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Date : 20200109


Dossier : T‑449‑00

Référence : 2020 CF 25

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2020

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

NEAL ROTHERHAM, EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR DE LA SUCCESSION DE DOREEN DUMAIS, VERA DUMAIS, LENA DUMAIS, LORNA‑MARIE DUMAIS, NANCY YARMUCH, CHRISTOPHER DUMAIS, CECILE WILBERG, WILLIAM DUMAIS, CHRISTINA DUMAIS ET PHYLLIS DUMAIS, EN QUALITÉ D’ADMINISTRATRICE DE LA SUCCESSION DE JOSEPH DUMAIS

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN, LA BANDE DE KEHEWIN ET LE CONSEIL DE BANDE DE KEHEWIN

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une requête en jugement par défaut présentée par des membres d’une bande indienne contre leur bande et leur conseil de bande.

[2]  La cause découle de la discrimination historique fondée sur le sexe contre des femmes qui possédaient le statut d’Indien inscrit en vertu des dispositions d’émancipation — ou concernant les femmes [traduction] « qui épousent un non-Indien » — de la Loi sur les Indiens, SC 1956, c 40 [la Loi sur les Indiens de 1956]. Ces dispositions d’émancipation ont privé des générations de femmes autochtones ainsi que leurs descendants du statut d’Indien et de l’appartenance à une bande en raison de leur mariage à des hommes qui ne possédaient pas le statut d’Indien. Les femmes émancipées et leurs enfants, y compris les demandeurs, ont été coupés de leurs familles et de leur collectivité d’origine et privés d’un accès à leur langue et leur culture en plus de faire l’objet de discrimination au sein de leur collectivité.

[3]  En 1985, la Loi modifiant la Loi sur les Indiens, LC 1985, c 27, aussi appelée le projet de loi C-31, a eu pour effet de modifier la Loi sur les Indiens de 1956 de façon à respecter l’article 15 de la Charte canadienne des droits et des libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, c 11 [la Charte]. Le projet de loi C-31 a automatiquement rétabli l’appartenance à une bande des femmes qui avaient perdu directement leur statut d’Indien en raison de l’émancipation [les personnes ayant des droits acquis].

[4]  Les demandeurs, Neal Rotherham, en qualité d’administrateur de la succession de Doreen Dumais, Vera Dumais, Lena Dumais, Lorna-Marie Dumais, Nancy Yarmuch, Christopher Dumais, Cecile Wiberg, William Dumais, Christina Dumais et Phyillis Dumais, en qualité d’administratrice de la succession de Joseph Dumais [collectivement, les demandeurs], sont ou représentent des personnes ayant des droits acquis, qui, selon la loi, sont membres de la bande de Kehewin.

[5]  Les défendeurs, la bande de Kehewin et le conseil de bande de Kehewin (collectivement, Kehewin), refusent de reconnaître le projet de loi C-31 ou d’accepter les personnes ayant des droits acquis et leurs enfants en tant que membres de la bande.

[6]  Par conséquent, les demandeurs ont entrepris l’action sous-jacente en 2000 pour obtenir un jugement déclaratoire et des dommages-intérêts contre Kehewin et Sa Majesté la Reine du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (le Canada) [collectivement, les défendeurs]. Les demandeurs affirment que les défendeurs ont une obligation fiduciaire à leur égard en vertu de laquelle ils doivent s’assurer qu’ils reçoivent les sommes et les autres avantages auxquels ils ont droit ou qui leur sont dus en tant que membres de la bande de Kehewin, et qu’ils ont manqué à leur obligation.

[7]  En 2012, après la radiation de la défense de Kehewin, les demandeurs ont demandé en vertu de l’article 210 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], un jugement par défaut contre Kehewin sur la question distincte du droit à l’appartenance à la bande. La Cour a accueilli la requête des demandeurs, affirmant leur droit à l’appartenance à la bande de Kehewin.

[8]  Les demandeurs sollicitent maintenant un jugement par défaut relativement à des dommages-intérêts découlant de la discrimination dont a fait preuve Kehewin à leur endroit et de son refus connexe de leur fournir tous les avantages tangibles et intangibles associés à l’appartenance à la bande. L’action intentée contre le Canada a été suspendue en attendant l’instruction de la requête qui nous occupe.

[9]  Pour les motifs qui suivent, je dois rejeter à regret la requête des demandeurs, non pas au regard du fond de leur grief contre Kehewin, mais plutôt parce que la Cour n’a pas compétence pour instruire leur requête.

II.  Contexte

[10]  Il est important de tenir compte du contexte dans lequel l’action a été intentée avant d’examiner la question de la compétence de la Cour pour accorder la réparation demandée. La preuve par affidavit déposée par les défendeurs à l’appui de la requête est fiable et suffisante pour tirer les conclusions qui suivent.

[11]  Christina Dumais (née Gladue) (maintenant décédée), une Indienne inscrite, a épousé Francis Dumais, un Indien non inscrit. Christina Dumais a perdu son statut d’Indien et le statut d’Indien des enfants qu’elle a eus durant son mariage par application de l’alinéa 12(1)b) de la Loi sur les Indiens de 1956.

[12]  Christina Dumais et Francis Dumais ont eu plusieurs enfants : avant leur mariage, ils ont eu William Dumais et Joseph Dumais (maintenant décédé), et, après leur mariage, ils ont eu Nancy Yarmuch (née Dumais), Lena Dumais, Lorna-Marie Dumais, Doreen Dumais (maintenant décédée), Christopher Dumais, Cecile Wiberg (née Dumais), Vera Dumais et Patrick Dumais.

A.  Les faits à l’origine de l’action

[13]  En 1984, Kehewin a tenté de prendre le contrôle de ses listes de bande en adoptant la Kehewin Law #1 (la loi de Kehewin no 1). À ce moment-là, le projet de loi C-31 n’avait pas obtenu la sanction royale, et il n’y avait aucune disposition permettant à Kehewin d’assumer le contrôle de ses listes de bande. Le Canada a par conséquent rendu une ordonnance de désaveu concernant la loi de Kehewin no 1. Kehewin a été informé que la loi de Kehewin no 1 ne serait pas approuvée de toute façon parce qu’elle ne reconnaissait pas les droits à l’appartenance des personnes ayant des droits acquis.

[14]  Le projet de loi C-31 a fourni aux bandes l’option d’exercer le contrôle de leurs listes de bande après l’approbation par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien (de l’époque) d’un code d’appartenance à la bande. Les bandes qui, en date du 28 juin 1987, n’avaient pas pris le contrôle de leurs listes de bande au moyen du processus prévu dans le projet de loi C-31 restaient assujetties aux règles sur l’appartenance de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑8 (la Loi sur les Indiens). Ces règles exigeaient que les bandes traitent les personnes ayant des droits acquis comme étant des membres de leur bande.

