Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                       

                                                                                                                     Date : 20040505

                                                                                                                   Dossier : T-39-94

                                                                                                      Référence : 2004 CF 659

Toronto (Ontario), le 5 mai 2004

En présence de Monsieur le juge Campbell

ENTRE :

                           CLIFF BEGG, ROLLIE BEGG, BENTLEY BROWN,

               DALE CONACHER, KEITH CONACHER, LAURIE CONACHER,

                                MILTON CONACHER ET MILES JOHNSON

                                                                                                                           Demandeurs

                                                                (Intimés dans la requête en jugement sommaire)

                                                                       et

                            SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

                    REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE

                                                            DU CANADA

                                                                                                                         Défenderesse

                                                         (Requérante dans la requête en jugement sommaire)


                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En 1991, 253 wapitis du troupeau des demandeurs, faisant partie d'une exploitation agricole dans le district de Mervin en Saskatchewan, ont été abattus par ordonnance de la défenderesse en raison de la tuberculose (m. bovis) et le noeud de la présente action consiste en le fait que, bien qu'une indemnité ait été versée conformément à la loi, la défenderesse n'a pas versé aux demandeurs un montant correspondant à la valeur marchande des animaux détruits. Du point de vue juridique et factuel, les demandeurs croient que ce défaut de payer est manifestement déraisonnable et injuste. Le principal objectif des demandeurs dans la présente action est non seulement d'obtenir la pleine valeur marchande des animaux détruits, mais également d'obtenir les pertes de revenus de l'élevage des wapitis en raison de l'éradication.

[2]                Afin d'atteindre leur objectif, les demandeurs ont produit une contestation à deux volets: d'une part, des allégations de négligence de la part de la défenderesse en raison de l'échec de ses efforts relativement au contrôle des maladies, et d'autre part un argument selon lequel la loi limitant le montant de l'indemnité versée est inopérante.

[3]                En réponse à la contestation, la défenderesse a présenté une requête en jugement sommaire en vertu du paragraphe 213(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) demandant le rejet de la demande de dommages-intérêts fondée sur les allégations de négligence au motif qu'elle ne présente aucune véritable question litigieuse. Dans le cadre de la même requête, elle demande également une ordonnance en vertu du paragraphe 221(1) en radiation de la demande de jugement déclaratoire à l'égard de la limitation légale de l'indemnité au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action valable.

[4]                Les principes régissant le jugement sommaire au sein de la Cour fédérale sont énoncés de la façon suivante dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), au paragraphe 8 :

[traduction]

1.          les Règles de la Cour fédérale en matière de jugement sommaire ont pour but de permettre à la Cour de se prononcer par voie sommaire sur les affaires qui ne présentent aucune véritable question litigieuse;

2.          le critère consiste à déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d'être examinée davantage;

3.          chaque affaire devrait être interprétée dans son contexte;

4.          les règles de pratique provinciales peuvent faciliter l'interprétation des Règles de la Cour fédérale;


5.          les questions de fait et les questions de droit peuvent être tranchées dans le cadre d'une requête;

6.          un jugement sommaire ne peut être rendu si l'ensemble de la preuve ne comporte pas les faits nécessaires;

7.          lorsque des questions sérieuses sont soulevées au sujet de la crédibilité, le tribunal devrait instruire l'affaire.

[5]                Selon les motifs de l'ordonnance et l'ordonnance énoncés ci-dessous, je souscris aux arguments présentés par la défenderesse et j'accorde les ordonnances demandées.

A. Déroulement de l'instance

[6]                L'action a été introduite au moyen d'une déclaration en date du 1er avril 1993 et a été modifiée pour la première fois le 2 février 1998 et pour la dernière fois par la deuxième déclaration modifiée en date du 16 avril 1999 (la déclaration). La requête en jugement sommaire a été déposée par les demandeurs le 30 juin 1999 (la requête).


[7]                La requête a été entendue le 28 avril 2003. À cette date, la défenderesse a fait valoir que l'article 9 de la Loi sur la responsabilitécivile de l'État et le contentieux administratif, L.R. (1985), ch. C-50 (la LRCECA) fait en sorte que l'action des demandeurs cherchant une autre indemnité découlant de la destruction du troupeau de wapitis est irrecevable. Au cours de l'audience, on a soulevé la question de savoir si une action en justice portant sur un délit civil intentionnel d' « abus d'autorité dans l'exercice d'une charge publique » , contrairement à une demande fondée sur une « simple négligence » , était également irrecevable en vertu de l'article 9 de la LRCECA. On a également soulevé la question de savoir si les demandeurs étaient en mesure de fournir un fondement probatoire pour leurs allégations formulées contre les représentants du gouvernement portant sur l'action fautive délibérée et sur l'abus d'autorité.

[8]                La requête en jugement déclaratoire a été ajournée avec le consentement de toutes les parties afin de permettre aux demandeurs de compléter le dossier de la preuve relativement aux allégations d'abus d'autorité dans l'exercice d'une charge publique. Après la production de la preuve par affidavit et les interrogatoires, les demandeurs ont expressément abandonné toutes les demandes visant les représentants du gouvernement pour abus d'autorité dans l'exercice d'une charge publique et ont convenu que la déclaration devait être tenue pour avoir été modifiée en conséquence.


