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Date : 20030225

Dossier : IMM-2214-01

                                                                                              Référence neutre : 2003 CFPI 241

ENTRE :        

                                                              ANTON SZABO

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE RUSSELL

Réparation demandée

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent d'immigration Laurent N. Beaulieu a refusé, le 6 avril 2001, la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir l'autorisation de travailler au Canada.

Exposé du demandeur

[2]                 Le demandeur Anton Szabo est citoyen de la Roumanie.


[3]                 Le demandeur est initialement arrivé au Canada au mois de février 1998 à l'aide d'un visa de visiteur. Toutefois, une fois arrivé au pays, il a demandé le droit d'établissement en invoquant des raisons d'ordre humanitaire, mais sa demande a été refusée.

[4]                 Le demandeur a ensuite demandé le droit d'établissement en tant que membre de la catégorie des immigrants indépendants, mais sa demande a encore une fois été refusée. Il a finalement revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention, revendication qui a également été refusée.

[5]                 Une mesure de renvoi a finalement été prise à l'encontre du demandeur. Le demandeur a présenté une requête en vue d'obtenir le sursis à l'exécution de cette mesure, mais la requête a été rejetée. Le demandeur a quitté le Canada à destination de la Hongrie le 21 mars 2000.

Décision de l'agent des visas

[6]                 Après avoir quitté le Canada, le demandeur a demandé un permis de travail; il a eu une entrevue avec l'agent le 8 février 2001.


[7]                 L'agent n'était pas convaincu que le demandeur respecterait les conditions de son permis de travail et qu'il retournerait en Roumanie une fois le permis expiré. L'agent croyait que le demandeur avait l'intention de rester au Canada en permanence. Il a donc refusé la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir un permis de travail.

Arguments du demandeur et motifs invoqués

[8]                 Il est affirmé que la décision est susceptible de révision parce que l'agent a commis une erreur de droit en ce sens qu'en appréciant l'intention du demandeur, il ne s'est pas demandé si celui-ci allait devenir un immigrant illégal et qu'il a plutôt en bonne partie mis l'accent sur la possibilité que le demandeur devienne un immigrant.

Position du défendeur

[9]                 Le défendeur affirme que la décision de l'agent est inattaquable, et ce, pour les motifs ci-après énoncés :

1.          l'agent a apprécié la demande de permis de travail conformément aux critères énoncés dans la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et en se fondant sur les faits soumis par le demandeur pendant l'entrevue;

2.          l'agent a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à le convaincre qu'il n'était pas un immigrant;


3.          la décision de l'agent était fondée sur la preuve dont il disposait et sur les critères énoncés dans la législation pertinente et, partant, elle n'est pas susceptible de révision.

Analyse

[10]            Les permis de travail sont délivrés conformément à l'article 10 de la Loi, qui est ainsi libellé :

Sauf cas prévus aux règlements, est tenu de présenter une demande auprès de l'agent des visas et d'obtenir l'autorisation nécessaire avant de se présenter à un point d'entrée quiconque, à l'exception d'un citoyen canadien ou d'un résident permanent, cherche à venir au Canada aux fins :

Except in such cases as are prescribed, every person, other than a Canadian citizen or a permanent resident, who seeks to come into Canada for the purpose of

a) de faire des études dans une université ou un collège autorisés par la loi ou par une charte à délivrer des diplômes;

(a) attending any university or college authorized by statute or charter to confer degrees,

b) de suivre des cours de formation générale, théorique ou professionnelle dans une université, un collège ou un autre établissement non visés à l'alinéa a);

(b) taking any academic, professional or vocational training course at any university, college or other institution not described in paragraph (a), or

c) d'occuper un emploi.

(c) engaging in employment

shall make an application to a visa officer for and obtain authorization to come into Canada for that purpose before the person appears at a port of entry.

