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Date : 20000328


Dossier : T-1473-91







ENTRE :



REMO IMPORTS LTD.,


demanderesse,


- et -


JAGUAR CANADA INC.

et JAGUAR CARS LIMITED,


défenderesses.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE O"KEEFE


[1]          Il s"agit d"un appel interjeté par Jaguar Canada Inc. et Jaguar Cars Limited à

l"encontre de certaines parties d"une ordonnance du protonotaire Richard Morneau datée du 29 mai 1999. Le protonotaire était saisi de deux requêtes, présentées par chacune des parties, portant sur les questions laissées en suspens à la suite de l"interrogatoire préalable des représentants de la demanderesse et des défenderesses.

[2]          Le protonotaire a résumé l"historique du dossier de la manière suivante :
[3] Remo Imports Ltd. (Remo) a intenté une poursuite contre Jaguar Canada Inc. (Jaguar Canada) et Jaguar Cars Limited (Jaguar U.K.) pour usurpation de marque de commerce, commercialisation trompeuse et radiation des marchandises suivantes faisant l'objet des enregistrements canadiens de Jaguar U.K. nos 378,644 et 378,643 pour les marques " JAGUAR " et " JAGUAR " et un dessin, soit des étuis à permis de conduire, des étuis à portefeuille, des porte-cartes d'affaires, des porte-cartes de crédit, des étuis porte-clefs, des carnets d'adresses, des calepins de notes, des étuis à passeport, des nécessaires à cosmétiques, des porte-documents et des portefeuilles (les marchandises censément contrefaites).
[4] L'action de Remo est fondée sur l'emploi censément illégitime au Canada de la marque de commerce " JAGUAR " par Jaguar U.K. et Jaguar Canada en liaison avec des marchandises qui ne concernent pas le domaine automobile, dont des attachés-cases ainsi que des sacs et des ceintures de sport, en violation de l'enregistrement no 263,924 de Remo pour la marque de commerce " JAGUAR " visant des fourre-touts, des sacs et des valises ainsi que des sacs à main et des sacs d'école.
[5] Remo sollicite en outre la radiation des marchandises censément contrefaites des enregistrements de Jaguar U.K. nos 378,643 et 378,644 visant les marques de commerce " JAGUAR " et un dessin et " JAGUAR " pour le motif, entre autres, que Jaguar U.K. n'avait pas droit à l'enregistrement de ces marques de commerce relativement aux marchandises censément contrefaites parce que Remo avait déjà enregistré, sous le no 263,924, la marque de commerce " JAGUAR " visant des marchandises similaires.
[6] Ainsi qu'il appert de la déclaration, Remo allègue que Jaguar U.K. n'était pas la personne qui avait le droit d'obtenir les enregistrements nos 378,643 et 378,644 pour les marques de commerce " JAGUAR " et un dessin et " JAGUAR " visant les marchandises censément contrefaites, parce que ces marques créaient de la confusion avec la marque de commerce " JAGUAR " de Remo déjà employée par elle au Canada depuis au moins 1981 en liaison avec de la maroquinerie.
[7] Dans leur défense et demande reconventionnelle, Jaguar Canada et Jaguar U.K. sollicitent la radiation de l'enregistrement no 263,924 de Remo pour la marque de commerce " JAGUAR ", ainsi que la délivrance d'une injonction permanente interdisant à Remo de vendre, d'annoncer ou d'employer d'une autre manière au Canada en liaison avec des produits de consommation ses marques de commerce " JAGUAR ", " JAGUAR SPORT " ou toute marque de commerce similaire susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de la famille " JAGUAR " dont Jaguar U.K. est propriétaire.
[8] Ainsi qu'il appert de leur défense, les défenderesses allèguent ce qui suit :

a) il y a au Canada un usage répandu de la marque de commerce " JAGUAR " en liaison avec des automobiles et des produits de consommation;

b) Jaguar U.K. fait beaucoup de promotion et de publicité avec ses marques de commerce et ses produits de la famille " JAGUAR " au Canada;

c) les marques de commerce de la famille " JAGUAR " sont considérées comme des marques reconnues de longue date au Canada;