B. Le contexte juridique et factuel

1. Le contexte juridique

[9]                En fait, l'indemnité en l'espèce a été versée en vertu de deux lois distinctes. Tel que cela a été mentionné ci-dessus, l'indemnité visant l'éradication de 253 wapitis n'a pas été versée en fonction de la valeur marchande. Toutefois, un montant correspondant à la valeur marchande de certains autres animaux a été versé, tel que cela est précisé ci-dessous. Puisque le défaut de verser une indemnité complète constitue l'élément important de la présente action, il est utile d'établir, dès le début, le contexte juridique dans lequel cette dernière a été versée et, par la suite, d'indiquer la façon dont ce contexte s'est appliqué aux faits en litige.


[10]            En 1990, la protection des animaux était régie par l'ancienne Loi sur les maladies et la protection des animaux, L.R. (1985), ch. A-11 (l'ancienne Loi). L'ancienne Loi permettait au ministre de détruire un animal contaminé ou soupçonné d'être contaminé par une maladie infectieuse ou contagieuse et de verser au propriétaire de l'animal détruit une indemnité correspondant à la valeur marchande qu'il déterminait lui-même; surtout, elle permettait de fixer l'indemnité à une valeur inférieure à la valeur marchande uniquement dans le cas des chevaux, des bovins et des moutons. Par conséquent, si des wapitis avaient été détruits en application de l'ancienne Loi et que le ministre avait décidé de verser une indemnité, cette indemnité aurait correspondu à la valeur marchande.

[11]            L'ancienne Loi a été remplacée par la Loi sur la santé des animaux, L.C. 1990 ch. 21 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 1991 et qui a permis la promulgation du règlement prévoyant l'indemnité maximum pour tous les types d'animaux qui devaient être abattus et, par conséquent, pour les wapitis.

[12]            Bien que la Loi sur la santé des animaux soit entrée en vigueur le 1er janvier 1991, son règlement portant sur l'indemnité n'a été promulgué qu'environ trois mois plus tard. Il importe de noter que, pendant cette période intermédiaire, une décision importante a été prise, à savoir le 1er février 1991, la défenderesse a ordonné un moratoire sur l'abattage des wapitis domestiques en vertu duquel l'abattage des wapitis était remis jusqu'à nouvel ordre et il n'a été révoqué qu'après la promulgation du règlement.

[13]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur la santé des animaux sont ainsi rédigées :



48. (1) Le ministre peut prendre toute mesure de disposition, notamment de destruction, -- ou ordonner à leur propriétaire, ou à la personne qui en a la possession, la responsabilité ou la charge des soins, de le faire -- à l'égard des animaux ou choses qui :a) soit sont contaminés par une maladie ou une substance toxique, ou soupçonnés de l'être;

48. (1) The Minister may dispose of an animal or thing, or require its owner or any person having the possession, care or control of it to dispose of it, where the animal or thing

(a) is, or is suspected of being, affected or contaminated by a disease or toxic substance;



b) soit ont été en contact avec des animaux ou choses de la catégorie visée à l'alinéa a) ou se sont trouvés dans leur voisinage immédiat;

c) soit sont des substances toxiques, des vecteurs ou des agents causant des maladies, ou sont soupçonnés d'en être.

Indemnisation : animal

51. (1) Le ministre peut ordonner le versement, sur le Trésor, d'une indemnité au propriétaire de l'animal :

a) soit détruit au titre de la présente loi, soit dont la destruction a été ordonnée par l'inspecteur ou l'agent d'exécution mais mort avant celle-ci;

b) blessé au cours d'un examen ou d'une séance de traitement ou d'identification effectués, au même titre, par un inspecteur ou un agent d'exécution et mort ou détruit en raison de cette blessure;

c) affecté à des expériences au titre du paragraphe 13(2).

Montant de l'indemnité

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), l'indemnité payable est égale à la valeur marchande, selon l'évaluation du ministre, que l'animal aurait eue au moment de l'évaluation si sa destruction n'avait pas été ordonnée, déduction faite de la valeur de son cadavre.

(b) has been in contact with or in close proximity to another animal or thing that was, or is suspected of having been, affected or contaminated by a disease or toxic substance at the time of contact or close proximity; or

(c) is, or is suspected of being, a vector, the causative agent of a disease or a toxic substance.

Compensation to owners of animals

51. (1) The Minister may order compensation to be paid from the Consolidated Revenue Fund to the owner of an animal that is

(a) destroyed under this Act or is required by an inspector or officer to be destroyed under this Act and dies after the requirement is imposed but before being destroyed;

(b) injured in the course of being tested, treated or identified under this Act by an inspector or officer and dies, or is required to be destroyed, as a result of the injury; or

(c) reserved for experimentation under paragraph 13(2)(a).   

Amount of compensation

(2) Subject to subsections (3) and (4), the amount of compensation shall be

(a) the market value, as determined by the Minister, that the animal would have had at the time of its evaluation by the Minister if it had not been required to be destroyed



Plafond

(3) La valeur marchande ne peut dépasser le maximum réglementaire correspondant à l'animal en cause.

Indemnité supplémentaire

(4) L'indemnisation s'étend en outre, lorsque les règlements le prévoient, aux frais de disposition, y compris de destruction.

