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Date : 20030627

Dossier : IMM-3428-02

Référence : 2003 CFPI 802

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY                          

ENTRE :

                                                             AKOSUA AFRIYIE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                Mme Afriyie est arrivée au Canada en provenance du Ghana au printemps de l'an 2000. Elle prétend qu'elle a fait l'objet d'un mariage arrangé qui devait être célébré au cours de l'automne précédent. Cependant, son fiancé, Kwesi Addai, est décédé avant que le mariage ait lieu. On a alors arrangé un mariage avec Kwame Addai, le frère cadet de Kwesi. Elle affirme qu'elle a été agressée par les deux hommes et qu'elle était mécontente de ces mariages arrangés. Elle s'est enfuie d'Accra et elle est allée chez son oncle à Akosombo afin de se soustraire à ces mariages. Son oncle lui a donné refuge pendant un certain temps, puis il l'a aidée à quitter le Ghana pour le Canada.

[2]                Mme Afriyie a revendiqué le statut de réfugiée au Canada au motif qu'elle était persécutée du fait de son appartenance à un groupe social défini par son sexe et son statut en tant que personne qui fait l'objet d'un mariage arrangé. Sa revendication a été entendue et a été rejetée par un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. La Commission a conclu que la version de la demanderesse quant aux événements survenus était incohérente à certains égards et que la demanderesse avait d'autres solutions raisonnables que celle de chercher refuge au Canada. Elle aurait pu trouver au Ghana un endroit sécuritaire où elle aurait pu vivre et elle aurait pu essayer d'obtenir la protection des autorités de l'État dans sa région de résidence.

[3]                Mme Afriyie prétend que la Commission a commis de graves erreurs dans la façon dont elle a traité la preuve présentée au soutien de sa revendication et elle sollicite, au moyen de la présente demande de contrôle judiciaire, que sa revendication soit examinée à nouveau par un tribunal différemment constitué de la Commission.

I. Les questions en litige

[4]                Mme Afriyie prétend qu'il existe deux sortes d'erreurs. Premièrement, elle soumet que la Commission a omis de prendre en compte de façon appropriée la preuve documentaire dont elle disposait à l'égard de la pratique des mariages arrangés au Ghana. Deuxièmement, elle affirme que la conclusion de la Commission selon laquelle sa version des événements manquait de crédibilité n'était pas bien fondée.


A. La Commission a-t-elle pris en compte de façon appropriée la preuve à l'égard des mariages arrangés?

[5]                La Commission a pris en compte la preuve touchant la pratique des mariages arrangés au Ghana et elle a énoncé ses conclusions dans ses motifs. Les conclusions de la Commission peuvent être résumées comme suit :

.            Ces mariages sont rares dans les régions urbaines comme Accra;

.            Ils sont plus fréquents parmi les groupes illettrés, les pauvres et ceux qui ont un style de vie traditionnel;

.            Les femmes peuvent éviter ces mariages en quittant la famille et en déménageant ailleurs;

.            Les mariages forcés sont actuellement rares.

[6]                La Commission a ensuite mentionné les attributs de Mme Afriyie. Elle est une femme avertie et instruite qui vit dans un important centre urbain. La Commission s'est fondée sur le profil de la demanderesse, en partie, lorsqu'elle a conclu qu'elle n'avait pas fait l'objet d'un mariage arrangé et forcé.


[7]                Mme Afriyie prétend, de façon plutôt appropriée, que les conclusions de la Commission n'éliminent pas complètement la possibilité qu'elle ait été forcée de consentir à un mariage arrangé. Les conclusions de la Commission selon lesquelles de tels mariages sont rares et selon lesquelles Mme Afriyie n'était probablement pas une candidate pour de tels mariages ne justifieraient pas, par elles-mêmes, une conclusion selon laquelle la version de Mme Afriyie à l'égard des événements survenus n'était pas crédible. Cependant, la Commission n'a pas fondé sa décision seulement sur ces conclusions. La Commission a conclu que le témoignage de Mme Afriyie n'était pas convaincant en raison de diverses contradictions qu'il contenait. Le fait que le scénario d'ensemble semblait invraisemblable constituait un facteur additionnel que la Commission pouvait prendre en compte dans l'évaluation du bien-fondé de toute la prétention de Mme Afriyie. La question en litige la plus importante selon la demanderesse était l'évaluation de sa crédibilité faite par la Commission. Cette question est traitée au paragraphe suivant.