d) depuis 1981 et de manière croissante par la suite, Jaguar U.K. a vendu au Canada en liaison avec l'une ou plusieurs des marques de commerce de la famille " JAGUAR " une gamme complète de produits de consommation, dont les produits de cuir énumérés à l'annexe C de la défense, soit des attaché-cases, des porte-documents, des sacs à main, des étuis à permis, des portefeuilles, des porte-cartes, des porte-clés, des étuis porte-clés, des porte-habits, des valises, des sacoches de vol et d'autres types de sacs et de valises;

e) lorsque Remo a adopté sa marque de commerce " JAGUAR ", elle connaissait très bien les marques de commerce reconnues de la famille " JAGUAR " et elle a voulu ainsi profiter de la réputation de ces dernières;

f) Remo n'était pas la personne qui avait le droit d'obtenir l'enregistrement de la marque de commerce " JAGUAR " parce qu'en date de son premier emploi, cette marque créait de la confusion avec les marques de commerce de la famille " JAGUAR " déjà employées et révélées au Canada par Jaguar U.K. et qu'au moment où elle a adopté sa marque de commerce, Remo était au courant de cet emploi et de cette révélation antérieurs.

[3]      Les défenderesses ont interjeté appel de la décision rendue par le protonotaire

aux paragraphes 18, 20, 22, 23, 29, 30, 31, 36, 39, 40, 47 et 48 des motifs de l"ordonnance et ordonnance en date du 25 mai 1999. La demanderesse a également demandé une ordonnance prolongeant le délai de présentation de réponses écrites jusqu"à 90 jours après le jugement sur le présent appel, ainsi que les dépens de sa requête.



[4]      La règle 240 des Règles de la Cour fédérale de 1998 dispose :


Scope of examination

240. A person being examined for discovery shall answer, to the best of the person"s knowledge, information and belief, any question that

(a) is relevant to any unadmitted allegation of fact in a pleading filed by the party being examined or by the examining party; or

(b) concerns the name or address of any person, other than an expert witness, who might reasonably be expected to have knowledge relating to a matter in question in the action.

Étendue de l"interrogatoire

240. La personne soumise à un interrogatoire préalable répond, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui:

a) soit se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure déposé par la partie soumise à l"interrogatoire préalable ou par la partie qui interroge;

b) soit concerne le nom ou l"adresse d"une personne, autre qu"un témoin expert, dont il est raisonnable de croire qu"elle a une connaissance d"une question en litige dans l"action.

[5]      Le juge MacKay a dit dans l"affaire Sydney Stell Corp. c. Omisalj (Le) , [1992] 2 C.F. à la page 197 :

Les avocats des parties conviennent que le critère relatif au bien-fondé d"une question posée dans le cadre d"un interrogatoire préalable est moins rigoureux que le critère relatif à l"admissibilité de la preuve au procès, et que le critère qu"il convient d"appliquer est de savoir si les renseignements sollicités par une question peuvent être pertinents aux points qui, au state de l"interrogatoire préalable, sont litigieux dans les actes de procédure déposés par les parties. Comme les défendeurs l"ont indiqué, c"est le juge suppléant d"appel Norris qui a énoncé ce critère dans l"arrêt McKeen and Wilson Ltd. v. Gulf of Georgia Towing Co. Ltd. et al. , [1965] 2 R.C.É. 480, à la page 482 :

[traduction] . . . les questions auxquelles on s"oppose peuvent porter sur des points pertinents aux litiges soulevés dans les conclusions écrites. C"est tout ce que les défendeurs doivent démontrer. Il appartient au savant juge de première instance de décider si elles sont ou non pertinentes et admissibles au procès.

Il convient de noter que l"affaire Sydney Steel Corp. a été jugée selon les Règles de la Cour fédérale antérieures; toutefois, pour ce qui nous occupe, le paragraphe 240a) est identique à l"alinéa 458(1)a) des Règles antérieures.