Règlements

55. Le ministre peut, par règlement:

a) régir le mode de calcul de la valeur marchande des animaux difficilement commercialisables selon lui;

b) fixer les plafonds des valeurs marchandes des animaux ou des choses ou leur mode de calcul;

c) autoriser l'indemnisation pour frais de disposition -- notamment par destruction -- d'animaux ou de choses et fixer soit le montant de celle-ci ainsi que le plafond, soit le mode de leur détermination.

minus

(b) the value of its carcass, as determined by the Minister.

Maximum value

(3) The value mentioned in paragraph (2)(a) shall not exceed any maximum amount established with respect to the animal by or under the regulations.

Additional compensation

(4) In addition to the amount calculated under subsection (2), compensation may include such costs related to the disposal of the animal as are permitted by the regulations.

Regulations

55. The Minister may make regulations

(a) respecting the method of calculating the market value of animals for which the Minister considers there is no readily available market;

(b) establishing maximum amounts, or the manner of calculating maximum amounts, for the purpose of subsection 51(3) or section 52; and

(c) permitting compensation for any costs related to the disposal of animals and things and for determining the amounts of the compensable costs, including prescribing maximum amounts.

[14]            Le 18 mars 1991, le ministre de l'Agriculture a établi le Règlement sur l'indemnisation en cas de destruction d'animaux, DORS/91-22 en vertu de l'alinéa 55b) de la Loi sur la santé des animaux. L'article 4 de ce règlement imposait un montant d'indemnité maximum qui pourrait être versé aux propriétaires de wapitis qui devaient être détruits en vertu de la Loi sur la santé des animaux. Cet article est ainsi rédigé :

4. Le plafond de la valeur marchande payable au propriétaire d'un wapiti devant être détruit en application des alinéas 48(1)a) or b) de la Loi sur la santé des animaux est de :

a) 3 500 $ pour un mâle;

b) 7 000 $ pour une femelle.

4. The maximum amount that may be paid to the owner of an elk that is destroyed or required to be destroyed under paragraph 48(1)(a) or (b) of the Health of Animals Act is

(a) $3,500 for each such male elk; and

(b) $7,000 for each such female elk.

[15]            Le Résumé de l'étude d'impact du Règlement sur l'indemnisation en cas de destruction d'animaux indique que les nouveaux maximums compris dans l'article 4 entraîneraient des versements d'indemnité d'environ 40 p. 100 moins que si aucun maximum n'avait été mis en place et il indique également que le motif de la mise en place des maximums consiste en le fait que le maintien des versements selon la pleine valeur marchande [TRADUCTION] « serait injuste tant pour le grand public que pour les propriétaires de bovins puisque les montants maximums établis en ce qui concerne l'indemnité pour les bovins sont très inférieurs à ceux imposés pour les wapitis » .


2. Le contexte factuel

[16]            Les faits pertinents par rapport à la requête en jugement sommaire ne sont pas contestés. À titre de propriétaires d'un troupeau de wapitis domestiques, les demandeurs fondent la présente action sur les événements qui suivent.

1.          Le 16 octobre 1990 ou vers cette date, les employés d'Agriculture Canada ont été avisés des résultats de l'autopsie d'une femelle wapiti appartenant aux demandeurs qui était morte le 9 octobre 1990 ou vers cette date. En raison de ce rapport, on a soupçonné que le troupeau des demandeurs était contaminé par la tuberculose.


2.          Le 17 octobre 1990, agissant en vertu de l'ancienne Loi sur les maladies et la protection des animaux, Agriculture Canada a mis le troupeau en quarantaine pendant que ce dernier faisait l'objet d'une enquête afin d'empêcher de propager davantage la maladie, si elle était présente dans le troupeau. Dans le cadre de l'enquête, des échantillons de tissus de la femelle wapiti ont été remis au laboratoire afin d'obtenir une confirmation de la culture. Par conséquent, le 18 janvier 1991, Agriculture Canada a confirmé le diagnostic de la tuberculose au sein du troupeau de wapitis des demandeurs.

3.          Le 17 octobre 1990, le troupeau de wapitis des demandeurs consistait en 258 wapitis qui étaient mis en quarantaine le même jour et en 2 wapitis qui ont été trouvés à un autre endroit.

4.          Le troupeau de wapitis des demandeurs, comprenant 260 têtes, a été détruit de la façon suivante :

a)                   la destruction et l'abattage de deux wapitis ont été ordonnés le 26 novembre 1990;      

b)          deux sont morts de causes non liées à l'enquête sur la tuberculose alors qu'ils étaient mis en quarantaine, mais avant que la tuberculose ne soit confirmée au sein du troupeau de wapitis des demandeurs;

c)          trois sont morts après la confirmation de la tuberculose, mais avant que leur destruction ne soit ordonnée;

d)          la destruction et l'abattage de 253 wapitis ont été ordonnés entre le 19 avril 1991 et le 26 juin 1991.


5.          Les demandeurs ont reçu une indemnité pour les deux animaux dont la destruction a été ordonnée le 26 novembre 1990 en vertu de l'ancienne Loi sur les maladies et la protection des animaux.

6.          Les demandeurs ont reçu une indemnité pour les 253 animaux dont la destruction a été ordonnée entre le 19 avril 1991 et le 26 juin 1991 et pour les trois animaux qui sont morts après la confirmation de la présence de la tuberculose, mais avant que leur destruction ne puisse être ordonnée en vertu de la Loi sur la santé des animaux.

