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Date : 20030703

Dossier : IMM-5271-02

Référence : 2003 CF 831

Vancouver (Colombie-Britannique), le 3 juillet 2003

En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

                               WEI GUO PAN

                                                                demandeur

                                    et

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                défendeur

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 11 octobre 2002, dans laquelle la Commission a déterminé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]                 Le demandeur est un citoyen de la Chine. Il prétend avoir raison de craindre d'être persécuté à cause de son association avec le Falun Gong.

[3]                 La Commission a rejeté sa revendication au motif qu'il n'était pas crédible et elle a exposé les motifs pour lesquels elle n'a pas cru son témoignage. La Commission a fait des commentaires au sujet du comportement du demandeur et de sa réticence lorsqu'il répondait aux questions et elle a conclu que cela ne démontrait pas qu'il s'agissait de quelqu'un qui se rappelait des événements réels ou qui avait une connaissance personnelle des faits relatés.

[4]                 Il est de jurisprudence constante que la Commission a le droit de rendre une décision défavorable au sujet de la crédibilité d'un demandeur en se fondant sur les contradictions et les incohérences dans la version du demandeur ou sur des éléments de preuve selon lesquels ce n'est pas plausible. Lorsque que de telles conclusions sont clairement tirées et qu'elles sont motivées, la Cour ne devrait pas intervenir, même s'il est concevable que la preuve puisse conduire à une conclusion différente (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)). Lors d'un contrôle judiciaire, une cour ne devrait pas non plus interférer dans l'appréciation du comportement, puisqu'elle n'a pas à sa disposition les éléments dont disposait le juge des faits (Wen c. Canada,(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 907 (QL)).

[5]                 Selon le demandeur, la conclusion défavorable de la Commission tenait essentiellement au fait qu'il n'a pas été en mesure d'expliquer la différence entre les numéros de sa carte d'identité et de son certificat de transfert de résidence.

[6]                 Après l'audience, son avocate a expédié une lettre additionnelle, datée du 1er octobre 2002, mentionnant que la soeur du demandeur avait également des différences entre sa carte d'identité et sa carte d'enregistrement de résidence.

[7]                 Le demandeur souligne que la Commission a rendu sa décision sans tenir compte de cette lettre. La Commission a omis de prendre en considération un élément de preuve important qui non seulement contredisait ses conclusions, mais qui était également capital pour l'appréciation par la Commission du caractère du demandeur. En omettant de prendre en considération l'ensemble des éléments de preuve dont elle disposait, la Commission a commis une grave erreur de droit.

[8]                 Le défendeur prétend que le demandeur n'a pas respecté les exigences procédurales ni celles de fond lorsqu'il a présenté ses éléments de preuve après l'audience.


[9]                 L'article 37 des Règles de la section de la protection des réfugiés (DORS/2002-228) exige d'un demandeur, pour la transmission d'éléments de preuve à la Commission après l'audience, qu'il fasse une demande écrite, ce qui n'a pas été fait en l'espèce.

[10]            Je suis d'accord avec le défendeur que le demandeur n'a pas respecté les exigences procédurales et de fond lorsqu'il a présenté ses éléments de preuve après l'audience. Toutefois, ce qui est plus important, c'est que la preuve démontre que le membre de la Commission n'a pas vu la lettre avant de signer les motifs de sa décision. Il en résulte donc que le membre était dessaisi et, à ce titre, ne pouvait pas tenir compte d'autres éléments de preuve ni d'autres observations (Tambwe-Lubemba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 264 N.R. 382 (C.A.F.)).

[11]            Le demandeur ajoute que la Commission a commis des erreurs de droit au sujet de la théorie et de la pratique du Falun Gong et de la poursuite de ses adeptes.


[12]            En soulevant cette question, le demandeur conteste l'appréciation que la Commission a faite de la preuve documentaire. La preuve documentaire mentionne que les adeptes du Falun Gong sont punis tant sur le plan criminel que sur le plan administratif et que cela peut se faire par sommation dans un cas ou dans l'autre. La Commission a apprécié le témoignage du demandeur dans le contexte de cette preuve et a conclu que l'absence de sommation démontrait que la police ne s'intéressait pas à lui. Cette conclusion était raisonnable dans les circonstances et ne constitue pas une erreur de la part de la Commission.

[13]            En ce qui concerne les réponses du demandeur aux questions relatives au Falun Gong, la Commission a examiné et soupesé le témoignage du demandeur dans le contexte de la preuve documentaire et elle a conclu que celui-ci n'avait pas une connaissance approfondie du Falun Gong. La conclusion défavorable relative à la crédibilité tirée par la Commission était également fondée sur l'incapacité du demandeur à développer des concepts fondamentaux et à élaborer ses réponses. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer les avantages du Falun Gong, il aurait simplement mentionné un fait lié au Falun Gong. Comme l'a affirmé la Commission dans sa décision, le demandeur a démontré qu'il avait une connaissance superficielle du Falun Gong, qui aurait pu être acquise en lisant de la documentation servant d'introduction au mouvement. Cette conclusion est également raisonnable dans les circonstances.

[14]            Le demandeur ajoute que la Commission a commis une erreur en tirant une inférence défavorable fondée sur le délai avant son départ du pays.


[15]            À mon avis, il était raisonnable que la Commission conclue que le fait que le demandeur ait pris plus d'un an et trois mois pour quitter la Chine alors que la police le cherchait n'était pas compatible avec les agissements d'une personne craignant d'être persécutée. Il était également raisonnable que la Commission décide que l'explication du demandeur, selon laquelle il attendait que ses cousins obtiennent des visas pour lui, n'était pas satisfaisante compte tenu du courant d'hystérie anti-Falun Gong qu'il y avait à l'époque en Chine. Si le demandeur était vraiment un adepte du Falun Gong, il est improbable qu'il soit resté dans un environnement aussi dangereux sans essayer de prendre d'autres mesures, plus immédiates, pour quitter que d'essayer d'obtenir un visa légal.

[16]            Bref, je suis d'avis que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité du demandeur étaient raisonnables et appuyées par la preuve. Le demandeur n'a pas réussi à démontrer que les conclusions de la Commission relatives à la crédibilité étaient arbitraires, abusives ou tirées sans tenir compte de la preuve.

[17]            Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

(Signé) « Danièle Tremblay-Lamer »

________________________________

Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                  COUR FÉDÉ RALE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                      IMM-5271-02

INTITULÉ :                     WEI GUO PAN c. MCI

                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :         Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :         Le 2 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :       LE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                                 Le 3 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Nora Ng                                             POUR LE DEMANDEUR

Caroline Christiaens                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                        POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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