[15]  Kehewin n’a pas tenté de présenter à nouveau la loi de Kehewin no 1 ni un autre code d’appartenance à la bande après l’entrée en vigueur du projet de loi C‑31. Kehewin a reçu des rappels du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien d’alors [le MAINC] au sujet de la date limite imminente du 28 juin 1987 pour présenter un code d’appartenance à la bande aux fins d’approbation. Kehewin a maintenu son opposition au projet de loi C‑31 et n’a pas jugé que la date limite avait une incidence quelconque sur ses lois relatives à l’appartenance à la bande. Par conséquent, Kehewin n’a jamais pris officiellement le contrôle de ses listes de bande.

[16]  Kehewin a rejeté toutes les tentatives pour rétablir l’appartenance à la bande des demandeurs, refusant de se conformer au projet de loi C‑31 ou de reconnaître l’autorité du Canada.

[17]  En mai 1987, le conseil de bande de Kehewin a adopté une résolution du conseil de bande affirmant son opposition au projet de loi C‑31, qu’il considérait comme [traduction« une loi imposée unilatéralement par le gouvernement fédéral qui viole de façon flagrante nos droits inhérents et issus de traités de choisir notre citoyenneté et y dérogent ». La résolution du conseil de bande déclarait que les lois de Kehewin sur l’appartenance à la bande n’étaient pas assujetties aux lois du Canada.

[18]  Après l’entrée en vigueur du projet de loi C‑31, les femmes qui [traduction] « avaient épousé un non-Indien » ont retrouvé leur statut d’Indien, et tous les enfants de ces femmes et de leurs époux qui étaient des Indiens non inscrits pouvaient aussi s’inscrire en tant qu’Indiens, conformément à l’article 6 du projet de loi C-31.

[19]  Le projet de loi C‑31 a aussi rétabli l’appartenance de ces femmes à leur bande. Les bandes devaient accepter de rétablir ces personnes ayant des droits acquis parmi leurs membres. Même si plusieurs bandes ont contesté cette exigence, aucune n’a eu gain de cause.

[20]  Malgré sa position selon laquelle elle n’est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur les Indiens, Kehewin a utilisé des mécanismes prévus dans la Loi sur les Indiens pour contester l’ajout des personnes ayant des droits acquis aux listes de bande du MAINC. Kehewin a demandé à l’agent responsable du registre des Indiens et des listes de bande tenues par le MAINC (le registraire) de ne pas ajouter de nom à sa liste de bande, déclarant ce qui suit :

[traduction] La loi sur la citoyenneté de Kehewin est valide en vertu du Traité et du droit traditionnel. Le ministre ne peut pas rejeter la loi de Kehewin en raison de nouvelles modifications apportées à la Loi sur les Indiens, puisque notre loi date d’avant son adoption. Par conséquent, vous exercez de façon inappropriée vos fonctions administratives. Vos pouvoirs et les pouvoirs du ministre sont limités par la primauté du droit.

[21]  Le MAINC a rejeté toutes les protestations de Kehewin, y compris celles contre le statut de membre des demandeurs. Même si Kehewin connaissait son droit d’interjeter appel des résultats de ses protestations devant le Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, elle a choisi de ne pas l’exercer.

[22]  Kehewin a aussi négligé d’intenter une action ou de présenter une demande pour contester la constitutionnalité du projet de loi C-31. Elle a simplement fait fi du projet de loi C‑31.

[23]  Christina Dumais, William Dumais et Joseph Dumais ont tous été rétablis en tant que membres de la bande de Kehewin en raison de leurs droits acquis à compter de la date de leur rétablissement en tant qu’Indiens inscrits. Les autres demandeurs ont aussi immédiatement obtenu le statut d’Indien inscrit en vertu du paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens. Étant donné que Kehewin n’avait pas pris le contrôle ses listes de bande avant le 28 juin 1987, les autres demandeurs sont aussi devenus des personnes ayant des droits acquis pouvant appartenir à la bande de Kehewin conformément au paragraphe 11(2) de la Loi sur les Indiens. Comme cela est expliqué ci‑dessous, les dates de rétablissement des demandeurs en tant que membres de la bande de Kehewin ont été confirmées par la Cour le 31 décembre 2012.

[24]  Kehewin a refusé de reconnaître que les personnes ayant des droits acquis étaient des membres de la bande. L’adoption et l’application par Kehewin de sa loi de Kehewin no 1 a fait en sorte qu’il était impossible pour les personnes ayant retrouvé le statut d’Indien inscrit ou étant redevenus membres de la bande de Kehewin en vertu du projet de loi C‑31 de répondre aux conditions d’appartenance à la bande de Kehewin.

[25]  De plus, durant son interrogatoire préalable, le représentant de Kehewin, le chef Eric Gadwa, a confirmé que Kehewin n’allait pas tenir compte des demandes des personnes ayant des droits acquis pour devenir membres de sa bande parce que ces personnes étaient considérées comme inadmissibles.

[26]  Kehewin s’est vu remettre des copies des listes de bande du MAINC, où figurent les demandeurs, mais elle a plutôt choisi d’utiliser une version qui exclut les [traduction« membres visés par le projet de loi C‑31 », comme l’a confirmé le chef Gadwa :

[traduction]

Q :   Donc — et je veux tout simplement être sûr d’avoir tout à fait bien compris, chef Gadwa —, si une personne était rétablie en vertu du projet de loi C‑31, mais qu’un de ses parents n’était pas un Indien visé par un traité, peu importe leur bonne maîtrise de la langue crie, peu importe combien elle compte de parents au sein de la collectivité de Kehewin, peu importe leurs connaissances très exhaustives de la culture crie et de la culture de Kehewin, elle ne pourrait tout de même pas être considérée comme un membre en vertu de la loi de Kehewin. C’est exact?

R :  C’est exact.

[27]  Il ressort clairement de la preuve présentée que Kehewin a maintenu son objection à la reconnaissance des membres visés par le projet de loi C‑31 en tant que membres de la bande de Kehewin et qu’elle a refusé de leur fournir les avantages de l’appartenance à la bande. Plus particulièrement, Kehewin s’est opposée au versement de paiements par habitant et de paiements issus de traités aux membres visés par le projet de loi C‑31. Elle a refusé d’examiner leurs demandes de logement et de leur fournir des fonds pour qu’ils puissent poursuivre des études postsecondaires, et ne les a pas informés des autres sources de financement. En outre, elle n’a pas donné à ces personnes le droit de vote et les avantages associés à Noël et a refusé de leur offrir des occasions d’emploi.

[28]  Après la mise en œuvre du projet de loi C-31, le Canada a fourni des fonds supplémentaires aux bandes pour les aider à faciliter le retour des membres visés par le projet de loi C-31. Les fonds supplémentaires incluent un financement pour des logements et des études postsecondaires. Kehewin a refusé d’avoir accès aux fonds parce qu’elle ne voulait pas accepter les membres visés par le projet de loi C-31.