7.          En somme, les demandeurs ont reçu une indemnité pour 258 de leurs animaux. L'indemnité totale accordée aux demandeurs en vertu des deux lois s'est élevée à 1 533 000 $.

3. Observations


[17]            Un point central important du contexte juridique et factuel consiste en le fait que le 18 janvier 1991, Agriculture Canada a confirmé le diagnostic de tuberculose au sein du troupeau. Bien que les demandeurs aient reçu une indemnité complète en vertu de l'ancienne Loi pour deux wapitis détruits avant le 1er janvier 1991 et, bien qu'en date du 18 janvier 1991, il était évident que le restant du troupeau devait être détruit, aucune mesure pour ce faire n'a été prise avant le mois d'avril en raison du moratoire imposé le 1er février. Pendant cette période d'interruption, le Règlement sur l'indemnisation en cas de destruction d'animaux est entré en vigueur et a eu pour effet de réduire de façon importante l'indemnité que les demandeurs s'attendaient à recevoir, compte tenu du versement d'une indemnité complète prévu dans l'ancienne Loi.

[18]            Il n'est pas difficile de comprendre la raison pour laquelle les mesures prises relativement à la modification ont entraîné les allégations de mauvaise foi et de pratique déloyale de la part des défendeursformulées par les demandeurs.

C. Les allégations de négligence

[19]            En raison du déroulement de l'instance dans le cadre de la présente action et de la restriction subséquente des questions, tel que cela est indiqué ci-dessus, l'allégation de négligence se trouve exposée dans la version modifiée du paragraphe 43 et du sous-paragraphe 43a) de la déclaration :

[traduction]

43. Subsidiairement, les demandeurs affirment que leurs pertes ont été occasionnées par la négligence de la défenderesse, représentée par le ministre de l'Agriculture du Canada ou par la fausse déclaration négligente formulée par le ministre.

43a). Les demandeurs affirment en outre que la défenderesse s'est comportée de façon si inacceptable, impitoyable et abusive et qu'elle a fait preuve d'une telle insouciance déréglée et d'une telle négligence démesurée que des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs doivent être imposés.

[20]            En conséquence, la réparation suivante est demandée au paragraphe 44 de la déclaration :

[traduction]

44f). Un jugement contre la défenderesse pour les dommages subis par les demandeurs en raison de la perte de biens et de la perte de profits en raison de la négligence, la négligence grave ou les actes intentionnels de la défenderesse;

44f)(A). Un jugement contre la défenderesse pour la juste valeur marchande des wapitis détruits en raison des actes négligents ou irréguliers de la défenderesse ainsi que l'intérêt et les dommages pour la perte commerciale en découlant;

44f)(B). Des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs.

1. Article 9 de la Loi sur la responsabilitécivile de l'État et le contentieux administratif (la LRCECA)

[21]            Il n'existait aucune cause d'action contre la Couronne fédérale fondée sur le droit de la responsabilité civile délictuelle puisque la responsabilité à cet égard lui a été imposée par une loi et, dans sa forme actuelle, elle est créée et définie dans la partie I de la LRCECA. L'article 3 de LRCECA qui crée la responsabilité de la Couronne fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle est ainsi rédigé :

3. En matière de responsabilité, l'État est assimilé à une personne pour :

a) dans la province de Québec :

(i) le dommage causé par la faute de ses préposés,

3. The Crown is liable for the damages for which, if it were a person, it would be liable

(a) in the Province of Quebec, in respect of

(i) the damage caused by the fault of a servant of the Crown, or



(ii) le dommage causé par le fait des biens qu'il a sous sa garde ou dont il est propriétaire ou par sa faute à l'un ou l'autre de ces titres;

b) dans les autres provinces :

(i) les délits civils commis par ses préposés,

(ii) les manquements aux obligations liées à la propriété, à l'occupation, à la possession ou à la garde de biens.

(ii) the damage resulting from the act of a thing in the custody of or owned by the Crown or by the fault of the Crown as custodian or owner; and

(b) in any other province, in respect of

(i) a tort committed by a servant of the Crown, or

(ii) a breach of duty attaching to the ownership, occupation, possession or control of property.

[22]            La responsabilité de la Couronne fondée sur le droit de la responsabilité délictuelle est précisée et restreinte par d'autres dispositions de la LRCECA. Par exemple, l'article 10 précise la nature de la responsabilité du fait d'autrui de la Couronne selon les sous-alinéas 3a)(i) ou 3b)(i) :

10. L'État ne peut être poursuivi, sur le fondement des sous-alinéas 3a)(i) ou b)(i), pour les actes ou omissions de ses préposés que lorsqu'il y a lieu en l'occurrence, compte non tenu de la présente loi, à une action en responsabilité contre leur auteur, ses représentants personnels ou sa succession

10. No proceedings lie against the Crown by virtue of subparagraph 3(a)(i) or (b)(i) in respect of any act or omission of a servant of the Crown unless the act or omission would, apart from the provisions of this Act, have given rise to a cause of action for liability against that servant or the servant's personal representative or succession.

[23]            La version antérieure de l'article 9 de la LRCECA était le paragraphe 4(1) de la Loi sur la responsabilité de l'État, S.R.C. 1952-53 qui prévoyait ce qui suit :



4. (1) On ne peut exercer de recours contre la Couronne, ou un préposé de la Couronne, en raison d'un décès, de blessures, dommages ou autres pertes, si une pension ou une indemnité a été payée ou est payable (par prélèvement sur le Fonds du revenu consolidé ou sur des fonds gérés par un organisme mandataire de la Couronne) relativement à ce décès, ces blessures, dommages ou autres pertes.