[6]      La tendance de la Cour a été de permettre un large interrogatoire, compte tenu

de certaines limites sur lesquelles je reviendrai plus loin. Dans l"affaire Crestbrook Forest Industries Ltd. c. Canada , [1993] 3 C.F. 251 (C.A.F.), le juge en chef Isaac (tel était alors son titre) a dit à la page 265:

Dans l'arrêt Leitch v. Grand Trunk R. W. Co. (1890), 13 P.R. 369 (C.A. Ont.), le juge Osler, J.C.A., a fait un historique de l'interrogatoire préalable (y compris la pratique qui consiste à interroger les personnes morales parties à une instance par le biais de leurs dirigeants). Cependant, dans le jugement Irish Shipping Ltd. c. La Reine, [1974] 1 C.F. 445 (1re inst.), le juge Collier a succinctement expliqué pourquoi les règles relatives aux interrogatoires préalables avaient été rédigées en termes aussi larges. Le juge a affirmé ce qui suit, à la page 449:

Nos tribunaux ont eu tendance depuis quelques années à assurer à tous les plaideurs un interrogatoire préalable complet avant l'instruction et à faire obstacle autant que possible à ce qu'on appelait communément les manoeuvres "guet-apens" dans le système contradictoire. C'est, à mon avis, le but des Règles de la Cour fédérale .
Pareillement, dans la décision Champion Truck Bodies Ltd. c. R., [1986] 3 C.F. 245 (1re inst.) le juge Strayer a affirmé ce qui suit à la page 247 :
Il est dans l'intérêt de la justice que les interrogatoires préalables soient complets, ce qui veut dire que les questions posées doivent être aussi pertinentes que possible. Le but de l'interrogatoire est d'examiner en profondeur les points soulevés dans les plaidoiries écrites, de comprendre la position de la partie interrogée au préalable et d'obtenir des aveux de celle-ci et ce, dans le but de délimiter les points en litige et de réduire le plus possible le nombre des questions qui devront être tranchées au procès.

[7]      Toutefois, ainsi qu"il a déjà été indiqué, il y a des limites à la portée de l"interrogatoire préalable. Le juge McNair, dans l"affaire Reading & Bates Construction Co. v. Baker Energy Resources Corp. (1989), 24 C.P.R. (3d) 66 (C.F. 1re inst.), a exposé quelques-unes de ces limites aux pages 70 à 72 :

1. En ce qui concerne les documents qui doivent être produits, le critère est simplement celui de la pertinence.    Le critère de la pertinence ne peut donner lieu à l'exercice du pouvoir discrétionnaire.    C'est par l'application de la loi et non dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, que l'on détermine quels documents les parties ont le droit de consulter.    La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant :    il doit s'agir d'un document dont on peut raisonnablement supposer qu'il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de la lancer dans une enquête qui pourra produire l'un ou l'autre de ces effets : Trigg c. MI Movers International, (1987), 13 C.P.C. (2d) 150 (H.C. Ont.); Canex Placer Ltd. v. A.-G. B.C., (1976), 63 D.L.R. (3d) 282 (C.S. C.-B.); Compagnie Financière et Commerciale du Pacifique c. Peruvian Guano Co., (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.).

2. ...

3. L'à-propos de toute question posée à l'interrogatoire préalable doit être déterminé en fonction de sa pertinence par rapport aux faits allégués dans la déclaration qui sont censés constituer la cause d'action plutôt qu'en fonction de sa pertinence par rapport aux faits que le demandeur a l'intention d'établir pour démontrer les faits constituant la cause d'action. Au surplus, lorsqu'un renvoi a été ordonné, les réponses données à un interrogatoire préalable doivent être limitées, en application de la Règle 465(15), aux questions sur les faits qui peuvent soit démontrer ou tendre à démontrer ou réfuter ou tendre à réfuter une allégation de fait non admis qui fait l'objet du renvoi : Armstrong Cork Canada Ltd. c. Domco Industries Ltd., (1983), 71 C.P.R. (2d) 5 (C.A.F.).

4. Le tribunal ne devrait pas obliger la partie interrogée à répondre aux questions qui, bien qu"elles puissent être tenues pour pertinentes, ne sont pas du tout susceptibles de bénéficier de quelque manière que ce soit à la cause de la partie qui procède à l"interrogatoire : Canex Placer Ltd. v. A.-G. B.C., précitée; et Smith, Kline & French Ltd. c. P. G. Can., (1982), 67 C.P.R. (2d) 103 (C.F. 1re inst.) à la page 108.