B.  Déclaration et énoncé des précisions

[29]  Le 3 mars 2000, l’action sous-jacente a été intentée au moyen d’une déclaration formulée par trois demandeurs nommés : Doreen Dumais, William Dumais et Phyllis Dumais, en qualité d’administratrice de la succession de Joseph Dumais. La déclaration a été modifiée de nombreuses fois au fil des ans.

[30]  En résumé, les demandeurs affirment que le Canada avait, en raison de leur statut d’Autochtone, une obligation fiduciaire à leur égard et devait s’assurer qu’ils reçoivent les fonds et les autres avantages auxquels ils ont droit ou qui leur sont dus en tant que membres de la bande de Kehewin ou Indiens inscrits, ou les deux, [traduction] « puisque la liste de bande de Kehewin relève du Canada conformément à l’article 9 de la Loi sur les Indiens ». Les demandeurs affirment que Kehewin a une obligation fiduciaire similaire à leur égard.

[31]  Les demandeurs affirment que les défendeurs leur ont refusé ou ne se sont pas assurés qu’ils recevaient les fonds ou les avantages associés à l’appartenance à la bande de Kehewin ou au statut d’Indien, ou aux deux. Les membres de la bande de Kehewin ont reçu toute une gamme d’avantages : 1) l’avantage lié aux dépenses du fonds d’immobilisations de Kehewin et la répartition par habitant; 2) les avantages liés au logement et les services connexes; 3) les avantages liés à Noël; 4) le financement pour les dépenses scolaires des enfants et les coûts de garderie; 5) les exemptions fiscales; 6) les services de santé sur la réserve et les avantages supplémentaires; 7) le financement et les cours liés à l’emploi, la formation professionnelle et le développement économique; 8) le financement pour le perfectionnement des études et des prestations pour les études postsecondaires; 9) le droit de voter et de participer au gouvernement local; 10) les mesures occasionnelles de soutien monétaire et autre; 11) les avantages intangibles liés à l’appartenance à la bande de Kehewin.

[32]  Les demandeurs affirment que les gestes posés à leur égard par Kehewin constituent, aux termes du paragraphe 15(1) de la Charte, de la discrimination fondée sur le sexe, la résidence autochtone, le statut autochtone et la situation de famille. Ils font valoir que Kehewin leur a refusé des fonds et des avantages en raison du statut d’Indien de leur mère ou de sa réintégration ou de leur propre réintégration en vertu du projet de loi C‑31.

[33]  Les demandeurs affirment aussi que les défendeurs se sont enrichis injustement en raison de leur défaut de s’assurer que les demandeurs recevaient l’argent et les autres avantages auxquels ils avaient droit.

[34]  Les demandeurs cherchent à obtenir un jugement déclaratoire portant que les défendeurs ont violé leurs droits au titre du paragraphe 15(1) de la Charte et des dommages-intérêts en vertu de l’article 24 de la Charte et/ou un dédommagement équivalant au montant d’argent et/ou des avantages perdus, avec intérêts. Ils demandent aussi un jugement déclaratoire portant que les défendeurs ont manqué à leurs obligations fiduciaires à leur égard et des dommages-intérêts et/ou un dédommagement relativement au manquement à l’obligation fiduciaire et/ou à l’enrichissement injustifié, avec intérêts.

[35]  Les demandeurs ont par la suite modifié leur acte de procédure pour obtenir des dommages-intérêts punitifs relativement au traitement hautain et malveillant que Kehewin leur a réservé en tant que membres visés par le projet de loi C-31 et au non-respect continu par Kehewin des lois canadiennes et des ordonnances de la Cour.

C.  Manquement de la part de Kehewin

[36]  L’action a progressé par à-coups pendant près d’une décennie. Durant cette période, Kehewin a délibérément et systématiquement retardé les procédures, utilisant tous les moyens possibles afin de contrecarrer les efforts déployés par les demandeurs pour procéder à un interrogatoire préalable complet et ordonné. Plus précisément, Kehewin : 1) ne s’est pas présentée aux dates prévues pour l’interrogatoire préalable; 2) a envoyé un témoin mal informé et non préparé à l’interrogatoire préalable; 3) n’a pas respecté un délai pour présenter des affidavits de documents; 4) a répondu en retard aux engagements et, au bout du compte, n’a pas répondu à de nombreux engagements; 5) a négligé de donner suite à la demande d’instructions de son propre avocat; 6) a changé d’avocat juste avant un délai imposé par la Cour, retardant encore plus le traitement du dossier; 7) a tardé à payer les dépens ordonnés par la Cour.

[37]  Kehewin n’a pas respecté les délais fixés par la Cour, comme cela a été souligné dans une ordonnance datée du 12 décembre 2007 :

[traduction]
Isolément, les diverses transgressions des défendeurs Kehewin au cours des trois dernières années quant au respect de leurs obligations en matière d’interrogatoire préalable semblent bénignes. Cependant, au cours de la dernière année, on constate une attitude d’indifférence volontaire et/ou de non-respect des délais et ordonnances de la Cour de leur part. En raison de l’approche nonchalante des défendeurs Kehewin dans le cadre de la procédure, les demandeurs n’ont absolument pas pu réaliser un interrogatoire préalable ordonné et valable. Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que les défendeurs Kehewin ont littéralement fait fi de l’ordonnance rendue le 27 juillet 2007 en envoyant un représentant qui n’était pas préparé et qui ne connaissait absolument pas les principales questions en litige.

[38]  Les demandeurs ont présenté à trois occasions distinctes des requêtes en radiation des actes de procédure de Kehewin en raison de son manque de conformité et de respect à l’égard des procédures de la Cour. Les deux premières requêtes ont été rejetées afin de donner l’occasion à Kehewin de corriger son manquement et de respecter ses obligations en matière d’interrogatoire préalable. Vu le mépris continu de Kehewin, la troisième requête des demandeurs en radiation de la défense de Kehewin a été accueillie dans une ordonnance datée du 6 novembre 2009.

D.  Requête en vue d’obtenir une réparation partielle

[39]  Au moment de la radiation de la défense de Kehewin, les demandeurs ont présenté une requête en vue d’obtenir une réparation partielle contre Kehewin, tentant d’obtenir les jugements déclaratoires suivants : premièrement, qu’ils avaient le droit d’appartenir à la bande; deuxièmement, qu’ils devaient être rétablis en tant que membres de la bande de Kehewin avec effet rétroactif; troisièmement, que leur nom devait être rétabli dans toutes les versions des listes des membres de la bande de Kehewin, y compris les listes de membres consultées aux fins de vote et relativement aux avantages dont bénéficient les membres.

[40]  Dans un jugement daté du 31 décembre 2012, le juge Michael Manson a accordé la réparation demandée. Il n’y a pas eu d’appel de ce jugement.