[11]            Les personnes qui demandent un permis de travail en vertu de la Loi appartiennent à la catégorie des « visiteurs » , laquelle est définie comme suit au paragraphe 2(1) de la Loi :


« visiteur » Personne qui, à titre temporaire, se trouve légalement au Canada ou cherche à y entrer, à l'exclusion :

a) des citoyens canadiens;

b) des résidents permanents;

c) des titulaires de permis;

d) des immigrants visés aux alinéas 14(2)b), 23(1)b) ou 32(3)b).

"visitor" means a person who is lawfully in Canada, or seeks to come into Canada, for a temporary purpose, other than a person who is

(a) a Canadian citizen,

(b) a permanent resident,

(c) a person in possession of a permit, or

(d) an immigrant authorized to come into Canada pursuant to paragraph 14(2)(b), 23(1)(b) or 32(3)(b).

[12]                         Le paragraphe 9(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

Sous réserve du paragraphe (1.1), sauf cas prévus par règlement, les immigrants et visiteurs doivent demander et obtenir un visa avant de se présenter à un point d'entrée.

Except in such cases as are prescribed, and subject to subsection (1.1), every immigrant and visitor shall make an application for and obtain a visa before that person appears at a port of entry.

[13]                         Le paragraphe 9(4) de la Loi montre clairement qu'en délivrant un visa, l'agent possède un pouvoir discrétionnaire et qu'il doit être convaincu que la délivrance du visa ne contrevient pas à la Loi ou au Règlement :

Sous réserve du paragraphe (5), l'agent des visas qui est convaincu que l'établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut

délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l'accompagnent un visa précisant leur qualité d'immigrant ou de visiteur et attestant qu'à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.

Subject to subsection (5), where a visa officer is satisfied that it would not be contrary to this Act or the regulations to grant landing or entry, as the case may be, to a person who has made an application pursuant to subsection (1) and to the person's dependants, the visa officer may issue a visa to that person and to each of that person's accompanying dependants for the purpose of identifying the holder thereof as an immigrant or a visitor, as the case may be, who, in the opinion of the visa officer, meets the requirements of this Act and the regulations.

[14]            Le paragraphe 8(1) montre clairement que, dans le cas d'une personne qui cherche à entrer au Canada, la charge de la preuve incombe au demandeur :


Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

[15]            Le paragraphe 8(2) de la Loi crée une présomption voulant que quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu l'agent des visas du contraire :

Quiconque cherche à entrer au Canada est présumé être immigrant tant qu'il n'a pas convaincu du contraire l'agent d'immigration qui l'interroge ou l'arbitre qui mène l'enquête.

Every person seeking to come into Canada shall be presumed to be an immigrant until that person satisfies the immigration officer examining him or the adjudicator presiding at his inquiry that he is not an immigrant.

[16]            Le paragraphe 9(1.2) de la Loi est ainsi libellé :

La personne qui demande un visa de visiteur doit convaincre l'agent des visas qu'elle n'est pas un immigrant.

A person who makes an application for a visitor's visa shall satisfy a visa officer that the person is not an immigrant.

[17]            L'agent a rejeté la demande parce qu'il ne croyait pas que le demandeur respecterait les conditions du permis de travail. Sa décision était fondée :

a)         sur les antécédents du demandeur et sur les efforts que celui-ci avait faits pour rester au Canada en permanence;


b)        sur les déclarations selon lesquelles, lorsque le demandeur était arrivé au Canada en 1998 à l'aide d'un visa de visiteur, il avait l'intention d'étudier l'anglais, de travailler et de rester au Canada en permanence;

c)         sur la déclaration selon laquelle, pour des raisons d'ordre financier, le demandeur ne pouvait pas rester en Roumanie et voulait travailler au Canada.

[18]            Les dispositions législatives pertinentes montrent clairement qu'il incombe au demandeur de convaincre l'agent qu'il respectera le permis de travail et qu'il n'est pas un immigrant.