5. Avant d"obliger une personne à répondre à une question à un interrogatoire préalable, le tribunal doit apprécier la probabilité de l"utilité de la réponse pour la partie qui demande les renseignements, en comparaison du temps, du mal et des frais que nécessite son obtention. Lorsque, d"une part, la valeur probante et l"utilité de la réponse pour la partie qui procède à l"interrogatoire semblent tout au plus minimales, et lorsque, d"autre part, la partie interrogée devrait surmonter d"énormes difficultés et consacrer beaucoup de temps et d"effort à la recherche de la réponse, le tribunal ne devrait pas l"obliger à répondre. La décision doit être raisonnable et équitable, vu les circonstances : Smith, Kline & French Ltd. c. P. G. Can. , précitée, motifs du juge Addy à la page 109.

6. À l"interrogatoire préalable, la portée des questions doit être restreinte aux allégations de fait non admis dans une plaidoirie et il faut décourager les recherches à l"aveuglette faites au moyen de questions vagues, d"une grande portée ou non pertinentes. Carnation Foods Co. Ltd. c. Amfac Foods Inc. , (1982), 63 C.P.R. (2d) 203 (C.A.F.); et Beloit Ltée/Ltd. c. Valmet Oy, (1981), 60 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.).

C"est là un exposé général du droit en matière d"interrogatoire préalable.

Le droit concernant le critère de contrôle

[8]      Le droit concernant le critère de contrôle des ordonnances discrétionnaires du

protonotaire a été exposé par la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. , [1993] 2 C. F. 425 (C.A.F.), à la page 454 :

Je conviens avec l'avocat de l'appelante que la norme de révision des ordonnances discrétionnaires des protonotaires de cette Cour doit être la même que celle qu'a instituée la décision Stoicevski pour les protonotaires de l'Ontario. J'estime que ces ordonnances ne doivent être révisées en appel que dans les deux cas suivants :

a) elles sont manifestement erronées, en ce sens que l'exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire a été fondé sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits,

b) le protonotaire a mal exercé son pouvoir discrétionnaire sur une question ayant une influence déterminante sur la solution des questions en litige dans la cause.

Dans ces deux catégories de cas, le juge des requêtes ne sera pas lié par l'opinion du protonotaire; il reprendra l'affaire de novo et exercera son propre pouvoir discrétionnaire.

Analyse et conclusions

[9]      Le protonotaire devait se prononcer sur trois questions générales et sur un

certain nombre de questions laissées en suspens qui figurent aux annexes A4 et B4 de l"entente.

[10]      La première question générale traitée par le protonotaire était la portée qu"il

fallait donner au paragraphe 2(3) de l"entente intervenue entre les parties et datée du 15 mars 1999. Le paragraphe 2(3) est ainsi conçu :

[traduction]


  1. .          En ce qui concerne les questions des annexes A2 et B2, les parties fourniront : . . .

1) . . .

2) . . .
3) l'ensemble des bons de commande et des factures relatifs au premier achat et à la première vente par les parties, ou les documents les plus anciens qui peuvent être trouvés, pour au moins chaque catégorie d"accessoires personnels (Remo est d"avis que cela s"applique à chaque article).

[11]      Au sujet du paragraphe 2(3), les parties adoptent des positions différentes :

     a)Selon la position de la demanderesse, ce qu"il fallait fournir, c"était " l'ensemble des bons de commande et des factures relatifs au premier achat et à la première vente par les parties, ou les documents les plus anciens qui peuvent être trouvés, pour chaque accessoire de cuir personnel présenté ou illustré dans les documents produits par les parties ".
     b)          Selon la position des défenderesses, c"était plutôt l'ensemble des bons de commande et des factures relatifs au premier achat et à la première vente par les parties, ou les documents les plus anciens qui peuvent être trouvés, pour au moins chaque catégorie d"accessoires personnels.
[12]      Le protonotaire a adopté la position de la demanderesse. Je souscris au

raisonnement et à la décision du protonotaire. L"examen du paragraphe 11 de la défense montre que les défenderesses avaient mis en question le volume et le moment de ses ventes. Il est important pour la demanderesse de savoir à quel moment les défenderesses ont vendu chaque article pour la première fois ou si effectivement elles ont vendu chaque article ainsi qu"elles l"allèguent. L"appel de la décision du protonotaire portant sur les paragraphes 18 et 20 est rejeté.