E.  Requête actuelle en jugement par défaut

[41]  La présente requête est la deuxième phase de la procédure par défaut dans la présente action. Les demandeurs sollicitent l’imposition de dommages-intérêts découlant de la discrimination dont a fait preuve Kehewin à leur égard et du refus connexe de leur accorder tous les avantages tangibles et intangibles liés à l’appartenance à la bande.

[42]  L’article 184 des Règles prévoit que les allégations contenues dans un acte de procédure qui ne sont pas admises sont réputées être niées. Par conséquent, les allégations des demandeurs qui sont énoncées dans leur déclaration modifiée restent des allégations, et il n’y a aucune preuve de leur véracité ou de leur exactitude si aucun affidavit n’est déposé (Chase Manhattan Corp c 3133559 Canada Inc., 2001 CFPI 895).

[43]  Les demandeurs ont déposé 14 affidavits et près de 3 000 pages de preuve à l’appui de leur requête. Les déposants n’ont pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire relativement à leur affidavit, et leur témoignage n’a pas été contesté.

[44]  Initialement, leur requête a été présentée par écrit conformément à l’article 369 des Règles. Vu la quantité de documents déposés et le nombre et la complexité des questions soulevées par les demandeurs, une audience a été prévue pour l’instruction de la requête. Après avoir entendu ce qu’avaient à dire l’avocate des demandeurs et le Canada relativement à l’imposition des dommages-intérêts, la Cour a ajourné l’affaire pour permettre aux demandeurs de présenter d’autres observations écrites concernant les délais de prescription et les dépens. Elle a aussi enjoint à l’avocate des demandeurs de soumettre un projet de jugement pour donner suite aux motifs formulés de vive voix à l’audience confirmant la responsabilité de Kehewin et quantifiant les dommages-intérêts dus aux demandeurs, y compris les dommages-intérêts au titre de la Charte.

[45]  Après examen des observations subséquentes des demandeurs, il est devenu évident que la question de la compétence de la Cour pour accorder la réparation demandée par les demandeurs n’avait jamais été tranchée. La Cour a enjoint aux demandeurs et au Canada de présenter d’autres observations écrites, en donnant avis à Kehewin, concernant la compétence de la Cour pour accorder des dommages-intérêts, y compris des dommages-intérêts au titre de l’article 24 de la Charte, et toute autre réparation en equity contre Kehewin. Même si, dans un premier temps, le Canada n’a adopté aucune position en la matière, il a accepté de fournir des observations écrites sur le droit applicable à la demande de la Cour.

[46]  À la demande des demandeurs, une deuxième audience a eu lieu pour que la Cour puisse entendre les observations des avocats des parties, y compris de Kehewin, qui se limitaient à la question de la compétence de la Cour.

III.  Compétence

A.  Compétence de la Cour fédérale

[47]  Le critère applicable pour établir la compétence de la Cour a été énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO-Int’l Terminal Operators c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752 (CSC) [ITO], à la page 766 :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, (U.K.) c 3.

(1)  Y a‑t‑il attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral

[48]  Il est admis qu’en tant que cour créée par une loi la Cour fédérale n’a pas de compétence inhérente. Le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer les lois du Canada (Windsor (City) c Canada Transit Co., 2016 CSC 54 [Windsor], par. 34). Dans l’arrêt Windsor, la Cour suprême du Canada a conclu que le critère de l’arrêt ITO « vise à faire en sorte que la Cour fédérale n’outrepasse pas ce rôle limité » (voir aussi Succession Ordon c Grail, [1998] 3 RCS 437, p. 474, et Côté c Canada, 2016 CF 296 [Côté], par. 7).

[49]  Les demandeurs reconnaissent qu’aucune loi fédérale en particulier ne donne à la Cour fédérale la compétence de trancher la question de l’existence ou de la portée des obligations d’une bande indienne à l’égard de ses membres en ce qui concerne les avantages associés à l’appartenance à la bande. Toutefois, ils font valoir que le paragraphe 17(4) ou l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, ou ces deux dispositions peuvent conférer la compétence nécessaire pour trancher la cause d’action liée à la Charte et les réparations connexes demandées dans le cadre de la requête de jugement par défaut contre Kehewin.

[50]  Les parties pertinentes de l’article 17 portent que :

17 (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

[…]

(4) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les procédures visant à régler les différends mettant en cause la Couronne à propos d’une obligation réelle ou éventuelle pouvant faire l’objet de demandes contradictoires.

(5) Elle a compétence concurrente, en première instance, dans les actions en réparation intentées :

[…]

 

b) contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits — actes ou omissions — survenus dans le cadre de ses fonctions.

17 (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

[…]

(4) The Federal Court has concurrent original jurisdiction to hear and determine proceedings to determine disputes in which the Crown is or may be under an obligation and in respect of which there are or may be conflicting claims.

(5) The Federal Court has concurrent original jurisdiction

[…]

(b) in proceedings in which relief is sought against any person for anything done or omitted to be done in the performance of the duties of that person as an officer, servant or agent of the Crown.

[51]  Kehewin fait valoir que la Cour n’a pas la compétence nécessaire pour accorder la réparation demandée par les demandeurs en vertu d’une des dispositions de la Loi sur les Cours fédérales, peu importe le fait que sa défense a été radiée.

[52]  Pour sa part, le Canada estime qu’en l’espèce le paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales est la seule source possible de la compétence législative fédérale requise.

[53]  Les dispositions de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales sur lesquelles se sont appuyés les demandeurs et les arguments des parties sont analysés ci-après. Comme cela sera expliqué, les demandeurs n’ont pas satisfait au premier volet du critère de l’arrêt ITO.

a)  Paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales

[54]  Les parties se sont toutes appuyées sur l’arrêt Roberts c Canada, [1989] 1 RCS 322 [Roberts], de la Cour suprême du Canada — aussi répertorié sous Bande indienne Wewayakum c Canada, comme point de départ de l’interprétation du paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales. La question dans l’arrêt Roberts consistait à savoir si la Cour fédérale du Canada (ainsi qu’elle était désignée à l’époque) avait compétence pour instruire l’action en violation du droit de propriété intenté par la bande indienne défenderesse contre la bande indienne interjetant appel.

[55]  La Cour suprême du Canada a mentionné à la page 331 de l’arrêt Roberts que, comme la Cour fédérale n’avait aucune compétence inhérente comme celle des cours supérieures des provinces, c’était le texte de la Loi sur la Cour fédérale, LRC 1970 (2e supp.), c 10 qui déterminait « complètement l’étendue de la compétence de la cour ».