4. (1) No proceedings lie against the Crown or a servant of the Crown in respect of a claim if a pension or compensation has been paid or is payable out of the Consolidated Revenue Fund or out of any funds administered by an agency of the Crown in respect of the death, injury, damage or loss in respect of which the claim is made.

L'article 9, qui est en litige en l'espèce, est identique à la version anglaise du paragraphe 4(1); il restreint, selon les modalités ci-après énoncées, les limites de la responsabilité de la Couronne lorsqu'une pension ou une indemnité est payable :

9. Ni l'État ni ses préposés ne sont susceptibles de poursuites pour toute perte -- notamment décès, blessure ou dommage -- ouvrant droit au paiement d'une pension ou indemnité sur le Trésor ou sur des fonds gérés par un organisme mandataire de l'État.

9. No proceedings lie against the Crown or a servant of the Crown in respect of a claim if a pension or compensation has been paid or is payable out of the Consolidated Revenue Fund or out of any funds administered by an agency of the Crown in respect of the death, injury, damage or loss in respect of which the claim is made.

a. La jurisprudence


[24]            La jurisprudence reconnaît que l'objet de l'article 9 de la LRCECA est d'empêcher une double réparation ou l'attribution de dommages-intérêts accrus ou différents se rapportant au même incident, aux mêmes blessures ou à la même perte, lorsque la pension ou indemnité a été payée au titre d'un régime sans égard à la responsabilité, comme c'est le cas pour les accidents du travail. (Voir les décisions Langille c. Canada (Ministre de l'Agriculture), 44 F.T.R. 60 (1re inst.); [1992] 2 C.F. 208 (C.A.); Sarvanis c. Canada,[2002] 1 R.C.S. 921 etMarsot c.Canada (Ministère de la Défense nationale), [2002] 3 C.F. 579 (1re inst.).

[25]            Avant l'adoption de la Loi sur la responsabilité de l'État, la double réparation était possible puisqu'il n'existait aucune interdiction visant la poursuite en dommages-intérêts relativement à une blessure ou à la mort pour laquelle le demandeur ou les personnes à sa charge recevaient ou avaient droit de recevoir une pension ou une indemnité de la Couronne. Dans l'arrêt Sarvanis de la Cour suprême du Canada, aux paragraphes 28 et 29, le juge Iacobucci a conclu, de la façon suivante, que l'article 9 reflète l'intention du législateur d'empêcher la double réparation :

À mon avis, bien que libellé en termes larges, l'art. 9 de la Loi sur la responsabilitécivile de l'État et le contentieux administratif n'en exige pas moins que, pour qu'elle fasse obstacle à une action contre ltat, la pension ou l'indemnité payée ou payable ait le même fondement factuel que l'action. En d'autres termes, l'article 9 traduit le désir rationnel du législateur d'empêcher la double indemnisation d'une même réclamation dans les cas où le gouvernement est responsable d'un acte fautif mais où il a déjà effectué un paiement à cet égard. Autrement dit, cette disposition n'exige pas que la pension ou le paiement soit versé en dédommagement de lvénement pertinent, mais uniquement que le fondement précis de leur versement soit l'existence de cet événement.


Cette large portée est nécessaire pour éviter que ltat ne soit tenu responsable, sous des chefs accessoires de dommages-intérêts, de l'événement pour lequel une indemnité a déjà été versée. Autrement dit, en cas de versement d'une pension tombant dans le champ d'application de l'art. 9, un tribunal ne saurait connaître d'une action dans laquelle on ne réclame des dommages-intérêts que pour douleurs et souffrances ou encore pour perte de jouissance de la vie, du seul fait que ce chef de dommage ne correspond pas à celui qui a apparemment été indemnisé par la pension. Tous les dommages découlant du fait ouvrant droit à pension sont visés par l'art. 9, dans la mesure où la pension ou l'indemnité est versée « in respect of » la même perte - notamment décès, blessure ou dommage -- ou sur le même fondement.

[26]            Dans l'arrêt Langille, la Cour d'appel fédérale a conclu que, lorsqu'un demandeur a été indemnisé pour la destruction de son bétail contaminé, l'article 9 empêche une action indiquant que la décision de détruire les biens du demandeur a été prise de façon négligente. En outre, la Cour a conclu qu'un demandeur ne peut poursuivre une action qui conteste le montant ou le caractère raisonnable de l'indemnité reçue.