[13]      La deuxième question générale se rapporte à l"alinéa 2c) de l"entente. La

question est de savoir si les parties doivent obtenir la production des documents relatifs aux ventes des distributeurs et des détaillants (paragraphes 22 et 23 de la décision). Le protonotaire a statué :

[22] Je présume qu'il existe une relation contractuelle entre les défenderesses et leurs distributeurs. Il est donc possible de dire qu'il y a un certain lien entre eux. Pour les fins de l'alinéa 2c) de l'entente, il paraît donc raisonnable d'ordonner que les défenderesses soient tenues de demander à chaque distributeur Jaguar au Canada de produire des factures représentatives de son chiffre d'affaires concernant les accessoires de cuir personnels pour les exercices allant de 1981 à ce jour. Si l'un quelconque des distributeurs omet d'obtempérer, les défenderesses devront le déclarer dans un affidavit qu'elles déposeront.
[23] En l'espèce, je ne considère pas que le temps et les dépenses nécessaires pour obtenir les documents sollicités l'emportent sur leur possible valeur probante. Toutefois, je crois que tel serait le cas s'il était exigé de la demanderesse qu'elle tente d'obtenir les mêmes renseignements de ses détaillants. En fait, les défenderesses comptent en tout 18 concessionnaires, alors que la demanderesse paraît avoir plus d'un millier de détaillants. De plus, à toutes fins pratiques, les détaillants de la demanderesse seraient des tiers à l'égard de cette dernière et il n'y aurait pas de lien contractuel entre eux.
[14]      Je ne pense pas que le protonotaire a complètement raison de présumer qu"il

existe une relation contractuelle entre les défenderesses et leurs distributeurs. En fait, l"affidavit en réponse de Vivien Shortt (dossier de requête de Jaguar, page 112, paragraphe 6) déclare :

[traduction] Aucun des distributeurs n"est relié à Jaguar ou contrôlé par elle par la voie d"une participation dans le capital. Jaguar ne peut exiger de ses distributeurs la production de documents ou de renseignements.
[15]      C"est là une situation différente de la relation factuelle envisagée dans la

jurisprudence obligeant les personnes interrogées pour le compte d"une société par actions à répondre aux questions reliées aux activités d"autres sociétés faisant partie du même groupe ou contrôlées par cette société (voir Crestbrook Forest Industries Ltd. c. Canada , [1993] 3 C.F. 251 (C.A.F.)). En l"espèce, les parties dont on cherche à obtenir des documents sont en fait des tiers. Les Règles de la Cour fédérale de 1998 prévoient la production de documents en la possession de tiers à la règle 233(1) :


Production from non-party with leave

233. (1) On motion, the Court may order the production of any document that is in the possession of a person who is not a party to the action, if the document is relevant and its production could be compelled at trial.

Production d"un document en la possession d"un tiers

233. (1) La Cour peut, sur requête, ordonner qu"un document en la possession d"une personne qui n"est pas une partie à l"action soit produit s"il est pertinent et si sa production pourrait être exigée lors de l"instruction.