[8]                L'avocat de Mme Afriyie a attiré mon attention sur la preuve documentaire contenue dans le dossier du tribunal, preuve qui mentionnait que les femmes qui refusent de consentir à des mariages arrangés font parfois l'objet d'isolement, de mépris et, dans des cas rares, de violence. Elles cherchent habituellement refuge dans des centres urbains parce que l'État n'offre pas de protection dans les régions rurales. La Commission n'a pas expressément mentionné cet élément de preuve dans ses motifs. Cependant, je ne suis pas d'avis que le fait d'avoir omis de mentionner cet élément de preuve constitue un défaut dans la façon dont la Commission a traité cette question. Rien dans les motifs de la Commission ne contredit cette preuve. Les conclusions de la Commission n'en sont pas non plus moins bien fondées. En fait, la Commission a conclu que Mme Afriyie aurait pu trouver refuge dans un autre centre urbain, Kumasi, plutôt qu'au Canada. Cette conclusion était compatible avec la preuve documentaire à laquelle l'avocat de Mme Afriyie renvoyait. La Commission n'avait pas l'obligation de mentionner tous les éléments de preuve documentaire dont elle disposait.


B. La conclusion quant à la crédibilité tirée par la Commission était-elle appuyée par la preuve?

[9]                Il y avait trois éléments du témoignage de Mme Afriyie qui préoccupaient la Commission.

[10]            Premièrement, la demanderesse a déclaré qu'elle n'avait jamais vraiment été mariée, mais l'affidavit de son oncle déclarait qu'elle avait effectivement été mariée à Kwesi Addai puis à Kwame Addai. La Commission a tiré une inférence défavorable de cette contradiction. La Commission n'a en outre pas tenu compte de la déclaration contenue dans l'affidavit.

[11]            Deuxièmement, Mme Afriyie a déclaré dans son Formulaire sur les renseignements personnels qu'elle avait travaillé à Accra jusqu'en mars 2000. Pourtant, elle a témoigné qu'elle s'était cachée chez son oncle (qui vivait à trois heures de route d'Accra) en janvier 2000. Elle a déclaré qu'elle était mêlée entre le troisième mois de l'année 2000 et le troisième jour de janvier de la même année. La Commission a conclu que le récit de Mme Afriyie était une invention.

[12]            Troisièmement, au point d'entrée au Canada, la demanderesse a donné comme adresse celle de ses parents ou celle de sa soeur (la question de l'adresse n'était pas claire). Lorsqu'on lui a demandé la raison pour laquelle elle n'avait pas donné l'adresse de son oncle, elle a déclaré qu'elle ne la connaissait pas. Pourtant, elle était soi-disant allée chez son oncle en partant d'Accra et elle y aurait vécu pendant deux mois. La Commission a conclu que son explication n'était pas satisfaisante.

[13]            Finalement, la Commission a conclu que Mme Afriyie ne s'était pas cachée chez son oncle.

[14]            Après avoir examiné le témoignage de Mme Afriyie, je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur grave lorsqu'elle a évalué de façon défavorable la crédibilité de la demanderesse. La Commission pouvait tirer des inférences défavorables des contradictions contenues dans le témoignage de la demanderesse. Ces contradictions n'étaient pas des questions sans importance. Elles touchaient l'essence des prétentions de la demanderesse à l'égard du mariage forcé et de sa fuite subséquente vers la résidence de son oncle.

[15]            Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n'a été proposée aux fins de la certification et aucune question n'est énoncée.

       JUGEMENT

PAR LA PRÉSENTE LA COUR ORDONNE :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2. Aucune question de portée générale n'est énoncée.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-3428-02

INTITULÉ :                                         AKOSUA AFRIYIE

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 10 JUIN 2003

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                             LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                     LE 27 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

MUNYONZWE HAMALENGWA                                         POUR LA DEMANDERESSE

GREG G. GEORGE                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MUNYONZWE HAMALENGWA

AVOCAT

45, AVENUE SHEPPARD EST, BUREAU 900

TORONTO (ONTARIO)                                                         POUR LA DEMANDERESSE

M2N 5W9

Téléphone : (416) 222-8111

Télécopieur : (416) 222-7518

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                   POUR LE DÉFENDEUR

TORONTO (ONTARIO)


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