[27]            Dans l'arrêt Langille, les demandeurs ont intenté contre l'État une action en dommages-intérêts par suite de la destruction de leurs animaux d'élevage malades par le ministre de l'Agriculture en vue d'empêcher la propagation de la maladie. Une indemnité a été versée aux demandeurs directement sur le Trésor en dédommagement de ses pertes en vertu de la Loi sur les maladies et la protection des animaux. La Cour a conclu que le paragraphe 4(1) de la LRCECA s'appliquait à l'indemnité versée et, par conséquent, faisait obstacle à l'action. Le juge Stone a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

Selon nous, la large portée du paragraphe 4(1) comprend certainement les dommages ou les pertes faisant l'objet de la demande portant sur leurs animaux détruits présentée par les intimés en l'espèce. L'indemnité a été payée « relativement à » des « dommages ou [...] pertes » résultant de la destruction des animaux et il s'agit dans la présente action d'une demande « relativement à » ces mêmes « dommages ou [...] pertes » . La seule différence est que les intimés cherchent en l'espèce au moyen de leur action délictuelle à obtenir à lgard de ladite destruction une indemnité en sus de celle qui leur a été versée sur le Fonds du revenu consolidé en 1978. À notre avis, le paragraphe 4(1) de la Loi sur la responsabilitéde la Couronne les en empêche.


b. La présente requête

[28]            Dans leur déclaration, les demandeurs allèguent que la destruction de leurs animaux a été causée par la négligence de la défenderesse et ils revendiquent des dommages-intérêts ou une réparation pour les pertes au titre de leurs animaux détruits malgré l'indemnité qui leur a déjà été versée à cet égard.

[29]            À l'appui de la requête, la défenderesse soutient, sans reconnaître que la négligence ait été prouvée, que l'article 9 de la LRCECA prévoit un moyen de défense contre toute action fondée sur la négligence.

[30]            En réponse, les demandeurs présentent l'argument suivant :

[traduction]

Les demandeurs reconnaissent que l'article 9 de la Loi sur la responsabilitécivile de l'État et le contentieux administratif peut offrir une protection dans des cas ordinaires dradication en raison de m. bovis. La réclamation des demandeurs visant leurs pertes ne porte pas entièrement sur cette exigence, mais comporte des pertes supplémentaires causées par la négligence de la défenderesse, soit celle se rapportant à l'existence d'une maladie au sein de notre troupeau donnant lieu à l'exigence dradiquer. [Non souligné dans l'original.] (Nouveau mémoire complémentaire, déposé le 30 octobre 2003, page 8, paragraphe 22).


[31]            Selon mon interprétation de la nuance formulée, les demandeurs soutiennent que l'article 9 vise uniquement à offrir une défense aux mesures négligentes prises par les représentants du gouvernement dans le cours normal d'une éradication, alors que la négligence visée par l'action porte sur le fait d'avoir permis l'entrée de la tuberculose bovine au Canada à l'origine et, par la suite, de ne pas avoir pris les mesures appropriées pour l'éradiquer dès qu'elle a été découverte.

[32]            L'intimée se fonde sur le droit afin de soutenir que cette nuance importe peu et je partage son avis.

[33]            À mon avis, l'article 9 de la LRCECA s'applique clairement à l'indemnité reçue du Trésor par les demandeurs en vertu de la Loi sur la santé des animaux. La perte qui a créé leur droit à une indemnité, à savoir la perte de leurs wapitis, constitue la même perte pour laquelle ils cherchent maintenant une réparation fondée sur le droit de la responsabilité civile délictuelle.

[34]            Par conséquent, je conclus que l'article 9 de la LRCECA fait obstacle à toute réclamation par les demandeurs visant le préjudice, les dommages ou la perte découlant de la destruction de leur troupeau. En outre, vu l'arrêt Langille, les demandeurs ne peuvent obtenir gain de cause en contestant le montant ou le caractère raisonnable de l'indemnité reçue.

[35]            En conséquence, en ce qui concerne les allégations de négligence, je conclus qu'il n'existe aucune véritable question litigieuse.


2. Article 50 de la Loi sur la santé des animaux

[36]            Cette disposition prévoit ce qui suit :

RESTRICTION DE RESPONSABILITÉ

Non-responsabilité de Sa Majesté

50. Sa Majesté n'est pas tenue des pertes, dommages ou frais -- loyers ou droits -- entraînés par l'exécution des obligations découlant de la présente loi ou des règlements, notamment celle de fournir des terrains, locaux, laboratoires ou autres installations et d'en assurer l'entretien au titre de l'article 31.

LIMITATION ON LIABILITY

Her Majesty not liable

50. Where a person must, by or under this Act or the regulations, do anything, including provide and maintain any area, office, laboratory or other facility under section 31, or permit an inspector or officer to do anything, Her Majesty is not liable

(a) for any costs, loss or damage resulting from the compliance; or

(b) to pay any fee, rent or other charge for what is done, provided, maintained or permitted.

[37]            Subsidiairement à la position selon laquelle l'article 9 de la LRCECA prévoit un moyen de défense, la défenderesse soutient que l'article 50 de la Loi sur la santé des animaux a également pour effet d'écarter la demande de dommages-intérêts des demandeurs. Comme j'ai accepté l'argument relatif à l'article 9 de la défenderesse, je conclus qu'il n'est pas nécessaire de trancher l'argument subsidiaire.


3. Préjudice corporel

[38]            Les demandeurs ont également soulevé l'argument suivant au paragraphe 46 de leur nouveau mémoire complémentaire :

[traduction]

46. Les demandeurs, certains plus que d'autres, ainsi que de nombreuses autres personnes, ont été exposés à m. bovis et ils sont susceptibles de contracter la maladie parfois mortelle qui dure toute la vie et ils risquent de la transmettre à d'autres personnes ou à des animaux au sein de leur troupeau.

Comme la déclaration ne fait mention d'aucun préjudice corporel et que les demandeurs n'ont déposé aucune preuve faisant état d'une lésion qu'ils auraient subie, je conclus qu'il n'y a pas de véritable question litigieuse.