[16]      Il n"y a pas de doute que les documents demandés sont pertinents puisque les
défenderesses ont plaidé des ventes de marchandises au Canada. Bien que les règles sur l"interrogatoire préalable commandent une interprétation large, c"est la règle spécifique à une certaine situation qu"il faut appliquer si la situation correspond à la règle. En l"espèce, les distributeurs, qui sont des tiers, sont spécifiquement couverts par la règle 233(1). À mon avis, il est erroné en droit d"ordonner à la demanderesse de produire les documents des distributeurs alors que la règle 233(1) prévoit une méthode simple pour obtenir des documents d"un tiers. J"infirme donc la décision du protonotaire en ce qui concerne le paragraphe 22 et je statue que les défenderesses n"ont pas à produire les documents de vente de leurs distributeurs ou détaillants.
[17]      Le même raisonnement s"applique aux documents de vente des distributeurs et détaillants de la demanderesse. Par conséquent, je souscris à la conclusion du protonotaire que la demanderesse n"a pas à produire les documents de vente de ses distributeurs et détaillants.
[18]      Les parties m"ont informé, lors de l"audience sur la requête, que le troisième
moyen d"appel avait été retiré. Il n"est donc pas nécessaire de traiter de la catégorie A (paragraphe 29 de la décision).
[19]      Quatrième moyen - La question de savoir si les défenderesses doivent indiquer les noms de leurs fournisseurs.
     Le protonotaire a statué comme suit, au sujet de la catégorie B et de la catégorie D-2 :
Catégorie B
[30]      J'estime qu'il faut répondre aux questions de cette catégorie à la condition qu'une requête en confidentialité soit présentée à la Cour et accueillie par celle-ci. Ces questions visent à obtenir des renseignements sur la question de savoir si les défenderesses ont bel et bien vendu certains produits de cuir au Canada. Les renseignements demandés sont donc pertinents.
[36]      Pour ce qui est de la question 2910 de la sous-catégorie intitulée [traduction] " Approvisionnement ", j'estime qu'elle est pertinente et qu'il faudra y répondre sous réserve d'une ordonnance de confidentialité, à la condition qu'une telle ordonnance soit accordée.
J"ai revu les questions en litige dans cette catégorie et elles semblent se rapporter plutôt au point de savoir si les défenderesses ont acheté les marchandises de fournisseurs. Toutefois, ces renseignements peuvent permettre à la demanderesse de faire valoir ses propres arguments et de réfuter ceux des défenderesses dans la mesure où l"on peut concevoir que, sans achats, il ne peut y avoir eu de ventes. De plus, ces renseignements pourraient fournir des repères sur le moment où les défenderesses ont pu effectuer ces ventes, celles-ci survenant à peu près au moment des achats ou quelque temps plus tard. Donc, ces renseignements pourraient bien lancer la demanderesse dans une enquête qui pourra lui permettre de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux des défenderesses. Je conclus, en conséquence, que le protonotaire a statué à bon droit et je rejette ce moyen d"appel.
[20]      Cinquième moyen - Erreurs typographiques dans l"annexe A4 de l"entente.
     Les parties conviennent que dans la catégorie C de l"annexe A4, le numéro de la question devrait être 2999, plutôt que 599, et j"ordonne (voir D.R.J., page 64) qu"au paragraphe 31 de la décision du protonotaire (D.R.J., page 101), ligne 1, le nombre " 599 " soit remplacé par " 2999 ".
[21]      Sixième moyen - La question de savoir si Remo devrait fournir des renseignements sur ses agents acheteurs.
     La conclusion du protonotaire sur ce point se trouve au paragraphe 39 de sa décision et renvoie à la catégorie 6 de l"annexe B4 (D.R.R., page 069). Les questions en cause sont les questions 622, 1671 N et 16710 et le protonotaire a statué comme suit :
[39]      Il n'est pas nécessaire de répondre aux questions 622, 1671N et 1671O parce qu'elles ne sont pas pertinentes; en effet, je ne vois pas en quoi les noms des agents acheteurs de Remo seraient susceptibles d'éclairer toutes questions pertinentes y compris celle de la qualité des produits.
J"ai examiné ces questions et je souscris à la conclusion du protonotaire. Ces réponses n"aideraient pas les défenderesses à faire valoir leurs propres arguments ou à réfuter ceux de la demanderesse, ni ne les lanceraient dans une enquête qui pourrait produire l"un ou l"autre de ces effets. Cette décision du protonotaire n"était pas fondée sur un mauvais principe ou sur une fausse appréciation des faits.
[22]      Septième moyen
     Selon Jaguar, quatre questions auxquelles il fallait répondre dans cette catégorie (les questions nos 1694, 1771, 1774 et 1796) ont été omises dans la décision du protonotaire par inadvertance. À l"égard des questions visées dans cette portion de la décision (les questions nos 1475B, 1498, 1550, 1555, 1557, 1617 et 1798), il a été ordonné de répondre aux questions. Toutefois, Remo allègue que la pertinence des questions a été débattue devant le protonotaire et que, par conséquent, les questions n"ont pas été " omises ", mais qu"elles ont été considérées et que, du fait de leur absence dans la décision, il n"est pas ordonné d"y répondre. Compte tenu de l"ambiguïté sur ce point de l"appel, je vais considérer le fond des quatre questions de novo .
[23]      Dans les débats devant moi, les avocats des deux parties ont indiqué que la
question 1694 faisait à Remo l"obligation de [traduction] " produire tous autres documents visant les achats effectués à des fabricants de produits Jaguar pendant les années en question ". Cependant, la question 1694 ne demande rien de tel. À la page 753 du volume 3 du supplément au dossier de requête de Jaguar, la question 1694 adressée au représentant de Remo est ainsi formulée :
[traduction] Comment avez-vous fait la promotion de Remo, et en particulier de la marque de commerce Jaguar auprès de ces clients?
[24]      Jaguar n"a pas plaidé l"objet de la question 1694 devant moi, mais a plaidé en