[56]  La Cour suprême du Canada a affirmé que l’alinéa 17(3)c) de la Loi sur la Cour fédérale (maintenant le paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales) accorde compétence à la Cour fédérale pour trancher toutes les affaires où : (i) il y a une procédure; (ii) la procédure vise à régler un différend; (iii) la Couronne a une obligation réelle ou éventuelle; (iv) l’obligation peut faire l’objet de demandes contradictoires. La Cour a conclu que l’alinéa 17(3)c) accorde la compétence nécessaire relativement à la demande de la bande indienne défenderesse, étant donné que la procédure fait intervenir un différend qu’il faut trancher entre les deux bandes et qu’il y a des demandes contradictoires quant à une obligation de la Couronne fédérale. Un facteur clé tenait au fait que chaque bande prétendait que la Couronne, qui détenait le titre de propriété sous‑jacent des terres, avait envers elle seule l’obligation de détenir les terres pour son usage et son occupation exclusifs.

[57]  Après l’arrêt Roberts, notre Cour et la Cour d’appel fédérale ont examiné la compétence de la Cour fédérale relativement à des demandes de particuliers contre des Premières Nations, où le Canada est nommé en tant que codéfendeur. Toutes ces affaires reposaient sur le premier volet du critère de l’arrêt ITO.

[58]  Dans la décision Bande de Stoney c conseil de la bande de Stoney, [1996] ACF No 1113, 118 FTR 258 (CF) [Bande de Stoney], le juge Darrel Heald était saisi d’une action intentée par des particuliers au nom de leur bande qui affirmaient que le chef et le conseil de la bande et le Canada avaient manqué à leurs obligations fiduciaires relativement à des activités forestières sur la réserve. Les membres de la bande demandeurs affirmaient qu’ils avaient subi des pertes pécuniaires et des préjudices en raison des manquements. Le juge Heald a jugé que le paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales ne s’appliquait pas aux faits présentés à la Cour. Dans son analyse de la question, il a conclu que le fait que l’arrêt Roberts, qui appliquait la disposition législative qui a précédé le paragraphe 17(4), avait été tranché à une époque où la Cour fédérale avait la compétence originale exclusive à l’égard de la Couronne était important. Il a rejeté l’argument selon lequel, puisque la compétence à l’égard d’un conseil de bande dans le cadre d’un contrôle judiciaire avait été établie dans d’autres affaires, la compétence pouvait aussi s’appliquer dans l’action dont la Cour était saisie.

[59]  La décision Hodgson c Ermineskin Indian Band No 942, [2000] ACF no 313, 180 FTR 285 (CF) [Hodgson (CF)] est une autre affaire dans laquelle la Cour se penche sur sa compétence en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales. Dans cette affaire, la juge Barbara Reed a rejeté un appel interjeté contre une décision du protonotaire John Hargrave, qui avait rejeté la requête de la bande indienne d’Ermineskin no 942 et du conseil de bande d’Ermineskin en annulation de certaines des demandes formulées contre eux par les demandeurs. Les allégations des demandeurs dans l’affaire Hodson (CF) sont très similaires à celles formulées par les demandeurs en l’espèce.

[60]  Les demandeurs affirmaient que la Couronne et les défendeurs Ermineskin avaient violé leur obligation fiduciaire à l’égard de tous les demandeurs en permettant la radiation de leur nom de la liste de bande d’Ermineskin et en omettant d’ajouter à la liste les noms de ceux nés après 1944. Selon les demandeurs, ces violations les avaient privés des avantages liés à l’appartenance à la bande. Ils demandaient des jugements déclaratoires portant qu’ils étaient des membres de la bande ayant le droit de bénéficier des avantages que leur conférait l’appartenance à la bande. Ils ont aussi demandé une reddition de compte relativement à l’ensemble des avantages auxquels ils auraient eu droit depuis 1944.

[61]  Les défendeurs Ermeskin ont présenté une requête en annulation de certains paragraphes de la déclaration et des portions de la demande de réparation au motif que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour entendre une demande de dommages-intérêts ou de réparation en equity contre eux et qu’ils n’avaient aucune obligation fiduciaire à l’égard des non-membres. Ils ont aussi tenté de faire préciser qu’il serait de la responsabilité de la Couronne de présenter la demande de réparation pécuniaire découlant d’un jugement déclaratoire reconnaissant le droit à des avantages et à des dommages-intérêts, des intérêts et des dépens. Le protonotaire Hargrave a rejeté la requête en radiation, concluant que le paragraphe 17(4) exige non pas une allégation positive d’intérêt opposé dans la déclaration, mais seulement qu’il puisse y avoir des intérêts opposés découlant des faits exposés. En appel, la juge Reed n’a pas été convaincue qu’il était manifeste que la Cour n’avait pas compétence pour trancher les demandes que les défendeurs Ermineskin cherchaient à faire radier. Elle a conclu que le litige à l’égard du maintien de l’autorité (ou d’une éventuelle responsabilité fiduciaire) sur les membres de la bande entraîne également des obligations éventuellement contradictoires.

[62]  La décision de la juge Reed a été maintenue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hodgson c Ermineskin Indian Band No 942, [2000] ACF No 2042, 102 ACWS (3e) 2, 193 FTR 158 (CAF) [Hodgson (CAF)], autorisation de pourvoi devant la CSC refusée [2001] CSCR no 67, 276 NR 193. Ce faisant, le juge Marshall Rothstein a exprimé au nom de la Cour certaines réserves au sujet de la compétence de la Cour fédérale :

[5]  Bien que nous ne soyons aucunement convaincus que la Cour a compétence pour trancher les demandes formulées par les demandeurs contre les défendeurs d’Ermineskin en vertu de l’article 17 de la Loi sur la Cour fédérale, nous ne sommes pas disposés à affirmer que le défaut de compétence de la Cour est manifeste et établi hors de tout doute. L’affaire comporte des demandes dirigées contre une bande indienne et un conseil de bande, ainsi que contre la Couronne. Il est certes clair que la Cour a compétence pour procéder au contrôle judiciaire des décisions des conseils de bande indienne, mais il est beaucoup moins clair qu’elle a compétence pour entendre une action dirigée contre les bandes. En ce qui a trait à l’allégation de manquement à une obligation de fiduciaire, la prétention de la Bande portant qu’elle n’a aucune obligation de fiduciaire envers les personnes qui ne sont pas membres de la Bande semble manifestement bien fondée à première vue, mais elle repose sur l’hypothèse que les demandeurs n’ont jamais été membres de la Bande et n’ont jamais eu le droit d’en être membres. L’absence d’obligation de fiduciaire envers eux n’est pas manifeste si les demandeurs ou leurs ancêtres ont été à tort rayés de la liste des membres ou n’y ont pas été inscrits alors qu’ils auraient dû l’être.