D. Le droit limitant le montant de l'indemnité

1. L'argument de la Loi sur les maladies et la protection des animaux

[39]            Comme une indemnité complète pour deux wapitis a été versée en vertu de la Loi sur les maladies et la protection des animaux, une indemnité complète à tous égards aurait dû, selon les demandeurs, être versée en vertu de la loi abrogée :


[traduction]

Les actes de procédure des demandeurs portant sur la négligence mentionnent une activité qui est survenue avant l'adoption de la Loi sur la santé des animaux et dans le cadre de la Loi sur les maladies et la protection des animaux. Les actes de négligence invoqués ont entraîné l'infection à m. bovis de notre troupeau. Par conséquent, les demandeurs invoquent la Loi sur les maladies et la protection des animaux. (Nouveau mémoire complémentaire, page 4, paragraphe 15.)

En conséquence, les demandeurs soutiennent, au sous-paragraphe 44a) de la déclaration, que l'ancienne Loi sur les maladies et la protection des animaux et ses règlements d'application s'appliquent à la destruction des wapitis des demandeurs et à l'indemnisation de cette destruction.

[40]            Comme j'ai conclu que toute négligence de la part de l'intimée n'ouvrait pas droit à une action et comme l'éradication des wapitis des demandeurs ainsi que l'indemnisation qui en a découlé ont été accomplies sous le régime de la Loi sur la santé des animaux, je conclus que cet argument ne soulève pas de véritable question litigieuse.

2. L'argument de la « loi inopérante »

a. Effet rétroactif

[41]            Les demandeurs font valoir ce qui suit au paragraphe 36 de la déclaration :


[traduction]

36. Les demandeurs affirment que l'article 4 du Règlement sur les plafonds des valeurs marchandes des animaux devant être détruits est invalide et inopérant parce que la loi a un effet rétroactif sans que cela ait été expressément prévu.

Le redressement demandé au sous-paragraphe 44d) consiste à déclarer que l'argument est bien fondé.

[42]            La présente affaire concerne le changement d'un régime législatif strict. Comme il est indiqué ci-dessus, la loi a été modifiée le 1er janvier 1991 et le règlement touchant l'indemnisation a été modifié le 18 mars 1991. L'action des demandeurs est fondée sur une opposition personnelle aux modifications, mais, en bout de ligne, je conclus que cela ne repose sur aucun fondement juridique. À mon avis, aucun argument portant sur la rétroactivité ne peut être considéré comme une véritable question litigieuse.

b. « ultra vires »

[43]            Les demandeurs réclament le redressement suivant dans la déclaration :

[traduction]

44b). Une déclaration selon laquelle le moratoire sur l'abattage des wapitis malades imposé par le ministre de l'Agriculture défendeur avait un but illégitime et n'a donc aucun effet;


44c). Subsidiairement, une déclaration selon laquelle l'article 4 du Règlement sur les plafonds des valeurs marchandes des animaux devant être détruits est ultra vires de la Loi sur la santé des animaux et n'a donc aucun effet;

44e). Subsidiairement, une déclaration selon laquelle l'article 4 du Règlement sur les plafonds des valeurs marchandes des animaux devant être détruits a été adopté de mauvaise foi, il avait un but illégitime ou il était fondé sur des considérations non pertinentes et n'a donc aucun effet.

[44]            Dans la décision Abel c. Canada (Ministre de l'Agriculture) (2001), 215 F.T.R. 72 (C.F. 1re inst.), les conclusions formulées relativement à la Loi sur la santé des animaux et au Règlement sur les plafonds des valeurs marchandes des animaux devant être détruits indiquaient qu'il « est indéniable que le ministre a agi de bonne foi et s'est fondé sur des motifs appropriés lorsqu'il a adopté la Loi et le Règlement » (paragraphe 9) et que [traduction]_ « la Loi et le Règlement sont opérants » (paragraphe 15). Néanmoins, dans le cadre de la présente requête, les demandeurs ont soulevé l'argument selon lequel ces conclusions devraient être revues et infirmées au motif que leur cause d'action a pris naissance avant que la décision Abel ne soit tranchée et qu'un fondement probatoire différent permettait de conclure à la mauvaise foi ou au but illégitime.

[45]            Je conclus que la date où la supposée cause d'action a pris naissance en l'espèce n'a aucune importance quant aux demandes présentées. À la date des présents motifs de l'ordonnance et ordonnance, la décision Abel représente l'état du droit. Je conclus également qu'aucune preuve en l'espèce n'a été déposée, tout comme dans la décision Abel, pour justifier les arguments soulevés. Pour ce motif, je décide que cet argument ne soulève pas une véritable question litigieuse.


E. Les questions connexes

1. Questions de procédure

[46]            Les paragraphes 37 et 38 de la déclaration sont ainsi rédigés :

[traduction]

37. Les demandeurs affirment que la défenderesse et le ministre de l'Agriculture sont tenus d'agir équitablement envers les demandeurs en ne portant pas atteinte à leurs droits et en ne modifiant pas la pratique régulière de la défenderesse en ce qui concerne l'indemnité accordée pour les wapitis détruits sans qu'un préavis raisonnable n'ait été envoyé aux demandeurs.