faveur de la production des documents des fabricants de Remo. Donc, je n"ai considéré que ce seul argument. Je suis convaincu que Remo a indiqué à Jaguar qu"elle avait fourni tous les documents qu"elle possédait au sujet des achats auprès de ses fabricants. Et en ce qui touche les autres questions, 1771, 1774, 1794, je suis également convaincu que Jaguar possède les réponses à ces questions. Remo a répondu à ces questions dans la mesure de sa capacité.

[25]      Huitième moyen

     Le protonotaire a statué comme suit sur la catégorie 19, question 462 :

Catégorie 19

[47]       La question 462 n'est pas pertinente et il n'est pas nécessaire d'y répondre.

La question 462 est ainsi conçue :

[traduction] Vérifier auprès du personnel de Remo et déterminer s"ils sont au courant que des sociétés automobiles offrent des produits accessoires à leurs clients?

Les avocats ont convenu qu"il serait répondu à la question 462 et j"ordonne qu"il y soit répondu.

[26]      Neuvième moyen

     La décision du protonotaire au sujet de la question 733 dispose :

Catégorie 19

[48]      La question 733 sollicite des opinions et il n'est pas nécessaire d'y répondre.

Question 733:

[traduction] Indiquer s"il y a des documents, des faits ou des renseignements allant à l"encontre de la suggestion que les sociétés automobiles répondraient dans des domaines comme les accessoires de voiture et les accessoires personnels.

Je souscris à la décision du protonotaire sur cette question. Pour répondre à cette question, le témoin devrait se former une opinion sur le fait que les documents, les faits ou les renseignements vont à l"encontre de la suggestion que les sociétés automobiles étendraient leur activité à des domaines comme les accessoires de voiture et les accessoires personnels.

[27]      Comme chacune des parties a eu partiellement gain de cause, il n"y aura pas

d"ordonnance sur les dépens de la présente requête.


ORDONNANCE

     IL EST STATUÉ QUE l"appel est accueilli dans la mesure indiquée dans les

motifs donnés ci-dessus.

     IL EST STATUÉ QU"il n"y aura pas d"ordonnance sur les dépens puisque chacune des parties a eu partiellement gain de cause.

                                 " John A. O"Keefe "     

    

                                     J.C.F.C.

Toronto (Ontario)

le 28 mars 2000



Traduction certifiée conforme


Richard Jacques, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

    

N DU DOSSIER :                      T-1473-91
INTITULÉ DE LA CAUSE:                  REMO IMPORTS LTD.
                             -et-
                             JAGUAR CANADA INC.

                             et JAGUAR CARS LIMITED         

                            

DATE DE L"AUDIENCE :                  LE MERCREDI 29 SEPTEMBRE 1999
LIEU DE L"AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                  LE JUGE O"KEEFE

EN DATE DU :                      MARDI 28 MARS 2000

ONT COMPARU :                      Richard Uditsky

                            

                             Pour la demanderesse

                             Douglas Wilson

                             Pour les défenderesses

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          Mendelsohn Rosentzveig Shacter
                             Avocats
                             1000, rue Sherbrooke Ouest, 27e étage

                             Montréal (Québec)

                             H3A 3G4

                            

                             Pour la demanderesse

                              Lang Michener

                             Avocats

                             B.P. 747

                             Bureau 2500

                             BCE Place

                             181 Bay Street

                             Toronto (Ontario)

                             M5J 2T7

                             Pour les défenderesses

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date : 20000328

                        

         Dossier : T-1473-91


                             Entre :

                             REMO IMPORTS LTD.

Demanderesse

                             -et-

                                        

                             JAGUAR CANADA INC.

                             et JAGUAR CARS LIMITED

                                

Défenderesses

    

                            

                    

                            

        

                             MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                             ET ORDONNANCE

                            


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