[63]  Des doutes similaires au sujet de la portée de la compétence de notre Cour en vertu du paragraphe 17(4) ont été soulevés dans l’affaire Charlie c Vuntut Gwitchin First Nation, 2002 CFPI 344 [Charlie]. Dans cette affaire, le demandeur était un Autochtone handicapé qui affirmait avoir été victime de discrimination de la part de la Première Nation des Vuntut Gwitchin (Vuntut Gwitchin) et du Canada, qui lui avaient refusé l’accès à un important règlement conclu entre les deux parties ou à des renseignements à ce sujet. L’accord prévoyait le versement de fonds à Vuntut Gwitchin afin que la Première Nation puisse compléter les faibles revenus et financer l’éducation de ses membres. Le demandeur a fait valoir que Vuntut Gwitchin avait à son égard diverses obligations fiduciaires et ne devrait pas avoir le droit de conserver une partie des avantages découlant du règlement qui lui appartenait légitimement. Il a demandé des dommages-intérêts ainsi que des réparations en vertu de l’article 24 de la Charte en raison d’un manquement aux droits à l’égalité garantis par l’article 15.

[64]  Vuntut Gwitchin a présenté une requête en radiation de l’acte de procédure du demandeur en raison de l’absence de compétence. Le protonotaire Hargrave a rejeté la requête en s’appuyant sur le raisonnement suivant :

[25]  Dans sa plaidoirie, la Couronne affirme clairement, en se fondant sur l’entente définitive du 29 mai 1993 entre la Première nation et la Couronne, n’avoir d’obligations qu’à l’égard de la Première nation des Gwitchin Vuntut. Les défenderesses Gwitchin Vuntut déclarent que les obligations légales de la Couronne concernent la défenderesse, la Première nation des Gwitchin Vuntut, et non le demandeur. Toutes les défenderesses affirment en effet que le demandeur devrait s’adresser aux défenderesses Gwitchin Vuntut et que la Couronne n’a aucune obligation à son endroit : la Couronne n’a d’obligation ou de devoir qu’à l’endroit de la Première nation des Gwitchin Vuntut. Pourtant le demandeur prétend, dans sa déclaration modifiée de nouveau, que la Couronne est tenue envers lui d’une obligation fiduciaire, notamment une compensation pour l’extinction de ses droits d’une manière qui ne lui assure aucune contrepartie ni aucun avantage. Le demandeur prétend donc, et ce point fait aussi l’objet de sa quatrième demande de redressement, qu’il doit obtenir des dommages-intérêts de toutes les défenderesses […]

[26]   Tout cela est peut-être ténu, mais sans donner au paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale une portée qui excède la jurisprudence, l’ombre d’une possibilité de succès demeure. La position que doit faire valoir M. Charlie à l’encontre de la Couronne est difficile, mais je ne puis pas dire qu’il est clair, évident et indubitable qu’il n’aura pas gain de cause […] La demande du demandeur ne doit pas être arrêtée à l’étape actuelle mais, d’après les actes de procédure, renseignements et arguments produits devant la Cour, doit suivre son cours sur le fondement de la compétence en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale.

[65]  Les affaires susmentionnées étaient toutes des décisions relatives à des requêtes en radiation pour absence de compétence et ne comportent pas une décision définitive au sujet de la compétence au terme d’un procès. Même si je ne suis pas lié par ces décisions, elles sont instructives.

[66]  Je tire de ces affaires que la nature des procédures généralement envisagées par le paragraphe 17(4) concerne l’interplaidoirie. Comme la juge Bertha Wilson l’a dit au paragraphe 21 de l’arrêt Roberts : « Il est même difficile à première vue d’envisager des situations autres que la procédure d’interpleader où toutes les exigences de l’al. 17(3) c) seraient respectées. »

[67]  Le juge Marc Nadon, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt ING Bank NV c Canpotex Shipping Services Limited, 2017 CAF 47, a expliqué que l’objet de la procédure d’interplaidoirie est de prévenir une multiplicité de procès et une double mesure vexatoire contre une personne. Le juge Nadon a cité et approuvé l’exposé du juge Chong de la Haute Cour de Singapour dans l’arrêt Precious Shipping Public Company Ltd c OW Bunker Far East (Singapore) Pte Ltd, [2015] SGHC 187, sur sa conception de l’interplaidoirie :

[traduction]

[59]  En d’autres termes, la procédure d’interplaidoirie a pour objet d’aider les demandeurs qui veulent s’acquitter de leurs obligations légales (payer une dette, livrer des biens, etc.), mais ne savent pas envers qui ils devraient s’en acquitter […]

[60]  Dans une procédure d’interplaidoirie, le demandeur est pris entre le marteau et l’enclume — s’il s’acquitte de son obligation envers un réclamant, il s’expose à être poursuivi par l’autre. Dans un tel cas, la procédure d’interplaidoirie vient à sa rescousse en contraignant les véritables réclamants à présenter leurs cas afin que la cour puisse déterminer lequel des réclamants rivaux est juridiquement fondé à obtenir l’exécution de l’obligation reconnue du demandeur. Le demandeur, qui s’est désisté de tout intérêt dans l’objet du différend, « renonce » et se libère de la procédure (voir De La Rue, à la page 173). En d’autres termes, l’objet d’une procédure d’interplaidoirie est de déterminer l’incidence de l’obligation; cette procédure sert à désigner la personne envers qui le demandeur a une obligation. Il s’ensuit qu’une procédure d’interplaidoirie n’est pas possible lorsque le demandeur a une obligation distincte envers les deux réclamants (voir Farr c. Ward [1837] 150 ER 1000) parce qu’il n’y a pas de controverse dans un tel cas : il y a deux obligations, et le demandeur est juridiquement tenu de s’acquitter des deux obligations. [Souligné dans l’original.]

[68]  Les demandeurs font valoir qu’il y a des « demandes contradictoires » dans la procédure relative aux responsabilités à l’égard de l’appartenance à la bande de Kehewin. D’un côté, Kehewin affirme contrôler sa liste de bande. De l’autre, la Couronne affirme que c’est elle qui en a le contrôle en vertu de l’article 11 de la Loi sur les Indiens. Je ne suis pas d’accord.

[69]  Le protonotaire Hargrave devait se prononcer sur un argument similaire dans l’affaire Shade c La Reine, 2001 CFPI 1067 [Shade], aussi répertorié sous Bande des Blood c Canada. Les procédures faisaient intervenir, de façon générale, des revendications formulées par divers défendeurs relativement à des droits riverains et des terres dans le sud de l’Alberta. Une réparation était demandée contre la Couronne fédérale et la province de l’Alberta. Le protonotaire Hargrave a conclu que, manifestement, la Cour ne possédait pas une attribution de compétence conférée par une loi pour entendre la réclamation des demandeurs contre la province de l’Alberta en l’absence d’une obligation commune et d’adversaires :

[24]  Selon la position prise par les demandeurs, la Couronne fédérale a une obligation réelle ou éventuelle envers eux et les demandeurs et l’Alberta ont des demandes contradictoires à l’égard des terres et des ressources comprises dans le territoire visé par le Traité no 7 et dans la réserve indienne de Blood, faisant l’objet de l’action relative aux droits de riverain. À cet égard, les demandeurs se fondent sur l’arrêt Roberts c. Canada 1989 CanLII 122 (CSC), [1989] 1 R.C.S. 322 […]

[25]  La difficulté, lorsqu’il s’agit d’appliquer en l’espèce l’arrêt Roberts, découle du fait qu’il n’y a pas de demandes contradictoires qui soient mentionnées dans les actes de procédure. La Couronne fédérale peut certes avoir une obligation, ou de fait de nombreuses obligations, mais la seule demande qui est fondée sur pareilles obligations est celle qui a été faite par les demandeurs. Comme je l’ai dit, il n’existe aucune obligation envers deux adversaires ou plus. De toute évidence, il existe des obligations, par exemple entre le Canada et les demandeurs, et peut-être entre l’Alberta et les demandeurs, mais contrairement à ce qui était le cas dans l’affaire Roberts, il n’existe aucune obligation commune justifiant l’application de la disposition sur laquelle l’analyse effectuée par le juge Hugessen est fondée.