38. Les demandeurs affirment qu'ils s'attendaient raisonnablement à recevoir la juste valeur marchande pour les wapitis détruits et qu'ils n'ont pu s'assurer contre le risque de perte et l'indemnisation pour un montant inférieur à la juste valeur marchande, ou prendre des précautions à cet égard, ni autrement réduire leurs pertes entre prenant d'autres dispositions en raison des actions de la défenderesse par l'entremise du ministre de l'Agriculture.

Ces plaintes liées à la procédure reflètent la frustration et les attentes déçues des demandeurs, comme l'indique la section B(3) ci-dessus. Cependant, comme j'ai conclu que la modification de la loi et du règlement était légitime, je suis d'avis qu'ils n'ont pas soulevé de véritable question litigieuse.

2. Responsabilité de la rupture de contrat


[47]            Dans leur argumentation (déposée le 19 mars 2002, Document 107, paragraphes 5 à 17), les demandeurs précisent que, lorsque l'on a confirmé que m. bovis avait infecté leur troupeau et que l'on a permis la destruction ordonnée et l'expérimentationscientifique, la défenderesse s'est engagée à verser aux demandeurs la pleine valeur marchande des wapitis. En effet, les demandeurs font valeur qu'il n'est pas contesté que, même après qu'ils eurent unilatéralement retardé la destruction le 1er février 1991 et que, même après l'entrée en vigueur du nouveau règlement portant sur l'indemnisation le 18 mars 1991, la défenderesse a continué d'assurer aux demandeurs qu'ils recevraient la juste valeur marchande pour leurs wapitis comme elle l'avait promis. Bien entendu, cela ne s'est pas produit.

[48]            Les demandeurs pourraient très bien posséder la preuve de l'existence d'un contrat, cependant, je suis d'accord avec la défenderesse pour dire qu'elle ne constitue pas une question en litige devant être tranchée en l'espèce puisque la déclaration ne parle pas d'un contrat.                

F. Conclusion

[49]            Pour les raisons précitées, j'accueille la requête.

G. Dépens


[50]            La défenderesse demande les dépens de la requête. Les demandeurs s'y sont opposés, déclarant que, compte tenu du contexte juridique et factuel de l'affaire, ils avaient raison de présenter une demande et de faire valoir leur point de vue. En effet, les demandeurs soutiennent qu'étant donné ce contexte, ils n'agissaient pas seulement dans leur propre intérêt, mais également dans celui du public. J'accorde du poids à cet argument.

[51]            À mon avis, il convient de prendre en considération le fait que les demandeurs n'étaient pas représentés à l'audition de la requête alors que la Couronne disposait des ressources de l'État pour préparer et plaider la requête. Bien qu'il soit vrai qu'on a consacré beaucoup d'efforts pour contester les questions en litige qui ne se sont pas avérées de véritables questions litigieuses, compte tenu du contexte juridique et factuel, je peux certainement comprendre la raison pour laquelle les demandeurs se sont acharnés à faire accueillir leur action. À mon avis, adjuger les dépens de la requête à la défenderesse reviendrait à punir les demandeurs et je crois que ce serait injuste.

[52]            En conséquence, je rejette la demande de la défenderesse et je n'adjuge aucuns dépens.

                                                     


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

En conséquence, pour les motifs exposés :

                                                     

1.    En vertu du paragraphe 216(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), la requête en jugement sommaire soit accueillie et les demandes de dommages-intérêts soient rejetées puisqu'elles ne présentent pas de véritable question litigieuse;

2.    En vertu du paragraphe 221(1) des Règles de la Cour fédérale (1998), les demandes en jugement déclaratoire soient radiées puisqu'elles ne dévoilent aucune cause d'action raisonnable.

Bien que la partie ayant obtenu gain de cause, la défenderesse, ait demandé de se voir adjuger les dépens, pour les raisons précitées, je n'adjuge aucuns dépens.

                                                                      « Douglas R. Campbell »                 

                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                             T-39-94

INTITULÉ :                            CLIFF BEGG, ROLLIE BEGG, BENTLEY BROWN, DALE CONACHER, KEITH CONACHER, LAURIE CONACHER, MILTON CONACHER ET MILES JOHNSON

                                                                                         Demandeurs

                                     (Intimés dans la requête en jugement sommaire)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE DU CANADA

                                                                                        Défenderesse

                              (Requérante dans la requête en jugement sommaire)

LIEU DE L'AUDIENCE :                  SASKATOON (SASKATCHEWAN)

DATE DE L'AUDIENCE :                15 AVRIL 2004     

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE CAMPBELL

DATE :                                                LE 5 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Dale Conacher

POUR LES DEMANDEURS (pour son propre compte et celui des demandeurs)


Myra J. Yuzak      

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Dale Conacher

Mervin (Saskatchewan)

POUR LES DEMANDEURS (pour son propre compte et celui des demandeurs)

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Saskatoon (Saskatchewan)

POUR LA DÉFENDERESSE


                   COUR FÉDÉRALE

                  Date : 20040505

                            Dossier : T-39-94

ENTRE :

CLIFF BEGG, ROLLIE BEGG, BENTLEY BROWN, DALE CONACHER, KEITH CONACHER, LAURIE CONACHER, MILTON CONACHER ET MILES JOHNSON

                                                   Demandeurs

(Intimés dans la requête en jugement sommaire)

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, REPRÉSENTÉE PAR LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE DU CANADA

                                                 Défenderesse

(Requérante dans la requête en jugement sommaire)

                                                                                                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                   


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.