[19]            Le demandeur soutient que l'agent ne s'est pas demandé s'il allait devenir un immigrant illégal et qu'il a plutôt décidé de mettre l'accent sur la possibilité que le demandeur devienne un immigrant. Cela est important parce qu'il est tout à fait possible pour un demandeur d'avoir deux objectifs légitimes. Le demandeur pourrait bien avoir l'intention de devenir un immigrant de la façon légale appropriée et cela ne devrait pas avoir pour effet de le rendre inadmissible aux fins de l'obtention d'un permis de travail. Cette idée est reconnue dans la politique du défendeur portant sur l'intention double telle qu'elle est énoncée dans le Guide de l'immigration, à 6.2 :

[TRADUCTION] b) Le fait que l'immigrant a présenté sa demande en dehors du Canada ne constitue pas en soi un motif justifiant l'octroi ou le refus d'une demande de prorogation du visa de visiteur. Les tribunaux judiciaires ont reconnu qu'une personne peut à la fois avoir l'intention d'immigrer et celle de se conformer à la législation en matière d'immigration en ce qui concerne l'entrée temporaire.


[20]            Le demandeur affirme en outre que l'agent considérait son intention de devenir un immigrant comme déterminante lorsqu'il a décidé de refuser le permis de travail.

[21]            Comme la décision Jie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1733 le montre clairement, l'agent des visas peut tenir compte de renseignements fournis dans des demandes antérieures et au cours d'entrevues à condition de prendre une décision en fonction de la preuve qui lui a été soumise. De plus, rien n'empêche l'agent de s'appuyer sur les faits pour en déduire que le demandeur a ou non l'intention de retourner dans son pays.

[22]            En outre, comme le montre clairement la décision Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1542, les lignes directrices ne peuvent pas l'emporter sur le paragraphe 9(1.2) de la Loi, qui exige que l'agent des visas soit convaincu que la personne en cause n'est pas un immigrant.


[23]            En l'espèce, l'agent n'a pas considéré que les antécédents du demandeur étaient déterminants. Il s'agissait simplement d'un des facteurs dont il a tenu compte en décidant que le demandeur n'avait pas réussi à le convaincre, conformément au paragraphe 9(1.2) de la Loi, qu'il n'était pas un immigrant ou, plus précisément, qu'il avait l'intention de respecter les conditions du permis de travail. L'affidavit de l'agent et les notes qu'il a consignées dans le STIDI montrent clairement qu'en prenant sa décision, l'agent a mis l'accent sur la question de savoir si le demandeur avait l'intention de respecter les conditions du permis de travail. Il a conclu que le demandeur n'avait pas réussi à le convaincre sur ce point et il a pris sa décision en conséquence.

[24]            Il s'agit d'un cas dans lequel un agent devait prendre une décision discrétionnaire compte tenu de facteurs précis prévus par la loi. La décision de l'agent en l'espèce était fondée sur la preuve dont celui-ci disposait et sur les critères établis par la législation pertinente. Eu égard aux circonstances, il était avec raison loisible à l'agent d'arriver à la décision qu'il a prise. Il ne s'agit donc pas d'une décision que la Cour peut examiner.

[25]            Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]            Les avocats devront signifier et déposer leurs arguments relatifs à la certification d'une question de portée générale dans les sept jours qui suivront la réception des présents motifs. Chaque partie disposera d'un délai supplémentaire de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux arguments soumis par la partie adverse. Une ordonnance sera ensuite rendue.

« James Russell »

Juge

Ottawa (Ontario),

le 25 février 2003.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      IMM-2214-01

INTITULÉ :                                                                     ANTON SZABO

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           LE MARDI 18 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                                                  LE 25 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LE DEMANDEUR

M. Tamrat Gebeyehu                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. M. Max Chaudhary                                                     POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Cabinet Chaudhary

255, chemin Duncan Mill

Bureau 405

Toronto (Ontario)

M3B 3H9

M. Morris Rosenberg                                                        POUR LE DÉFENDEUR        

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                       Date : 20030225

                                       Dossier : IMM-2214-01

ENTRE :

ANTON SZABO

                                                                demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                 défendeur

                                                                                  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                  

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