[26]  Étendre la portée du paragraphe 17(4) de la Loi sur la Cour fédérale de façon que la Cour ait compétence dans un cas où il n’existe pas de demandes contradictoires serait étendre le but du paragraphe 17(4) bien au-delà du genre de situation où il y a interpleader et, de fait, bien au-delà de ce qui est considéré comme un élargissement raisonnable de l’approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Roberts. [Non souligné dans l’original.]

[70]  Je suis tout à fait d’accord avec le raisonnement du protonotaire Hargrave et je l’adopte. Ce qui est important, ce n’est pas de savoir si les demandeurs ont des réclamations contre le Canada et Kehewin liées à la liste de bande, mais si les demandeurs et Kehewin ont des revendications inconciliables contre le Canada. En l’espèce, il n’y a pas d’allégations — encore moins de preuve — selon lesquelles la Couronne a une obligation à l’égard de Kehewin, ou vice versa, et qu’une telle obligation entre en conflit avec l’une des obligations que l’un ou l’autre des défendeurs peuvent avoir à l’égard des demandeurs. Dans la mesure où les défendeurs ont des obligations envers les demandeurs, elles sont concurrentes, et non contradictoires.

[71]  Je reconnais que l’interprétation de l’article 17 doit être équitable et libérale selon l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c Canadian Liberty Net, 1998 CanLII 818 (CSC), [1998] 1 RCS 626 [Canadian Liberty Net], par. 34. Il n’en reste pas moins que le libellé des lois ne peut pas être poussé au-delà de son sens ordinaire, bien au-delà de ce qui peut être envisagé par un élargissement raisonnable de l’approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Roberts.

[72]  Dans l’arrêt Roberts, la Cour suprême du Canada a interprété la notion de « demandes contradictoires » comme des situations où deux parties ont une réclamation contre le Canada relativement à un même bien. Dans une telle situation, la nature du conflit est évidente parce que le Canada ne peut pas donner le même bien aux deux parties en même temps. Il n’existe une obligation qu’envers une partie. En d’autres mots, ce sont les réclamations contre le Canada par les autres parties qui doivent être conflictuelles pour respecter l’exigence du paragraphe 17(4).

[73]  L’obligation d’un demandeur relativement à une requête en jugement par défaut est de prouver son droit au jugement demandé en fait et en droit. Le paragraphe 17(4) précise expressément qu’il doit y avoir un différend mettant en cause la Couronne à propos d’une obligation réelle ou éventuelle pouvant faire l’objet de demandes contradictoires et c’est ainsi qu’il a toujours été interprété. Je conclus que les éléments de preuve présentés par les demandeurs ne prouvent pas une telle allégation de base et, en fait, la contredisent.

[74]  Dans son acte de procédure, le Canada nie l’existence d’obligations fiduciaires en l’espèce ou, subsidiairement, affirme que toutes obligations fiduciaires de ce genre n’ont pas été remplies. Cependant, il n’affirme pas ne pas avoir pu satisfaire à ses obligations fiduciaires à l’égard des demandeurs parce que les obligations en question visaient la bande plutôt que les demandeurs ou que le respect de ses obligations à l’égard d’une partie minait sa capacité de respecter ses obligations à l’égard de l’autre. Même si Kehewin adopte une position juridique différente concernant le statut des demandeurs en tant que membres de la bande, cela ne créé pas une réclamation conflictuelle envers le Canada.

[75]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la Cour n’a pas compétence pour instruire l’action des demandeurs contre Kehewin en vertu du paragraphe 17(4) de la Loi sur les Cours fédérales.

b)  Alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales

[76]  Je vais maintenant passer aux autres observations des demandeurs fondées sur l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales, qui accorde une compétence concurrente à la Cour fédérale pour instruire une demande contre un fonctionnaire, préposé ou mandataire de la Couronne pour des faits survenus dans le cadre de ses fonctions.

[77]  Les conseils de bande ont été reconnus comme des entités juridiques séparées et distinctes de leurs membres ayant la capacité de poursuivre et d’être poursuivies devant les tribunaux de tous les niveaux. Les demandeurs ont concédé d’entrée de jeu que le conseil de bande n’agit généralement pas comme un mandataire de la Couronne. Cette concession est appropriée vu l’importante jurisprudence à cet effet (Bande de Stoney, par. 10 à 12, Bear c John Smith Indian Band, [1983] 5 WWR 21, 148 DLR (3e) 403 (SKQB) [Bear], par. 14, Lower Similkameen Indian Band c Allison, [1996] ACF No 1434 (1re inst.), par. 19 et 20, Chadee c Norway House First Nation, [1996] 10 WWR 335, 131 WAC 110 (MBCA), par. 27 à 39, Charlie, par. 30 à 33, et Little Chief c Conseil de la Nation Siksika, 2003 CFPI 708, par. 16 à 18).

[78]  Dans la décision Bear, le juge Noble du Cour du banc de la Reine de la Saskatchewan a examiné la signification du mot « préposé » (qui inclut les « mandataires ») utilisé à l’article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, LRC 1970, c C‑38 (maintenant appelée la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC 1985, c C‑50). Le juge Noble a renvoyé à l’énoncé le plus largement accepté sur la façon de définir les circonstances en vertu desquelles une personne ou un groupe de personnes agissent comme un préposé ou un mandataire de la Couronne, ce que résume la citation du président Joseph Thorson de la Cour de l’Échiquier du Canada dans la décision Union Packing Company Limited c The King, [1946] Ex CR 49 [Union Packing], au paragraphe 54 :

[traduction]
Il est clair, me semble-t-il, dans cette jurisprudence, que la question de savoir si un organisme remplissant des fonctions de nature publique est un préposé ou un mandataire de la Couronne ou s’il est une entité distincte indépendante repose principalement sur le fait qu’il détient ou ne détient pas de pouvoirs discrétionnaires qui lui sont propres et qu’il peut exercer avec indépendance, sans consulter aucun représentant de la Couronne.

