de la question 9, les défenderesses soutiennent que les demanderesses ont requis, dans leur instance introduite aux États-Unis, une mesure de redressement à l'égard de mêmes ventes de stents et qu'elles ne devraient pas répéter cette même demande ici. Une double compensation constitue un élément de fait dont les demanderesses ont connaissance et il ne s'agit nullement d'une opinion juridique comme elles le prétendent.

[16]            La Cour d'appel fédérale a clairement établi qu'il ne fallait pas intervenir dans les ordonnances discrétionnaires des protonotaires sauf si elles présentent des erreurs manifestes, si l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire reposait sur un faux principe de droit ou une appréciation inexacte des faits ou si la question soulevée est vitale à l'issue finale de la cause.

[17]            Il y aurait lieu de noter également que la Cour d'appel a souligné le fait qu'un juge ou un protonotaire qui est saisi d'une enquête préalable doit jouir d'une latitude considérable en matière de pertinence et il est plus acceptable que la décision finale revienne au juge du procès.

[18]            En l'espèce, la gestion du cas s'est faite, dès le tout début, sous l'orientation et la surveillance du protonotaire Lafrenière. Sa connaissance du cas est hors de tout doute et comme la jurisprudence l'a indiqué, un protonotaire chargé de gérer un dossier doit jouir d'une plus grande latitude. Il est rompu à ce genre d'instances et il ne faut pas s'attendre à ce qu'un juge de première instance, saisi d'un appel, soit au courant, tout autant que lui, des faits en litige. Pas plus loin que le 13 mai 2003, dans la cause Jaguar Cars Limited et al. et Remo Imports Ltd., A-65-03, la Cour d'appel fédérale a encore une fois confirmé la décision du juge Gibson de notre Cour disant qu'il ne fallait pas intervenir dans la décision d'un juge chargé de la gestion d'un cas sauf [traduction] « aux cas où l'exercice abusif du pouvoir discrétionnaire est évident. »

[19]            Si habile qu'ait été l'avocat des demanderesses en la cause, je n'ai pas été persuadé qu'au regard de son ordonnance du 20 février 2003, le protonotaire Lafrenière a commis une erreur dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. La requête est rejetée et l'ordonnance doit être exécutée. Dépens en faveur des défenderesses quelle que soit l'issue de la cause.

                  « P. Rouleau »                  

JUGE

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                 T-808-98

INTITULÉ :                                                JOHNSON & JOHNSON et al c. ARTERIAL VASCULAR ENGINEERING CANADA, INC. ET AL

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                       Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                      Le 12 mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :       MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                              Le 27 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Mark Edward Davis                                                                  POUR LES DEMANDERESSES

Mme Julie Perrin                                                                                  POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

OGILVY RENAULT                                                                       POUR LES DEMANDERESSES

Tour Merrill Lynch Canada

Bureau 1100, C.P. 11

200, rue King Ouest

Toronto (Ontario)

M5H 3T4

GOODMANS s.r.l.                                                                          POUR LES DÉFENDERESSES

Bureau 2400, C.P. 24

250, rue Yonge

Toronto (Ontario)

M5B 2M6

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