[79]  La jurisprudence reconnaît qu’il peut y avoir certaines circonstances où des conseils de bande pourraient être considérés comme des mandataires de la Couronne (Charlie, par. 28 et 29, Bande de Stoney, par. 10, Bear, par. 11, et Cooper c Conseil de la bande indienne Tsartlip (1994), 88 FTR 21, 5 WDCP (2e) 617, par. 16).

[80]  D’un côté, les bandes peuvent parfois agir comme mandataires de la Couronne lorsqu’elles appliquent certaines directives ministérielles, des arrêtés du ministre ou des règlements adoptés au bénéfice de leurs membres. D’un autre côté, les conseils de bande posent de nombreux gestes au nom des membres de la bande et de nombreux gestes qui représentent la volonté collective des membres, et tous ces gestes sont liés directement au processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens en vertu duquel les membres de la bande élisent leur gouvernement.

[81]  L’élément du contrôle est un aspect clé pour conclure qu’il existe une relation de mandataire.

[82]  Les demandeurs font valoir que les faits suivants établissent l’existence d’une relation de mandataire. Premièrement, Kehewin n’a jamais vraiment assumé le contrôle de sa liste de bande. Deuxièmement, le registraire reste responsable de la liste de bande en vertu de la Loi sur les Indiens. Troisièmement, le Canada a délégué l’administration quotidienne des questions touchant les membres à Kehewin, et le représentant du Canada, Joseph Leask, a décrit la délégation de l’administration des fonctions liées à l’appartenance aux bandes comme suit :

[traduction]

R :   La pratique consistait à continuer, même après l’adoption du projet C-31, de déléguer aux bandes la gestion de leurs membres, mais je souligne le mot déléguer. Il n’y avait pas de transfert du pouvoir en vertu d’un code sur les membres dont ils pouvaient assumer le contrôle, mais les bandes s’acquittaient essentiellement de fonctions ministérielles pour lesquelles elles étaient rémunérées, soit dit en passant, d’après ce que je comprends.

Q :   Par le ministère ou la bande?

R :   Par le ministère. Les bandes recevaient un montant par habitant […]

[83]  La difficulté que pose l’argument des demandeurs tient au fait qu’ils n’ont jamais fait valoir dans leur acte de procédure de faits pouvant soutenir une conclusion quant à l’existence d’une relation de mandataire. En outre, l’avis de requête ne vise pas l’obtention d’un jugement déclaratoire ou d’une conclusion quant à l’existence d’une relation de mandataire. Les demandeurs ne peuvent pas, dans le cadre d’une requête en jugement par défaut, affirmer maintenant la responsabilité de Kehewin sur le fondement d’une relation de mandataire. L’introduction de cette nouvelle position sur la responsabilité à cette étape tardive des procédures est problématique.

[84]  Quoi qu’il en soit, les faits établis par les demandeurs dans le cadre de la présente requête ne soutiennent pas la conclusion selon laquelle Kehewin était sous le contrôle du Canada lorsqu’elle a refusé de leur fournir des avantages.

[85]  L’acte de procédure des demandeurs renvoie à l’article 9 de la Loi sur les Indiens, qui décrit l’obligation du registraire de tenir la liste de bande et de la mettre à jour jusqu’à ce que la bande en assume le contrôle. Rien ne donne à penser dans l’acte de procédure ou dans la Loi sur les Indiens que l’article 9 crée des obligations pour Kehewin à l’égard du Canada, que ce soit en tant que mandataire ou à un autre titre. Au contraire, il ressort clairement de la preuve que Kehewin a agi de façon indépendante en préparant sa propre liste de bande et en distribuant les fonds et les autres avantages à ses membres comme bon lui semblait. Même si le Canada peut avoir décidé qui figure dans la liste de bande de Kehewin, c’est Kehewin qui a décidé de faire fi de la loi et d’administrer les avantages comme elle l’entendait.

[86]  Comme je suis en grande partie d’accord avec le contenu des paragraphes 36 à 44 des observations écrites de Kehewin, je conclus que les demandeurs n’ont pas démontré que leur réclamation contre Kehewin était visée par l’alinéa 17(5)b) de la Loi sur les Cours fédérales, si l’on interprète correctement cette disposition.

IV.  Tribunal compétent au titre du paragraphe 24(1) de la Charte

[87]  Je veux aborder rapidement les observations des demandeurs selon lesquelles la Cour a compétence pour accorder une réparation en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte. Les demandeurs reconnaissent que la capacité de la Cour fédérale d’accorder des dommages-intérêts en vertu de la Charte repose sur une conclusion que la Cour a compétence sur la personne, l’administration ou le sujet dont il est question ainsi que compétence pour accorder une réparation. Vu ma conclusion selon laquelle les réclamations des demandeurs contre Kehewin ne relèvent pas de la compétence de la Cour en vertu du paragraphe 17(4) ou de l’alinéa 17(5)b), il s’ensuit que la Cour ne peut pas accorder une réparation en vertu de la Charte.

V.  Dépens

[88]  Les demandeurs sollicitent les dépens relativement à la requête. Ni le Canada ni Kehewin n’ont demandé les dépens. Il ne fait aucun doute que si Kehewin avait rapidement soulevé la question de la compétence après la signification de la déclaration, une bonne partie des coûts engagés par les demandeurs auraient été évités, et un temps précieux aurait pu être sauvé. Cependant, vu le résultat, aucuns dépens ne seront adjugés.


ORDONNANCE dans le dossier T-449-00

LA COUR ORDONNE :

La requête en jugement par défaut contre la bande de Kehewin et le conseil de bande de Kehewin est rejeté, sans dépens.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de février 2020

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑449‑00

 

INTITULÉ :

NEAL ROTHERHAM, EN QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR DE LA SUCCESSION DE DOREEN DUMAIS, VERA DUMAIS, LENA DUMAIS, LORNA‑MARIE DUMAIS, NANCY YARMUCH, CHRISTOPHER DUMAIS, CECILE WILBERG, WILLIAM DUMAIS, CHRISTINA DUMAIS ET PHYLLIS DUMAIS, EN QUALITÉ D’ADMINISTRATRICE DE LA SUCCESSION DE JOSEPH DUMAIS c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN, LA BANDE DE KEHEWIN ET LE CONSEIL DE BANDE DE KEHEWIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 MARS 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 9 janvier 2020

 

COMPARUTIONS :

Janet Hutchison

 

Pour les demandeurs

 

Linda Fleury

Eve Coppinger

Keltie Lambert

 

pour la défenderesse

SA MAJESTÉ LA REINE

POUR LES DÉFENDEURS

BANDE DE KEHEWIN ET CONSEIL DE BANDE DE KEHEWIN

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Hutchison Law

Avocats

Sherwood Park (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

Witten LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS

SA MAJESTÉ LA REINE

POUR LES DÉFENDEURS

BANDE DE KEHEWIN ET CONSEIL DE BANDE DE KEHEWIN

 

 

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